Mesdames, monsieur le ministre, tous les auteurs et hommes de culture ici présents, je vous présente à tous, mes respects ainsi qu’à Madame Zadi Zaourou et famille.
La nouvelle m’est parvenue quelques heures qui ont suivi la disparition de notre illustre Zadi. Cela s’imposait à moi de venir. Mais, en toute honnêteté, je ne voulais pas prendre la parole. Le comité d’organisation m’a expressément demandé d’être témoin de l’homme. Sinon, d’être témoin des rapports que le professeur Zadi Zaourou a eus avec moi. Je ne le connaissais pas. Il ne me connaissait pas… Mes premiers écrits datent de mon cours moyen deuxième année, c’est-à-dire 1955. J’ai créé et dirigé une troupe de théâtre. Puis, à partir de 1960, à l’Ecole normale des instituteurs de Dabou appelée Colline verte, à 50 kms d’ici. J’ai écrit des pièces de théâtre mais surtout, entre les pièces, il y avait des poèmes qu’on déclama. Et des illustres personnalités ont assisté à certaines de mes présentations comme, l’illustre Goffi Gadaud. Nous avons joué à Dabou, Abidjan, Grand Bassam et ailleurs. Un jour, on me demande de publier ces écrits. Mes premiers ouvrages, ‘’Satire sous le sahel, ‘’Refrain sous le sahel’’, ‘’Quand s’envolent les grues couronnées’’ sortiront aux éditions Pierre Jean Osvlad de Paris, en 1976.
D’Abidjan à Manega…Comment j’ai connu le professeur
En 1978, ma femme m’appelle parce que j’étais à l’extérieur pour me dire qu’un professeur est venu à Manéga, mon village à 50 kms de Ouagadougou. Mais, il fallait trois heures pour y accéder car il n’y avait pratiquement pas de routes d’accès. Ce professeur est venu, il est de Côte d’Ivoire. C’est-à-dire un étranger. J’ai demandé ce qu’il était venu faire. On dit qu’il était venu pour comprendre mes écrits parce qu’il a décidé de mettre à l’Ecole Normale Supérieure d’Abidjan et à l’université d’Abidjan mes recueils de poèmes. J’étais surpris.
Je demande comment il est, comment il s’appelle ? Personne ne peut répondre. Et ma femme qui me dit : il a une tignasse.
Or, publiant en 1976 par Pierre Jean Osvald, j’avais demandé à avoir le catalogue de 1975. Le professeur en question (Ndlr ; Zadi) avait une publication de 1975. Voilà comment je l’ai connu. Pour des raisons professionnelles, je me retrouve à Abidjan et je fais tout pour le connaître.
- Je dis professeur, qu’est-ce qu’il y a d’intéressant dans mes écrits pour vous pousser à aller jusque dans ce village?
Et il me parle de cette poésie que je ne comprenais pas, tellement à mon sens c’était élogieux. Je retourne au village, les anciens disent : fils, fais attention ! Qu’une autre personnalité quitte son pays, pour venir dans ton pays, le visage quelque peu anonyme, il faut que tu retrouves tes écrits et que tout ce qui va arriver soit de qualité. Implicitement, le professeur Zadi Zaourou aura été celui qui a fait ma personnalité de la plume comme du comportement. Il dit dans l’ouvrage ‘’Quand s’envolent les grues couronnées’’, Maître Pacéré a parlé de la termitière. On lui dit, la termitière c’est le symbole de la société. Les termites passent tout leur temps à construire la termitière. C’est-à-dire cette devise : Si près de ton pays, il faut apporter quelque chose à ce que les devanciers ont apporté. Si la termitière vit, elle ajoute la terre à la terre. Il se retrouve en ce lieu triste puisqu’il s’agit d’un cimetière des reines où j’ai écrit mon ouvrage ‘’Quand s’envolent les grues couronnées’’.
…Sur la route du
mystique
Il demande que signifie la grue couronnée. La grue couronnée vient d’un horizon lointain, survole le village et disparait de l’autre côté de l’horizon. C’est en fait l’homme. L’homme ne meurt pas. L’homme vient d’ailleurs. Il vit sa vie terrestre et il continue dans l’au-delà. Il faut, donc, savoir que la grue couronnée c’est l’homme du travail, mais l’homme qui ne meurt pas. J’apprendrai plus tard il a crée son parti politique et pris la grue couronnée comme symbole. Il a été à un autre lieu assez mystique. En Occident, le Dieu chrétien est le Dieu d’Isaac et de Jacob. Pour les Mossi du Burkina Faso (qui représentent 52% de la population, c’est-à-dire avec la diaspora – ils sont environ huit ou dix millions), leur Dieu est appelé Naba Zidwendé – c’est-à-dire le Dieu de Naba Zida. La tombe de cet homme, Zida, est justement à Manega. Zida, c’est un saint homme du lieu. Mais, ce fut un homme au 12è siècle qui s’opposa à des exécutions capitales. Ce fut donc un homme de paix. A titre d’illustration de la pratique, le roi dit : « si les coutumiers veulent faire des incantations pour s’adresser à Dieu, ils se retournent vers le sud en disant je m’adresse au dieu de Naba Zida. Si c’est ceux du sud s’adressant aux morts, ils disent je m’adresse au dieu de Naba Zida. Mais personne ne sait où est cette tombe de Naba Zida parce qu’on fait tout pour garder le mystère ». Et à Manega, il était interdit d’indiquer le lieu de la tombe. Mais tout le monde sait, la raison est simple. Tous les trois ans, on rase la tombe et on reconstruit non avec de l’eau mais avec du dolo (Ndlr ; boisson à base de mil). Je disais à des Français, c’est comme si tous les trois ans, on rase les invalides, et on reconstruit avec du vin. Personne ne peut dire, comme on le fait Manega, qu’on ne sait pas où est la tombe. Le lieu est un lieu de paix, un lieu de sagesse. Il a donc parcouru tout cela. Et c’est à partir de là qu’il a prodigué ses enseignements. Et il a produit. Il a eu à me présenter beaucoup de ses élèves, j’allais dire de ses étudiants qui ont pris la relève. J’ai connu avec lui les Wèrè Wèrè Liking, Marie Josée Hourantier, Yepri, Amoa Urbain et Coulibaly Mawa. J’ai connu tous ceux qui ont décidé de prendre la relève. Si j’en parle, c’est dire qu’en Afrique l’homme qui meurt est l’homme qui n’a pas préparé de relève. Nous sommes tous frappés par la précarité mais le vrai homme est celui qui a préparé une relève. Dans une telle situation, on ne peut que sécher les larmes et souhaiter le repos éternel à l’intéressé.
Pacéré, émissaire
des anciens de Manega auprès de la famille Zadi
Quand nous avons au niveau de Manega, sinon du pays, appris le décès, j’ai eu à échanger avec des anciens du village qui m’ont dit, c’est un fait de Dieu. Ce qui plaît à Dieu plaît aux hommes. Nous ne pouvons pas lutter contre notre précarité d’homme. C’est une volonté divine. Mais, nous voulons témoigner de cette amitié que ce professeur Zadi Zaourou a eue pour Manega, pour le Burkina, je veux dire pour les hommes de cultures de formation, de défense de la culture et sans frontière. Pour cela, le fameux Naba Zidwendé, celui qui, en quelque sorte, intercède pour que les hommes puissent connaître la paix et l’au-delà, on a décidé et on a enlevé la terre de cette tombe-là et puis, me la remettre. Le professeur Zadi Zaourou a été au cimetière des reines où il y a eu l’envol de la grue couronnée. On a enlevé la terre que Zadi Zaourou lui-même a eu à connaître. Et là où il est dit que si la termitière vit, elle ajoute la terre à la terre, on a enlevé la terre. Et on m’a remis toute cette terre pour que je vienne la remettre à la famille si tant est que cela n’a pas d’incompatibilité avec la culture du milieu, que les terres que Zadi Zaourou lui-même a eu à connaître – qui sont des terres d’intercessions auprès de divinités pour le repos des hommes, puissent être approchées de son dernier lieu de repos ; et que cela sans frontière de nations, sans frontière d’hommes, participe à l’expression de l’homme, j’allais dire qui ne peut plus mourir. C’est ainsi que je suis venu, je sollicite que vous séchiez vos larmes. Zadi Zaourou, la Côte d’Ivoire l’a produit, Soubré l’a produit, mais il s’est occupé outre de son pays, de toute l’Afrique. Aussi à mon sens, c’est toute l’Afrique qui le pleure. Je demande à madame, aux enfants, aux autorités, aux artistes, aux écrivains, séchez vos larmes parce que cet homme est en fait une grue couronnée, c’est-à-dire un être vivant qui vit, qui change seulement de contrées et qui ne peut pas mourir.
Paix à son âme.
Propos recueillis par Koné Saydoo
La nouvelle m’est parvenue quelques heures qui ont suivi la disparition de notre illustre Zadi. Cela s’imposait à moi de venir. Mais, en toute honnêteté, je ne voulais pas prendre la parole. Le comité d’organisation m’a expressément demandé d’être témoin de l’homme. Sinon, d’être témoin des rapports que le professeur Zadi Zaourou a eus avec moi. Je ne le connaissais pas. Il ne me connaissait pas… Mes premiers écrits datent de mon cours moyen deuxième année, c’est-à-dire 1955. J’ai créé et dirigé une troupe de théâtre. Puis, à partir de 1960, à l’Ecole normale des instituteurs de Dabou appelée Colline verte, à 50 kms d’ici. J’ai écrit des pièces de théâtre mais surtout, entre les pièces, il y avait des poèmes qu’on déclama. Et des illustres personnalités ont assisté à certaines de mes présentations comme, l’illustre Goffi Gadaud. Nous avons joué à Dabou, Abidjan, Grand Bassam et ailleurs. Un jour, on me demande de publier ces écrits. Mes premiers ouvrages, ‘’Satire sous le sahel, ‘’Refrain sous le sahel’’, ‘’Quand s’envolent les grues couronnées’’ sortiront aux éditions Pierre Jean Osvlad de Paris, en 1976.
D’Abidjan à Manega…Comment j’ai connu le professeur
En 1978, ma femme m’appelle parce que j’étais à l’extérieur pour me dire qu’un professeur est venu à Manéga, mon village à 50 kms de Ouagadougou. Mais, il fallait trois heures pour y accéder car il n’y avait pratiquement pas de routes d’accès. Ce professeur est venu, il est de Côte d’Ivoire. C’est-à-dire un étranger. J’ai demandé ce qu’il était venu faire. On dit qu’il était venu pour comprendre mes écrits parce qu’il a décidé de mettre à l’Ecole Normale Supérieure d’Abidjan et à l’université d’Abidjan mes recueils de poèmes. J’étais surpris.
Je demande comment il est, comment il s’appelle ? Personne ne peut répondre. Et ma femme qui me dit : il a une tignasse.
Or, publiant en 1976 par Pierre Jean Osvald, j’avais demandé à avoir le catalogue de 1975. Le professeur en question (Ndlr ; Zadi) avait une publication de 1975. Voilà comment je l’ai connu. Pour des raisons professionnelles, je me retrouve à Abidjan et je fais tout pour le connaître.
- Je dis professeur, qu’est-ce qu’il y a d’intéressant dans mes écrits pour vous pousser à aller jusque dans ce village?
Et il me parle de cette poésie que je ne comprenais pas, tellement à mon sens c’était élogieux. Je retourne au village, les anciens disent : fils, fais attention ! Qu’une autre personnalité quitte son pays, pour venir dans ton pays, le visage quelque peu anonyme, il faut que tu retrouves tes écrits et que tout ce qui va arriver soit de qualité. Implicitement, le professeur Zadi Zaourou aura été celui qui a fait ma personnalité de la plume comme du comportement. Il dit dans l’ouvrage ‘’Quand s’envolent les grues couronnées’’, Maître Pacéré a parlé de la termitière. On lui dit, la termitière c’est le symbole de la société. Les termites passent tout leur temps à construire la termitière. C’est-à-dire cette devise : Si près de ton pays, il faut apporter quelque chose à ce que les devanciers ont apporté. Si la termitière vit, elle ajoute la terre à la terre. Il se retrouve en ce lieu triste puisqu’il s’agit d’un cimetière des reines où j’ai écrit mon ouvrage ‘’Quand s’envolent les grues couronnées’’.
…Sur la route du
mystique
Il demande que signifie la grue couronnée. La grue couronnée vient d’un horizon lointain, survole le village et disparait de l’autre côté de l’horizon. C’est en fait l’homme. L’homme ne meurt pas. L’homme vient d’ailleurs. Il vit sa vie terrestre et il continue dans l’au-delà. Il faut, donc, savoir que la grue couronnée c’est l’homme du travail, mais l’homme qui ne meurt pas. J’apprendrai plus tard il a crée son parti politique et pris la grue couronnée comme symbole. Il a été à un autre lieu assez mystique. En Occident, le Dieu chrétien est le Dieu d’Isaac et de Jacob. Pour les Mossi du Burkina Faso (qui représentent 52% de la population, c’est-à-dire avec la diaspora – ils sont environ huit ou dix millions), leur Dieu est appelé Naba Zidwendé – c’est-à-dire le Dieu de Naba Zida. La tombe de cet homme, Zida, est justement à Manega. Zida, c’est un saint homme du lieu. Mais, ce fut un homme au 12è siècle qui s’opposa à des exécutions capitales. Ce fut donc un homme de paix. A titre d’illustration de la pratique, le roi dit : « si les coutumiers veulent faire des incantations pour s’adresser à Dieu, ils se retournent vers le sud en disant je m’adresse au dieu de Naba Zida. Si c’est ceux du sud s’adressant aux morts, ils disent je m’adresse au dieu de Naba Zida. Mais personne ne sait où est cette tombe de Naba Zida parce qu’on fait tout pour garder le mystère ». Et à Manega, il était interdit d’indiquer le lieu de la tombe. Mais tout le monde sait, la raison est simple. Tous les trois ans, on rase la tombe et on reconstruit non avec de l’eau mais avec du dolo (Ndlr ; boisson à base de mil). Je disais à des Français, c’est comme si tous les trois ans, on rase les invalides, et on reconstruit avec du vin. Personne ne peut dire, comme on le fait Manega, qu’on ne sait pas où est la tombe. Le lieu est un lieu de paix, un lieu de sagesse. Il a donc parcouru tout cela. Et c’est à partir de là qu’il a prodigué ses enseignements. Et il a produit. Il a eu à me présenter beaucoup de ses élèves, j’allais dire de ses étudiants qui ont pris la relève. J’ai connu avec lui les Wèrè Wèrè Liking, Marie Josée Hourantier, Yepri, Amoa Urbain et Coulibaly Mawa. J’ai connu tous ceux qui ont décidé de prendre la relève. Si j’en parle, c’est dire qu’en Afrique l’homme qui meurt est l’homme qui n’a pas préparé de relève. Nous sommes tous frappés par la précarité mais le vrai homme est celui qui a préparé une relève. Dans une telle situation, on ne peut que sécher les larmes et souhaiter le repos éternel à l’intéressé.
Pacéré, émissaire
des anciens de Manega auprès de la famille Zadi
Quand nous avons au niveau de Manega, sinon du pays, appris le décès, j’ai eu à échanger avec des anciens du village qui m’ont dit, c’est un fait de Dieu. Ce qui plaît à Dieu plaît aux hommes. Nous ne pouvons pas lutter contre notre précarité d’homme. C’est une volonté divine. Mais, nous voulons témoigner de cette amitié que ce professeur Zadi Zaourou a eue pour Manega, pour le Burkina, je veux dire pour les hommes de cultures de formation, de défense de la culture et sans frontière. Pour cela, le fameux Naba Zidwendé, celui qui, en quelque sorte, intercède pour que les hommes puissent connaître la paix et l’au-delà, on a décidé et on a enlevé la terre de cette tombe-là et puis, me la remettre. Le professeur Zadi Zaourou a été au cimetière des reines où il y a eu l’envol de la grue couronnée. On a enlevé la terre que Zadi Zaourou lui-même a eu à connaître. Et là où il est dit que si la termitière vit, elle ajoute la terre à la terre, on a enlevé la terre. Et on m’a remis toute cette terre pour que je vienne la remettre à la famille si tant est que cela n’a pas d’incompatibilité avec la culture du milieu, que les terres que Zadi Zaourou lui-même a eu à connaître – qui sont des terres d’intercessions auprès de divinités pour le repos des hommes, puissent être approchées de son dernier lieu de repos ; et que cela sans frontière de nations, sans frontière d’hommes, participe à l’expression de l’homme, j’allais dire qui ne peut plus mourir. C’est ainsi que je suis venu, je sollicite que vous séchiez vos larmes. Zadi Zaourou, la Côte d’Ivoire l’a produit, Soubré l’a produit, mais il s’est occupé outre de son pays, de toute l’Afrique. Aussi à mon sens, c’est toute l’Afrique qui le pleure. Je demande à madame, aux enfants, aux autorités, aux artistes, aux écrivains, séchez vos larmes parce que cet homme est en fait une grue couronnée, c’est-à-dire un être vivant qui vit, qui change seulement de contrées et qui ne peut pas mourir.
Paix à son âme.
Propos recueillis par Koné Saydoo