Un peu plus d’un an après sa prise de pouvoir, Ouattara est arrivé à faire une tournée à l’intérieur du pays. Certainement, comme pour prouver qu’il en est le chef, cette première visite est l’occasion de démontrer, comme il l’a affirmé à l’occasion de son premier discours à Man qu’il «est le président de tous les Ivoiriens» ! Réalité, volonté ou illusion, cette affirmation interpelle, lorsqu’ on se souvient de ses actes, ses propos, ses décisions durant ces 12 mois, ainsi que des attitudes de ses collaborateurs les plus proches. Et, à l’analyse, il est permis de se demander «quelle Côte d’Ivoire ce régime veut-il et à quels Ivoiriens son discours s’adresse» ? Au moment où son nouveau premier ministre initie «un dialogue républicain» avec une certaine opposition, il paraît impérieux de s’interroger autour de cette question globale et espérer voir les questions qui en découlent être prises en compte par les parties à ce dialogue tant attendu, représentatifs ou non des Ivoiriens que ces leaders pourraient être et surtout des aspirations actuelles de nos concitoyens, face aux nombreuses incertitudes produites par la gestion du régime durant cette période et les messages entendus ici et là, de la bouche des responsables du régime d’Abidjan. On l’a souvent entendu, parfois de façon abusive, mais, aujourd’hui plus que jamais, cela semble vrai : la Côte d’Ivoire est à la croisée des chemins et son avenir paraît bien plus sombre et incertain que jamais. Et pourtant, l’actualité, telle que reportée par les médias dominants donne le sentiment que notre pays va bien, que la démocratie y progresse et que la réconciliation se réalise, et que la justice s’y construit objectivement et s’applique sans parti pris. Certes, il y a encore de nombreuses personnes en exil et pas uniquement des leaders politiques ou d’anciens responsables de l’administration Gbagbo. Certes, il y a encore de nombreux prisonniers politiques et les arrestations politiques continuent, contre toute rigueur juridique. Certes, les exactions, les spoliations et les crimes se poursuivent, ciblés contre des populations particulières ou contre des partisans de Laurent Gbagbo. Certes, des coupables de crimes clairement identifiés restent libres et sont même promus et célébrés. Certes, des élections législatives et exclusives ont eu lieu, aussi choquant que cela s’avère. Certes, l’opposition est sommée de dénaturer pour plaire. Certes, le «rattrapage ethnique» est appliqué avec science et méthode, comme au temps «glorieux» du nazisme et du fascisme ailleurs. Certes, l’éthique, le mérite et la mal-gouvernance sont érigés en mode de gestion. Certes les lois et la constitution sont régulièrement violées et foulées du pied. Entre autre ! Mais, selon le régime et son chef, la Côte d’Ivoire va bien, puisqu’il est le chef de «tous les Ivoiriens», comme pour mieux s’en convaincre que pour convaincre quiconque, d’ailleurs! Pendant ce temps, on se prépare à «dialoguer» entre pouvoir et «opposition». Pour organiser la démocratie autour de Ouattara et selon ses desidérata. Pour «fabriquer une opposition sur mesure», comme on a constitué une assemblée nationale selon un format qui «convienne». Comme on entend exercer le pouvoir selon des désirs qui sont totalement à l’opposé des aspirations des Ivoiriens. Pas ces «Ivoiriens» dont Ouattara de proclame le président, non ! Mais des Ivoiriens qui ont œuvré pendant plusieurs décennies pour poser les bases d’une démocratie ambitieuse et même audacieuse, pour un pays africain. Car, Ouattara est bien finalement «président», mais d’une Côte d’Ivoire que seul, lui connaît. Il reste néanmoins indéniable que la Côte d’Ivoire doit se «réinventer», pour rester objectif. Comment, avec qui, ou sur quelles bases ? Là se trouvent les vrais enjeux actuels. Et, face à ceux-ci, ni le régime, ni les éventuels opposants ne semblent proposer la bonne démarche, si tant est qu’ils aient compris, l’un, l’autre ou les deux la nature des enjeux et l’acuité de cette nécessité. Faut-il leur en vouloir et surtout, à qui réellement revient la responsabilité d’en définir le cadre ? Si ce responsable est identifié, a-t-il le droit d’imposer sa seule «vision» ou doit-il accepter de voir sa perspective contester, afin de savoir «imaginer», avec courage, raison et sagesse la meilleure voie, celle qui sauve notre pays, plus qu’elle ne sauve un pouvoir ou même un homme ? La quadrature du cercle dont, face à laquelle le pays piétine, assurément, depuis un an, accroissant dangereusement les incertitudes et imposant toutes les hypothèques qu’un pays doit pourtant pouvoir éviter, surtout face à une crise comme celle que traverse la Côte d’Ivoire. Construire une démocratie, une République, ce n’est pas imposer un point de vue unique, privilégier une pensée unique, soutenir une voie unique ou exprimer une voix particulière, contre toutes diversités et dans le déni de toute justice autre que celle qui sert à faire prospérer l’injustice. Diriger, c’est certes imprimer sa marque et privilégier sa vision. Mais, cela ne peut se faire dans l’invective, la violence ou la répression de tout ce qui entend s’opposer et critiquer. S’opposer, c’est non seulement proposer, mais c’est surtout ne pas céder ou se soumettre, car aucune alternative crédible ne peut se construire dans la transaction avec un pouvoir, aussi puissant et violent qu’il s’affirme et s’exprime. S’opposer, c’est bannir les compromis douteux ou les arrangements incestueux. Autrement et à l’inverse, tous ceux qui participent à la consolidation de l’extrémisme d’état en cours d’établissement en Côte d’Ivoire doivent admettre que tout pouvoir est par essence éphémère, soit par la limite de l’existence humaine, soit par les prescriptions des lois fondamentales du pays. Et donc, quelles que soient la férocité de la dictature et la violence de la répression, l’opposition politique doit s’atteler à rendre superficielles les conséquences et la gravité des actes dudit pouvoir. Face à face, pouvoir et opposition en Côte d’Ivoire doivent aujourd’hui être capables de constater avec objectivité l’état de destruction du rêve démocratique que les Ivoiriens ont mis en pratique ces dernières décennies, malgré les imperfections normales de toutes constructions de cette envergure. Ils doivent admettre la destruction des progrès sociaux entreprise durant cette année de règne absolu, destruction soutenue par la négation du mérite et du respect de l’autre, de ses différences et de ses convictions, sous l’encadrement d’une éthique cynique, imposée par des contre-vérités patentes assénées au quotidien, de la brutalité répressive qui décourage même les plus téméraires idéalistes de la démocratie et des libertés fondamentales, exercée par des responsables iniquement bus par la soif de pouvoir absolu et personnel, dans la négation totale de tous droits primaires, proclamant pourtant l’état de droit, pour mieux en abuser et pour transformer tout esprit critique et contraire à la soumission et la trahison qui avilissent. Sommes-nous simplement capables de nous opposer à cela ? Il suffit qu’ils nous accusent, sans aucun fondement, de volonté de coup d’Etat pour nous emprisonner, quand nous sommes spoliés au quotidien, emprisonnés, voire tués, pour nous présenter comme des irréductibles et des ennemis du dialogue. «Ceux, en exil, qui ne veulent pas rentrer sont ceux-là qui se reprochent quelque chose, qui n’ont pas la conscience tranquille et donc qui iront certainement en prison dès que nous leur mettrons la main dessus, où qu’ils se trouvent », nous dit-on inlassablement, pour préparer « le dialogue républicain » tant vanté !
Nous nous opposerions à quoi et comment, si, notre sort est ainsi déjà scellé et que notre droit de nous taire est la condition immuable de tout dialogue, notre obligation de reconnaître «nos fautes», notre seule planche de salut et l’impératif de faire allégeance, notre seule alternative. Même si nous manquons de courage, nos incapacités actuelles, multiples et notre manque de soutien «mondial», devrions nous-pour autant accompagner une telle logique ? Nous nous sommes donc battus toutes ces années pourquoi ? Nous avons toléré et accepté ces autres, en qui nous voyions des frères et sœurs, mais qui nous posaient en ennemis, pourquoi ? Nous avons perdu des amis et êtres chers pourquoi, quand eux nous exigent de «demander pardon», là où eux sont totalement innocentés, dans une logique «loi du plus fort» ? Aspirons-nous encore à la démocratie dans notre Côte d’Ivoire, pour admettre que des faits précèdent l’existence de la loi, que la loi soit une vulgaire «serpillère» sous des «sandales dégoulinantes du sang de nos concitoyens ». L’ouest a été manipulé », nous assène-t-on ? À moins de se laisser envahir par un orgueil bien aveuglant, nul ne peut décemment prétendre que cette partie de la Côte d’Ivoire, comment de nombreuses autres d’ailleurs, n’avait pas de conviction, pas d’âme, pas de vision d’elle-même, dans la Côte d’Ivoire démocratique qui se construisait avec maturité et conscience ! Qui le prétend, n’a certainement rien compris de la sociologie véritable de notre pays. Non, nous ne sommes pas tous des moutons qu’on traîne à coups de slogans sans contenu. Non, nous ne sommes pas tous des putschistes, uniquement déterminés à accroître les souffrances des Ivoiriens. Non, nous ne sommes pas tous des assoiffés de pouvoir, seulement intéressés par la parade populaire et les effluves de la « gueule de bois matinale quotidienne ». Non, nous ne sommes pas tous, Ivoiriens que nous sommes, des voleurs, des violeurs, des criminels. Pourtant, nous sommes bien obligés, désormais nous défendre contre ces accusations infondées et partisanes, parce que nous avons osé choisir autre et défendre autre chose que ce qui nous est imposé. Nous ne le qualifierons pas ici, pour éviter le risque de perdre la nécessité du débat que nous posons, avec ces « journées du dialogue républicain » d’un genre nouveau et unique, qui comme un banquet, invite à la soupe, au moment où il faut imaginer une Côte d’Ivoire véritablement nouvelle, fondée sur le respect les uns des autres, jalouse de la diversité de sa société, fière de la richesse de ses opinions différentes, chanceuse de sa soif de démocratie et déterminée dans la construction d’un véritable état de droit, juste, impartial et capable de protéger toutes ses filles et tous ses fils, comme le proclame fièrement sa constitution pourtant dévoyée, déchirée et presque lasse. Face à l’absolutisme imposé par Ouattara et son régime, une profonde réflexion nous interpelle tous et en appelle autant à notre bon sens, notre sagesse, que nous courage commun. Ouattara ne peut pas prétendre que nombre d’entre nous sont coupables, simplement d’avoir tenu leurs responsabilités pour le pays, en même temps qu’il « absout » des personnes de son entourage, bien plus coupables aux yeux d’une justice qui serait objective dans l’absolu. Si c’est de justice qu’il s’agit, la superficialité des actes incriminés et la légèreté de la démarche appliquée condamne en soit sa volonté de faire de notre pays «un Etat de droit», car le droit, c’est bien autre chose que ce qui se voit actuellement dans notre pays. La superficialité aussi savamment conçue qu’elle puisse être, ne peut déterminer aussi aisément la nature de l’objectif visé, surtout quand celui-ci doit convenir à tous et doit contribuer à résoudre une crise aussi profonde et dont les responsabilités sont autant larges et partagées. Donc, soumettre une partie des protagonistes à la volonté des autres n’est pas de nature à rassurer, à moins, bien sûr de se croire au-dessus de tout, même de la justice elle-même. En cela, Ouattara et son régime continuent d’être les promoteurs de la division et de la haine, dont la pérennité seront assurément les fondements d’une déchirure bien plus profonde que celle que Ouattara prétend ainsi soigner. On ne réunit pas des groupes antagonistes par de la simple « magie de la parole et de la parade », même si celles-ci peuvent servir à accompagner les actes de hauteur et de grandeur. Ce qui n’est pas le cas actuellement en Côte d’Ivoire, où prime la superficialité par-dessus tout !
La lutte continue !
Ba Bemba
N.B : Le titre et le surtitre sont de la rédaction
Nous nous opposerions à quoi et comment, si, notre sort est ainsi déjà scellé et que notre droit de nous taire est la condition immuable de tout dialogue, notre obligation de reconnaître «nos fautes», notre seule planche de salut et l’impératif de faire allégeance, notre seule alternative. Même si nous manquons de courage, nos incapacités actuelles, multiples et notre manque de soutien «mondial», devrions nous-pour autant accompagner une telle logique ? Nous nous sommes donc battus toutes ces années pourquoi ? Nous avons toléré et accepté ces autres, en qui nous voyions des frères et sœurs, mais qui nous posaient en ennemis, pourquoi ? Nous avons perdu des amis et êtres chers pourquoi, quand eux nous exigent de «demander pardon», là où eux sont totalement innocentés, dans une logique «loi du plus fort» ? Aspirons-nous encore à la démocratie dans notre Côte d’Ivoire, pour admettre que des faits précèdent l’existence de la loi, que la loi soit une vulgaire «serpillère» sous des «sandales dégoulinantes du sang de nos concitoyens ». L’ouest a été manipulé », nous assène-t-on ? À moins de se laisser envahir par un orgueil bien aveuglant, nul ne peut décemment prétendre que cette partie de la Côte d’Ivoire, comment de nombreuses autres d’ailleurs, n’avait pas de conviction, pas d’âme, pas de vision d’elle-même, dans la Côte d’Ivoire démocratique qui se construisait avec maturité et conscience ! Qui le prétend, n’a certainement rien compris de la sociologie véritable de notre pays. Non, nous ne sommes pas tous des moutons qu’on traîne à coups de slogans sans contenu. Non, nous ne sommes pas tous des putschistes, uniquement déterminés à accroître les souffrances des Ivoiriens. Non, nous ne sommes pas tous des assoiffés de pouvoir, seulement intéressés par la parade populaire et les effluves de la « gueule de bois matinale quotidienne ». Non, nous ne sommes pas tous, Ivoiriens que nous sommes, des voleurs, des violeurs, des criminels. Pourtant, nous sommes bien obligés, désormais nous défendre contre ces accusations infondées et partisanes, parce que nous avons osé choisir autre et défendre autre chose que ce qui nous est imposé. Nous ne le qualifierons pas ici, pour éviter le risque de perdre la nécessité du débat que nous posons, avec ces « journées du dialogue républicain » d’un genre nouveau et unique, qui comme un banquet, invite à la soupe, au moment où il faut imaginer une Côte d’Ivoire véritablement nouvelle, fondée sur le respect les uns des autres, jalouse de la diversité de sa société, fière de la richesse de ses opinions différentes, chanceuse de sa soif de démocratie et déterminée dans la construction d’un véritable état de droit, juste, impartial et capable de protéger toutes ses filles et tous ses fils, comme le proclame fièrement sa constitution pourtant dévoyée, déchirée et presque lasse. Face à l’absolutisme imposé par Ouattara et son régime, une profonde réflexion nous interpelle tous et en appelle autant à notre bon sens, notre sagesse, que nous courage commun. Ouattara ne peut pas prétendre que nombre d’entre nous sont coupables, simplement d’avoir tenu leurs responsabilités pour le pays, en même temps qu’il « absout » des personnes de son entourage, bien plus coupables aux yeux d’une justice qui serait objective dans l’absolu. Si c’est de justice qu’il s’agit, la superficialité des actes incriminés et la légèreté de la démarche appliquée condamne en soit sa volonté de faire de notre pays «un Etat de droit», car le droit, c’est bien autre chose que ce qui se voit actuellement dans notre pays. La superficialité aussi savamment conçue qu’elle puisse être, ne peut déterminer aussi aisément la nature de l’objectif visé, surtout quand celui-ci doit convenir à tous et doit contribuer à résoudre une crise aussi profonde et dont les responsabilités sont autant larges et partagées. Donc, soumettre une partie des protagonistes à la volonté des autres n’est pas de nature à rassurer, à moins, bien sûr de se croire au-dessus de tout, même de la justice elle-même. En cela, Ouattara et son régime continuent d’être les promoteurs de la division et de la haine, dont la pérennité seront assurément les fondements d’une déchirure bien plus profonde que celle que Ouattara prétend ainsi soigner. On ne réunit pas des groupes antagonistes par de la simple « magie de la parole et de la parade », même si celles-ci peuvent servir à accompagner les actes de hauteur et de grandeur. Ce qui n’est pas le cas actuellement en Côte d’Ivoire, où prime la superficialité par-dessus tout !
La lutte continue !
Ba Bemba
N.B : Le titre et le surtitre sont de la rédaction