Lors de notre visite dans des quartiers d’Abidjan des filles de ménage aux abois pataugeaient entre ennui, angoisse et galère. Un récit qui retrace leur quotidien de plus en plus dramatique. Certes la capitale économique est un pole d’attraction pour les filles de toutes les régions qui n’ont pas eu la chance d’être scolarisées ou ayant abandonné tôt l’école, faute de moyens financiers de certains parents. Ainsi, pour se faire une place au soleil certaines d’entre elles préfèrent devenir fille de ménage à Abidjan. Mais cette aventure connait des fortunes diverses.
Pour avoir ce boulot, ces filles prennent contact avec des agences de placement de servantes qui leur proposent des emplois périlleux. Ces filles déposent une demande auprès des agences, qui les confient à des patronnes désireuses d’avoir une fille de ménage. Tout cela se fait moyennant une somme de 5000 Fcfa qu’elles paient à l’agence. Tant que l’agence ne trouve pas aux filles de famille un ok, elles sont obligées d’être à l’écoute ou même de passer des jours à l’agence dans l’espoir de se trouver du travail. Souvent certaines filles déboursent des fortunes avant d’avoir un débouché. Car certaines payent plus de 5000Fcfa dans plusieurs agences. Ce qui est devenu une véritable source de richesse, voire un gigantesque marché pour ces maisons qui pullulent à Abidjan. Les agences ne se préoccupent pas de la moralité des familles d’accueil. Tout ce qui les intéresse c’est leur argent. La plupart de ces agences n’ont aucune existence légale. De la manière les employeurs trouvent ces filles dans un état désespéré dans les agences, c’est aussi de cette manière qu’ils n’accordent pas du respect à ces filles. Mais est-ce une raison de régner en maitre face à une personne en détresse ? Ces filles n’ont-elles pas de droits à revendiquer ?
Le calvaire des filles de ménage
Une fois ce boulot décroché, c’est le début de souffrance, d’esclavage pour certaines. Lors de notre visite à Cocody (riviera Golf) qui est l’un des principaux pôles d’attraction à Abidjan aux environs de 6 heures et demie du matin, nous avons découvert la petite Traoré Salimata âgée de dix sept ans qui affichait une mine grise défraichie, visiblement noyée dans les soucis. « Je travaille dans cette maison. Et on m’y interdit de dormir. Je dors tous les jours à la terrasse. Mensuellement je ne reçois que 20 000Fcfa. Avant de signer le contrat, ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient payer que 30 000Fcfa à condition que je ne dorme pas chez eux. Et que si je dors ici, le salaire ne dépassera pas les 20 000f CFA, or mes tuteurs vivent à Yopougon. Cette distance m’a poussée à dormir ici ». nous a-t-elle confié.
Crise de confiance….
La confiance entre les employeurs et ces dernières est aujourd’hui brouillée. Certaines patronnes confirment qu’elles sont toujours victimes de ces filles. Car elles les considèrent comme des voleuses. Une situation qui fait que les employeurs n’acceptent plus qu’elles dorment sur les lieux de travail. «J’ai adopté une fille de ménage comme ma propre fille. Nous avons passé près de six ans ensemble et elle était devenue pratiquement ma confidente. Il a fallu un seul, jour pour que cette confiance se dégrade. Or c’est elle qui gardait la clé de ma chambre. Un jour en rentrant du travail, j’ai constaté qu’elle avait emporté tous mes bijoux et l’argent que je gardais sous le lit. Donc depuis ce temps je n’ai plus eu confiance en ces filles. Moi je préfère qu’elle viennent travailler et retourner à la maison le soir ». nous confiait, Mme Loukou Assistante de Direction à la riviera Faya.
Des patronnes ne font pas plus d’un mois avec des filles de ménage
Au moment où elles vont chercher ces filles dans les agences, elles se montrent beaucoup indulgentes et aimables. Mais une fois la fille foule le seuil de la maison, elles adoptent un autre comportement à l’endroit de celles-ci. A peine certaine femmes arrivent à lui payer convenablement le salaire promis. Et quand elles revendiquent, les patronnes n’hésitent pas à les menacer et les mettre dans la rue, avec pour slogan : « tant qu’il y a des filles qui sont en quête d’emploi dans les agences, les foyers ne resteront jamais sans servante ». A la riviera 2, une agence de placement de filles a refusé de confier des filles à Mme DK, qui n’arrive pas à faire plus d’un mois avec ses employées. Selon les responsables de cette agence, lorsqu’elle engage une fille, elle refuse de la payer après le premier mois. Aussi pour ce comportement toutes les filles la redoutent à cause des sévices qu’elles subissent chez elle. Elle n’est pas la seule femme à se montrer aussi désagréable vis à vis des filles de ménage. Elles sont nombreuses, ces femmes qui changent de servantes au gré de leurs humeurs.
La nourriture et l’usage de la douche et du WC sont interdits à certaines servantes
La chose la plus inhumaine qu’on n’aurait pas imaginée et à laquelle ces filles sont confrontées, c’est le fait que certaines travaillent et ne gouttent pas à la nourriture de leurs patrons. Elles sont obligées de payer la nourriture dehors ou attendre l’heure de la descente pour manger à la maison. C’est le cas de Mlle Nathalie qui dit être interdite de nourriture à son lieu de travail. « Avant de m’engager, ma patronne m’a dit que je n’ai pas droit à la nourriture que je prépare. Mais je suis payée à 35000Fcfa dans le mois. J’y suis déjà habituée. Je ne dors pas chez eux. Je suis obligée de payer tous les jours le transport ou de marcher pour venir à Adjamé (habitat) ou je réside en passant par le pont piéton qui relie Adjamé et le lycée technique de cocody. Quand il y a des invités je finis souvent tard et souvent je traverse ce pont piéton aux environs de 21 heures. Ce qui m’expose à de grands dangers .ils m’ont aussi interdit à doucher chez eux». Nous a-t-elle martelé. Par ailleurs certaines patronnes vont plus loin en interdisant ces filles de se soulager dans leur WC. «Ma patronne m’a interdit l’usage de ses toilettes, à Cocody Angré. Quand l’envie me prenait, je partais le faire chez un vieux gardien qui vivait dans une baraque avec sa famille. En ce moment là, je dormais dans la cuisine. Un jour je souffrais d’une diarrhée la nuit. Comme l’accès au WC m’était interdit, j’ai décidé de déféquer dans un sachet noir dans la cuisine. Ainsi, j’allais le jeter au petit matin Je vous assure que j’ai bien attaché le sachet de sorte que le déchet ne sente pas. Mais le lendemain comme d’habitude ma patronne se réveillait tôt. En vérifiant tout dans la cuisine, elle a découvert le sachet contenant le déchet. Malgré mes explications, et les interventions de son mari, elle m’a sévèrement menacée avec un pilon. Après quoi, elle m’a vidée de chez elle après deux mois sans salaire», s’est-elle indignée.
Présence encombrante, les femmes mariées se lamentent
Bien plus, les patronnes les soupçonnent le plus souvent d’être de petites sorcières ou d’arracheuses de maris. Et certains maris, trop accros du sexe n’hésitent pas à coucher avec ces filles en l’absence de leurs épouses. Cette situation pousse parfois des couples au divorce. Pour passer cette éventualité, certaines servantes sont interdites d’accès à la chambre conjugale. Quand elles sont présentes certaines patronnes mettent leurs maris sous haute surveillance. Elles sont nombreuses aujourd’hui, les servantes qui portent des grossesses de leurs patrons.
L’Etat encore impuissant
Jusqu’à ce jour l’Etat ivoiriens reste impuissant dans la protection des droits des filles de ménage. On pourrait même confirmer que les structures qui œuvrent pour la protection de ces filles sont quasiment inefficaces. Quand bien même le travail des filles de ménage est fortement critiqué, rien n’est entrepris par les autorités étatiques pour assainir et mieux organiser ce secteur qui est à la fois vitale et indispensable. Vivement que le gouvernement y songe.
Enquête réalisée par Fofana Zoumana
Pour avoir ce boulot, ces filles prennent contact avec des agences de placement de servantes qui leur proposent des emplois périlleux. Ces filles déposent une demande auprès des agences, qui les confient à des patronnes désireuses d’avoir une fille de ménage. Tout cela se fait moyennant une somme de 5000 Fcfa qu’elles paient à l’agence. Tant que l’agence ne trouve pas aux filles de famille un ok, elles sont obligées d’être à l’écoute ou même de passer des jours à l’agence dans l’espoir de se trouver du travail. Souvent certaines filles déboursent des fortunes avant d’avoir un débouché. Car certaines payent plus de 5000Fcfa dans plusieurs agences. Ce qui est devenu une véritable source de richesse, voire un gigantesque marché pour ces maisons qui pullulent à Abidjan. Les agences ne se préoccupent pas de la moralité des familles d’accueil. Tout ce qui les intéresse c’est leur argent. La plupart de ces agences n’ont aucune existence légale. De la manière les employeurs trouvent ces filles dans un état désespéré dans les agences, c’est aussi de cette manière qu’ils n’accordent pas du respect à ces filles. Mais est-ce une raison de régner en maitre face à une personne en détresse ? Ces filles n’ont-elles pas de droits à revendiquer ?
Le calvaire des filles de ménage
Une fois ce boulot décroché, c’est le début de souffrance, d’esclavage pour certaines. Lors de notre visite à Cocody (riviera Golf) qui est l’un des principaux pôles d’attraction à Abidjan aux environs de 6 heures et demie du matin, nous avons découvert la petite Traoré Salimata âgée de dix sept ans qui affichait une mine grise défraichie, visiblement noyée dans les soucis. « Je travaille dans cette maison. Et on m’y interdit de dormir. Je dors tous les jours à la terrasse. Mensuellement je ne reçois que 20 000Fcfa. Avant de signer le contrat, ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient payer que 30 000Fcfa à condition que je ne dorme pas chez eux. Et que si je dors ici, le salaire ne dépassera pas les 20 000f CFA, or mes tuteurs vivent à Yopougon. Cette distance m’a poussée à dormir ici ». nous a-t-elle confié.
Crise de confiance….
La confiance entre les employeurs et ces dernières est aujourd’hui brouillée. Certaines patronnes confirment qu’elles sont toujours victimes de ces filles. Car elles les considèrent comme des voleuses. Une situation qui fait que les employeurs n’acceptent plus qu’elles dorment sur les lieux de travail. «J’ai adopté une fille de ménage comme ma propre fille. Nous avons passé près de six ans ensemble et elle était devenue pratiquement ma confidente. Il a fallu un seul, jour pour que cette confiance se dégrade. Or c’est elle qui gardait la clé de ma chambre. Un jour en rentrant du travail, j’ai constaté qu’elle avait emporté tous mes bijoux et l’argent que je gardais sous le lit. Donc depuis ce temps je n’ai plus eu confiance en ces filles. Moi je préfère qu’elle viennent travailler et retourner à la maison le soir ». nous confiait, Mme Loukou Assistante de Direction à la riviera Faya.
Des patronnes ne font pas plus d’un mois avec des filles de ménage
Au moment où elles vont chercher ces filles dans les agences, elles se montrent beaucoup indulgentes et aimables. Mais une fois la fille foule le seuil de la maison, elles adoptent un autre comportement à l’endroit de celles-ci. A peine certaine femmes arrivent à lui payer convenablement le salaire promis. Et quand elles revendiquent, les patronnes n’hésitent pas à les menacer et les mettre dans la rue, avec pour slogan : « tant qu’il y a des filles qui sont en quête d’emploi dans les agences, les foyers ne resteront jamais sans servante ». A la riviera 2, une agence de placement de filles a refusé de confier des filles à Mme DK, qui n’arrive pas à faire plus d’un mois avec ses employées. Selon les responsables de cette agence, lorsqu’elle engage une fille, elle refuse de la payer après le premier mois. Aussi pour ce comportement toutes les filles la redoutent à cause des sévices qu’elles subissent chez elle. Elle n’est pas la seule femme à se montrer aussi désagréable vis à vis des filles de ménage. Elles sont nombreuses, ces femmes qui changent de servantes au gré de leurs humeurs.
La nourriture et l’usage de la douche et du WC sont interdits à certaines servantes
La chose la plus inhumaine qu’on n’aurait pas imaginée et à laquelle ces filles sont confrontées, c’est le fait que certaines travaillent et ne gouttent pas à la nourriture de leurs patrons. Elles sont obligées de payer la nourriture dehors ou attendre l’heure de la descente pour manger à la maison. C’est le cas de Mlle Nathalie qui dit être interdite de nourriture à son lieu de travail. « Avant de m’engager, ma patronne m’a dit que je n’ai pas droit à la nourriture que je prépare. Mais je suis payée à 35000Fcfa dans le mois. J’y suis déjà habituée. Je ne dors pas chez eux. Je suis obligée de payer tous les jours le transport ou de marcher pour venir à Adjamé (habitat) ou je réside en passant par le pont piéton qui relie Adjamé et le lycée technique de cocody. Quand il y a des invités je finis souvent tard et souvent je traverse ce pont piéton aux environs de 21 heures. Ce qui m’expose à de grands dangers .ils m’ont aussi interdit à doucher chez eux». Nous a-t-elle martelé. Par ailleurs certaines patronnes vont plus loin en interdisant ces filles de se soulager dans leur WC. «Ma patronne m’a interdit l’usage de ses toilettes, à Cocody Angré. Quand l’envie me prenait, je partais le faire chez un vieux gardien qui vivait dans une baraque avec sa famille. En ce moment là, je dormais dans la cuisine. Un jour je souffrais d’une diarrhée la nuit. Comme l’accès au WC m’était interdit, j’ai décidé de déféquer dans un sachet noir dans la cuisine. Ainsi, j’allais le jeter au petit matin Je vous assure que j’ai bien attaché le sachet de sorte que le déchet ne sente pas. Mais le lendemain comme d’habitude ma patronne se réveillait tôt. En vérifiant tout dans la cuisine, elle a découvert le sachet contenant le déchet. Malgré mes explications, et les interventions de son mari, elle m’a sévèrement menacée avec un pilon. Après quoi, elle m’a vidée de chez elle après deux mois sans salaire», s’est-elle indignée.
Présence encombrante, les femmes mariées se lamentent
Bien plus, les patronnes les soupçonnent le plus souvent d’être de petites sorcières ou d’arracheuses de maris. Et certains maris, trop accros du sexe n’hésitent pas à coucher avec ces filles en l’absence de leurs épouses. Cette situation pousse parfois des couples au divorce. Pour passer cette éventualité, certaines servantes sont interdites d’accès à la chambre conjugale. Quand elles sont présentes certaines patronnes mettent leurs maris sous haute surveillance. Elles sont nombreuses aujourd’hui, les servantes qui portent des grossesses de leurs patrons.
L’Etat encore impuissant
Jusqu’à ce jour l’Etat ivoiriens reste impuissant dans la protection des droits des filles de ménage. On pourrait même confirmer que les structures qui œuvrent pour la protection de ces filles sont quasiment inefficaces. Quand bien même le travail des filles de ménage est fortement critiqué, rien n’est entrepris par les autorités étatiques pour assainir et mieux organiser ce secteur qui est à la fois vitale et indispensable. Vivement que le gouvernement y songe.
Enquête réalisée par Fofana Zoumana