Ce n’est pas toujours facile de se déplacer à Abidjan. Certaines personnes utilisent comme moyen de transport les bus, les taxis communaux, taxis-compteurs ou des mini cars appelés communément ‘’gbakas’’. D’autres préfèrent les pinasses, ces bateaux de fortune qui opèrent sur la Lagune Ebrié.
Mardi 12 juin 2012, il est 6h. Une pluie diluvienne s’abat sur Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Mais Roger Kassy, employé dans une entreprise de commerce, à Attécoubé, doit se rendre à son service. Habitant dans la commune de Treichville, il se rend à la gare lagunaire, située près du pont Félix Houphouët-Boigny, pour emprunter une pinasse, embarcation de fortune faite de planche et équipé d’un moteur hors bord. Les pinasses rallient la commune de Treichville à Abobo-Doumé, et Locodjro dans la commune d’Attécoubé. Selon Roger K, ce mode de transport a deux avantages. « La pinasse est moins chère parce que cela ne coûte que 150 francs la traversée et c’est plus rapide ». En effet, le voyage entre Treichville et Abobo-Doumé ne dure que 20 minutes. Le même trajet en bus dure plus longtemps, sans compter que de nombreux embouteillages, qui surviennent sans prévenir, ralentissent la circulation. Comme cet employé, de milliers d’Abidjanais, qu’ils soient fonctionnaires, employés du privé, élèves ou commerçants, empruntent chaque jour les pinasses, pour aller vaquer à leurs occupations. Dans ces ‘’bateaux’’, les rangées de bancs en bois, installées au milieu de l’embarcation, font office de sièges. Ici, il n’ya ni ‘’classe affaires’’, ni ‘’classe économique’’. Tout le monde est logé à la même enseigne. Le voyage s’apparente à une véritable aventure.
Plusieurs types de pinasses
De fait, les pinasses sont de différentes tailles. Certaines sont assez grandes et peuvent embarquer jusqu’à 100 passagers voire plus. D’autres ont une capacité d’environ 70 places. Chaque jour, de milliers de personnes bravent le danger, pour traverser la Lagune Ebrié grâce à des pinasses. Certaines embarcations ne disposent pas de tableau de bord. D’autres ont cependant un tableau de bord artisanal, qui ne rassure pas les passagers. Selon Marie Assé, une habituée de ce moyen de transport, la pinasse ne présente pas de danger particulier. « Depuis plusieurs années, j’emprunte régulièrement la pinasse pour venir faire mon commerce au Plateau. Il n’y a jamais eu d’incident. C’est rapide et moins cher. Au lieu d’aller passer tout mon temps à l’arrêt du bus, je prends la pinasse. C’est Dieu qui protège chacun de nous. Si Dieu dit que tu n’auras rien, rien ne va t’arriver », dit-elle, fataliste. Coulibaly, un fonctionnaire, emprunte également la pinasse pour se rendre d’Abobo-Doumé au Plateau. Il est conscient du risque encouru. Toutefois, il préfère prendre le risque pour gagner du temps et dépenser moins. « De toutes les façons, un accident peut survenir si tu voyages dans une voiture ou dans un train. Nous prions Dieu chaque jour pour que tout se passe bien » confie-t-il. N’empêche que ce mode de transport, bien qu’utile, expose à de grands risques. Dans ces embarcations, quelques pneus usés servent de bouée de sauvetage. Dans d’autres, il y a 4 ou 5 bouées, pour une centaine de passagers. Bernard K., pilote de pinasse sur le trajet Koumassi-M’Pouto, quartier de la commune de Cocody, soutient qu’une bouée peut servir en cas de danger, pour secourir au moins quatre personnes. « Dans une pinasse, il y a environ 10 bouées » dit-il. Quoiqu’il en soit, si une bouée peut aider 4 personnes en cas de danger, comme le prétend le pilote, 10 bouées ne pourront en cas de nécessité servir, que pour 40 personnes. Les pinasses embarquent pourtant entre 70 et 100 personnes aux heures de pointes. On est donc loin du compte. Il se pose dès lors un problème d’ordre sécuritaire dans ce mode de transport.
Bonnes affaires
Les heures de pointe pour les exploitants vont de 5 heures 30 minutes à 9 heures, le matin et de 16 heures à 20 heures l’après-midi. La fréquence à ces heures est d’environ 5 minutes. ‘’Les bateaux’’ démarrent à mesure qu’ils font le plein de passagers. Entre 9 heures et 16 heures, le trafic est moins dense. Vient alors le moment de la rotation. Ce qui signifie qu’une pinasse qui charge par exemple de Treichville pour Abobo-Doumé, doit d’abord faire son plein de passagers, quitter le quai et arriver à destination, avant qu’un autre ne débute le trajet inverse. Tout simplement du fait qu’il n’y a pas assez de passagers à ces heures creuses. Chaque jour, ce sont environ 15 pinasses qui assurent le transport lagunaire sur ce trajet, en fonction d’un programme préétabli. Chaque opérateur peut faire entre 6 et 8 voyages aller-retour par jour. Les ‘’bateaux’’ de grande taille peuvent embarquer jusqu’à 130 personnes aux heures de pointe, c`est-à-dire les matins quand les Abidjanais se rendent au travail et le soir, quand ils retournent à la maison. Les recettes journalières oscillent entre 80.000 et 110.000 francs, en fonction de la taille de l’embarcation, nous a confié un exploitant qui a requis l’anonymat. De cette somme, il faut déduire, a-t-il ajouté, les frais de carburant, soit environ 50 litres par jour et le salaire des employés, qui sont 3 ou 4 par pinasse. Ledit salaire varie entre 2000 et 5000 francs par jour et par personne. Pour exercer l’activité sur le plan d’eau lagunaire, certaines pièces administratives sont requises. Ce sont l’assurance, la visite technique, l’autorisation de ligne et le permis de conduire du pilote. Ces pièces sont délivrées par la Direction des affaires administratives et portuaires, sauf l’assurance que l’on doit payer auprès des agences agréées. Mais, comme dans le secteur du transport routier, certains conducteurs de pinasses ne sont pas en règle et doivent souvent marchander avec la police maritime. La société des Transports Abidjanais (Sotra), exploite aussi la Lagune Ebrié, avec ses bateaux bus, qui sont plus confortables et offrent plus de garantie de sécurité. Malgré ce confort, beaucoup d’usagers préfèrent la traversée en pinasse, comme Wilfried A, un Informaticien. « Les bateaux de la Sotra sont solides certes. Mais, ils ne sont pas réguliers comme les pinasses. De plus, le long rang dans lequel on doit patienter avant d’avoir accès à bord, décourage. Alors qu’avec la pinasse, ça passe vite», dit-il. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’achat de la pinasse n’est pas à la portée de toutes les bourses. Selon un opérateur, une pinasse de grande capacité peut coûter 8 millions de francs Cfa, dont 3 millions pour l’achat du moteur hors bord. « Il est fabriqué avec un bois spécial coûteux. Ceux de taille moyenne valent environ 3 millions, soit 1 million pour la coque et 2 millions pour le moteur » dit-il. Au quai 32 de Koumassi Akromiabla, ce sont près de 14 opérateurs qui font leurs affaires sur la lagune. Seules deux pinasses assurent la traversée chaque jour, en fonction d’une programmation. Cela permet à ceux qui travaillent de manœuvrer avec sérénité, sans avoir à faire face à la concurrence et éviter par la même occasion le désordre. Chacun des deux exploitants peut encaisser plus de 90000 francs la journée. « Les gens pensent que nous gagnons beaucoup d’argent, alors que chacun travaille une seule fois par semaine. Avec l’argent qu’on gagne, on doit payer le pilote à 5000 francs. Les 2 ou 3 employés qui travaillent avec le pilote, perçoivent chacun 2500 francs. Ensuite il y a le carburant, et l’huile. Après toutes ces dépenses, il ne nous reste plus grand-chose pour la semaine. C’est juste de la débrouillardise », dit Aby B, un pilote du secteur. La traversée entre Koumassi et Mpouto, dans la commune de Cocody, dure 5 à 7 minutes. Au quai 05 dans la commune de Koumassi, les pinasses font le trajet Koumassi-M’Badon, village situé dans la commune de Cocody. Comme au quai 32, seuls deux exploitants assurent le transport par jour. La traversée coûte 200 francs. La fréquence des départs est de 30 minutes. Comme dans d’autres quais, ce sont essentiellement les pneus usés, qui servent de bouée de sauvetage aux opérateurs du quai 05. Le transport des passagers sur la Lagune Ebrié est utile, rapide et moins coûteux. Il facilite un tant soit peu la tâche aux populations qui doivent se déplacer tous les jours. Reste que l’accent doit être mis sur le volet de la sécurité des passagers, pour prévenir d’éventuels drames, qu’on ne souhaiterait pas voir.
Calvin Wandji
Mardi 12 juin 2012, il est 6h. Une pluie diluvienne s’abat sur Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Mais Roger Kassy, employé dans une entreprise de commerce, à Attécoubé, doit se rendre à son service. Habitant dans la commune de Treichville, il se rend à la gare lagunaire, située près du pont Félix Houphouët-Boigny, pour emprunter une pinasse, embarcation de fortune faite de planche et équipé d’un moteur hors bord. Les pinasses rallient la commune de Treichville à Abobo-Doumé, et Locodjro dans la commune d’Attécoubé. Selon Roger K, ce mode de transport a deux avantages. « La pinasse est moins chère parce que cela ne coûte que 150 francs la traversée et c’est plus rapide ». En effet, le voyage entre Treichville et Abobo-Doumé ne dure que 20 minutes. Le même trajet en bus dure plus longtemps, sans compter que de nombreux embouteillages, qui surviennent sans prévenir, ralentissent la circulation. Comme cet employé, de milliers d’Abidjanais, qu’ils soient fonctionnaires, employés du privé, élèves ou commerçants, empruntent chaque jour les pinasses, pour aller vaquer à leurs occupations. Dans ces ‘’bateaux’’, les rangées de bancs en bois, installées au milieu de l’embarcation, font office de sièges. Ici, il n’ya ni ‘’classe affaires’’, ni ‘’classe économique’’. Tout le monde est logé à la même enseigne. Le voyage s’apparente à une véritable aventure.
Plusieurs types de pinasses
De fait, les pinasses sont de différentes tailles. Certaines sont assez grandes et peuvent embarquer jusqu’à 100 passagers voire plus. D’autres ont une capacité d’environ 70 places. Chaque jour, de milliers de personnes bravent le danger, pour traverser la Lagune Ebrié grâce à des pinasses. Certaines embarcations ne disposent pas de tableau de bord. D’autres ont cependant un tableau de bord artisanal, qui ne rassure pas les passagers. Selon Marie Assé, une habituée de ce moyen de transport, la pinasse ne présente pas de danger particulier. « Depuis plusieurs années, j’emprunte régulièrement la pinasse pour venir faire mon commerce au Plateau. Il n’y a jamais eu d’incident. C’est rapide et moins cher. Au lieu d’aller passer tout mon temps à l’arrêt du bus, je prends la pinasse. C’est Dieu qui protège chacun de nous. Si Dieu dit que tu n’auras rien, rien ne va t’arriver », dit-elle, fataliste. Coulibaly, un fonctionnaire, emprunte également la pinasse pour se rendre d’Abobo-Doumé au Plateau. Il est conscient du risque encouru. Toutefois, il préfère prendre le risque pour gagner du temps et dépenser moins. « De toutes les façons, un accident peut survenir si tu voyages dans une voiture ou dans un train. Nous prions Dieu chaque jour pour que tout se passe bien » confie-t-il. N’empêche que ce mode de transport, bien qu’utile, expose à de grands risques. Dans ces embarcations, quelques pneus usés servent de bouée de sauvetage. Dans d’autres, il y a 4 ou 5 bouées, pour une centaine de passagers. Bernard K., pilote de pinasse sur le trajet Koumassi-M’Pouto, quartier de la commune de Cocody, soutient qu’une bouée peut servir en cas de danger, pour secourir au moins quatre personnes. « Dans une pinasse, il y a environ 10 bouées » dit-il. Quoiqu’il en soit, si une bouée peut aider 4 personnes en cas de danger, comme le prétend le pilote, 10 bouées ne pourront en cas de nécessité servir, que pour 40 personnes. Les pinasses embarquent pourtant entre 70 et 100 personnes aux heures de pointes. On est donc loin du compte. Il se pose dès lors un problème d’ordre sécuritaire dans ce mode de transport.
Bonnes affaires
Les heures de pointe pour les exploitants vont de 5 heures 30 minutes à 9 heures, le matin et de 16 heures à 20 heures l’après-midi. La fréquence à ces heures est d’environ 5 minutes. ‘’Les bateaux’’ démarrent à mesure qu’ils font le plein de passagers. Entre 9 heures et 16 heures, le trafic est moins dense. Vient alors le moment de la rotation. Ce qui signifie qu’une pinasse qui charge par exemple de Treichville pour Abobo-Doumé, doit d’abord faire son plein de passagers, quitter le quai et arriver à destination, avant qu’un autre ne débute le trajet inverse. Tout simplement du fait qu’il n’y a pas assez de passagers à ces heures creuses. Chaque jour, ce sont environ 15 pinasses qui assurent le transport lagunaire sur ce trajet, en fonction d’un programme préétabli. Chaque opérateur peut faire entre 6 et 8 voyages aller-retour par jour. Les ‘’bateaux’’ de grande taille peuvent embarquer jusqu’à 130 personnes aux heures de pointe, c`est-à-dire les matins quand les Abidjanais se rendent au travail et le soir, quand ils retournent à la maison. Les recettes journalières oscillent entre 80.000 et 110.000 francs, en fonction de la taille de l’embarcation, nous a confié un exploitant qui a requis l’anonymat. De cette somme, il faut déduire, a-t-il ajouté, les frais de carburant, soit environ 50 litres par jour et le salaire des employés, qui sont 3 ou 4 par pinasse. Ledit salaire varie entre 2000 et 5000 francs par jour et par personne. Pour exercer l’activité sur le plan d’eau lagunaire, certaines pièces administratives sont requises. Ce sont l’assurance, la visite technique, l’autorisation de ligne et le permis de conduire du pilote. Ces pièces sont délivrées par la Direction des affaires administratives et portuaires, sauf l’assurance que l’on doit payer auprès des agences agréées. Mais, comme dans le secteur du transport routier, certains conducteurs de pinasses ne sont pas en règle et doivent souvent marchander avec la police maritime. La société des Transports Abidjanais (Sotra), exploite aussi la Lagune Ebrié, avec ses bateaux bus, qui sont plus confortables et offrent plus de garantie de sécurité. Malgré ce confort, beaucoup d’usagers préfèrent la traversée en pinasse, comme Wilfried A, un Informaticien. « Les bateaux de la Sotra sont solides certes. Mais, ils ne sont pas réguliers comme les pinasses. De plus, le long rang dans lequel on doit patienter avant d’avoir accès à bord, décourage. Alors qu’avec la pinasse, ça passe vite», dit-il. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’achat de la pinasse n’est pas à la portée de toutes les bourses. Selon un opérateur, une pinasse de grande capacité peut coûter 8 millions de francs Cfa, dont 3 millions pour l’achat du moteur hors bord. « Il est fabriqué avec un bois spécial coûteux. Ceux de taille moyenne valent environ 3 millions, soit 1 million pour la coque et 2 millions pour le moteur » dit-il. Au quai 32 de Koumassi Akromiabla, ce sont près de 14 opérateurs qui font leurs affaires sur la lagune. Seules deux pinasses assurent la traversée chaque jour, en fonction d’une programmation. Cela permet à ceux qui travaillent de manœuvrer avec sérénité, sans avoir à faire face à la concurrence et éviter par la même occasion le désordre. Chacun des deux exploitants peut encaisser plus de 90000 francs la journée. « Les gens pensent que nous gagnons beaucoup d’argent, alors que chacun travaille une seule fois par semaine. Avec l’argent qu’on gagne, on doit payer le pilote à 5000 francs. Les 2 ou 3 employés qui travaillent avec le pilote, perçoivent chacun 2500 francs. Ensuite il y a le carburant, et l’huile. Après toutes ces dépenses, il ne nous reste plus grand-chose pour la semaine. C’est juste de la débrouillardise », dit Aby B, un pilote du secteur. La traversée entre Koumassi et Mpouto, dans la commune de Cocody, dure 5 à 7 minutes. Au quai 05 dans la commune de Koumassi, les pinasses font le trajet Koumassi-M’Badon, village situé dans la commune de Cocody. Comme au quai 32, seuls deux exploitants assurent le transport par jour. La traversée coûte 200 francs. La fréquence des départs est de 30 minutes. Comme dans d’autres quais, ce sont essentiellement les pneus usés, qui servent de bouée de sauvetage aux opérateurs du quai 05. Le transport des passagers sur la Lagune Ebrié est utile, rapide et moins coûteux. Il facilite un tant soit peu la tâche aux populations qui doivent se déplacer tous les jours. Reste que l’accent doit être mis sur le volet de la sécurité des passagers, pour prévenir d’éventuels drames, qu’on ne souhaiterait pas voir.
Calvin Wandji