Monsieur Charles Blé Goudé
Ancien Ministre
Opposant politique en exil forcé
Monsieur Charles Konan Banny,
Président de la Commission
Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR)
25 BP 250 Abidjan 25
République de Côte d’Ivoire
De mon lieu d’exil, le 10 juillet 2012
Objet : Saisine
Monsieur le Président,
Je vous prie de bien vouloir excuser le caractère public et peu protocolaire de ma lettre. Au-delà de la Commission que vous présidez, je souhaite aussi prendre à témoin l’opinion nationale et internationale. C’est pourquoi, j’ai choisi ce canal pour m’adresser à vous.
Monsieur le Président,
La Côte d’Ivoire croule sous le poids des conséquences de la crise postélectorale. Notre pays continue de chercher les voies et moyens pour réconcilier ses fils et filles, profondément divisés par ce conflit. Dans leur quête de paix, toutes les couches sociales, politiques et apolitiques, ont, à juste titre, salué la mise sur pied de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) sous votre houlette.
Votre mission, aussi difficile soit-elle, consiste, entre autres à rétablir la confiance rompue entre les personnes et groupes de personnes. Elle consiste aussi à veiller à ce qu’il n’y ait pas davantage de frustrés, d’exclus et d’opprimés afin de créer un environnement propice à la réconciliation.
C’est dans cette optique que je vous écris afin d’appeler votre attention sur certains agissements qui, si l’on n’y prend garde, risquent de rendre encore plus complexe votre travail.
Monsieur le Président,
La réconciliation doit se faire sur la base du respect des règles élémentaires de la démocratie et de l’acceptation des uns par les autres, quelles que soient leurs différences idéologiques, ethniques ou religieuses. Ce qui n’est malheureusement pas le cas dans notre pays, au moment où je vous adresse cette correspondance.
En effet, la plupart des cadres de l’opposition sont soit en prison, soit en exil, soit sous le coup de mandats d’arrêt. Leurs biens mobiliers et immobiliers (maisons, voitures, exploitations agricoles, etc) sont entre les mains d’individus qui n’en sont pas les propriétaires. Aujourd’hui, pour jouir d’une liberté apparente en Côte d’Ivoire, il faut désormais se taire ou dire du bien du régime actuel.
Ainsi, sur la base de dénonciations calomnieuses et mensongères, nos camarades sont traqués et enlevés, de jour comme de nuit, puis conduits vers des destinations inconnues où ils subissent les pires sévices et autres traitements inhumains.
C’est le cas de Youan Bi Agenor, deuxième vice-président du Congrès panafricain des jeunes patriotes (COJEP), kidnappé à Aboisso alors qu’il venait de participer à une cérémonie à laquelle il représentait son supérieur hiérarchique de l’Agence pour la promotion de l’emploi (AGEP). Le camarade Martial Yavo, président par intérim du COJEP, et deux coordinateurs dudit mouvement ont récemment subi le même sort.
Monsieur le Président,
En dépit des graves injustices de toutes natures dont sont chaque jour victimes nos camarades, je n’hésite pas à vous tendre la main afin de jouer ma partition et vous accompagner dans votre difficile mission de réconcilier les Ivoiriens. Je le fais dans l’intérêt supérieur de notre pays, comme je l’ai fait par le passé.
Par exemple, en 2006, j’ai facilité la signature d’un accord de cessation de violences entre les jeunes patriotes et la jeunesse du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP). En 2007, j’ai parcouru campements, villages et villes du pays afin de convaincre les plus sceptiques de mon propre camp à aller au pardon et à accepter de dialoguer avec nos frères de l’ex-rébellion des Forces Nouvelles (FN).
Malheureusement, en guise de réponse à ma main tendue, le pouvoir vient d’incarcérer arbitrairement mes plus proches collaborateurs, avec des chefs d’accusation à la mode dans notre pays : “atteinte à la sûreté de l’Etat et trouble à l’ordre public”. Dans le même élan, trente-quatre (34) nouveaux mandats d’arrêt viennent encore d’être lancés contre des cadres pro-Gbagbo.
Monsieur le Président,
Est-il besoin de rappeler que la réconciliation doit être facilitée par les actes posés par le pouvoir ? Car le décryptage du tableau analytique des actes posés par le pouvoir en place suscite, à n’en point douter, des interrogations au sein de la population et parmi les observateurs de la vie politique ivoirienne. Le régime veut-il vraiment de la réconciliation ou s’en sert-il comme simple slogan à usage de communication aux fins de polir son image auprès de la communauté internationale ? A y regarder de plus près, nous pouvons, sans risque de nous tromper, conclure que la réconciliation reste un simple slogan pour les dirigeants actuels de notre pays. Ils en parlent sans véritablement la vouloir.
Monsieur le Président,
Même si le pouvoir ne veut pas de la réconciliation – tout porte à le penser -, la Côte d’Ivoire et son peuple, en ont besoin. C’est pourquoi, je saisis une fois encore cette occasion pour vous réitérer que ma main reste toujours tendue pour la réconciliation. Dans notre pays, le triomphalisme ambiant et l’enthousiasme naïf doivent enfin faire place nette à une prise de conscience constructive.
L’humilité ne doit pas seulement être réclamée à l’opposition. Elle doit aussi et surtout habiter le pouvoir dont la responsabilité reste grande pour le retour de l’harmonie et la paix en Côte d’Ivoire. Car, lentement mais sûrement, le régime est en train de créer les conditions d’une implosion sociale et politique. Son entêtement à traquer, emprisonner et à vouloir en finir avec tous les pro-Gbagbo en étant les principaux ingrédients.
Monsieur le président,
Je pense, en toute franchise, qu’il est encore temps d’arrêter l’escalade. C’est pourquoi, je vous implore d’interpeller le pouvoir actuel sur sa responsabilité à créer
un environnement propice à la réconciliation en cessant les actes d’injustice que j’ai énumérés plus haut.
C’est le lieu d’interpeller également la communauté internationale, les diplomates accrédités en Côte d’Ivoire, les organisations de défense des droits de l’homme et tous ceux ayant des intérêts dans notre pays afin qu’ils jettent un regard attentif sur la situation actuelle caractérisée par des enlèvements et incarcérations sur fond de règlements de comptes politiques et d’instrumentalisation de la justice.
En ce qui me concerne, je renouvelle mon souhait, ainsi que celui de bien d’autres leaders et responsables politiques, l’intention de vous rencontrer afin que nous parlions en toute responsabilité de notre pays et de son avenir, dans le respect de la dignité et des convictions politiques de chacune et de chacun.
Dans l’espoir que mes propos auront auprès de vous un écho favorable,
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire et son peuple.
Monsieur Charles Blé Goudé
Ancien Ministre
Opposant politique en exil forcé
Ampliations :
- Représentations diplomatiques en Côte d’Ivoire
- Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU en Côte d’Ivoire
- Organisations de défense des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire
- Presse
Ancien Ministre
Opposant politique en exil forcé
Monsieur Charles Konan Banny,
Président de la Commission
Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR)
25 BP 250 Abidjan 25
République de Côte d’Ivoire
De mon lieu d’exil, le 10 juillet 2012
Objet : Saisine
Monsieur le Président,
Je vous prie de bien vouloir excuser le caractère public et peu protocolaire de ma lettre. Au-delà de la Commission que vous présidez, je souhaite aussi prendre à témoin l’opinion nationale et internationale. C’est pourquoi, j’ai choisi ce canal pour m’adresser à vous.
Monsieur le Président,
La Côte d’Ivoire croule sous le poids des conséquences de la crise postélectorale. Notre pays continue de chercher les voies et moyens pour réconcilier ses fils et filles, profondément divisés par ce conflit. Dans leur quête de paix, toutes les couches sociales, politiques et apolitiques, ont, à juste titre, salué la mise sur pied de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) sous votre houlette.
Votre mission, aussi difficile soit-elle, consiste, entre autres à rétablir la confiance rompue entre les personnes et groupes de personnes. Elle consiste aussi à veiller à ce qu’il n’y ait pas davantage de frustrés, d’exclus et d’opprimés afin de créer un environnement propice à la réconciliation.
C’est dans cette optique que je vous écris afin d’appeler votre attention sur certains agissements qui, si l’on n’y prend garde, risquent de rendre encore plus complexe votre travail.
Monsieur le Président,
La réconciliation doit se faire sur la base du respect des règles élémentaires de la démocratie et de l’acceptation des uns par les autres, quelles que soient leurs différences idéologiques, ethniques ou religieuses. Ce qui n’est malheureusement pas le cas dans notre pays, au moment où je vous adresse cette correspondance.
En effet, la plupart des cadres de l’opposition sont soit en prison, soit en exil, soit sous le coup de mandats d’arrêt. Leurs biens mobiliers et immobiliers (maisons, voitures, exploitations agricoles, etc) sont entre les mains d’individus qui n’en sont pas les propriétaires. Aujourd’hui, pour jouir d’une liberté apparente en Côte d’Ivoire, il faut désormais se taire ou dire du bien du régime actuel.
Ainsi, sur la base de dénonciations calomnieuses et mensongères, nos camarades sont traqués et enlevés, de jour comme de nuit, puis conduits vers des destinations inconnues où ils subissent les pires sévices et autres traitements inhumains.
C’est le cas de Youan Bi Agenor, deuxième vice-président du Congrès panafricain des jeunes patriotes (COJEP), kidnappé à Aboisso alors qu’il venait de participer à une cérémonie à laquelle il représentait son supérieur hiérarchique de l’Agence pour la promotion de l’emploi (AGEP). Le camarade Martial Yavo, président par intérim du COJEP, et deux coordinateurs dudit mouvement ont récemment subi le même sort.
Monsieur le Président,
En dépit des graves injustices de toutes natures dont sont chaque jour victimes nos camarades, je n’hésite pas à vous tendre la main afin de jouer ma partition et vous accompagner dans votre difficile mission de réconcilier les Ivoiriens. Je le fais dans l’intérêt supérieur de notre pays, comme je l’ai fait par le passé.
Par exemple, en 2006, j’ai facilité la signature d’un accord de cessation de violences entre les jeunes patriotes et la jeunesse du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP). En 2007, j’ai parcouru campements, villages et villes du pays afin de convaincre les plus sceptiques de mon propre camp à aller au pardon et à accepter de dialoguer avec nos frères de l’ex-rébellion des Forces Nouvelles (FN).
Malheureusement, en guise de réponse à ma main tendue, le pouvoir vient d’incarcérer arbitrairement mes plus proches collaborateurs, avec des chefs d’accusation à la mode dans notre pays : “atteinte à la sûreté de l’Etat et trouble à l’ordre public”. Dans le même élan, trente-quatre (34) nouveaux mandats d’arrêt viennent encore d’être lancés contre des cadres pro-Gbagbo.
Monsieur le Président,
Est-il besoin de rappeler que la réconciliation doit être facilitée par les actes posés par le pouvoir ? Car le décryptage du tableau analytique des actes posés par le pouvoir en place suscite, à n’en point douter, des interrogations au sein de la population et parmi les observateurs de la vie politique ivoirienne. Le régime veut-il vraiment de la réconciliation ou s’en sert-il comme simple slogan à usage de communication aux fins de polir son image auprès de la communauté internationale ? A y regarder de plus près, nous pouvons, sans risque de nous tromper, conclure que la réconciliation reste un simple slogan pour les dirigeants actuels de notre pays. Ils en parlent sans véritablement la vouloir.
Monsieur le Président,
Même si le pouvoir ne veut pas de la réconciliation – tout porte à le penser -, la Côte d’Ivoire et son peuple, en ont besoin. C’est pourquoi, je saisis une fois encore cette occasion pour vous réitérer que ma main reste toujours tendue pour la réconciliation. Dans notre pays, le triomphalisme ambiant et l’enthousiasme naïf doivent enfin faire place nette à une prise de conscience constructive.
L’humilité ne doit pas seulement être réclamée à l’opposition. Elle doit aussi et surtout habiter le pouvoir dont la responsabilité reste grande pour le retour de l’harmonie et la paix en Côte d’Ivoire. Car, lentement mais sûrement, le régime est en train de créer les conditions d’une implosion sociale et politique. Son entêtement à traquer, emprisonner et à vouloir en finir avec tous les pro-Gbagbo en étant les principaux ingrédients.
Monsieur le président,
Je pense, en toute franchise, qu’il est encore temps d’arrêter l’escalade. C’est pourquoi, je vous implore d’interpeller le pouvoir actuel sur sa responsabilité à créer
un environnement propice à la réconciliation en cessant les actes d’injustice que j’ai énumérés plus haut.
C’est le lieu d’interpeller également la communauté internationale, les diplomates accrédités en Côte d’Ivoire, les organisations de défense des droits de l’homme et tous ceux ayant des intérêts dans notre pays afin qu’ils jettent un regard attentif sur la situation actuelle caractérisée par des enlèvements et incarcérations sur fond de règlements de comptes politiques et d’instrumentalisation de la justice.
En ce qui me concerne, je renouvelle mon souhait, ainsi que celui de bien d’autres leaders et responsables politiques, l’intention de vous rencontrer afin que nous parlions en toute responsabilité de notre pays et de son avenir, dans le respect de la dignité et des convictions politiques de chacune et de chacun.
Dans l’espoir que mes propos auront auprès de vous un écho favorable,
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire et son peuple.
Monsieur Charles Blé Goudé
Ancien Ministre
Opposant politique en exil forcé
Ampliations :
- Représentations diplomatiques en Côte d’Ivoire
- Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU en Côte d’Ivoire
- Organisations de défense des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire
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