13 juillet 2011- 13 juillet 2012 voici un an que le président de la République Alassane Ouattara signait l’ordonnance n° 2011 -167 du 13 juillet 2011 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la Commission dialogue, vérité et réconciliation. Une année après, regards sur les avancées du projet et les obstacles à sa réalisation.
La réconciliation constitue le passage obligé pour recoller le tissu social mis en lambeaux par la grave crise postélectorale, dont le bilan officiel fait état de plus de 3000 morts, des milliers de disparus, de nombreuses infrastructures détruites et plusieurs centaines de milliers de populations déplacées ou sans abri. C’est pourquoi, dès sa prise de fonction officielle, le président Alassane Ouattara n’a pas hésité à créer cette Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR). Nommé à la tête de cette nouvelle institution le 13 mai 2011, l’ancien Premier ministre Charles Konan Banny avait la lourde tâche, selon ses attributions, de briser les barrières politiques, ethniques et religieuses, afin de rapprocher les positions tranchées et engager le dialogue qui recréerait la confiance entre les Ivoiriens et aboutirait à une réconciliation vraie. Après un an d’exercice, peut-on dire que cet objectif a été atteint, du moins en partie ? Difficile de répondre. Quoi qu’il en soit, les Ivoiriens semblent observer le statut quo quant au processus de réconciliation. La CDVR est diversement jugée, à l’heure de ce bilan à mi-parcours. Tandis que certains Ivoiriens estiment qu’il faut accorder du temps à cette commission pour creuser l’abcès, afin d’établir les vraies bases de réconciliation, d’autres par contre font l’amer constat que le bilan de la CDVR durant cette première année est simplement négatif. La Commission avait la noble ambition de relever ce défi combien important pour la renaissance de la nation ivoirienne. Ce défi, faut-il le rappeler, se déclinait en quatre grands points, selon la vision de la CDVR. A savoir, procéder à une recension précise des faits qui gangrènent la société ivoirienne depuis de nombreuses années, œuvrer à faire éclater la vérité, nécessaire à l'amélioration des pratiques en matière de respect des droits humains, s’atteler à promouvoir l'entente et la réconciliation nationale véritable, encourager par son action l’avènement d’une société démocratique, dans laquelle la violence et l’impunité sont exclues. Mais, disons-le tout net, et avec nous bien des observateurs du marigot politique ivoirien, la CDVR n’a pas répondu aux attentes des Ivoiriens. Elle était absente là où le peuple l’attendait. Par euphémisme, l’on peut dire que le train de la réconciliation conduit par le Charles Konan Banny n’a pas encore quitté la gare. En la forme, aucune action concrète à mettre à l’actif de la CDVR n’a été enregistrée par les Ivoiriens. On a eu l’impression, à certains moments, que d’autres acteurs de la vie politique ivoirienne ont volé la vedette au président Banny sur cette épineuse question.
A côté de la plaque
Les attributions de la Commission dialogue, vérité et réconciliation étaient clairement définies dans l’ordonnance qui l’a instituée au titre des attributions : « La CDVR a pour mission d`œuvrer, en toute indépendance, à la réconciliation et au renforcement de la cohésion sociale entre toutes les communautés vivant en Côte d`Ivoire. A ce titre, elle est chargée : d`élaborer une typologie appropriée des violations des droits de l`Homme susceptibles d`être l`objet de ses délibérations ; de rechercher la vérité et situer les responsabilités sur les événements sociopolitiques nationaux, passés et récents ; d`entendre les victimes, obtenir la reconnaissance des faits par les auteurs des violations incriminées et le pardon consécutif ; de proposer les moyens de toute nature susceptibles de contribuer à guérir les traumatismes subis par les victimes; d`identifier et faire des propositions pour la réalisation des actions de nature à renforcer la cohésion sociale et l`unité nationale ; d`identifier et faire des propositions visant à lutter contre l`injustice, les inégalités de toute nature, le tribalisme, le népotisme, l`exclusion, ainsi que la haine, sous toutes leurs formes ; d`éduquer à la paix, au dialogue et à la coexistence pacifique… ». Ainsi se présente en substance les attributions de la CDVR. Mais, le constat est patent. La commission n’a pu plancher définitivement sur l’une partie de ces attributions et rien ne rassure qu’elle réussira l’exploit d’accomplir cette mission. En jetant un regard sur ces attributions, on ne peut s’empêcher de se demander quelles étapes le président Banny et son équipe ont pu franchir. La typologie appropriée des violations des droits de l`Homme susceptibles d`être l`objet de ses délibérations a-t-elle été élaborée ? Les victimes ont-elles été entendues ? Autant de questions dont les réponses ont été englouties dans le flot des faiblesses affichées par la CDVR.
Que de faiblesses relevées
A l’analyse, on traine les pas au niveau de la CDVR pour la simple raison qu’une trajectoire claire et précise n’a pas encore été donnée à la mission de la commission dirigée par Charles Konan Banny. Les Ivoiriens dans leur entière majorité ignorent le schéma de la CDVR pour réconcilier ce peuple meurtri par une décennie de crise. La Commission dialogue, vérité et réconciliation semble être très loin des réalités des acteurs de cette réconciliation. Pire, le fossé entre les actions du gouvernement en faveur de la réconciliation et celles de la Commission se creuse au fil des jours. A preuve, le dialogue républicain entamé par le gouvernement avec l’opposition a mis à la touche la CDVR. Cette commission est en panne sèche de stratégie, alors que ce ne sont pas les ressources humaines qui manquent. Les actions d’éclat ont pris le pas sur les œuvres concrètes. La Commission donne l’impression de tourner en rond sans répondre aux attentes des Ivoiriens. Le mandat de la CDVR était de deux ans. Mais, au terme de cette première année, les objectifs ne sont pas encore atteints, du moins ils ne sont même pas en voie d’être atteints. Ce gros chantier qui n’a pas connu un début de défrichage pourra-t-il être labouré ? C’est la grande interrogation qui se dégage à l’occasion du bilan à mi-parcours. Le président Banny et ses collaborateurs arriveront-ils à produire le miracle, puisque c’est de cela qu’il s’agit, durant les quelques mois qui leur restent passer à la tête de la Commission dialogue, vérité et réconciliation ? Il ne faut pas se voiler la face, la mission devient de plus en plus difficile, puisqu’elle a pris du plomb dans l’aile. D’ailleurs, les acteurs politiques et l’Ivoirien lambda n’espèrent plus rien de cette commission de réconciliation. A en juger par les réactions recueillies auprès des uns et des autres. La question qui demeure cependant est de savoir si le gouvernement va proroger le mandat de Charles Konan Banny à la tête de la Commission dialogue, vérité et réconciliation. Le président de la CDVR n’a pas manqué de préciser que deux années sont insuffisantes pour abattre cette énorme œuvre de réconciliation.
JERÔME N’DRI
La réconciliation constitue le passage obligé pour recoller le tissu social mis en lambeaux par la grave crise postélectorale, dont le bilan officiel fait état de plus de 3000 morts, des milliers de disparus, de nombreuses infrastructures détruites et plusieurs centaines de milliers de populations déplacées ou sans abri. C’est pourquoi, dès sa prise de fonction officielle, le président Alassane Ouattara n’a pas hésité à créer cette Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR). Nommé à la tête de cette nouvelle institution le 13 mai 2011, l’ancien Premier ministre Charles Konan Banny avait la lourde tâche, selon ses attributions, de briser les barrières politiques, ethniques et religieuses, afin de rapprocher les positions tranchées et engager le dialogue qui recréerait la confiance entre les Ivoiriens et aboutirait à une réconciliation vraie. Après un an d’exercice, peut-on dire que cet objectif a été atteint, du moins en partie ? Difficile de répondre. Quoi qu’il en soit, les Ivoiriens semblent observer le statut quo quant au processus de réconciliation. La CDVR est diversement jugée, à l’heure de ce bilan à mi-parcours. Tandis que certains Ivoiriens estiment qu’il faut accorder du temps à cette commission pour creuser l’abcès, afin d’établir les vraies bases de réconciliation, d’autres par contre font l’amer constat que le bilan de la CDVR durant cette première année est simplement négatif. La Commission avait la noble ambition de relever ce défi combien important pour la renaissance de la nation ivoirienne. Ce défi, faut-il le rappeler, se déclinait en quatre grands points, selon la vision de la CDVR. A savoir, procéder à une recension précise des faits qui gangrènent la société ivoirienne depuis de nombreuses années, œuvrer à faire éclater la vérité, nécessaire à l'amélioration des pratiques en matière de respect des droits humains, s’atteler à promouvoir l'entente et la réconciliation nationale véritable, encourager par son action l’avènement d’une société démocratique, dans laquelle la violence et l’impunité sont exclues. Mais, disons-le tout net, et avec nous bien des observateurs du marigot politique ivoirien, la CDVR n’a pas répondu aux attentes des Ivoiriens. Elle était absente là où le peuple l’attendait. Par euphémisme, l’on peut dire que le train de la réconciliation conduit par le Charles Konan Banny n’a pas encore quitté la gare. En la forme, aucune action concrète à mettre à l’actif de la CDVR n’a été enregistrée par les Ivoiriens. On a eu l’impression, à certains moments, que d’autres acteurs de la vie politique ivoirienne ont volé la vedette au président Banny sur cette épineuse question.
A côté de la plaque
Les attributions de la Commission dialogue, vérité et réconciliation étaient clairement définies dans l’ordonnance qui l’a instituée au titre des attributions : « La CDVR a pour mission d`œuvrer, en toute indépendance, à la réconciliation et au renforcement de la cohésion sociale entre toutes les communautés vivant en Côte d`Ivoire. A ce titre, elle est chargée : d`élaborer une typologie appropriée des violations des droits de l`Homme susceptibles d`être l`objet de ses délibérations ; de rechercher la vérité et situer les responsabilités sur les événements sociopolitiques nationaux, passés et récents ; d`entendre les victimes, obtenir la reconnaissance des faits par les auteurs des violations incriminées et le pardon consécutif ; de proposer les moyens de toute nature susceptibles de contribuer à guérir les traumatismes subis par les victimes; d`identifier et faire des propositions pour la réalisation des actions de nature à renforcer la cohésion sociale et l`unité nationale ; d`identifier et faire des propositions visant à lutter contre l`injustice, les inégalités de toute nature, le tribalisme, le népotisme, l`exclusion, ainsi que la haine, sous toutes leurs formes ; d`éduquer à la paix, au dialogue et à la coexistence pacifique… ». Ainsi se présente en substance les attributions de la CDVR. Mais, le constat est patent. La commission n’a pu plancher définitivement sur l’une partie de ces attributions et rien ne rassure qu’elle réussira l’exploit d’accomplir cette mission. En jetant un regard sur ces attributions, on ne peut s’empêcher de se demander quelles étapes le président Banny et son équipe ont pu franchir. La typologie appropriée des violations des droits de l`Homme susceptibles d`être l`objet de ses délibérations a-t-elle été élaborée ? Les victimes ont-elles été entendues ? Autant de questions dont les réponses ont été englouties dans le flot des faiblesses affichées par la CDVR.
Que de faiblesses relevées
A l’analyse, on traine les pas au niveau de la CDVR pour la simple raison qu’une trajectoire claire et précise n’a pas encore été donnée à la mission de la commission dirigée par Charles Konan Banny. Les Ivoiriens dans leur entière majorité ignorent le schéma de la CDVR pour réconcilier ce peuple meurtri par une décennie de crise. La Commission dialogue, vérité et réconciliation semble être très loin des réalités des acteurs de cette réconciliation. Pire, le fossé entre les actions du gouvernement en faveur de la réconciliation et celles de la Commission se creuse au fil des jours. A preuve, le dialogue républicain entamé par le gouvernement avec l’opposition a mis à la touche la CDVR. Cette commission est en panne sèche de stratégie, alors que ce ne sont pas les ressources humaines qui manquent. Les actions d’éclat ont pris le pas sur les œuvres concrètes. La Commission donne l’impression de tourner en rond sans répondre aux attentes des Ivoiriens. Le mandat de la CDVR était de deux ans. Mais, au terme de cette première année, les objectifs ne sont pas encore atteints, du moins ils ne sont même pas en voie d’être atteints. Ce gros chantier qui n’a pas connu un début de défrichage pourra-t-il être labouré ? C’est la grande interrogation qui se dégage à l’occasion du bilan à mi-parcours. Le président Banny et ses collaborateurs arriveront-ils à produire le miracle, puisque c’est de cela qu’il s’agit, durant les quelques mois qui leur restent passer à la tête de la Commission dialogue, vérité et réconciliation ? Il ne faut pas se voiler la face, la mission devient de plus en plus difficile, puisqu’elle a pris du plomb dans l’aile. D’ailleurs, les acteurs politiques et l’Ivoirien lambda n’espèrent plus rien de cette commission de réconciliation. A en juger par les réactions recueillies auprès des uns et des autres. La question qui demeure cependant est de savoir si le gouvernement va proroger le mandat de Charles Konan Banny à la tête de la Commission dialogue, vérité et réconciliation. Le président de la CDVR n’a pas manqué de préciser que deux années sont insuffisantes pour abattre cette énorme œuvre de réconciliation.
JERÔME N’DRI