Depuis qu’il est au pouvoir, Alassane Ouattara s’époumone à convaincre ses interlocuteurs que le redressement de la Côte d’Ivoire passe par des investissements massifs de l’étranger. Toute une campagne continue d’être menée pour faire venir les potentiels investisseurs. On a vu défiler, pêle-mêle et sans être exhaustif, des opérateurs économiques français, canadiens, israéliens, japonais. Ils ont été largement briefés sur le climat des affaires et rassurés sur la situation économique et financière du pays.
Malgré cette campagne d’incitation à l’investissement, on n’a pas encore perçu de retombées. On observe que les investisseurs retournent sans signer de contrat. L’insécurité était indexée comme l’unique cause de cet attentisme. Aujourd’hui, des confidences émanant des investisseurs en donnent la principale raison : « le niveau effarant de la corruption ». « Si M. Ouattara s’est fait le chantre de la bonne gouvernance, dans les milieux économiques et diplomatiques beaucoup se disent effarés par la corruption dans certains cercles de pouvoir qui découragerait des bonnes volontés déjà échaudées par une situation sécuritaire encore fragile. Certes, les investisseurs affluent dans les hôtels à Abidjan. Mais la plupart repartent sans avoir signé de contrat », souligne un opérateur économique. Pour qui connaît la définition du mot « effarant », la raison est plus que valable. « Effarant : qui ressent et manifeste une grande stupeur mêlée d’effroi ».
« Les investissements sont un des piliers de la nouvelle stratégie qui est en train d’être mise en place pour faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020 », déclarait Alassane Ouattara lors de sa visite d’Etat, en France, du 25 au 27 janvier dernier. Mais, en toute logique, quel opérateur économique est disposé à investir dans un pays dont le niveau de corruption effraie tant, parmi bon nombre d’obstacles bureaucratiques et juridiques qu'un entrepreneur doit surmonter pour immatriculer et enregistrer une nouvelle entreprise ?
Il suffit de regarder le classement de Transparency International pour observer que la Côte d’Ivoire s’est montrée négativement performante dans le classement mondial sur la publication de l’indice de perception de la corruption. Le pays ne fait que reculer dans le classement. En effet, de 154ème en 2009 et 146ème en 2010, la Côte d’Ivoire est retombée à la 154ème place sur 182 pays en 2011, avec une note de 2,2 sur 10. Doing Business n’apporte pas la contradiction qui indique qu’il n’est pas facile de faire des affaires en Côte d’Ivoire.
Pour qui suit de près l’actualité économique de la nouvelle Côte d’Ivoire, il n’y a pas à être étonné : délit d’initié se mêle allègrement à accaparement du pouvoir et affairisme.
La corruption a atteint des sommets
Quelques faits publiés par la revue « La Lette du Continent » (n°617 du 25 août 2011) nous instruisent sur le fait que le régime Ouattara ne protège pas assez les citoyens et opérateurs économiques de la corruption, qu’il s’agisse de détournements de fonds publics, de versements de pots-de-vin ou de processus de décision opaques, d’appels d’offres truqués, de clientélisme, d’évasion fiscale. Et ce, malgré - Ô sublime paradoxe ! - la création d’un code d’éthique et de bonne conduite de l’administration publique. Citons l’inscription en ligne qui a mis en selle les ministres Kandia Kamissoko et Mamadou Sanogo, le dossier de la gestion des ordures ménagères qui concerne la ministre Anne Désirée Oulotto, la réfection des universités publiques dont le scandale éclabousse le ministre Cissé Bacongo, l’affaire des déchets toxiques qui a révélé l’autre visage du ministre Adama Bictogo (qui contrôle ISD Holding, la filiale ivoirienne du belge Zetes qui possède le marché des passeports biométriques en Côte d’Ivoire), la réhabilitation de l’immeuble CCIA attribuée à des entreprises et finalement confiée en catimini à une autre entreprise, la réhabilitation des commissariats de police dont les entrepreneurs accusent le ministre Hamed Bakayoko d’avoir mal géré le dossier, la réhabilitation de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) confiée à l’homme d’affaires malien Kagnassi. La même revue révèle que le ministre Adama Toungara continue de diriger deux sociétés dans les hydrocarbures : Minepetro Ltd, une structure basée dans l’Etat du Delaware (Etats-Unis), et Ipetro installée en Côte d’Ivoire. Le ministre Gaoussou Touré est toujours l’actionnaire majoritaire de la Société ivoirienne de transformation d’anacarde (Sita) avec son épouse, Massogbè Diabaté-Touré. Dagobert Banzio, le ministre du Commerce, demeure le patron d’Aison, firme de conseil spécialisée dans le café-cacao.
Il y a aussi la gestion privée, familiale plus précisément, des finances publiques (Birahima Ouattara, le frère du chef de l’Etat, veille sur les finances de la présidence et sur les comptes du RDR, le parti présidentiel). Il se murmure que quand le chef de l’Etat apostrophe ses ministres pour avoir manqué le code d’éthique, ceux-ci lui rappellent qu’il ne s’est pas fait prier pour acheter des avions alors que le peuple souffre de la cherté de la vie. Et que le budget de la Présidence s’élève de centaines de milliards FCFA.
Tous ces faits se présentent comme une évaluation affligeante pour un régime qui s’est présenté au monde entier comme l’incarnation de la démocratie et de la bonne gouvernance. Comment, dans ces conditions, un opérateur économique lucide peut-il engager ses affaires dans un système où l’arbitre est à la fois avant-centre, gardien de but et entraîneur ? Ainsi va la République de «la solution» qui a plaqué la bonne gouvernance sur le banc de touche. Et cherche investisseurs… aveugles !
J-S Lia
liasylve@yahoo.fr
Malgré cette campagne d’incitation à l’investissement, on n’a pas encore perçu de retombées. On observe que les investisseurs retournent sans signer de contrat. L’insécurité était indexée comme l’unique cause de cet attentisme. Aujourd’hui, des confidences émanant des investisseurs en donnent la principale raison : « le niveau effarant de la corruption ». « Si M. Ouattara s’est fait le chantre de la bonne gouvernance, dans les milieux économiques et diplomatiques beaucoup se disent effarés par la corruption dans certains cercles de pouvoir qui découragerait des bonnes volontés déjà échaudées par une situation sécuritaire encore fragile. Certes, les investisseurs affluent dans les hôtels à Abidjan. Mais la plupart repartent sans avoir signé de contrat », souligne un opérateur économique. Pour qui connaît la définition du mot « effarant », la raison est plus que valable. « Effarant : qui ressent et manifeste une grande stupeur mêlée d’effroi ».
« Les investissements sont un des piliers de la nouvelle stratégie qui est en train d’être mise en place pour faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020 », déclarait Alassane Ouattara lors de sa visite d’Etat, en France, du 25 au 27 janvier dernier. Mais, en toute logique, quel opérateur économique est disposé à investir dans un pays dont le niveau de corruption effraie tant, parmi bon nombre d’obstacles bureaucratiques et juridiques qu'un entrepreneur doit surmonter pour immatriculer et enregistrer une nouvelle entreprise ?
Il suffit de regarder le classement de Transparency International pour observer que la Côte d’Ivoire s’est montrée négativement performante dans le classement mondial sur la publication de l’indice de perception de la corruption. Le pays ne fait que reculer dans le classement. En effet, de 154ème en 2009 et 146ème en 2010, la Côte d’Ivoire est retombée à la 154ème place sur 182 pays en 2011, avec une note de 2,2 sur 10. Doing Business n’apporte pas la contradiction qui indique qu’il n’est pas facile de faire des affaires en Côte d’Ivoire.
Pour qui suit de près l’actualité économique de la nouvelle Côte d’Ivoire, il n’y a pas à être étonné : délit d’initié se mêle allègrement à accaparement du pouvoir et affairisme.
La corruption a atteint des sommets
Quelques faits publiés par la revue « La Lette du Continent » (n°617 du 25 août 2011) nous instruisent sur le fait que le régime Ouattara ne protège pas assez les citoyens et opérateurs économiques de la corruption, qu’il s’agisse de détournements de fonds publics, de versements de pots-de-vin ou de processus de décision opaques, d’appels d’offres truqués, de clientélisme, d’évasion fiscale. Et ce, malgré - Ô sublime paradoxe ! - la création d’un code d’éthique et de bonne conduite de l’administration publique. Citons l’inscription en ligne qui a mis en selle les ministres Kandia Kamissoko et Mamadou Sanogo, le dossier de la gestion des ordures ménagères qui concerne la ministre Anne Désirée Oulotto, la réfection des universités publiques dont le scandale éclabousse le ministre Cissé Bacongo, l’affaire des déchets toxiques qui a révélé l’autre visage du ministre Adama Bictogo (qui contrôle ISD Holding, la filiale ivoirienne du belge Zetes qui possède le marché des passeports biométriques en Côte d’Ivoire), la réhabilitation de l’immeuble CCIA attribuée à des entreprises et finalement confiée en catimini à une autre entreprise, la réhabilitation des commissariats de police dont les entrepreneurs accusent le ministre Hamed Bakayoko d’avoir mal géré le dossier, la réhabilitation de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) confiée à l’homme d’affaires malien Kagnassi. La même revue révèle que le ministre Adama Toungara continue de diriger deux sociétés dans les hydrocarbures : Minepetro Ltd, une structure basée dans l’Etat du Delaware (Etats-Unis), et Ipetro installée en Côte d’Ivoire. Le ministre Gaoussou Touré est toujours l’actionnaire majoritaire de la Société ivoirienne de transformation d’anacarde (Sita) avec son épouse, Massogbè Diabaté-Touré. Dagobert Banzio, le ministre du Commerce, demeure le patron d’Aison, firme de conseil spécialisée dans le café-cacao.
Il y a aussi la gestion privée, familiale plus précisément, des finances publiques (Birahima Ouattara, le frère du chef de l’Etat, veille sur les finances de la présidence et sur les comptes du RDR, le parti présidentiel). Il se murmure que quand le chef de l’Etat apostrophe ses ministres pour avoir manqué le code d’éthique, ceux-ci lui rappellent qu’il ne s’est pas fait prier pour acheter des avions alors que le peuple souffre de la cherté de la vie. Et que le budget de la Présidence s’élève de centaines de milliards FCFA.
Tous ces faits se présentent comme une évaluation affligeante pour un régime qui s’est présenté au monde entier comme l’incarnation de la démocratie et de la bonne gouvernance. Comment, dans ces conditions, un opérateur économique lucide peut-il engager ses affaires dans un système où l’arbitre est à la fois avant-centre, gardien de but et entraîneur ? Ainsi va la République de «la solution» qui a plaqué la bonne gouvernance sur le banc de touche. Et cherche investisseurs… aveugles !
J-S Lia
liasylve@yahoo.fr