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Politique Publié le vendredi 31 août 2012 | L’Elephant Déchaîné

« Yako pour la justice ivoirienne » : «Y a-t-il un interprète volontaire dans la salle ? »

Les problèmes auxquels la justice ivoirienne est confrontée en ce moment sont inquantifiables. Le palais de justice d’Abidjan-Plateau est le lieu par excellence où le sombre tableau des difficultés qui caractérisent cette justice s’étale au grand jour.Tenez, en matière pénale où la liberté du prévenu ou de l’accusé ne tient très souvent qu’à l’humeur d’un juge, le tribunal ne dispose pas, depuis belle lurette, d’interprête assermenté pour mettre au même niveau de compréhension les juges et le(s) mis en cause lors du procès. «L’Eléphant» qui suit de près les audiences correctionnelles afin d’observer les conditions dans lesquelles la justice statue sur le sort des individus présumés innocents d’une infraction a pu se rendre compte de ce déficit d’interprête dans un « grand palais de justice » comme celui d’Abidjan-Plateau. Voyez vous-mêmes. Le mardi 29 mai 2012, il est 14 heures 45 minutes lorsque la prévenue Cissé Nassénéba, poursuivie par le parquet pour escroquerie, est appelée à la barre pour répondre de ses actes. Le hic, c’est que la mise en cause arrêtée en face du juge pour se défendre ne comprend pas un traitre mot de la langue de Molière. Elle ne s’exprime qu’uniquement en malinké, dialecte qu’évidemment, les membres du tribunal ne comprennent pas. Le président du tribunal demande alors de l’aide dans la salle une première fois. Mais personne ne réagit. Cissé Nassénéba est donc priée de ragagner le box des accusés à nouveau en entendant qu’un interprête de circonstance soit trouvé. C’est finalement après avoir jugé cinq (5) autres prévenus que le juge rappelle de nouveau la dame à la barre. « Y a-t-il quelqu’un dans la salle qui pourrait nous aider à traduire les propos de la prévenue ? », interroge encore le président. Une dame volontaire pour qui ce dialecte n’a aucun secret se lève dans le public pour venir jouer le rôle d’interprète de circonstance. Sur la traduction de cette dernière, la prévenue est déclarée non coupable. Mais la recherche d’un traducteur assermenté n’a guère préoccupé les responsables du tribunal. Car, trois mois plus tard, l’on revivra la même situation dans le même tribunal. Le mercredi 22 août 2012, à notre passage à 12 heures 00, au même endroit pour le suivi des audiences correctionnelles, la situation de deux prévenus (nous n’avons pas pu avoir les noms pour défaut d’affichage) d’origine ghanéenne appelés à la barre pour s’expliquer sur les faits qui leur sont reprochés par le procureur, a attiré notre attention. Devinez ! Les deux individus, anglophones, ne comprennent que l’anglais et le juge, lui, ne connait que vaguement, quelques mots de la langue de Shakespeare. Conséquence donc, il va retourner dans le box des accusés dans l’hypothétique espoir qu’une personne de bonne volonté accepte encore de jouer gratuitement le rôle d’interprète. Il n’y a eu aucun volontaire pour traduire les propos des prévenus. Et les malheureux n’ont pu être jugés. Dossier renvoyé à une autre date. Et peu importe ce que cela peut coûter aux prévenus. « Y’a-t-il un traducteur volontaire dans la salle » ? Comment veut-on faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020 avec une justice pareille ?
Noël Konan
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