«Douceur du bercail» est le titre d’un roman d’Aminata Sow Fall, la plus grande romancière sénégalaise. Malgré un nombre important et croissant de femmes dans la politique au Sénégal elle a préféré ne s’intéresser qu’à la chose écrite, à la culture. Si elle avait accepté des responsabilités politiques, elle aurait détruit son immense œuvre. On ne la percevra plus comme un auteur remarquable mais comme une piètre politicienne. On le sait mais il faut le dire. Une carrière politique c’est concentrer sur sa personne la haine, la médisance, la rancœur de très nombreuses personnes. En Afrique, comme dans de nombreux pays du monde, on croit que l’homme politique fait le bonheur de l’individu. On se croise les bras pour ouvrir sa bouche afin que l’homme politique dépose tous les matins la pitance. Une vraie histoire du corbeau et du renard. Tout échec personnel est lié forcement à l’homme politique. Quand on échoue dans son domaine ce n’est que le ministre qui régit le domaine qu en est le responsable. On se promène, du matin au soir, et même en dormant la nuit, à la recherche d’un bouc émissaire idéal. Une amie européenne ne cessait de me dire qu’elle a été stupéfaite de constater, en Afrique, que l’individu se croit toujours victime d’un autre. Et que personne ne se sent responsable. C’est toujours l’autre. C’est toujours le politicien. On ne dira jamais d’Aminata Sow Fall ancien ministre. On verra en elle pour des siècles l’une des plus grandes romancières du continent. Elle ne s’est pas fait d’ennemis féroces en occupant un poste politique, des ennemis qui auraient sali son œuvre pour des siècles. Rien de plus redoutable que celui qui croit que l’autre est son malheur. On a si privilégié le matériel à l’homme que nous avons des citoyens qui ne pensent qu’à l’argent, que leur bonheur est lié absolument à l’argent et à rien d’autre. Les dirigeants africains se battent, cherchent de l’argent pour construire des routes, des écoles, des universités, des barrages mais ils ont oublié la construction de l’âme de l’individu. Les religions font ce qu’elles peuvent mais ils sont extra minoritaires car leurs fidèles ne sont pas aussi nombreux qu’on pourrait le croire. Cette course démesurée au profit matériel a jeté les enfants africains dans la mer. Si à l’époque de l’esclavage on jetait les Africains malades ou qui se révoltaient dans la mer, aujourd’hui ce sont les jeunes du continent qui se donnent au ventre mou. Ceux qui parviennent à la « terre promise » se rendent compte rapidement qu’ils ne voyaient que du mirage. Aminata Sow Fall, à la faveur de la sortie de son livre, a raconté cette histoire. Elle se trouvait dans une ville d’Italie. Elle rencontre un de ses compatriotes. Ce dernier se réveille à 4h du matin pour aller dans un champ de tomates et ne retourne chez lui qu’à 22 heures. Et pour combien de francs ? Le pauvre ! Il regrette son choix mais retourner représenterait un échec pour lui. Les autres diront qu’il a échoué. Partir dans le paradis et revenir en enfer. Ce sont d’autres qui ont fait croire que c’était le paradis. Ils n’ont pas dit la vérité aux autres. A ceux qui étaient restés en Afrique. Maintenant qu’ils sont dans les crocs des requins, difficiles de s’en sortir. Aminata Sow Fall a réussi à le convaincre qu’un tiers d’effort qu’il fournit en Italie fera de lui un propriétaire au Sénégal. Il suffit de la terre, un peu d’eau et la douceur du bercail se fera sentir. C’est avec une joie débordante que j’ai appris l’engouement de nombreux Ivoiriens de la diaspora pour le retour en Côte d’ivoire dans l’enseignement supérieur. Dieu soit loué ! En Amérique du nord, en Europe, on a vu les Africains de la diaspora. Ce n’est pas une vie. L’argent ne fait pas le bonheur. Je me souviens, comme hier, d’un professeur de mathématiques dans une ville canadienne. Malgré son salaire très élevé il me fit part de son manque de bonheur. Le froid lui faisait perdre toute envie de se réjouir de la vie. Le regard des autres sur sa peau. Oui, lui le grand docteur d’état en mathématiques suscitait le dédain quand il rentrait dans un grand magasin ou un café. Que de chuchotement à son passage ! Impossible de se faire d’amis véritables. Vous ne vous fréquentez pas. Chacun chez lui. Gagner bien sa vie ? Ce n’est vraiment pas bien connaitre l’Occident, cette société capitaliste et de consommation à outrance. Tout est fait pour spolié le travailleur de son bien, de son argent. Le travailleur est exploité, pressé. Que de suicides dans les entreprises et même dans les universités ! Qui ne se souvient pas du discours de Soljenitsyne à l’Occident. Une société qui va vers une décadence. Ces nuits de nostalgie de ces africains de la diaspora les poussent au désir du retour. C’est dans leur solitude et de loin qu’ils voient tout le charme de l’Afrique. Il ne leur manque plus que l’appel de la mère patrie. Le Président Ouattara l’a fait lors de toutes ses visites. Avec l’opportunité qu’offrent nos universités la marche est irréversible. Rien ne vaut la douceur incomparable du bercail. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Par Isaïe Biton Koulibaly