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Art et Culture Publié le samedi 8 septembre 2012 | L’intelligent d’Abidjan

9ème anniversaire de L’intelligent d’Abidjan / Alafé Wakili se dévoile : ‘‘Nous avons vendu le journal à 50 millions de FCFA’’

© L’intelligent d’Abidjan Par DR
Les grands débats du cinquantenaire: Alafé Wakili parle de l`attitude des médias indépendants en période électorale
Mardi 28 septembre 2010. Abidjan, Hôtel communal de Cocody. Le Directeur Général du quotidien "L`Intelligent d`Abidjan", Alafé Wakili est l`invité du jour. Thème: Les journaux indépendants doivent-ils inviter leurs lecteurs à voter pour un candidat? Invité:
Promoteur et Président-Fondateur de l’Intelligent d’Abidjan, Alafé Wakili, a accepté de raconter la vraie histoire de la création du journal, de rappeler les hauts et les bas du quotidien dont vous avez rêvé, de dégager les perspectives, par rapport à l’AN 10. Entretien !
M. le Directeur Général, comment est née l’idée de la création de l’IA ?
L’idée est née d’une ambition individuelle et d’un constat. Le constat était que déjà à l’époque, la presse était très radicale et avait des positions tranchées. J’ai voulu créer un journal, au ton mesuré et ouvert à tous, un journal dont le lecteur et le citoyen moyens étaient en droit de rêver. D’où le slogan : le journal dont vous avez rêvé. C’était tout un programme éditorial. La deuxième raison, c’est l’ambition et l’émulation. J’avais la trentaine et je voulais me lancer un défi, un challenge. Je me disais que c’était l’âge de prendre des risques, d’avoir de l’audace. Créer son entreprise à trente ans, était, selon moi, moins risqué que de vouloir le faire à quarante ans, où on aspire à la sagesse et à la maturité. Après environ 5 années passées avec Yao Noël, et 4 ans avec feu Laurent Tapé Koulou, j’ai estimé que le moment était arrivé de me lancer dans l’aventure. Voici neuf ans que ça dure, avec des hauts et des bas ! Des bas, il y’ en a eus car il fut un moment où nous avions voulu passer en hebdomadaire. Des hauts, ce fut souvent les grands numéros avec des ventes record et surtout le lancement du magazine, qui pour le moment n’arrive pas à être très régulier sur le marché.

Avec qui avez-vous lancé le journal et Socef Ntic, la société éditrice ?
J’ai conçu le projet et j’en ai parlé à un ami et frère Hamilton Boigny. Il a trouvé l’idée intéressante et ensemble nous avons créé l’entreprise. Lui, il était dans d’autres types d’activités et la presse ne l’intéressait pas à temps plein. Il voulait aider un frère et souhaitait contribuer à l’émergence d’une autre façon de pratiquer la presse. On a démarré à 51 pour cent des parts pour lui et 49 pour cent pour moi. Il était légalement le gérant pendant plusieurs années, mais j’avais la liberté et l’autonomie des choix éditoriaux. Plus tard, il a fallu faire le bilan. Vous savez quand on n’est pas journaliste, c’est difficile de mettre son argent dans une telle affaire, pas toujours rentable. J’avais promis qu’entre six mois et deux ans, l’affaire serait rentable, mais ce ne fut vraiment pas le cas.

Etes-vous toujours ensemble et quelle est la situation actuelle ?
Oui, nous sommes toujours ensemble, toutefois, nous avons dû céder des parts à d’autres partenaires pour assurer la survie du journal. L’opération s’est déroulée, il y a à peu près 5 ans, lorsqu’il a fallu augmenter le capital, selon la nouvelle loi sur la presse en passant d’un capital d’un million de FCFA à cinq millions de FCFA. Et là, nous avons su valoriser notre affaire en cédant pour un montant de près de 50 millions de CFA, la moitié des parts. Cette valorisation d’un titre de presse me semble être une réussite et un cas bien rare. Aujourd’hui, je suis le gérant statutaire et légal. Nos nouveaux partenaires ne sont pas des philanthropes, ils veulent bien gagner de l’argent. Mais sur le plan éditorial, ils approuvent totalement notre ligne, et nous encouragent dans ce sens. Je voudrais profiter de ce 9ème anniversaire pour les remercier pour leur engagement. Hamilton Boigny est toujours actionnaire, tout comme moi. L’objectif à terme est de permettre aux journalistes et autres collaborateurs de bénéficier de parts dans l’entreprise, pour les impliquer davantage et pour les motiver un peu plus, d’autant plus qu’à présent, j’ai bien l’envie de tenter d’autres challenges.

Que comptez-vous faire pour marquer les 9 ans ?
Pas grand-chose. Juste une cérémonie réunissant une centaine ou plus de personnes autour du concept : ‘’les amis de L’Intelligent d’Abidjan’’. C’est le dixième anniversaire que nous voulons marquer d’un grand coup. Nous allons revisiter les choses, montrer comment notre journal a accompagné l’histoire et l’actualité de la Côte d’Ivoire. Comment nous avons subi l’actualité, mais également comment nous avons été des précurseurs. Nous allons faire un séminaire ou un colloque pour voir comment nous avons pu interagir, pour influencer le cours des événements. Ce 9 ème anniversaire est placé sous le signe de la sobriété. Nous avions en son temps célébré le 2000ème numéro. Après les dix ans, nous mettrons aussitôt le cap sur le 3000ème numéro que nous comptons célébrer. Dans le parcours d’un journal, ce sont des dates importantes.

Cela dit, pour qui roule l’Intelligent d’Abidjan ?
L’intelligent d’Abidjan roule pour lui-même et pour le journalisme. Vous savez, j’ai travaillé à l’époque avec Yao Noël dans un journal qui avait pour but de soutenir le président Bédié et la légalité républicaine à la suite de la bataille de succession, de l’après Houphouët. Et puis il y a eu le National, créé à l’époque par feu Tapé Koulou Laurent pour soutenir également la légalité républicaine incarnée par le président Bédié et qui a connu par la suite beaucoup de soubresauts aussi bien avec les militaires, qu’avec le Président Laurent Gbagbo. C’est pour sortir de ce type de presse à la ligne éditoriale acceptée par le libre choix des journalistes et des promoteurs, et la volonté des journalistes et des promoteurs que j’ai créé L’intelligent d’Abidjan. Je peux avoir des penchants, les journalistes peuvent défendre des causes, mais L’Intelligent d’Abidjan ne peut pas être un journal totalement et radicalement partisan, un journal qui prône l’exclusion et les excès. Nous voulons écrire pour être lu régulièrement, par tous les courants politiques, religieux et sociaux du pays. Nous sommes indépendants, même si cette revendication reste un sujet à caution pour certains. J’aime toujours répondre qu’en Côte d’Ivoire, hier comme aujourd’hui, ce n’est pas un crime (c’est même encouragé et soutenu par les lecteurs en majorité et la population) de soutenir un camp. Ainsi, si j’étais dans cette logique, je pourrais sans aucun risque clamer que je suis pro-Ouattara, ou pro-Gbagbo. On ne tue pas les journalistes pour cela, même si j’estime que telle ne doit pas être la vocation d’un professionnel du métier, et même de tous les métiers. Dîtes moi, devient-on médecin pour soutenir le président Ouattara, ou le FPI ? Non, on devient médecin pour soulager les malades. Devient-on chauffeur de taxi, propriétaire de Gbaka, policier, avocat, ou autre pour soutenir Laurent Gbagbo ou Alassane Ouattara ? Pourquoi le journalisme est le seul métier, où revendiquer des positions clairement partisanes, dans la pratique professionnelle est tolérée ? Honorat De Yedagne s’est battu contre cette vision, mais vers la fin, il a été combattu. En réalité, il s’est laissé déborder par certains de ses collaborateurs qui ont estimé que la Côte d’Ivoire, étant attaquée, on ne pouvait plus être ni neutre, ni partisan.

Avant le 10 ème anniversaire, quel bilan faîtes-vous du parcours du journal ?
Nous avons gagné la bataille de la crédibilité. L’intelligent d’Abidjan est bien perçu et est considéré comme un journal crédible, un journal qui ne ment pas, un journal ayant des scoops et des informations de première main. Les premières années, j’étais stressé par les chiffres de ventes que je regardais chaque semaine, mais quand j’ai obtenu les prix Olped et CNP, je me suis dit que les chiffres de vente ne sont pas les seuls baromètres. Et je rappelle à tous ceux qui aiment s’en prévaloir que le National a été pendant au moins deux ans, en tête des ventes avec des performances et des chiffres pas toujours égalés de nos jours. Il y a eu des parutions où nous tirions 15 mille exemplaires et nous faisions de bonnes ventes. Souvent, nous vendons bien le Lundi, mais le mardi et les jours suivants, les ventes baissent. Nous traitons les informations, selon notre sensibilité, et non pour faire plaisir aux lecteurs ou à des militants de telle ou telle chapelle politique. Si tous les professionnels prenaient le soin de ne pas exalter les passions et les pulsions des lecteurs, peut-être que nous pourrions élever ensemble le niveau du débat….

Avez-vous des remerciements à exprimer ?
Oui. Il y a beaucoup de gens qui nous ont aidés. Ils n’aimeraient pas qu’on les cite. Je les laisse donc dans leur coin. Mais je voudrais exprimer notre gratitude à Ben Soumahoro qui a toujours défendu la ligne indépendante de l’IA face aux pressions de ses amis pro-Gbagbo. Merci à Mme la Présidente de Children of Africa, à savoir la Première dame, Mme Dominique Ouattara, qui a toujours associé notre journal, depuis sa création aux activités de la Fondation qu’elle dirige. Merci également à Me Kossougro Séry Emile Christophe. Cet Avocat émérite qui nous accompagne, à travers souvent ses conseils. Merci à tous les partis politiques (Pdci, Rdr, Fpi, Udpci, Mfa etc…) qui, malgré les griefs qu’ils peuvent avoir à notre égard, ont souvent accepté de parler dans nos colonnes. Merci à la société civile, aux opérateurs économiques et aux annonceurs qui nous font confiance et nous suivent. Merci à tous nos lecteurs pro-Gbagbo, comme pro-Ouattara et surtout pro-Côte d’Ivoire.
Merci à dame Griffith Gergina, une de nos plus fidèles lectrices. Permettez-moi de saluer et d’encourager les journalistes de la maison, les pionniers qui sont partis, ceux qui sont encore là, et acceptent les sacrifices et les difficultés qui demeurent bien réelles. Vous savez, même si nous semblons faire envie, ce n’est pas du tout évident, ce n’est pas du tout facile, alors pas du tout. Nous avons des difficultés réelles, des difficultés qui sont celles de tout le monde dans le milieu de la presse.

Propos recueillis par la Rédaction
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