Les 27 et 28 septembre dernier, à l’initiative du ministère de la Communication, un atelier a regroupé l’ensemble des professionnels des médias à Grand-Bassam sur les termes "Liberté d’information et enjeux du Millenium challenge corporation (Mcc) en Côte d’Ivoire". Précisons que le Mcc est un programme du Congrès américain présidé par Mme Hilary Clinton qui octroie des dons à des pays éligibles pour des projets structurants. A l’occasion de cet atelier, M. Yao Noël, journaliste juriste, ancien président de l’Unjci et ancien vice-président de la Cndhci, a entretenu les participants sur le thème : "La liberté d’information : principes et mécanismes de garantie".
(...) Je voudrais également m'excuser de toutes les défaillances et insuffisances que contiendrait cette intervention. La liberté d'information est, aujourd'hui, d'autant plus impérieuse et nécessaire, qu'elle fait partie des critères et paramètres des sociétés démocratiques et de la bonne gouvernance. De plus, aucun Etat de Droit ne peut, durablement et impunément, fouler aux pieds cette liberté devenue essentielle de nos jours. Mais, que renferme ce vocable qui est de plus en plus, présent dans le débat social et démocratique? Quels en sont les principes clé et les mécanismes de garantie ? etc. Cette problématique nous conduira, dans cette communication, à proposer un plan en deux parties.
I- LA LIBERTÉ D'INFORMATION, FONDEMENT IMMUABLE DE L'ETAT DE DROIT
La liberté d'information peut être définie comme le droit d'avoir accès à l'information détenue par des organismes publics. Elle est inhérente au droit fondamental à la liberté d'expression, tel qu'il est reconnu par la Résolution 59 de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par l'Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme(1948), qui déclare que le droit fondamental à la liberté d'expression englobe la liberté de «chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit». La liberté d'information est aussi considérée comme un corollaire de la liberté d'expression par d'autres instruments internationaux importants, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques(1966). Généralement, l'on retient plus l'obligation qu'a la presse et notamment celle de service public. En effet, si la presse -dont c'est la mission première - d'informer le grand public (qui lui aussi, dispose d'un droit à l'information), ne le fait pas, elle n'assume pas, alors. Au lieu d'être, en ce moment-là, un facteur de démocratie, elle devient une cause d'inertie et d'asthénie démocratique. Cette presse qui n'use pas de la liberté d'information pour informer les citoyens et dessiller leurs yeux en vue de consolider l'opinion publique, contrepoids indispensable en démocratie au pouvoir étatique - se saborde elle-même et commet une grave violation des Droits de l'Homme et de la démocratie qui proclament la liberté d'information au fronton des principes fondateurs. Car si la presse, pour ce qui la concerne, n'informe pas librement les hommes et femmes, dès lors qu'elle même tire sa propre liberté de la loi, de quel droit serait-elle fondée à réclamer la liberté pour elle-même.? Que ferait-elle alors du droit de milliers de ses compatriotes qui paient l'impôt qui permet, entre autres, à Fraternité-Matin de vivre, des redevances Rti pour la Radio-télé de savoir, de leur droit à l'information, tel que prévu à l'article 9 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples? Ce serait un grave déni pour elle-même qui tire son essence, son existence et sa liberté, toute sa légitimité des principes et lois quelle veut défendre et promouvoir. En un mot, quel serait l'argument qu'elle pourrait encore faire valoir pour sa propre existence dans la liberté, la diversité et la pluralité?
II- L'ETAT DE DROIT ET LA DEMOCRATIE, GARANTIES FONDAMENTALES DE LA LIBERTE D'NFORMATION
Si l'on est d'accord que la liberté d'information est un droit fondamental et démocratique, alors elle ne peut exister, prospérer et être garantie que dans un Etat de droit et dans un système qui n'oppresse pas, qui ne brime pas du fait de la diversité et de la pluralité, c'est-à-dire, un régime démocratique et ouvert. L'Etat de Droit et la démocratie garantissent et régulent la liberté d'information. De façon plus concrète et pour aller dans les détails juridiques, chez nous par exemple, les lois de décembre 2004 sur le régime juridique de la presse et sur la communication audiovisuelle prévoient la liberté d'information et celle de la communication audiovisuelle. Ces principes sont pratiquement les mêmes partout, en théorie tout au moins, qu'il s'agisse d'un pays comme la France dont nous tirons beaucoup en matière d'expériences vécues, ou de la majeure partie des pays francophones d'Afrique après la série des conférences nationales souveraines qui ont mis un terme à la pensée unique et libéré la parole. En dehors donc de la loi qui est la première grande garantie, il y a les codes d'éthique et de déontologie qui réaffirment et reprennent les mêmes principes d'indépendance de la presse, de la liberté d'information que l'on pourra faire valoir en cas de procès ou de conflit devant le juge. Mais il n'y a pas en matière de liberté d'information que la seule justice classique. Chacun de nous connait la juridiction des pairs, l'existence des organes de régulation, principalement le Conseil national de la presse (Cnp) et, depuis peu, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haca) qui a remplacé l'ancienne Cnca. En même temps qu'ils sont là pour rappeler à tous la liberté d'information laissée à chaque citoyen et à chaque organe de presse, ces organes constituent ou devraient constituer des limites légales aux dérives de la liberté d'information qui, comme toutes les libertés du monde si l'on ose ironiser, s'arrête exactement là où commencent celles des autres. Pour être efficaces, ces organes de régulation doivent être indépendants financièrement, techniquement, politiquement. Une instance de régulation aux ordres du pouvoir ou de quelque force sociale n'a ni la force ni l'indépendance nécessaire pour garantir la liberté d'information. C'est tout comme un DP ou un DG, nommé et non choisi par appel à candidatures ne pourraient valablement pas défendre la liberté d'information. En la matière et dans l'Etat de Droit, la liberté, particulièrement la liberté d'information, ne permet pas de tout dire, de tout écrire pour diffamer exclure ou détruire. C'est pourquoi la Constitution, loi suprême, la loi de décembre 2004, le nouveau code de déontologie du 23 février 2012, posent comme partout, des règles qui sont autant de balises et de limites à cette liberté d'information. De fait, la démocratie, l'Etat de droit, en même temps qu'ils prévoient et admettent la liberté d'information, la garantissent et la contrôlent dans des limites qui permettent de prévoir et de garantir celle des autres membres du corps social. Il existe également les structures associatives, telles que l'Unjci, l'Ojpci, les Ong, qui interviennent tout aussi discrètement qu'efficacement dans la garantie de la liberté d'information. La société civile, les Ong, surtout l'opinion publique, sont autant de garanties de la liberté. Ainsi, un organe d'information inféodé à un groupe ou parti politique, et qui donne une information déséquilibrée, est appelé à mourir de sa belle mort car le public, les lecteurs ne se feront pas prier pour lui tourner le dos. Y a-t-il, à votre avis, sanction plus forte que le jugement du public, la sentence impitoyable du lectorat? Donc, au-delà de tous les principes constitutionnels, légaux, réglementaires, au-delà des principes déontologiques, éthiques et professionnels qui permettent de garantir la liberté d'information, le jugement du public et des lecteurs, est le plus efficace car le plus tranchant.
En tout état de cause, les mécanismes de garantie de la liberté d'information, on le voit, on le sait, sont relatifs. Même dans les grandes démocraties, les grands groupes de presse n'exercent-ils pas une forme de dictature sur les journaux dits mineurs qui ont, eux aussi, le droit d'exister? Autre écueil, dans nos pays, en Côte d'Ivoire, où le taux d'analphabétisme est encore élevé, que signifie la liberté d'information pour le cultivateur d'ignames de Sapli, à Bondoukou, le vendeur de boubous sénoufo de Waraniéné, près de Korhogo ? Très peu de choses et il ne cherche pas à savoir quelle est la garantie de cette liberté d'information qu'il ignore. En définitive, il s'agit de respecter l'humain, ses droits, sa dignité, sortir de la culture du secret et ses aspirations en vue d'un développement de tout l'homme et de tous les hommes. Un développement humain durable, voilà, au travers de la Liberté d'information, le but ultime des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)
Je vous remercie.
Bassam, le 27 septembre 2012.
Yao Noel, journaliste-juriste,
Ancien Président de l'Unjci,
Ancien Vice-président de la Cndhci
(...) Je voudrais également m'excuser de toutes les défaillances et insuffisances que contiendrait cette intervention. La liberté d'information est, aujourd'hui, d'autant plus impérieuse et nécessaire, qu'elle fait partie des critères et paramètres des sociétés démocratiques et de la bonne gouvernance. De plus, aucun Etat de Droit ne peut, durablement et impunément, fouler aux pieds cette liberté devenue essentielle de nos jours. Mais, que renferme ce vocable qui est de plus en plus, présent dans le débat social et démocratique? Quels en sont les principes clé et les mécanismes de garantie ? etc. Cette problématique nous conduira, dans cette communication, à proposer un plan en deux parties.
I- LA LIBERTÉ D'INFORMATION, FONDEMENT IMMUABLE DE L'ETAT DE DROIT
La liberté d'information peut être définie comme le droit d'avoir accès à l'information détenue par des organismes publics. Elle est inhérente au droit fondamental à la liberté d'expression, tel qu'il est reconnu par la Résolution 59 de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par l'Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme(1948), qui déclare que le droit fondamental à la liberté d'expression englobe la liberté de «chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit». La liberté d'information est aussi considérée comme un corollaire de la liberté d'expression par d'autres instruments internationaux importants, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques(1966). Généralement, l'on retient plus l'obligation qu'a la presse et notamment celle de service public. En effet, si la presse -dont c'est la mission première - d'informer le grand public (qui lui aussi, dispose d'un droit à l'information), ne le fait pas, elle n'assume pas, alors. Au lieu d'être, en ce moment-là, un facteur de démocratie, elle devient une cause d'inertie et d'asthénie démocratique. Cette presse qui n'use pas de la liberté d'information pour informer les citoyens et dessiller leurs yeux en vue de consolider l'opinion publique, contrepoids indispensable en démocratie au pouvoir étatique - se saborde elle-même et commet une grave violation des Droits de l'Homme et de la démocratie qui proclament la liberté d'information au fronton des principes fondateurs. Car si la presse, pour ce qui la concerne, n'informe pas librement les hommes et femmes, dès lors qu'elle même tire sa propre liberté de la loi, de quel droit serait-elle fondée à réclamer la liberté pour elle-même.? Que ferait-elle alors du droit de milliers de ses compatriotes qui paient l'impôt qui permet, entre autres, à Fraternité-Matin de vivre, des redevances Rti pour la Radio-télé de savoir, de leur droit à l'information, tel que prévu à l'article 9 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples? Ce serait un grave déni pour elle-même qui tire son essence, son existence et sa liberté, toute sa légitimité des principes et lois quelle veut défendre et promouvoir. En un mot, quel serait l'argument qu'elle pourrait encore faire valoir pour sa propre existence dans la liberté, la diversité et la pluralité?
II- L'ETAT DE DROIT ET LA DEMOCRATIE, GARANTIES FONDAMENTALES DE LA LIBERTE D'NFORMATION
Si l'on est d'accord que la liberté d'information est un droit fondamental et démocratique, alors elle ne peut exister, prospérer et être garantie que dans un Etat de droit et dans un système qui n'oppresse pas, qui ne brime pas du fait de la diversité et de la pluralité, c'est-à-dire, un régime démocratique et ouvert. L'Etat de Droit et la démocratie garantissent et régulent la liberté d'information. De façon plus concrète et pour aller dans les détails juridiques, chez nous par exemple, les lois de décembre 2004 sur le régime juridique de la presse et sur la communication audiovisuelle prévoient la liberté d'information et celle de la communication audiovisuelle. Ces principes sont pratiquement les mêmes partout, en théorie tout au moins, qu'il s'agisse d'un pays comme la France dont nous tirons beaucoup en matière d'expériences vécues, ou de la majeure partie des pays francophones d'Afrique après la série des conférences nationales souveraines qui ont mis un terme à la pensée unique et libéré la parole. En dehors donc de la loi qui est la première grande garantie, il y a les codes d'éthique et de déontologie qui réaffirment et reprennent les mêmes principes d'indépendance de la presse, de la liberté d'information que l'on pourra faire valoir en cas de procès ou de conflit devant le juge. Mais il n'y a pas en matière de liberté d'information que la seule justice classique. Chacun de nous connait la juridiction des pairs, l'existence des organes de régulation, principalement le Conseil national de la presse (Cnp) et, depuis peu, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haca) qui a remplacé l'ancienne Cnca. En même temps qu'ils sont là pour rappeler à tous la liberté d'information laissée à chaque citoyen et à chaque organe de presse, ces organes constituent ou devraient constituer des limites légales aux dérives de la liberté d'information qui, comme toutes les libertés du monde si l'on ose ironiser, s'arrête exactement là où commencent celles des autres. Pour être efficaces, ces organes de régulation doivent être indépendants financièrement, techniquement, politiquement. Une instance de régulation aux ordres du pouvoir ou de quelque force sociale n'a ni la force ni l'indépendance nécessaire pour garantir la liberté d'information. C'est tout comme un DP ou un DG, nommé et non choisi par appel à candidatures ne pourraient valablement pas défendre la liberté d'information. En la matière et dans l'Etat de Droit, la liberté, particulièrement la liberté d'information, ne permet pas de tout dire, de tout écrire pour diffamer exclure ou détruire. C'est pourquoi la Constitution, loi suprême, la loi de décembre 2004, le nouveau code de déontologie du 23 février 2012, posent comme partout, des règles qui sont autant de balises et de limites à cette liberté d'information. De fait, la démocratie, l'Etat de droit, en même temps qu'ils prévoient et admettent la liberté d'information, la garantissent et la contrôlent dans des limites qui permettent de prévoir et de garantir celle des autres membres du corps social. Il existe également les structures associatives, telles que l'Unjci, l'Ojpci, les Ong, qui interviennent tout aussi discrètement qu'efficacement dans la garantie de la liberté d'information. La société civile, les Ong, surtout l'opinion publique, sont autant de garanties de la liberté. Ainsi, un organe d'information inféodé à un groupe ou parti politique, et qui donne une information déséquilibrée, est appelé à mourir de sa belle mort car le public, les lecteurs ne se feront pas prier pour lui tourner le dos. Y a-t-il, à votre avis, sanction plus forte que le jugement du public, la sentence impitoyable du lectorat? Donc, au-delà de tous les principes constitutionnels, légaux, réglementaires, au-delà des principes déontologiques, éthiques et professionnels qui permettent de garantir la liberté d'information, le jugement du public et des lecteurs, est le plus efficace car le plus tranchant.
En tout état de cause, les mécanismes de garantie de la liberté d'information, on le voit, on le sait, sont relatifs. Même dans les grandes démocraties, les grands groupes de presse n'exercent-ils pas une forme de dictature sur les journaux dits mineurs qui ont, eux aussi, le droit d'exister? Autre écueil, dans nos pays, en Côte d'Ivoire, où le taux d'analphabétisme est encore élevé, que signifie la liberté d'information pour le cultivateur d'ignames de Sapli, à Bondoukou, le vendeur de boubous sénoufo de Waraniéné, près de Korhogo ? Très peu de choses et il ne cherche pas à savoir quelle est la garantie de cette liberté d'information qu'il ignore. En définitive, il s'agit de respecter l'humain, ses droits, sa dignité, sortir de la culture du secret et ses aspirations en vue d'un développement de tout l'homme et de tous les hommes. Un développement humain durable, voilà, au travers de la Liberté d'information, le but ultime des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)
Je vous remercie.
Bassam, le 27 septembre 2012.
Yao Noel, journaliste-juriste,
Ancien Président de l'Unjci,
Ancien Vice-président de la Cndhci