Question de la Rti : « L’une des conséquences de l’annulation de la dette extérieure est le renforcement de la capacité d’emprunt de la Côte d’Ivoire. Quelle sera la nouvelle politique d’endettement de la Côte d’Ivoire pour que les futurs enfants ivoiriens n’héritent pas de dettes colossales ? » Réponse d’Alassane Ouattara : « Nous avons moins de dettes que la France, l’Allemagne ou d’autres pays. Avec l’annulation de notre dette par le Ppte, nous allons tomber à près de 15%. Je pense que c’est un niveau raisonnable. Après cela, je n’irai plus emprunter auprès des institutions publiques. J’irai sur les marchés financiers. Si par exemple, j’ai besoin d’un milliard d’euros pour investir dans le chemin de fer, parce que j’ai une bonne signature et un déficit quasiment nul, le taux d’inflation est bas et le pays est bien géré-, j’irais emprunter sur les marchés internationaux. Ce ne sera plus nécessaire d’aller au Fonds monétaire international ou à la Banque mondiale. C’est ce que j’avais comme ambition en 1990 quand j’étais Premier ministre. Je suis content qu’avant la fin de mon mandat, nous puissions le faire. Ce sont des prêts qui seront affectés à des projets qui financeront le remboursement. Ce ne sera plus un endettement qui va peser sur les Ivoiriens ou nos enfants, comme ce que nous avons vécu ».
Bel effet oratoire, malheureusement teinté de faussetés. L‘interview a été réalisée le 30 mars 2012. Le 4 décembre 2012, Alassane Ouattara s’envolait pour Paris avec la moitié du gouvernement pour « quémander » le financement du Pnd. La Banque mondiale et le Fmi ont promis 1500 milliards FCFA. En gros, les financements publics (dont Ouattara ne voulait plus) annoncés s’élèvent à 4300 milliards FCFA. A chacun d’apprécier le discours démagogique de Ouattara.
Ainsi quand l’actuel chef de l’Etat, la main sur le cœur, jure que « ce sont des prêts qui sont affectés à des projets et que ces projets financent le remboursement du prêt. Ce n’est plus un endettement pour l’Ivoirien, ni pour nos enfants », il y a de forte raison d’en douter : Alassane Ouattara endette la Côte d’Ivoire et ce sont les générations futures qui vont en pâtir.
Il se plait bien dans ses déclarations jubilatoires à propos des soi-disant retombées économiques de ses nombreux voyages à l’extérieur du pays. Il se dit fier et heureux d’apporter de l’argent (en réalité des problèmes) au pays. Alors qu’il devrait plutôt faire profil bas au regard des données sur la dette extérieure de la Côte d’Ivoire.
En effet, selon la célèbre CIA World Factbook (version du 1er janvier 2012), la dette extérieure de la Côte d’Ivoire s’élevait à fin 2010 à 11,34 milliards de dollars (env 5670 milliards FCFA). Pour l’année 2011, elle se situait à 11,6 milliards de dollars (env 5800 milliards FCFA). La même source estime à 11,9 milliards de dollars (env 5950 milliards FCFA) celle de 2012. Il convient de préciser pour cette dernière donnée que les dettes post-butoir ne sont pas prises en compte. En Côte d’Ivoire le service de la dette extérieure augmente en 2012 du fait des paiements croissants aux créanciers bilatéraux et privés (62 milliards FCFA des 145,1 milliards d’échéances exigibles, soit 42,7%), qui n’étaient pas servis avant les accords récents sur la dette extérieure. De plus, le pays doit rester à jour de ces paiements sur la durée du programme. Ce qui signifie que ce montant est sûrement plus élevé. C’est dire que la dette extérieure ivoirienne ne cesse de croître. « Depuis l’atteinte du point d’achèvement, la dette extérieure a augmenté fortement. Toutes les données ne sont pas disponibles. Mais il reste qu’environ 845 milliards FCFA d’endettement nette se sont ajoutés à l’encours résiduel », souligne une source crédible. Ce qui signifie que la dette extérieure s’est rapidement reconstruite. Cela est d’autant plus inquiétant que la Côte d’Ivoire n’est plus dans le programme Ppte et que toutes les dettes doivent être réglées à due date. « La reconstruction de la dette inquiète d’autant plus que le rapport du service de la dette aux recettes est en passe de dépasser la norme de viabilité. La plupart de la dette est mal profilée avec des dettes à rembourser à court et moyen termes », renchérit-il.
Pourquoi Ouattara est-il alors si joyeux d’endetter, voire surendetter, le pays ? Pour l’économiste-banquier, l’emprunt extérieur donne la possibilité de faire des investissements accrus dans les secteurs sociaux pour un meilleur environnement de vie. C’est une approche légitime. C’est le néolibéralisme qui a promu la dette comme outil nécessaire à la croissance. Une question se pose qui concerne la légitimité du principe de l’endettement public comme nécessité permanente. Il y a certes besoin d’investissements publics importants. Mais faut-il pour cela que l’État s’endette constamment? C’est là que les théories économiques du chef de l’Etat deviennent discutables, voire douteuses.
Pour l’exemple, l’on se souvient, au cours de la décennie 70, de la réalisation de grands projets structurants dans les secteurs agro-industriels (tels les complexes sucriers, le projet Soja), et des infrastructures (à l’exemple des programmes énergétiques de Taabo, Ayamé, Bia, Kossou). Selon certaines sources, la valeur des investissements publics évaluée à 540.6 milliards FCFA, a été d'environ 47% plus élevée que celle prévue au plan. Et cette frénésie de l'investissement s'est soldée par un accroissement brutal de la dette publique, notamment de la dette extérieure, puisque les investissements publics étaient financés essentiellement par les emprunts extérieurs.
Le schéma n’a pas changé sous Ouattara.
Alassane Ouattara est obnubilé par le défi de la croissance économique. Ce qui est essentiel pour lui, c’est comment amener la Côte d’Ivoire à être un « pays émergent à l’horizon 2020 » selon le nouveau slogan gouvernemental. Et pourtant à ce jour, - les économistes avisées en perdent leur latin - la dette extérieure totale de la Côte d’Ivoire se situe à environ 10.000 milliards FCFA. Et ce, en moins de deux ans d’exercice du pouvoir ! Sans compter les financements annoncés à l’issue de la réunion du groupe consultatif sur le financement du Pnd, les emprunts auprès de la Boad, de la Banque d’investissement de la Cedeao, de la Banque islamique de développement etc. Ces organisations qui « donnent » à la Côte d’Ivoire ne le font ni par simple amitié, ni par philanthropie, mais dans l’objectif de récupérer d’énormes dividendes. Il ne faut pas oublier non plus que la dette est un puissant instrument de domination des prêteurs sur les emprunteurs, et donc de renforcement du pouvoir de la finance dans un contexte où les recettes intérieures sont très faibles. La plupart des pays africains au sud du Sahara en paient les frais aujourd’hui. A trop s’endetter, on court à la ruine et on perd son indépendance. C’est une loi balzacienne qui guette le pays. L’endettement de la Côte d’Ivoire, sous cet angle, n’est nullement intelligent.
J-S Lia
Bel effet oratoire, malheureusement teinté de faussetés. L‘interview a été réalisée le 30 mars 2012. Le 4 décembre 2012, Alassane Ouattara s’envolait pour Paris avec la moitié du gouvernement pour « quémander » le financement du Pnd. La Banque mondiale et le Fmi ont promis 1500 milliards FCFA. En gros, les financements publics (dont Ouattara ne voulait plus) annoncés s’élèvent à 4300 milliards FCFA. A chacun d’apprécier le discours démagogique de Ouattara.
Ainsi quand l’actuel chef de l’Etat, la main sur le cœur, jure que « ce sont des prêts qui sont affectés à des projets et que ces projets financent le remboursement du prêt. Ce n’est plus un endettement pour l’Ivoirien, ni pour nos enfants », il y a de forte raison d’en douter : Alassane Ouattara endette la Côte d’Ivoire et ce sont les générations futures qui vont en pâtir.
Il se plait bien dans ses déclarations jubilatoires à propos des soi-disant retombées économiques de ses nombreux voyages à l’extérieur du pays. Il se dit fier et heureux d’apporter de l’argent (en réalité des problèmes) au pays. Alors qu’il devrait plutôt faire profil bas au regard des données sur la dette extérieure de la Côte d’Ivoire.
En effet, selon la célèbre CIA World Factbook (version du 1er janvier 2012), la dette extérieure de la Côte d’Ivoire s’élevait à fin 2010 à 11,34 milliards de dollars (env 5670 milliards FCFA). Pour l’année 2011, elle se situait à 11,6 milliards de dollars (env 5800 milliards FCFA). La même source estime à 11,9 milliards de dollars (env 5950 milliards FCFA) celle de 2012. Il convient de préciser pour cette dernière donnée que les dettes post-butoir ne sont pas prises en compte. En Côte d’Ivoire le service de la dette extérieure augmente en 2012 du fait des paiements croissants aux créanciers bilatéraux et privés (62 milliards FCFA des 145,1 milliards d’échéances exigibles, soit 42,7%), qui n’étaient pas servis avant les accords récents sur la dette extérieure. De plus, le pays doit rester à jour de ces paiements sur la durée du programme. Ce qui signifie que ce montant est sûrement plus élevé. C’est dire que la dette extérieure ivoirienne ne cesse de croître. « Depuis l’atteinte du point d’achèvement, la dette extérieure a augmenté fortement. Toutes les données ne sont pas disponibles. Mais il reste qu’environ 845 milliards FCFA d’endettement nette se sont ajoutés à l’encours résiduel », souligne une source crédible. Ce qui signifie que la dette extérieure s’est rapidement reconstruite. Cela est d’autant plus inquiétant que la Côte d’Ivoire n’est plus dans le programme Ppte et que toutes les dettes doivent être réglées à due date. « La reconstruction de la dette inquiète d’autant plus que le rapport du service de la dette aux recettes est en passe de dépasser la norme de viabilité. La plupart de la dette est mal profilée avec des dettes à rembourser à court et moyen termes », renchérit-il.
Pourquoi Ouattara est-il alors si joyeux d’endetter, voire surendetter, le pays ? Pour l’économiste-banquier, l’emprunt extérieur donne la possibilité de faire des investissements accrus dans les secteurs sociaux pour un meilleur environnement de vie. C’est une approche légitime. C’est le néolibéralisme qui a promu la dette comme outil nécessaire à la croissance. Une question se pose qui concerne la légitimité du principe de l’endettement public comme nécessité permanente. Il y a certes besoin d’investissements publics importants. Mais faut-il pour cela que l’État s’endette constamment? C’est là que les théories économiques du chef de l’Etat deviennent discutables, voire douteuses.
Pour l’exemple, l’on se souvient, au cours de la décennie 70, de la réalisation de grands projets structurants dans les secteurs agro-industriels (tels les complexes sucriers, le projet Soja), et des infrastructures (à l’exemple des programmes énergétiques de Taabo, Ayamé, Bia, Kossou). Selon certaines sources, la valeur des investissements publics évaluée à 540.6 milliards FCFA, a été d'environ 47% plus élevée que celle prévue au plan. Et cette frénésie de l'investissement s'est soldée par un accroissement brutal de la dette publique, notamment de la dette extérieure, puisque les investissements publics étaient financés essentiellement par les emprunts extérieurs.
Le schéma n’a pas changé sous Ouattara.
Alassane Ouattara est obnubilé par le défi de la croissance économique. Ce qui est essentiel pour lui, c’est comment amener la Côte d’Ivoire à être un « pays émergent à l’horizon 2020 » selon le nouveau slogan gouvernemental. Et pourtant à ce jour, - les économistes avisées en perdent leur latin - la dette extérieure totale de la Côte d’Ivoire se situe à environ 10.000 milliards FCFA. Et ce, en moins de deux ans d’exercice du pouvoir ! Sans compter les financements annoncés à l’issue de la réunion du groupe consultatif sur le financement du Pnd, les emprunts auprès de la Boad, de la Banque d’investissement de la Cedeao, de la Banque islamique de développement etc. Ces organisations qui « donnent » à la Côte d’Ivoire ne le font ni par simple amitié, ni par philanthropie, mais dans l’objectif de récupérer d’énormes dividendes. Il ne faut pas oublier non plus que la dette est un puissant instrument de domination des prêteurs sur les emprunteurs, et donc de renforcement du pouvoir de la finance dans un contexte où les recettes intérieures sont très faibles. La plupart des pays africains au sud du Sahara en paient les frais aujourd’hui. A trop s’endetter, on court à la ruine et on perd son indépendance. C’est une loi balzacienne qui guette le pays. L’endettement de la Côte d’Ivoire, sous cet angle, n’est nullement intelligent.
J-S Lia