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Politique Publié le vendredi 8 mars 2013 | Boigny Express

Bravo, Peuple bété !

Face à la périlleuse entreprise de parler d’ethnie et de région au risque de tomber sous le coup des nombreuses lois sur le tribalisme, j’ai choisi aujourd’hui de m’adresser au peuple bété. Je veux parler particulièrement au bété de Gagnoa, le bété chaud chaud, plus proche parent de Laurent Gbagbo, le fils le plus célèbre de l’histoire de cette vaste région qui regroupe de nombreux départements dont Issia, Daloa et Soubré. Tout le grand peuple de cet ensemble détient en commun la réputation de ne pas économiser la colère. Là-bas, il n’existe pas le plat froid de la vengeance. C’est dès que dès que ; comme on le dit chez nous, tu parles gbê au bété il te répond gbê ! Je n’oublie pas de rappeler qu’ils ont aussi la particularité d’être un peule de généreuses personnes qui partagent matériels et toutes sortes de biens. Le président Alassane, qui est en train d’apprendre à connaître les sous peuples du grand peuple ivoirien, le sait très bien et ce voyage à Gagnoa pour inaugurer un hôpital général était certainement plus une opération test de l’atmosphère politique de la région natale de Laurent Gbagbo qu’il a fait transférer loin du continent pour être jugé par la justice des blancs. Au regard de la massive mobilisation constatée et des allocutions cordiales enregistrées, on peut dire que le peuple bété est prêt à aller à la réconciliation. A moins que l’on ait maquillé toute la cérémonie ( ce qui est fort possible) en « important » des figurants venus de loin, habillés selon les habitudes vestimentaires de la région comme on l’a vu sous le régime précédent , pour gonfler la foule et flatter le président au chapitre de l’amour et le soutien que lui porte son peuple. On a aussi connu à cette époque les discours tout faits qu’on donne à l’intervenant pour poncer le président et chanter ses louanges en saluant sa généreuse politique dont la région est bénéficiaire. En écoutant les allocutions, on avait l’impression parfois d’être dans ce schéma. Nous ne voulons rien insinuer et nous quittons vite ce mauvais rêve. Ainsi donc, le peuple bété a reçu le président Alassane qui leur a parlé de paix et de réconciliation. Et la foule a applaudi sans rien dire. Etonnant mais quand il s’agit du bété, on ne devrait pas douter de sa sincérité s’il n’y avait pas d’antécédent. En 1984, le président Houphouët-Boigny qui voulait mettre un terme au jeu de je t’aime moi non plus entre lui et cette région ou cercle de l’époque dont des fils comme Etienne Djaument , Biaka Boda Victor, Dignan Bally, Kragbé Gnangbé ont raté leur avenir politique avec ou face à lui, avait décidé d’organiser un rapprochement élargi en suscitant le jumelage entre les villes de Yamoussoukro et de Gagnoa. Les populations de Gagnoa ont été massivement convoyées à Yamoussoukro où le peuple baoulé s’est à son tour rassemblé dans toute sa densité humaine civilisationnelle dans les règles bien convenues. Il y eut une grande fête. Cette rencontre a semé l’espérance dans le cœur du pays baoulé, mais malheureusement, les fruits n’ont pas répondu aux promesses des fleurs. Plus tard, bien plus tard, en l’an 2001, au cours du forum de la réconciliation nationale organisée par Laurent Gbagbo, l’intervention du porte parole de Gagnoa a permis de comprendre pourquoi le prétexte du jumelage Gagnoa-Yamoussoukro n’a pu conduire à une parfaite harmonie entre les populations concernées. Regardant bien en face l’ancien ministre Léon Konan Koffi qui fut aussi préfet du département de Gagnoa pendant les évènements du Guébié dits l’affaire Gnangbé Kragbé, le cadre bété s’est défoulé pendant une trentaine de minutes, dénonçant et accusant le président Houphouët et son ministre d’avoir brimé et humilié le bété au profit de leur communauté. Beaucoup de personnes avaient commencé à entreprendre un boycott du forum si cette tournure qui risquait de transformer le forum à une foire d’injures n’était pas corrigée. Informé, l’ancien ministre a fait venir l’initiateur de la motion pour lui demander de renoncer en disant : « on ne peut pas empêcher un bété de dire sa vérité ; pour vivre avec eux il faut savoir cela. Vous verrez que ce monsieur que je connais très bien viendra me voir bientôt comme il le fait bien souvent depuis. Aidons le forum à aller jusqu’au bout ». Cette situation est-elle l’exception qui confirme la règle, ou une nouvelle manière d’agir chez le bété ? Dans tous les cas, la cérémonie d’inauguration de l’hôpital général grand standing construit par Gbagbo ne pouvait pas servir de théâtre de passe d’armes entre Ouattara le président et les parents de son prédécesseur qu’il a expédié en prison, loin d’ici, au pays des blancs, comme les colons déportaient nos ancêtres à Ndjolé, cette prison du non retour en territoire gabonais, là où Samory Touré a trouvé la mort. On a fait la fête, le président a reçu les cadres et la notabilité en aparté et tout s’est bien passé. Bravo au peuple bété. Si seulement Banny avait l’ingéniosité de s’engouffrer dans cette favorable brèche.

G.A
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