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Art et Culture Publié le samedi 30 mars 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Les samedis de Biton : La fièvre de l’hévéa

C’était à la frontière du Nigéria et du Bénin. Mon compagnon et moi étions déjà au poste frontalier du Nigéria, ainsi que d’autres passagers se rendant à Lagos. A la présentation de nos pièces d’identité, on nous dit d’attendre spécialement de côté. Les forces de l’ordre, comme partout sur le continent, prenaient de l’argent avec tous les voyageurs. Pour nous deux, on quadrupla le tarif. Devant notre protestation, on nous fit comprendre que nous sommes des Ivoiriens, des gens riches. Impossible de ramener notre tarif à celui des autres malgré le temps qui s’égrenait. A chaque argument qu’on développait, on nous rétorquait qu’un Ivoirien est beaucoup plus riche que les autres et qu’il doit avoir un traitement particulier. C’était l’époque de Félix Houphouët-Boigny. Ces années ou le nom de la Côte d’Ivoire rimait avec la prospérité et l’abondance. Cette époque est en train de revenir avec rapidité. Souvenez-vous : « J’apprends avec le Président Houphouët et j’apprends très vite. » On parle d’un pays émergent à venir dans moins d’une dizaine d’années. On oublie de parler souvent des habitants de ce pays. Ils ont compris, eux aussi, qu’ils doivent, à cette date, arriver à l’abondance, à l’émergence. C’est la course pour atteindre l’horizon 2020. La grande trouvaille c’est l’hévéaculture. On ne peut plus faire un pas, dans ce pays, sans entendre parler de la culture de l’hévéa. Cette poule aux œufs d’or. Malheur à celui qui n’aura pas sa plantation d’hévéa. Des démarcheurs sillonnent tous les quartiers avec des dépliants. On vous propose des terres qu’on mettra en valeur. Vous pouvez dormir et l’argent, dans sept ans, va couler dans vos comptes. Vous n’avez qu’à leur payer ce qu’ils demandent, même sur plusieurs mensualités. Ils vous trouveront même des manœuvres et vous commercialiseront le produit quand il sera en production. Quand viendra la production ! On ne cesse de l’entendre. La fièvre de l’hévéa s’est emparée de tout le pays, de tous les travailleurs. C‘est émouvant de voir des fonctionnaires, des travailleurs, à la retraite, parler de ce qu’ils gagneront comme millions, par mois, quand leur plantation rentera en production. La belle vie qu’ils n’ont pas obtenue pendant leurs années de travail leur viendra dans ces années censées leur donner du repos. Ils ne dorment plus. Ils ne se reposent plus. Ceux qui sont en activité, même les plus jeunes, sont dans les plantations. L’hévéa c’est le nouveau rêve ivoirien. Les premiers qui ont commencé cette culture sont devenus des légendes. Dans un village on parle de jeunes gens qui sont devenus riches, dépensent sans compter, marient autant de femmes qu’ils veulent. Il faut montrer à ces villageois, partis, avec peu de moyens, que le fonctionnaire de la ville, avec davantage de gros moyens, pourra avoir de nombreuses voitures, des maisons, des immeubles et des belles femmes. Bientôt l’Ivoirien va payer encore plus cher pour traverser une frontière. Il sera le Qatari de l’Afrique. De partout l’écho d’une richesse retrouvée se fait entendre. C’est vrai l’hévéa peut rapporter et même gros. C’est un investissement très sûr. Une bonne rentabilité, dix mois sur douze. En plus, la durée moyenne de vie d’un arbre d’hévéa bien planté et bien suivi est de vingt à vingt-cinq ans. L’hévéa produit plus en vieillissant. Bien gérée, les fonds générés permettent de bien vivre. Mais, cette culture présente aussi des difficultés que les futurs riches semblent ignorer et qui pourrait les pousser à l’abandon. C’est un investissement lourd et long, pas à la portée de qui veut. C’est un arbre fragile qui demande une attention et un suivi très intenses dès les premières années. Il est très sensible aux aléas climatiques. Jouer au planteur du dimanche sera néfaste à la réussite. Les manœuvres, il faut les suivre, au jour le jour, donc s’installer dans sa plantation. Les coûts peuvent baisser à tout moment. Les pays de l’Asie, avec de grands moyens, et du sérieux, sont en train de revenir à cette culture. Toutefois, il faut absolument que nos compatriotes changent leur manière de voir, de se comporter. Chercher la richesse, à tout prix, pour construire de belles maisons, voyager et surtout courir derrière les femmes, peuvent freiner l’émergence. Les gens pensent qu’on ne les voit pas se comporter. Tout cet argent qu’égrène et que va égrener l’hévéaculture doit servir à l’industrialisation du pays. Il est urgent que les futurs riches créent déjà et ensemble, des sociétés, des entreprises, des industries pour donner encore plus de poids à leur réalisation. A leur butin. On a beau avoir beaucoup d’argent s’il est mal utilisé cela ne produira rien de bon. Il suffit de regarder toutes ces personnes qui ont de bons salaires et qui en redemandent toujours. L’argent ne suffit jamais. Gagner un million par mois, de sa plantation, signifie que cette somme n’est pas entièrement pour vous. Il y a les charges. A tous les niveaux on peut bien vivre si on sait faire un budget. Il serait bon que chacun, surtout les hommes politiques, se promènent, la nuit, dans tous les quartiers. Ils verront comment ce peuple gaspille. On ne voit plus que des bars, des maquis. Et surtout une consommation effrénée d’alcool. Et tous les soirs. Avec une vie si dissipée, l’argent ne suffira jamais plantation d’hévéa ou pas. Ainsi va l’Afrique et à la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
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