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Politique Publié le vendredi 12 avril 2013 | Le Patriote

Gandhi, Martin Luther, Lumumba, Mandela… / Ces héros n’ont pas massacré leur peuple…Gbagbo, si !

Le 11 avril 2011 est désormais une date charnière de l’histoire de la Côte d’Ivoire. La capture et la chute de Laurent Gbagbo a été diversement commémorée hier à travers la Côte d’Ivoire. Là où les démocrates de touts bords célébraient la victoire de la liberté sur l’obscurantisme, les partisans de l’ex-chef de l’Etat, eux, saluaient le parcours politique de celui qu’ils ont décidé d’élever au rang d’icône. Pour, disent-ils, son combat contre le « néocolonialisme ». Dans sa déclaration parue hier dans la presse, le Front populaire ivoirien, son parti politique, par la plume de son secrétaire général par intérim, Dr Kadjo Richard, est allé jusqu’à le comparer aux grands héros de la liberté du XXe siècle. Pour le FPI, Laurent Gbagbo, dans son parcours politique, « s’est investi dans le combat pour l’émancipation de l’Ivoirien après l’épisode du RDA des années 1946-1950 ». Il s’est sacrifié, selon le secrétaire général par intérim, en pleine guerre froide, pour arracher les libertés démocratiques, subissant emprisonnements et humiliations. « Pour cette raison, le FPI assure de sa foi et de sa conviction que l’un des plus grands combattants de la liberté, dans la lignée des Mahatma Gandhi, Martin Luther King, Patrice Emery Lumumba et Nelson Mandela en ce début de XXIème siècle, en l’occurrence le Président Laurent Gbagbo, ne restera pas séquestré plus longtemps dans les geôles de la CPI et qu’il sera rendu à la liberté », conclut de façon péremptoire le porte-parole du FPI dans une déclaration jugée « spéciale ». Pour le FPI, Laurent Gbagbo doit être classé dans le panthéon des héros de la liberté, au même titre que le Mahatma Gandhi, le révérend Martin Luther King, Patrick Emery Lumumba et Nelson Madiba Mandela. On peut comprendre le désir légitime qu’a le FPI de chercher coûte que coûte à vouloir faire de son leader historique un martyr. Mais de là à le mettre au même piédestal que ces valeureux hommes qui ont écrit en lettres d’or l’Histoire de l’humanité, cela s’apparente à de l’imposture. L’Histoire est un témoignage. Et en tant que tel, il est difficile de la falsifier. Gandhi, le Dr King, Lumumba et Mandela ont en commun une chose. La haine de la violence. Les deux premiers cités, au-delà de sa dimension philosophique, ont même fait de la non-violence une arme de combat. Jamais dans leur démarche politique, il leur est venu l’idée de l’utiliser contre leur propre peuple. Mais qu’a fait Laurent Gbagbo ? Il s’est braqué pour des considérations pouvoiristes et tribalistes contre une partie de son peuple. Son obstination à ne pas céder le pouvoir à son rival politique, Alassane Ouattara, n’était guidée par rien d’autre que sa volonté farouche d’empêcher un fils du Nord d’accéder à la magistrature suprême. L’annulation des voix au nord et dans une partie du centre vient de ce souverain mépris que Laurent Gbagbo a pour les peuples de cette partie de la Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo ne peut pas être Gandhi ou Martin Luther King qui ont mené le bon combat pour leur peuple dans toutes leurs diversités. La lutte de Gandhi pour l’indépendance des Indes n’était pas seulement pour les hindous. Mais aussi pour les musulmans. La grande marche sur Washington organisée par le Dr Martin Luther King n’était pas menée contre les Blancs qui brimaient les Noirs. Mais pour que, comme il a dit dans son célèbre discours « I have a dream », les fils de l’ancien esclave et celui de l’ancien maitre, main dans la main, gravissent la colline pour une Amérique forte et multiraciale. Le combat de Nelson Mandela n’était pas de se venger des brimades et tortures dont il a été victime de la part du régime de l’Apartheid. Mais pour l’avènement de la société arc-en-ciel dont il a rêvé et qu’il a fini par réaliser. Patrick Emery Lumumba est mort pour ses idées progressistes en faveur d’un Congo libre et démocratique. Mais jamais il n’a ordonné à la garde nationale de tirer sur la foule quand la contestation populaire a commencé à gronder. Ce n’est pas le cas pour Laurent Gbagbo. Sa première réponse à la contestation qui remettait en cause son élection « calamiteuse » a été le charnier de Yopougon. Sa deuxième réponse à la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002 et à la rébellion a été les escadrons de la mort et l’attaque de Bouaké. Qui a bombardé en temps de ni paix ni guerre du 4 au 6 novembre 2004, en violation du cessez-le-feu d’octobre 2002, son peuple à Bouaké, Vavoua et Korhogo ? C’est bien Laurent Gbagbo. Qui a refusé de reconnaitre sa défaite électorale certifiée par la communauté internationale, envers et contre tous ? C’est bien encore Laurent Gbagbo ? Qui a préféré causer la mort de plus de 3000 personnes alors que l’Union africaine dont il a lui-même sollicité l’arbitrage lui conseillait de céder le pouvoir à Alassane Ouattara, le vrai vainqueur de l’élection présidentielle de 2010 ? C’est toujours Laurent Gbagbo. Non ! Laurent Gbagbo n’a pas été victime d’un complot international ourdi par la France comme tente de le faire désespérément croire le FPI, son parti politique. Laurent Gbagbo a été victime de sa propre propension à la violence. Si aujourd’hui, il se trouve à La Haye, c’est parce qu’il a voulu avoir raison sur tout le monde, alors que la vérité n’était pas avec lui. On peut avoir un problème avec un ou deux voisins. C’est humain. Mais lorsqu’on ne s’entend pas avec la planète entière, c’est qu’on est soi-même le problème. Laurent Gbagbo avait intégré la violence comme moyen de confiscation du pouvoir au détriment de son peuple, qui avait décidé de lui retirer sa confiance en 2010. C’est pourquoi, il ne peut pas être considéré, au même titre que Gandhi, Martin Luther King, Lumumba et Mandela, comme un héros de la liberté. Ce n’est pas parce qu’il a appliqué la Constitution, comme il le prétend, qu’il se trouve en ce moment à la Cour pénale internationale. C’est parce qu’il a voulu l’instrumentaliser contre son peuple. Le recomptage des voix qu’il avait exigé avant de rendre le tablier ne s’imposait nullement. Pour la simple raison qu’entre les chiffres communiqués par la CEI et ceux proclamés par le Conseil constitutionnel, il n’y avait pas de différence. Les résultats proclamés par le président Youssouf Bakayoko étaient identiques à ceux rendus public par le président Paul Yao N’Dré. Et puis, sur quelle base allait s’effectuer ce recomptage quand on sait son ami Paul Yao N’Dré avait pris sur lui le soin d’annuler les votes dans sept départements ?! On comprend que le FPI veuille coûte que coûte préserver l’image du démocrate et du combattant intrépide de la liberté de son mentor, sérieusement écornée par la sanglante crise postélectorale. Mais de là à vouloir le béatifier au même titre que Gandhi, Luther King ou Mandela, il faut vraiment le faire. En outre, ce n’est pas en le répétant à l’envi ou à chaque occasion que le FPI réussira à faire croire Laurent Gbagbo est de la trempe de ces grands hommes. Le costume est trop grand pour lui.
Jean-Claude Coulibaly
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