D’abord, sur les réseaux sociaux, puis par voie de presse, depuis quelques jours, le débat sur la crise de nationalité est engagé, suite à une contribution que nous avons publiée sur le sujet. Reste que les prises de position enregistrées jusque-là, toutes produites manifestement dans une poussée d’adrénaline, ont emprunté une voie inattendue, celle de l’émotion, de l’hystérie collective, de l’impertinence, des injures faciles, de l’incitation à la haine raciale et tribale, en somme de la petite politique. N’était-ce pas, de la part des auteurs de ces réactions, plus pour se mettre, personnellement, en perspective, que pour contribuer, réellement, à éclairer l’opinion sur les ressorts et les enjeux capitaux d’un sujet aussi sensible ? La question mérite, mille fois, d’être posée, eu égard à la forme heurtée et touffue des articles, dont le fond est un véritable maquis impénétrable du fait des contradictions manifestes dans ce qui tient lieu d’arguments et des confusions de concepts mal assimilés, piochés ici et là, précipitamment et avec une légèreté coupable, dans l’anthropologie, le droit, l’économie, l’histoire, la politique, etc. Ces anthropologues, ethnologues, historiens, juristes et politiciens du dimanche, qui n’ont rien appris, ni rien oublié de près de deux décennies de traumatisme provoqué par le DEMON qui somnolait sous la crise de Nationalité, ont tenté, encore et comme toujours, d’argumenter au-dessus de leurs forces en crachant leur bile dans des torchons glauques sous des titres autant dérisoires que ridicules. Aussi, convient-il, d’abord, de faire observer que la nationalité n’est pas une affaire d’état d’âme, avant de souligner le caractère éminemment juridique du problème qu’ignorent, manifestement, des contradicteurs de service pris par l’urgence et soumis à la pression exercée par le démon qu’il y a en chaque Homme, qui n’ont pas eu le temps de lire la contribution qu’ils prétendent critiquer.
LA NATIONALITE N’EST PAS UNE AFFAIRE D’ETAT D’AME
Il vaut mieux passer par pertes et profits les divagations, les feintes, les piqués à donner le tournis et les manifestations de rage tenant lieu d’arguments, dont ci-après quelques morceaux choisis, auxquels personne ne pourrait se risquer sans avoir du grand art.
Ainsi, «Monsieur Cissé Bacongo, en perte de vitesse chez Ouattara, veut rebondir à partir d’une contribution». Questions. Pourquoi «Cissé Bacongo serait-il en perte de vitesse chez Ouattara ?» Pour avoir sorti les universités ivoiriennes de l’état dans lequel Gbagbo et ses amis pédagogues démagogues les avaient précipitées et laissées, c’est-à-dire de véritables champs de ruine fréquentés par des zombies ? Bacongo a-t-il jamais été préoccupé par des regards d’amis, a fortiori d’adversaires, quand il fait ce qu’il croit avoir à faire et chaque fois qu’il s’est senti interpeller ? Chiche !
De même, dire que «le MOSSI, le DAGARI, ne «(puisse) (sic) pas se réclamer ivoirien d’origine, parce que ses aïeux ne sont établis dans aucun hameau de CI…» relève plutôt d’une conception délirante, irrationnelle, dangereuse voire provocatrice de la nationalité s’appuyant sur l’ethnie, l’origine ou la race.
Plus prosaïquement, trancher que «l’analyse (de CISSE Ibrahim Bacongo) est politique et idéologique (sic)», tout simplement parce que l’auteur est Secrétaire National d’un Parti politique et peu importe qu’il soit, d’abord et avant tout, juriste, atteste plutôt de qualités certaines de voltigeur de haut vol. Sur la même lancée, soutenir, sans s’embarrasser de fioritures, que «la méthodologie strictement juridique (sic)» choisie par CISSE Ibrahim Bacongo est la preuve que son analyse est politique et idéologique ferait rougir Kafka au fond de sa tombe. Sinon, que comprendre ! Mais peu importe, pourvu que l’auteur de ce couplet se soit compris, lui-même.
Au demeurant, il est vrai que le choix du régime juridique de la nationalité (naître sur le sol du pays ou naître d’un parent national du pays) procède d’une volonté politique. En effet, il appartient à chaque Etat de déterminer, en toute souveraineté :
• les personnes auxquelles il attribue la nationalité de son pays, notamment à titre de nationalité d’origine, en optant pour l’un des deux critères admis dans le monde : le fait de naître sur le sol du pays concerné ; le fait d’avoir, au moins, un parent ayant la nationalité de ce pays ;
• les conditions et modalités d’acquisition de la nationalité, soit d’office, soit par naturalisation, notamment.
Mais, la volonté politique qui s’exprime ainsi suppose, au préalable, que le pays concerné soit indépendant, avec tout ce que cela implique, en particulier une Loi qui fonde l’Etat, la Constitution, un Etat reconnu au plan international, les Institutions de l’Etat (Gouvernement, Assemblée Nationale, Organisation Judiciaire, Conseil Economique et Social, etc.), sans considération, a priori, de la source de la légitimité de ces Institutions. La volonté politique ne peut pas s’exprimer avant. Dès lors qu’elle a opté pour un régime juridique de la nationalité, l’application de ce régime échappe, désormais, à la politique, pour relever, exclusivement, du domaine du droit.
Appliqués notamment au cas de la Guinée-Conakri pris par un contradicteur, pour illustrer sa démonstration ou ce qui en tient lieu, ces développements sommaires conduisent à réaffirmer, avec force, que toutes les personnes vivant sur le sol du territoire ivoirien, avant 1960, aussi bien celles qui y sont nées que celles venues d’autres pays pour y résider étaient :
• soit de nationalité française ;
• soit de nationalité étrangère d’autres pays indépendants, puissances étrangères colonisatrices ou non, notamment des ex-colonies devenues indépendantes.
Ainsi, le NON opposé, en 1958, par la Guinée-Conakri à la Communauté Franco-africaine, a eu pour conséquence l’accession de ce pays à la souveraineté étatique internationale. Ce faisant, les personnes résidant en Côte d’Ivoire, avant 1960, qui ont fait allégeance à la Guinée-Conakri, sont devenues des citoyens guinéens, sous réserve que les conditions fixées par le Code de la Nationalité guinéen le permettent. Il en est de même de toutes les autres personnes, ressortissant de pays souverains, qui avaient la nationalité de ces pays.
En dehors de ces personnes, quel était le statut de toutes les autres, nées et résidant en Côte d’Ivoire ou venues d’autres pays pour y résider ? La réponse à cette question n’a pas à être recherchée, ni dans les ressources hypothétiques de l’anthropologie, ni dans d’improbables références historiques, encore moins dans d’acrobatiques démonstrations politiques. Elle gît dans le droit, le droit de la nationalité.
LA NATIONALITE, UN PROBLEME DE DROIT
Il n’est pas contestable, sauf à vouloir nier l’évidence, qu’avant l’accession de la Côte d’Ivoire à l’indépendance et l’adoption du Code la Nationalité du 14 décembre 1961, les personnes vivant sur le territoire ivoirien ne pouvaient pas être différenciées en Ivoiriens et Etrangers, au sens juridique de ces termes.
Bien sûr, les études pénétrantes et combien de fois éclairantes des anthropologues voire des ethnologues et des historiens conservent leur pertinence et leur validité scientifique sur l’existence et le nombre théorique des ethnies composant les populations autochtones de la Côte d’Ivoire, les caractéristiques morpho-physiologiques des personnes qui les composent, leur présence historique et leur localisation géographique dans le pays, leurs us et coutumes…
Que ces populations aient eu vocation à accéder à la nationalité ivoirienne, à titre de nationalité d’origine, ne saurait constituer l’objet d’un quelconque débat. Mais, avant 1960, elles n’avaient pas la qualité d’ivoirien, parce qu’il n’existait pas de nationalité ou de citoyenneté ivoirienne. Elles avaient, exactement, le même statut juridique que les populations allochtones. Elles étaient, sur le plan juridique, toutes :
• soit des citoyens ou sujets français ;
• soit des citoyens d’autres pays indépendants, puissances étrangères colonisatrices (Grande-Bretagne, Espagne, Portugal, Italie…) ou non (Guinée-Conakri…).
Dès lors, les différentes populations vivant, jusque-là, en Côte d’Ivoire et n’étant pas, formellement, rattachées à un autre pays indépendant que la France, avaient, à partir de 1960, un droit d’option entre la nationalité française et la nationalité ivoirienne.
En France, ce droit d’option était encadré par des conditions et modalités précises, notamment être né avant 1960 et exprimer la volonté de demeurer français. Les personnes n’ayant pas pu exercer leur droit d’option, parce qu’elles étaient mineures dans les années des indépendances des ex-colonies françaises ou par ignorance, bien que «nul n’est sensé ignorer la loi», ont eu une seconde chance, si ce n’est toujours le cas : le droit à la réintégration à la citoyenneté française.
Dans les ex-colonies françaises ayant accédé à l’indépendance, l’attribution de la nationalité du pays, à titre de nationalité d’origine, aurait pu être organisée, par leur Code la Nationalité, suivant deux modalités distinctes :
• Soit, en prévoyant l’accomplissement d’une formalité particulière d’allégeance à la Côte d’Ivoire (par exemple, déclaration personnelle verbale enregistrée ou écrite, signature d’un listing ou d’un registre, etc.) ;
• Soit, en attribuant expressément, a priori, la nationalité d’origine à toutes les personnes vivant en Côte d’Ivoire, avant l’indépendance, qui n’ont pas la citoyenneté d’un autre pays indépendant, sauf renonciation expresse de leur part.
Le Sénégal a choisi la seconde modalité, en prévoyant dans son code de la nationalité qu’est sénégalais tout individu «(…) qui a sa résidence habituelle sur le territoire de la République du Sénégal, qui a eu, de tout temps, la possession d’état de sénégalais» et que la possession d’état (…) consiste dans le fait pour celui qui s’en prévaut :
• de s’être continuellement et publiquement comporté comme un Sénégalais ;
• d’avoir été continuellement et publiquement traité comme tel par la population et les autorités sénégalaises.
La Côte d’Ivoire a choisi de ne choisir aucune des deux modalités. D’où la «(…) difficulté juridique certaine à appliquer les articles 6 et 7 du code de la nationalité» constatée par la Table Ronde de Linas-Marcoussis. La conséquence est que beaucoup d’ivoiriens s’ignorent, qui sont jetés dans une apatridie qui ne dit pas son nom.
Certes, la Table Ronde n’a pas fait de recommandation expresse pour résoudre la difficulté. Faut-il alors s’en accommoder, en faisant comme si elle n’existait pas. La responsabilité historique de la classe politique et de l’intelligentsia est ainsi engagée dans le débat sur la nationalité. Elles doivent l’assumer, courageusement. Pour ce faire, elles doivent commencer par admettre qu’il y a péril en la demeure, avant de s’engager, franchement, à rechercher la solution qui s’impose.
Pour notre part, cette solution devra être puisée à la même source que le Sénégal. Son adoption pourra être l’occasion d’élabore, en lieu et place du code en vigueur, un nouveau Code de la Nationalité conforme à l’histoire du peuplement de notre pays et en ligne avec notre ambition commune de faire de la Côte d’Ivoire, à l’horizon 2020, un pays émergent.
Ce faisant, il ne s’agira pas de céder à un quelconque mimétisme, ni d’opter pour un choix ou une vision politique d’un parti. Non ! Il s’agira, plutôt, pour chaque ivoirienne et chaque ivoirien, de contribuer à rattraper un oubli ou à corriger une erreur dans l’histoire de notre pays. Ainsi, nous réussirons à préserver celui-ci de l’enfer qui couve toujours…
En définitive, après environ deux décennies d’errements politiques ayant causé tant de blessures atroces, provoqué de si profonds traumatismes et fait autant de ravages aveugles, il s’agira, pour nous tous, en menant ce débat, sans arrière-pensées, ni calcul, de participer à la construction d’une Côte d’Ivoire fière de son Histoire, riche de sa diversité culturelle, forte et réconciliée avec les idéaux contenus dans son hymne national, une Côte d’Ivoire «Terre d’espérance…».
CISSE Ibrahim Bacongo
LA NATIONALITE N’EST PAS UNE AFFAIRE D’ETAT D’AME
Il vaut mieux passer par pertes et profits les divagations, les feintes, les piqués à donner le tournis et les manifestations de rage tenant lieu d’arguments, dont ci-après quelques morceaux choisis, auxquels personne ne pourrait se risquer sans avoir du grand art.
Ainsi, «Monsieur Cissé Bacongo, en perte de vitesse chez Ouattara, veut rebondir à partir d’une contribution». Questions. Pourquoi «Cissé Bacongo serait-il en perte de vitesse chez Ouattara ?» Pour avoir sorti les universités ivoiriennes de l’état dans lequel Gbagbo et ses amis pédagogues démagogues les avaient précipitées et laissées, c’est-à-dire de véritables champs de ruine fréquentés par des zombies ? Bacongo a-t-il jamais été préoccupé par des regards d’amis, a fortiori d’adversaires, quand il fait ce qu’il croit avoir à faire et chaque fois qu’il s’est senti interpeller ? Chiche !
De même, dire que «le MOSSI, le DAGARI, ne «(puisse) (sic) pas se réclamer ivoirien d’origine, parce que ses aïeux ne sont établis dans aucun hameau de CI…» relève plutôt d’une conception délirante, irrationnelle, dangereuse voire provocatrice de la nationalité s’appuyant sur l’ethnie, l’origine ou la race.
Plus prosaïquement, trancher que «l’analyse (de CISSE Ibrahim Bacongo) est politique et idéologique (sic)», tout simplement parce que l’auteur est Secrétaire National d’un Parti politique et peu importe qu’il soit, d’abord et avant tout, juriste, atteste plutôt de qualités certaines de voltigeur de haut vol. Sur la même lancée, soutenir, sans s’embarrasser de fioritures, que «la méthodologie strictement juridique (sic)» choisie par CISSE Ibrahim Bacongo est la preuve que son analyse est politique et idéologique ferait rougir Kafka au fond de sa tombe. Sinon, que comprendre ! Mais peu importe, pourvu que l’auteur de ce couplet se soit compris, lui-même.
Au demeurant, il est vrai que le choix du régime juridique de la nationalité (naître sur le sol du pays ou naître d’un parent national du pays) procède d’une volonté politique. En effet, il appartient à chaque Etat de déterminer, en toute souveraineté :
• les personnes auxquelles il attribue la nationalité de son pays, notamment à titre de nationalité d’origine, en optant pour l’un des deux critères admis dans le monde : le fait de naître sur le sol du pays concerné ; le fait d’avoir, au moins, un parent ayant la nationalité de ce pays ;
• les conditions et modalités d’acquisition de la nationalité, soit d’office, soit par naturalisation, notamment.
Mais, la volonté politique qui s’exprime ainsi suppose, au préalable, que le pays concerné soit indépendant, avec tout ce que cela implique, en particulier une Loi qui fonde l’Etat, la Constitution, un Etat reconnu au plan international, les Institutions de l’Etat (Gouvernement, Assemblée Nationale, Organisation Judiciaire, Conseil Economique et Social, etc.), sans considération, a priori, de la source de la légitimité de ces Institutions. La volonté politique ne peut pas s’exprimer avant. Dès lors qu’elle a opté pour un régime juridique de la nationalité, l’application de ce régime échappe, désormais, à la politique, pour relever, exclusivement, du domaine du droit.
Appliqués notamment au cas de la Guinée-Conakri pris par un contradicteur, pour illustrer sa démonstration ou ce qui en tient lieu, ces développements sommaires conduisent à réaffirmer, avec force, que toutes les personnes vivant sur le sol du territoire ivoirien, avant 1960, aussi bien celles qui y sont nées que celles venues d’autres pays pour y résider étaient :
• soit de nationalité française ;
• soit de nationalité étrangère d’autres pays indépendants, puissances étrangères colonisatrices ou non, notamment des ex-colonies devenues indépendantes.
Ainsi, le NON opposé, en 1958, par la Guinée-Conakri à la Communauté Franco-africaine, a eu pour conséquence l’accession de ce pays à la souveraineté étatique internationale. Ce faisant, les personnes résidant en Côte d’Ivoire, avant 1960, qui ont fait allégeance à la Guinée-Conakri, sont devenues des citoyens guinéens, sous réserve que les conditions fixées par le Code de la Nationalité guinéen le permettent. Il en est de même de toutes les autres personnes, ressortissant de pays souverains, qui avaient la nationalité de ces pays.
En dehors de ces personnes, quel était le statut de toutes les autres, nées et résidant en Côte d’Ivoire ou venues d’autres pays pour y résider ? La réponse à cette question n’a pas à être recherchée, ni dans les ressources hypothétiques de l’anthropologie, ni dans d’improbables références historiques, encore moins dans d’acrobatiques démonstrations politiques. Elle gît dans le droit, le droit de la nationalité.
LA NATIONALITE, UN PROBLEME DE DROIT
Il n’est pas contestable, sauf à vouloir nier l’évidence, qu’avant l’accession de la Côte d’Ivoire à l’indépendance et l’adoption du Code la Nationalité du 14 décembre 1961, les personnes vivant sur le territoire ivoirien ne pouvaient pas être différenciées en Ivoiriens et Etrangers, au sens juridique de ces termes.
Bien sûr, les études pénétrantes et combien de fois éclairantes des anthropologues voire des ethnologues et des historiens conservent leur pertinence et leur validité scientifique sur l’existence et le nombre théorique des ethnies composant les populations autochtones de la Côte d’Ivoire, les caractéristiques morpho-physiologiques des personnes qui les composent, leur présence historique et leur localisation géographique dans le pays, leurs us et coutumes…
Que ces populations aient eu vocation à accéder à la nationalité ivoirienne, à titre de nationalité d’origine, ne saurait constituer l’objet d’un quelconque débat. Mais, avant 1960, elles n’avaient pas la qualité d’ivoirien, parce qu’il n’existait pas de nationalité ou de citoyenneté ivoirienne. Elles avaient, exactement, le même statut juridique que les populations allochtones. Elles étaient, sur le plan juridique, toutes :
• soit des citoyens ou sujets français ;
• soit des citoyens d’autres pays indépendants, puissances étrangères colonisatrices (Grande-Bretagne, Espagne, Portugal, Italie…) ou non (Guinée-Conakri…).
Dès lors, les différentes populations vivant, jusque-là, en Côte d’Ivoire et n’étant pas, formellement, rattachées à un autre pays indépendant que la France, avaient, à partir de 1960, un droit d’option entre la nationalité française et la nationalité ivoirienne.
En France, ce droit d’option était encadré par des conditions et modalités précises, notamment être né avant 1960 et exprimer la volonté de demeurer français. Les personnes n’ayant pas pu exercer leur droit d’option, parce qu’elles étaient mineures dans les années des indépendances des ex-colonies françaises ou par ignorance, bien que «nul n’est sensé ignorer la loi», ont eu une seconde chance, si ce n’est toujours le cas : le droit à la réintégration à la citoyenneté française.
Dans les ex-colonies françaises ayant accédé à l’indépendance, l’attribution de la nationalité du pays, à titre de nationalité d’origine, aurait pu être organisée, par leur Code la Nationalité, suivant deux modalités distinctes :
• Soit, en prévoyant l’accomplissement d’une formalité particulière d’allégeance à la Côte d’Ivoire (par exemple, déclaration personnelle verbale enregistrée ou écrite, signature d’un listing ou d’un registre, etc.) ;
• Soit, en attribuant expressément, a priori, la nationalité d’origine à toutes les personnes vivant en Côte d’Ivoire, avant l’indépendance, qui n’ont pas la citoyenneté d’un autre pays indépendant, sauf renonciation expresse de leur part.
Le Sénégal a choisi la seconde modalité, en prévoyant dans son code de la nationalité qu’est sénégalais tout individu «(…) qui a sa résidence habituelle sur le territoire de la République du Sénégal, qui a eu, de tout temps, la possession d’état de sénégalais» et que la possession d’état (…) consiste dans le fait pour celui qui s’en prévaut :
• de s’être continuellement et publiquement comporté comme un Sénégalais ;
• d’avoir été continuellement et publiquement traité comme tel par la population et les autorités sénégalaises.
La Côte d’Ivoire a choisi de ne choisir aucune des deux modalités. D’où la «(…) difficulté juridique certaine à appliquer les articles 6 et 7 du code de la nationalité» constatée par la Table Ronde de Linas-Marcoussis. La conséquence est que beaucoup d’ivoiriens s’ignorent, qui sont jetés dans une apatridie qui ne dit pas son nom.
Certes, la Table Ronde n’a pas fait de recommandation expresse pour résoudre la difficulté. Faut-il alors s’en accommoder, en faisant comme si elle n’existait pas. La responsabilité historique de la classe politique et de l’intelligentsia est ainsi engagée dans le débat sur la nationalité. Elles doivent l’assumer, courageusement. Pour ce faire, elles doivent commencer par admettre qu’il y a péril en la demeure, avant de s’engager, franchement, à rechercher la solution qui s’impose.
Pour notre part, cette solution devra être puisée à la même source que le Sénégal. Son adoption pourra être l’occasion d’élabore, en lieu et place du code en vigueur, un nouveau Code de la Nationalité conforme à l’histoire du peuplement de notre pays et en ligne avec notre ambition commune de faire de la Côte d’Ivoire, à l’horizon 2020, un pays émergent.
Ce faisant, il ne s’agira pas de céder à un quelconque mimétisme, ni d’opter pour un choix ou une vision politique d’un parti. Non ! Il s’agira, plutôt, pour chaque ivoirienne et chaque ivoirien, de contribuer à rattraper un oubli ou à corriger une erreur dans l’histoire de notre pays. Ainsi, nous réussirons à préserver celui-ci de l’enfer qui couve toujours…
En définitive, après environ deux décennies d’errements politiques ayant causé tant de blessures atroces, provoqué de si profonds traumatismes et fait autant de ravages aveugles, il s’agira, pour nous tous, en menant ce débat, sans arrière-pensées, ni calcul, de participer à la construction d’une Côte d’Ivoire fière de son Histoire, riche de sa diversité culturelle, forte et réconciliée avec les idéaux contenus dans son hymne national, une Côte d’Ivoire «Terre d’espérance…».
CISSE Ibrahim Bacongo