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Politique Publié le mardi 3 septembre 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Contribution / Débat sur la question de la nationalité : Des juristes pro-Ouattara demandent d’aller plus loin

Tous les analystes de la crise ivoirienne qui a rythmé la vie sociopolitique ivoirienne de ces vingt (20) dernières années s’accordent pour souligner la question identitaire comme l’une des causes déterminantes qui a mis en mal la cohésion sociale. Aussi, fut-il recommandé, lors de la table ronde de Linas-Marcoussis de la traiter de façon juste et définitive. La solution apportée par le défunt régime fut, à l’évidence, confligène et aggrava même la crise. Dans une logique de réconciliation nationale et de sortie durable de la crise, l’on était en droit de s’attendre de la part du régime Ouattara à des solutions durables, justes et définitives.

L’analyse toutefois de la loi sur la nationalité qui vient d’être adoptée par les représentants du peuple nous laisse pantois. En effet, là où nous attendions une solution courageuse, l’on nous sert une autre qui vise manifestement à faire plaisir à des alliés politiques et à ménager les susceptibilités des adversaires. Car, la question récurrente qui a taraudé les esprits a été de savoir comment a été opéré le partage entre les deux types de populations qui a permis aux unes d’être des Ivoiriens d’origine et à reléguer des autres dans l’extranéité ; telle est la problématique juridique à résoudre au risque de déplacer un problème qui, comme nous l’avons souligné, constitue l’un des facteurs de la grave crise qui a balafré le pays. Au demeurant, vous convenez avec nous que nombre de personnes issues de l’immigration et nées en terre ivoirienne ont pu acquérir des titres de nationalité (CNI, certificat de nationalité, etc.) sans respecter la procédure légale. Ces personnes doivent-elles à présent se soumettre à la procédure prévue par la loi nouvelle ? Ce faisant, ne risquent-elles pas d’être poursuivies pour les délits de faux et usage de faux dans la mesure où manifestement elles n’ont pas respecté la loi ?
Une analyse concise du problème permet de se rendre à l’évidence que la seule et véritable cause de la situation présente provient des lacunes présentées par la loi n°61-415 du 14 décembre 1961 portant Code de la nationalité ivoirienne. Cette loi, en effet, a malheureusement pêché par son incapacité à déterminer avec précision l’ivoirien d’origine de la Côte d’Ivoire nouvelle indépendante. Elle s’est contentée, en son article 6, de définir l’Ivoirien comme toute personne née de parents ivoiriens. Par ailleurs, au sens de ladite loi, est également Ivoirienne toute personne née sur le sol ivoirien de parents étrangers. L’Ivoirien était-il toute personne issue d’un groupe ethnique représenté sur le sol ivoirien en 1960 ou toute personne vivant sur le sol ivoirien lors de la proclamation de l’indépendance de la Côte d’Ivoire ? Cette question revêt tout son intérêt tant il est vrai que l’interprétation combinée des articles 80 à 82 de la constitution française du 27 octobre 1946 et celles de l’article 77, alinéas 2 et 3 de la constitution française du 04 octobre 1958 conféraient expressément le statut de citoyen français aux ressortissants des territoires français d’outre-mer de l’Afrique occidentale française. Il en résulte qu’en 1961, date de la première loi ivoirienne portant code de la nationalité, l’on ne pouvait valablement distinguer le national ivoirien de l’étranger. De cette difficulté ressort très nettement celle liée à l’applicabilité de l’article 2 de la nouvelle loi. Il ressort en effet des dispositions de l’article susvisé que ‘’bénéficient des dispositions de la présente loi, les personnes entrant dans l’une des catégories ci-après :
-les personnes nées en Côte d’Ivoire de parents étrangers et âgées de moins de vingt-et-un ans révolus à la date du 20 décembre 1961…’’. La situation des parents des personnes ci-dessus visées n’ayant pas été clairement définie, dans quelles conditions ceux-ci pourront se prévaloir des prérogatives résultant de ladite loi ? Au demeurant, pouvons-nous parler sans se tromper de régulation dès lors que la loi nouvelle donne le pouvoir à des autorités administratives et/ou politiques de décider du sort des personnes concernées, ainsi que le prévoient les articles 5 à 7 de la loi ? Il en résulte que loin de régler définitivement la question, la nouvelle loi n’a fait que déplacer le problème.

Me Kouyaté Franck
Porte-parole d’un collectif de juristes ivoiriens, pro-Ouattara
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