Installé en septembre 2011, la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) est à un mois de la fin de son mandat. La CDVR a-t-elle atteint ses objectifs ? Où en est-on avec le processus de réconciliation nationale ? Pour en parler, nous avons rencontré M. Marchal Balou. Dans cet entretien, il nous fait le point de la situation.
Le Patriote : Dans un mois, la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation finit son mandat. Peut-on dire qu’elle a atteint ces objectifs ?
Marchal Balou : La Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation a atteint ses objectifs. Pour juger son action, il faut se référer à la mission qui lui a été assignée. A ce niveau, il faut dire que nous sommes sur la bonne voie. Car le travail abattu jusqu’ici nous rapproche du terme opérationnel que nous nous sommes assignés eu égard à l’ordonnance qui crée la CDVR. Et cette loi donne pour missions à la CDVR de rechercher les causes de la fracture sociale et de faire des recommandations au Président de la République. Elle demande aussi de faire la lumière sur les graves crises que le pays a connues, d’identifier les victimes et de proposer des réparations à leur profit; de retrouver les coupables des violations des droits de l’homme révélés par les victimes et confirmés par les enquêtes (celles déjà faites par d’autres Commissions et celles conduites par la CDVR) ; organiser une sorte de catharsis en permettant aux victimes et aux auteurs de s’exprimer devant la Commission et la Nation, les premiers relatant les préjudices subis et accordant pardon aux seconds qui auront reconnu leurs méfaits et manifesté leur repenti. Enfin, le rapport de la CDVR devra contenir une proposition de « médication » sous la forme de recommandations qui, appliquées devraient garantir la non répétition des douloureux événements que le pays a connus, et garantir une cohésion sociale retrouvée.
LP : Qu’est-ce qui a été fait jusqu’ici concrètement ?
MB : Beaucoup de choses ont été faites. Mais il faut rappeler d’abord la CDVR n’a pas eu le temps de préparation nécessaire comme cela a été le cas partout où ce genre de commissions a été installée. En Afrique du Sud, par exemple, la Commission Vérité et Réconciliation a bénéficié de près de deux ans de travail préparatoire avant le démarrage effectif de ses travaux. Ici, la CDVR devait en même temps effectuer sa mise en place, réfléchir à sa méthodologie et à son plan d’actions stratégique, la déclinaison de ce plan en opérationnel et lancer ses activités. C’est la raison pour laquelle il y a eu dans un premier temps la phase de sensibilisation, la phase de deuil des violences qui était une façon d’exorciser toute la violence qui a eu cours sur le sol ivoirien à travers les rituels selon les coutumes, les religions. De sorte à tourner définitivement le dos aux violences. Après ces étapes, nous sommes passés aux consultations nationales et à la mise en place des commissions locales pour agir dans la proximité des populations. Ces consultations ont permis de répondre à quelques questions sur lesquelles l’ordonnance qui crée la Commission n’est pas précise, notamment sur la question de la compétence temporelle de la CDVR, sur quelle période de l’histoire de la Côte d’Ivoire devraient porter les travaux de la Commission, la période de prise en compte des crises et des victimes, etc. Pendant les consultations, les Ivoiriens nous ont dit de remonter jusqu’en 1990, date des premières crises. Il y a eu ensuite les créations des commissions thématiques telles que la commission heuristique. Cette commission, vous vous rappelez, a organisé récemment un colloque à Yamoussoukro sur les causes profondes des crises qu’a connues notre pays. Vous avez vu qu’à la fin de ce colloque, des recommandations ont été faites pour compléter les recommandations à soumettre à l’Exécutif sur les questions importantes qui ne sont pas étrangères à la rupture du consensus dans le pays, à savoir celles liées au Foncier, à la Citoyenneté et à la Démocratie, à la Sécurité et à la Justice, au Genre, à la Jeunesse, la Formation et l’Education, à la Communication, etc.
LP : Où en est-on ce moment avec le processus ?
MB : Nous allons bientôt démarrer les phases opérationnelles. A savoir le dialogue communautaire, les rencontres dans les différents villages, au sein des communautés et avec les leaders d’opinion. C’est après cela que la phase d’auditions des victimes aura lieu. Plusieurs centres d’écoute vont être indiqués aux populations, en particulier aux victimes et aux témoins, pour prendre leurs dépositions. Cette phase va être accompagnée d’enquêtes pour confirmer ou infirmer les allégations des victimes. Aussitôt après, nous allons démarrer les phases d’audiences publiques que tout le monde attend et qui seront médiatisées. Je sais que c’est ce que les Ivoiriens attendent, car ils l’ont déjà vu sous d’autres cieux. Parce qu’aussi ce sont les phases visibles des activités d’une commission Vérité et Réconciliation. Bien entendu, tout ce que nous avons fait avant participait de la préparation de ces phases visibles et à la réflexion sur les causes.
LP : Les audiences publiques auront lieu quand ?
MB : Nous devons pouvoir aborder cette phase d’ici la fin de l’année, ou au premier trimestre de l’année prochaine.
LP : Vous parlez de fin d’année, d’année prochaine, alors que le mandat de la CDVR finit en septembre…
MB : Moi, je ne veux pas parler de date limite. Car des voix plus autorisées pourront le faire. Je me contente de parler des activités à mener par la CDVR. Si les autorités estiment que ce qu’il nous reste à faire est pertinent et important pour atteindre les objectifs fixés, il y aura des décisions à prendre. Pour ma part, je vous informe des activités inscrites au programme de la CDVR selon son Plan d’Actions.
LP : Que répondez-vous à ceux qui disent que la CDVR a échoué?
MB : Chacun peut faire le commentaire qu’il veut. Mais avant de juger, il faut connaitre les missions qui sont assignées à la Commission. Les attentes sont tellement grandes que chacun veut voir les choses vite évoluer. Les textes disent en gros que la CDVR doit créer les conditions de la réconciliation nationale. Vous convenez avec moi que la réconciliation ne se décrète pas et ne se fait pas en un seul jour. J’ai expliqué plus haut les missions de la Commission. Quand on a compris cela, on peut mieux juger de son action. Ceux qui disent qu’on a échoué, parce que des prisonniers pro-Gbagbo sont encore détenus, des frères sont encore en exil, le FPI n’est pas encore entré dans le gouvernement, etc. se méprennent sur les missions de la CDVR. Ce n’est pas cela le rôle de la CDVR. Une fois que l’on aura compris cela, on saura que la CDVR n’a pas échoué. Cependant toutes ces préoccupations, des uns et des autres sont aussi celles de la CDVR, parce que participant d’un climat apaisé propice à une réconciliation profonde.
LP : Mais, à un mois du mandat l’on constate que beaucoup encore reste à faire, quels sont les obstacles qui vous empêchent de tenir dans le temps ?
MB : Le principal obstacle a été une question de timing. La phase de préparation qui devait précéder la mise en place de la Commission a été une phase qui a beaucoup joué sur le calendrier de la Commission. Le deuxième obstacle est dû au fait que la Commission a été créée en pleine période de belligérance, les uns et les autres ne réalisant pas encore l’impératif nécessité d’un tel processus. Et le troisième obstacle est un problème de trésorerie. Les voix plus autorisées vous le diront. Mais pour ma part, je peux dire que la mobilisation des ressources ne s’est pas toujours faite à temps pour financer les activités de la CDVR. Et cela entraine forcément des retards. Nous savons très bien que le problème ne concerne pas seulement la CDVR, l’Etat est confronté à des difficultés financières et ce doit être une véritable alchimie que de pouvoir permettre à tous les ministères et à toutes les institutions de respecter leurs engagements dans les délais. Mais puisque les attentes au niveau de la réconciliation nationale sont énormes, les activités de la Commission sont forcément sous les feux des projecteurs.
LP : A un mois de la fin du mandat du Commission, pensez-vous avoir remplir votre mission ?
MB : Il nous reste encore quelques étapes pour boucler notre mission. Le but final de la CVDR est, après avoir établi le diagnostic, de proposer les remèdes adéquats au Gouvernement. Pendant ce temps, il faut s’occuper des victimes dont il faut pouvoir obtenir le pardon, à travers les étapes expliquées plus haut.
Pour terminer, je souhaite que ce type de mécanisme (tel que la CDVR) ne s’installe pas dans la durée. Parce que tant qu’ils existent, cela signifie que le pays n’est pas encore dans la normalité. Ma prière est que nous sortions le plus vite possible des mécanismes transitionnels, sortir de la situation d’exception dans laquelle se trouve notre pays ; ma prière est que les filles et les fils de la Côte d’Ivoire se retrouvent pour poursuivre la construction de la nation ivoirienne telle que rêvée par nos pères fondateurs.
JCC
Le Patriote : Dans un mois, la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation finit son mandat. Peut-on dire qu’elle a atteint ces objectifs ?
Marchal Balou : La Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation a atteint ses objectifs. Pour juger son action, il faut se référer à la mission qui lui a été assignée. A ce niveau, il faut dire que nous sommes sur la bonne voie. Car le travail abattu jusqu’ici nous rapproche du terme opérationnel que nous nous sommes assignés eu égard à l’ordonnance qui crée la CDVR. Et cette loi donne pour missions à la CDVR de rechercher les causes de la fracture sociale et de faire des recommandations au Président de la République. Elle demande aussi de faire la lumière sur les graves crises que le pays a connues, d’identifier les victimes et de proposer des réparations à leur profit; de retrouver les coupables des violations des droits de l’homme révélés par les victimes et confirmés par les enquêtes (celles déjà faites par d’autres Commissions et celles conduites par la CDVR) ; organiser une sorte de catharsis en permettant aux victimes et aux auteurs de s’exprimer devant la Commission et la Nation, les premiers relatant les préjudices subis et accordant pardon aux seconds qui auront reconnu leurs méfaits et manifesté leur repenti. Enfin, le rapport de la CDVR devra contenir une proposition de « médication » sous la forme de recommandations qui, appliquées devraient garantir la non répétition des douloureux événements que le pays a connus, et garantir une cohésion sociale retrouvée.
LP : Qu’est-ce qui a été fait jusqu’ici concrètement ?
MB : Beaucoup de choses ont été faites. Mais il faut rappeler d’abord la CDVR n’a pas eu le temps de préparation nécessaire comme cela a été le cas partout où ce genre de commissions a été installée. En Afrique du Sud, par exemple, la Commission Vérité et Réconciliation a bénéficié de près de deux ans de travail préparatoire avant le démarrage effectif de ses travaux. Ici, la CDVR devait en même temps effectuer sa mise en place, réfléchir à sa méthodologie et à son plan d’actions stratégique, la déclinaison de ce plan en opérationnel et lancer ses activités. C’est la raison pour laquelle il y a eu dans un premier temps la phase de sensibilisation, la phase de deuil des violences qui était une façon d’exorciser toute la violence qui a eu cours sur le sol ivoirien à travers les rituels selon les coutumes, les religions. De sorte à tourner définitivement le dos aux violences. Après ces étapes, nous sommes passés aux consultations nationales et à la mise en place des commissions locales pour agir dans la proximité des populations. Ces consultations ont permis de répondre à quelques questions sur lesquelles l’ordonnance qui crée la Commission n’est pas précise, notamment sur la question de la compétence temporelle de la CDVR, sur quelle période de l’histoire de la Côte d’Ivoire devraient porter les travaux de la Commission, la période de prise en compte des crises et des victimes, etc. Pendant les consultations, les Ivoiriens nous ont dit de remonter jusqu’en 1990, date des premières crises. Il y a eu ensuite les créations des commissions thématiques telles que la commission heuristique. Cette commission, vous vous rappelez, a organisé récemment un colloque à Yamoussoukro sur les causes profondes des crises qu’a connues notre pays. Vous avez vu qu’à la fin de ce colloque, des recommandations ont été faites pour compléter les recommandations à soumettre à l’Exécutif sur les questions importantes qui ne sont pas étrangères à la rupture du consensus dans le pays, à savoir celles liées au Foncier, à la Citoyenneté et à la Démocratie, à la Sécurité et à la Justice, au Genre, à la Jeunesse, la Formation et l’Education, à la Communication, etc.
LP : Où en est-on ce moment avec le processus ?
MB : Nous allons bientôt démarrer les phases opérationnelles. A savoir le dialogue communautaire, les rencontres dans les différents villages, au sein des communautés et avec les leaders d’opinion. C’est après cela que la phase d’auditions des victimes aura lieu. Plusieurs centres d’écoute vont être indiqués aux populations, en particulier aux victimes et aux témoins, pour prendre leurs dépositions. Cette phase va être accompagnée d’enquêtes pour confirmer ou infirmer les allégations des victimes. Aussitôt après, nous allons démarrer les phases d’audiences publiques que tout le monde attend et qui seront médiatisées. Je sais que c’est ce que les Ivoiriens attendent, car ils l’ont déjà vu sous d’autres cieux. Parce qu’aussi ce sont les phases visibles des activités d’une commission Vérité et Réconciliation. Bien entendu, tout ce que nous avons fait avant participait de la préparation de ces phases visibles et à la réflexion sur les causes.
LP : Les audiences publiques auront lieu quand ?
MB : Nous devons pouvoir aborder cette phase d’ici la fin de l’année, ou au premier trimestre de l’année prochaine.
LP : Vous parlez de fin d’année, d’année prochaine, alors que le mandat de la CDVR finit en septembre…
MB : Moi, je ne veux pas parler de date limite. Car des voix plus autorisées pourront le faire. Je me contente de parler des activités à mener par la CDVR. Si les autorités estiment que ce qu’il nous reste à faire est pertinent et important pour atteindre les objectifs fixés, il y aura des décisions à prendre. Pour ma part, je vous informe des activités inscrites au programme de la CDVR selon son Plan d’Actions.
LP : Que répondez-vous à ceux qui disent que la CDVR a échoué?
MB : Chacun peut faire le commentaire qu’il veut. Mais avant de juger, il faut connaitre les missions qui sont assignées à la Commission. Les attentes sont tellement grandes que chacun veut voir les choses vite évoluer. Les textes disent en gros que la CDVR doit créer les conditions de la réconciliation nationale. Vous convenez avec moi que la réconciliation ne se décrète pas et ne se fait pas en un seul jour. J’ai expliqué plus haut les missions de la Commission. Quand on a compris cela, on peut mieux juger de son action. Ceux qui disent qu’on a échoué, parce que des prisonniers pro-Gbagbo sont encore détenus, des frères sont encore en exil, le FPI n’est pas encore entré dans le gouvernement, etc. se méprennent sur les missions de la CDVR. Ce n’est pas cela le rôle de la CDVR. Une fois que l’on aura compris cela, on saura que la CDVR n’a pas échoué. Cependant toutes ces préoccupations, des uns et des autres sont aussi celles de la CDVR, parce que participant d’un climat apaisé propice à une réconciliation profonde.
LP : Mais, à un mois du mandat l’on constate que beaucoup encore reste à faire, quels sont les obstacles qui vous empêchent de tenir dans le temps ?
MB : Le principal obstacle a été une question de timing. La phase de préparation qui devait précéder la mise en place de la Commission a été une phase qui a beaucoup joué sur le calendrier de la Commission. Le deuxième obstacle est dû au fait que la Commission a été créée en pleine période de belligérance, les uns et les autres ne réalisant pas encore l’impératif nécessité d’un tel processus. Et le troisième obstacle est un problème de trésorerie. Les voix plus autorisées vous le diront. Mais pour ma part, je peux dire que la mobilisation des ressources ne s’est pas toujours faite à temps pour financer les activités de la CDVR. Et cela entraine forcément des retards. Nous savons très bien que le problème ne concerne pas seulement la CDVR, l’Etat est confronté à des difficultés financières et ce doit être une véritable alchimie que de pouvoir permettre à tous les ministères et à toutes les institutions de respecter leurs engagements dans les délais. Mais puisque les attentes au niveau de la réconciliation nationale sont énormes, les activités de la Commission sont forcément sous les feux des projecteurs.
LP : A un mois de la fin du mandat du Commission, pensez-vous avoir remplir votre mission ?
MB : Il nous reste encore quelques étapes pour boucler notre mission. Le but final de la CVDR est, après avoir établi le diagnostic, de proposer les remèdes adéquats au Gouvernement. Pendant ce temps, il faut s’occuper des victimes dont il faut pouvoir obtenir le pardon, à travers les étapes expliquées plus haut.
Pour terminer, je souhaite que ce type de mécanisme (tel que la CDVR) ne s’installe pas dans la durée. Parce que tant qu’ils existent, cela signifie que le pays n’est pas encore dans la normalité. Ma prière est que nous sortions le plus vite possible des mécanismes transitionnels, sortir de la situation d’exception dans laquelle se trouve notre pays ; ma prière est que les filles et les fils de la Côte d’Ivoire se retrouvent pour poursuivre la construction de la nation ivoirienne telle que rêvée par nos pères fondateurs.
JCC