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Société Publié le lundi 5 août 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Enquête express / Services d’urgences des CHU : Pourquoi Boukari est mort

Mercredi dernier, le sieur Boukary est admis aux urgences du CHU de Treichville pour soigner un mal. Malheureusement, il décèdera quelques heures plus tard. Des membres de sa famille accusent le personnel des urgences d’avoir fait des erreurs dans la prise en charge du patient. Nous sommes allés enquêter sur place afin de faire la lumière sur ce décès. Nous avons de même profité de la situation pour faire une enquête sur les différents modes de fonctionnement des urgences des CHU ivoiriens.

La porte d’entrée d’un établissement sanitaire
La particularité du CHU de Treichville, c’est qu’il est une structure pavillonnaire. Ainsi, les services des urgences du fait de la construction des bâtiments, sont éclatés. On y trouve donc un service d’urgence médicale, mais la plupart des grands services ont leur propre urgence. On trouve donc des urgences en pédiatrie, en cardiologie, en gynécologie etc. Alors qu’au niveau des CHU de Cocody et de Yopougon, les services d’urgence sont pour la plupart regroupés. Ce qui facilite le travail. A Treichville, le service d’urgence au niveau du service de chirurgie du CHU du Treichville est fermé depuis déjà quelques années pour cause de réhabilitation. Quant à celui du service des maladies infectieuses, il fonctionne par intermitence, car n’ouvrant que les matins par manque de personnel et de structures adaptées. Dr. Z.C qui a bien voulu nous parler des services d’urgence sous le sceau de l’anonymat en fait une critique assez sévère. Selon lui, la Côte d’Ivoire ne forme pas d’urgentiste à proprement parler. «On a essayé un temps de former des médecins au D.U (Diplôme universitaire) en urgences, mais cela n’a pas fonctionné. Ainsi, vous ne verrai pas des urgentistes comme dans les séries américaines ou françaises dont c’est la vraie spécialité», confie le médecin. Un service d’urgence dans un CHU ivoirien est coiffé par un chef de service, en général un professeur agrégé de médecine, aidé par des assistants et maîtres-assistants, des médecins hospitaliers, des internes, infirmiers, etc. Il nous a expliqué le fonctionnement assez particulier des services d’urgence. « L’urgence normalement est la porte d’entrée dans un établissement sanitaire. Dans le langage courant, les urgences sont le service d'un hôpital qui s'occupe de recevoir les malades et les blessés qui se présentent d'eux-mêmes, ou qui sont amenés par les services de secours (SAMU, pompiers, …), assure-t-il. Concernant la faute professionnelle dont aurait fait preuve le personnel des urgences dans la nuit du vendredi 2 au samedi 3 août dernier ayant conduit au décès de M. Boukary, le médecin assure qu’une des forces des établissements sanitaires publics de Côte d’Ivoire, c’est bien le personnel soignant. Un personnel, selon lui, extrêmement qualifié qui travaille dans des conditions difficiles. «Nous comprenons souvent la douleur des familles devant le décès d’un des leurs dans nos établissements, mais je peux assurer que nous prenons toutes dispositions en notre possession pour sauver la vie de nos patients. Mais, il n’y a pas de risque zéro et la mort fait parti hélas du fonctionnement de n’importe quelle structure sanitaire au monde. Je pense que c’est la réponse qu’aurait donné le personnel qui était de garde ce jour», affirme le médecin. Il nous a aussi éclairés sur le fonctionnement d’un service d’urgence. Ainsi de 7h30 mn jusqu’à 16h30 mn, il y a la consultation ordinaire dans les hopitaux publics. Les malades à arriver à ces heures avec des pathologies d’urgence selon la nomenclature en vigueur (coma, AVC, appendicite, crise cardiaque…) sont pris en charge par les urgences. Quant aux pathologies ambulatoires, elles sont dirigées dans les services de consultations. Mais, à partir de 16h30 jusqu’à 6h30 et les jours non ouvrables (samedi, dimanche et fériés), seuls les services d’urgence fonctionnent.

Des infrastructures
dépassées
La garde est généralement tenue par un interne. Et ce n’est qu’en cas de difficultés qu’on fait appel à un assistant. Alors que généralement des cas sérieux sont rencontrés dans les urgences. Cette nuit du samedi 3 août 2013 était assez particulière car, c’était le jour de la nuit du destin pour la communauté musulmane. Et les urgences dans certains services étaient assez sollicitées. Des accidentés, des malades de toutes sortes, des enfants, des jeunes et des moins jeunes, les services des urgences du CHU de Treichville reçoivent un grand nombre de malades. « Nos urgences sont à bout de souffle à l’image des infrastructures sanitaires publiques. Le Président de la République a déclaré 2013, année de la santé, mais jusque là, nous n’avons encore rien vu. Il n’y a pas de tensiomètres aux urgences, pas de radio, pas de scanners. On est obligé d’envoyer des malades affaiblis à l’extérieur faire des examens comme la fibroscopie», se lamente Dr. M.K. du CHU de Cocody. Pour lui, ceci explique pourquoi le consommable sur place doit être payé par le malade s’il veut être traité. Autres problèmes relevés, c’est le manque criard de personnel. «Nos hôpitaux n’ont pas suffisamment de médecins, d’infirmiers, de garçons et de filles de salle. Quand on associe à cela, la vétusté du plateau technique, le manque d’infrastructures, on comprend les difficultés de nos établissements publics», regrette-t-il. Autre reproche fait aux établissements sanitaires par Dr. Z.C, c’est le manque de vision managériale. «Il faut maintenant des vrais managers pour diriger nos CHU. Le CHU, c’est la crème des établissements hospitaliers publics. Il doit être le dernier recours ou servir aux programmes de recherche et d’enseignement universitaire. Quand nous aurons des managers, il va de soit que les services d’urgences seraient mieux gérés afin de remplir leurs missions», explique-t-il. Pour conclure, il a exhorté les patients à respecter la pyaramide des soins. La première structure d’acceuil doit être la case de soin ou bien l’infirmerie, vient ensuite le centre de santé, après, l’hôpital général, le CHR et pour finir le CHU ou l’Institut en dernier recours. « Les malades viennent s’agglutiner toujours au CHU. Et les services d’urgences sont bondés, souvent malpropres. Alors que le médecin de l’hôpital général peut très bien prendre le patient en charge dès que la maladie est déclarée. Ou, l’orienter vers des structures adéquats », indique-t-il. Et de prendre pour exemple le fait que des malades souffrant de pathologies neurologiques arrivent très souvent aux urgences du CHU de Treichville. Alors que selon lui, ce CHU n’a pas de service de neurologie. Une mauvaise coordination qui aurait été réparée en amont si le patient avait consulté un médecin dans un établissement intermédiaire. En tout état de cause, la mort de Boukari, ne peut rester impunie, ni sans suite. Elle doit être le départ d’une prise de conscience certes des personnels, mais aussi du gouvernement et de Goudou Raymonde. Car, ils sont des milliers de Boukari qui meurent pour rien dans nos hôpitaux. Au nom de tous les Boukari.

Olivier Guédé
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