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Afrique Publié le samedi 10 août 2013 | Le Democrate

Mali/Election présidentielle : Duel IBK -Cissé , ce dimanche

© Le Democrate
IBRAHIM BOUBACAR KEITA (IBK)
Les Maliens seront appelés aux urnes demain dimanche 11 août 2013 pour le second tour de la présidentielle qui met face à face Ibrahim Boubacar Keïta, ancien Premier ministre et Soumaïla Cissé, ancien ministre des Finances. Chacun se dit prêt à servir le Mali dans la transparence s’il était élu. Nous vous proposons les réactions combinées des deux candidats.
Ibrahim Boubacar Keïta: Les chiffres définitifs du premier tour de l'élection présidentielle, annoncés par le Conseil constitutionnel, vous placent à une dizaine de points de la victoire. Est-ce que vous êtes confiant ?
Oui, il n’y a pas de raison que je ne le sois pas. Ce premier tour laisse augurer de bonnes choses. Vous savez, j’entends beaucoup de choses. Mais que je sache, dans un match de football, on ne dit pas que ce qui a été engrangé durant la première mi-temps ne compte pas ? Que l’on repart simplement pour un nouveau match ? Chacun appréciera à sa façon. Moi, je suis tranquille par rapport à tout ce genre de raisonnement. Je sais simplement que dimanche, les Maliens, plaise au ciel, vont encore sortir massivement et à la face du monde, de l’Afrique, réaffirmer leur détermination, dorénavant, à assurer leur destin.
Monsieur Soumaïla Cissé, au premier tour, vous avez obtenu environ 19 % des suffrages, il vous faut donc trouver 31 points pour l’emporter au second tour. Est-ce que cela vous semble possible ?
Vous savez, le deuxième tour, c’est une nouvelle élection. Nous repartons tous à zéro. Il ne s’agit pas d’une élection pour compléter les voix de l’un ou de l’autre, à 51. Il s’agit de repartir à zéro. Et puis, nous avons quand même des exemples. J’ai vu en Guinée le candidat arriver en tête avec 43 %, et celui qui est président aujourd’hui avait seulement 18 %. Cela veut dire que les alliances peuvent être complètement changées et qu’en 15 jours, les gens peuvent se dire « Tiens, est-ce que j’avais vraiment fait le bon choix ? Est-ce qu’on ne m’a pas intoxiqué ? » Comment se fait-il que tous les diplomates et tous les journalistes aient été intoxiqués, en croyant fermement que cette élection se jouerait au premier tour ? Ça veut dire donc qu’il y a beaucoup d’intoxication, en dessous des résultats qui ont été affichés. Aujourd’hui, ce qui est important, c’est d’avoir un deuxième tour propre, aussi propre que possible.

Ibrahim Boubacar Keïta: Est-ce que vous ne craignez pas, tout de même, un scénario « à la guinéenne », où Cellou Dalein Diallo obtient 43 % au premier tour, puis finalement, c’est votre ami de l’Internationale socialiste, Alpha Condé, qui l’emporte, alors qu’il n’avait eu que 18 % au premier tour ?
Les sujets ne sont pas comparables. Je laisse à ceux qui se font des illusions, le soin d’ergoter. Je n’ai aucun commentaire à faire à ce sujet. A ceux qui voudraient se bercer d’illusions en faisant cette comparaison, grand bien leur fasse.
Soumaïla Cissé : Plus de quatre mille (400. 000) bulletins nuls ont été constatés lors du premier tour. C’est énorme pour 3 500 000 votants. Vous aviez immédiatement évoqué la possibilité qu’il y ait eu des fraudes. Est-ce que vous avez plus d’éléments aujourd’hui ?
J’ai beaucoup d’éléments. Je vais vous donner un exemple. Le premier août, nous avons saisi une urne, entre Sévaré et Mopti, l’urne numéro 18, du bureau de vote numéro 3. Cette urne se dirigeait tranquillement vers le cercle de Mopti pour être posée à côté des autres cadavres d’urnes. Le fait que les bulletins aient circulé dans la ville de Bamako avant le vote est un élément connu, avéré. On peut toujours se poser la question : « Est-ce que c’est suffisamment significatif pour inverser ceci, cela ? » Aucune fraude n’est tolérable, il n’y a pas de niveau de tolérance dans une élection présidentielle.

Ibrahim Boubacar Keïta: Votre adversaire, Soumaila Cissé, affirme qu’on a assisté, au premier tour, à une fraude organisée, « quasiment scientifique » dit-il, qu’est-ce que vous lui répondez ?
J’éclate d’abord de rire ! Et je dis simplement ce mot que les criminologues du monde entier savent : à qui profite le crime ? Moi, Ibrahim Boubacar Keïta, dont tout le monde a vu avec quelle ferveur, avec quel enthousiasme, les masses maliennes m’ont accueilli, je ne suis pas du tout en peine et c’est moi qui organiserais une fraude quelconque ? Laissez-moi rire.
Soumaïla Cissé : Mais tout de même, dans le cadre d’une élection, il est important de savoir si ces fraudes ont pu changer le résultat du scrutin. Est-ce que vous pensez que les fraudes ont atteint un niveau tellement significatif, que le résultat a pu être biaisé ?
Je pense qu’il y a eu une fraude organisée, quasiment scientifique. Vous savez, quand dans une ville comme Bamako, plus de 2000 bureaux de vote, vous arrivez à gagner dans tous les bureaux de vote avec quasiment le même écart, statistiquement on se pose des questions. Quand dans une ville comme Bamako, vous n’avez pas de députés, pas de maire, pas d’élus, et brusquement, par génération spontanée, vous arrivez à 60-70 % des voix dans toutes les communes, même si votre référence c’est de Gaulle, on se pose quand même des questions. Nous avons le sentiment qu’il y avait quelque chose de très bien organisé et nous en avons tous pâti, tous les candidats en ont pâti.
Ibrahim Boubacar Keïta : Alors…, il y a eu 390. 000 bulletins nuls selon les chiffres de la Cour constitutionnelle. Est-ce que ce n’est pas suspect ?
Par rapport à qui ? Je suis tout à fait droit dans mes bottes, clair et propre. Je ne crois pas que ce soit la première fois au monde que le voleur crie au pillage de ses ressources. Je n’ai aucun problème par rapport à ça, les Maliens savent la réalité.
Soumaïla Cissé : Vous dites « une fraude quasiment scientifique » ?
Oui, quasiment scientifique, très bien organisée, que nous essayons de démanteler. Et nous avons fait des propositions, pour que les bulletins issus du vote soient des vrais bulletins.
Ibrahim Boubacar Keïta : Vous étiez persuadé que vous alliez remporter l’élection dès le premier tour. Que pensez-vous finalement des résultats publiés par la Cour constitutionnelle qui vous contraignent au second tour ?
Je n’ai jamais dit : « La victoire au premier tour ou la mort ». J’ai dit que ce qui se profilait pouvait nous y conduire ; mais quand cela n'est pas, je suis un démocrate, je n’y ai trouvé absolument aucun inconvénient. Au contraire, je pense que cela sera beaucoup plus clair et beaucoup plus net le 11 août.
Soumaïla Cissé : Qu’est-ce qui vous différencie de votre adversaire, Ibrahim Boubacar Keïta? Qu’est-ce qui, selon vous, va pousser les Maliens à voter pour vous ?
Ce moment, là, aujourd’hui, c’est un moment d’abord de l’économie. Nous avons connu une crise assez importante, nous avons réglé les problèmes militaires d’une façon solidaire avec les différents partenaires. Aujourd’hui, ce dont le Mali a besoin, c’est quelqu’un qui puisse relancer très vite l’économie du pays. Et sur ça, je pense que j’ai une longueur d’avance sur mon adversaire. La deuxième chose, c’est que je pense être beaucoup plus moderne. C’est vrai qu’on a toujours besoin de grandes valeurs, que mon concurrent essaye de mettre en avant, mais ces valeurs sont tellement ancrées dans chacun des Maliens, que les ressasser n'est que de la redite.
Ibrahim Boubacar Keïta : Autre critique de votre adversaire, il vous reproche d’avoir trop joué de la corde religieuse pendant la campagne. Et il dit « ce sont des cordes dangereuses, vraiment, je le mets en garde de trop tirer sur ces cordes-là ».
Je crois que je demanderai à mon cadet de savoir raison garder. Que j’ai l’appui des autorités religieuses, c’est un fait. Mais personne ne m'a entendu dire autre chose dont on pourrait dire aujourd'hui que ce serait une sorte d’appel à un rassemblement islamique autour de ma personne : jamais. Je fais le constat que les autorités religieuses, que les milieux musulmans, ont considéré que je suis un homme sérieux, que je suis un homme propre. J’ai entendu d’ailleurs, à ce sujet, des allusions perfides. Je mets au défi mon adversaire : il dit qu'il a des choses à dire, qu’il les dise.

Soumaïla Cissé : Vous avez le sentiment que votre adversaire a essayé de jouer du discours religieux ?
Mais il a fait plus que ça ! Il faut le voir, au départ, il ne disait pas un mot sans sortir quelque chose de religieux. Nous nous connaissons, je ne vais pas l’attaquer sur ce domaine-là. C’est un créneau pour se faire élire, mais c’est dangereux. Nous sommes tous musulmans dans ce pays, nous avons tous vu ce qui s’est passé au Mali, sous le prétexte de la religion. L’intégrisme nous a mis dans une situation dramatique. Il ne faut pas tirer sur ces cordes-là, ce sont des cordes extrêmement dangereuses. Et vraiment, je mets en garde de trop tirer sur ça.
Ibrahim Boubacar Keïta : Qu’est-ce qui vous différencie de votre adversaire Ibrahim Boubacar Keïta, qu’est-ce qui selon vous, va pousser les Maliens à voter pour vous dimanche prochain ?
Je ne ferai pas les comparaisons qu’il a faites...
Soumaïla Cissé : En cas de défaite, quels sont vos projets ?
Je crois que, d’abord, il faut que la défaite soit une défaite réelle. C’est pour ça que j’exige que les élections soient transparentes. Je ne souhaite pas un « hold-up », comme ça a failli se faire il y a quelques jours. Je me suis engagé en politique, je continuerai à m’engager en politique. Les élections, ça ne doit pas être forcément l’aboutissement. Une fois élu, il faut continuer à travailler. Il faut continuer de défendre vos convictions et je continuerais à défendre mes convictions jusqu’au bout. Il ne s’agira pas de dire « Bon, maintenant j’ai échoué, je vais aller planter des choux ailleurs et c’est terminé ». Non, non, non, je continuerai le combat politique, ça je peux vous l’assurer.
Ibrahim Boubacar Keïta : Si vous êtes élu, quelle est la première mesure que vous mettrez en œuvre pour les Maliens ? Et quel type de président souhaitez-vous être ? Ou encore si vous êtes battu au second tour, quelle serait votre réaction ?
Je mettrai d’abord en place un gouvernement, lequel prendra en charge la mission la plus importante à mes yeux : celle qui consiste à rassembler le Mali et les Maliens. Et je pense que l’accord préliminaire de Ouagadougou est une urgence. On ne peut pas faire redémarrer un pays, sans l’assise de paix. C’est donc un point important pour moi, auquel j’accorderai l’importance qu’il mérite. Et je pense qu’il y a des problèmes dans ce pays, qui sont des problèmes globaux de développement, d’aménagement du territoire et de partage du pouvoir... Mais d’abord, que nous en parlions, que nous nous accordions sur l’essentiel, étant entendu que ce qui, pour moi, est absolument hors de toute négociation, est l’intégrité territoriale du Mali et la souveraineté du Mali. Evidemment si je suis élu, je serai un homme d’Etat imperturbable, un homme d’Etat qui ne perdrait pas facilement son sang-froid, un homme d’Etat qui, en toutes circonstances, saurait défendre et préserver les intérêts du Mali. Les Maliens l’ont expérimenté et les Maliens, apparemment, en voudraient encore. Si d’aventure je suis battu, je crois que je suis un démocrate. En 2002, chacun sait désormais ce qu’il s’est passé, en 2007 également. Nul ne m’a entendu dire autre chose que « dura lex sed lex », « ainsi j’ai été, ainsi je suis, ainsi je serai ».
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