Quel est l’objet de vos échanges avec le président de l’Assemblée nationale ?
Il est à Gagnoa à notre invitation. Nous avons échangé avec lui pour réaffirmer notre volonté de le voir chez nous. Les reports successifs de cette visite étaient angoissants pour nous. Le voyant aujourd’hui, nous sommes libérés. Nous sommes venus réaffirmer notre volonté d’aller à la paix et à la réconciliation avec tous les acteurs de la vie publique de la Côte d’Ivoire.
Que vous a-t-il répondu ?
Il nous a répondu qu’il était heureux d’être ici. Il nous a encouragés à continuer les actions de paix que nous menons. Il sait les menaces qui ont pesé sur nous avant cette rencontre. Mais les chefs de Gagnoa sont déterminés à aller à la paix.
Aujourd’hui, est-ce que ceux qui menaçaient sont revenus à de meilleurs sentiments ?
Le 17 juillet, nous étions à Abidjan pour préparer l’arrivée du président de l’Assemblée nationale. Nous avons rencontré les cadres du Front populaire ivoirien (Fpi), conduit par le professeur Dano Djédjé. Nous les avons informés ; ils ont dit ce jour-là qu’ils acceptaient le principe de la visite. Ils ont souhaité que dans l’organisation pratique, nous fassions en sorte que Soro n’arrive pas à Mama, ni à Gnaliépa. Dans le cadre de la réconciliation, nous estimons que nous ne pouvons pas interdire un homme d’Etat comme Soro de venir à Mama. Et proposer aux habitants la réconciliation que nous souhaitons tous. Si on nous offre une tribune de réconciliation, nous sommes partie prenante.
Quelles sont les attentes de la chefferie ?
Nos attentes sont la résolution des problèmes du pays. Ce que nous disons ne concerne pas exclusivement Gagnoa. Les problèmes qui minent la Côte d’Ivoire et empêchent une véritable réconciliation, c’est l’incarcération de Gbagbo à La Haye, l’emprisonnement de plusieurs cadres dont certains sont originaires de Gagnoa, le gel des avoirs…Quatorze de nos fils ont été libérés. Nous avons dit aujourd’hui à Soro de continuer d’intercéder auprès du président de la République pour que cette libération soit définitive.
Qu’a répondu le président Soro ?
Il a promis continuer sa médiation auprès du président de la République.
Propos recueillis par Alain Kpapo
Guillaume Soro à Gnangbodougnoa « Ne suivez pas les rêveurs… »
Hier, pour son premier meeting de réconciliation, dans la sous-préfecture de Gnangbodougnoa, Guillaume Soro a appelé les populations à tourner le dos à la politique politicienne et à privilégier le développement de leur localité.
Populations de Gnangbodougnoa, Mesdames et Messieurs
Je voudrais, avant de délivrer mon message de la journée, commencer par des mots de remerciement et de gratitude.
Ce jour, 15 août 2013, est un jour symbolique. C’est la fête de l’Assomption. Mais c’est aussi le jour où je visite la région de Gagnoa. C’est pourquoi je veux saluer le peuple Guébié, je veux saluer ce brave peuple Guébié. J’en ai entendu parler. J’ai lu dans les livres. Aujourd’hui, j’ai mis le pied dans votre sous-préfecture. Je vous salue au nom de l’Assemblée nationale. Mais je vous salue au nom de toute la Côte d’Ivoire. Je suis content, heureux de la mobilisation exceptionnelle, de tout ce monde sorti. C’est pourquoi mes remerciements vont au préfet de région qui n’a ménagé aucun effort pour faire passer le message de la paix et de la réconciliation.
Je salue les fils de cette sous-préfecture. Je salue le député ici présent. Je salue les cadres de cette région qui l’ont sillonnée pour annoncer notre venue. Je n’oublierai pas de remercier la chefferie traditionnelle de Gagnoa sans laquelle je ne serais pas là. Parce que c’est eux, les chefs, depuis 2012, qui sont allés me trouver à Abidjan pour me demander de venir à Gagnoa. Et je vais tout particulièrement saluer le chef Gbizié, je crois qu’il doit être là. Et un de vos fils le chef Gadji Djédjé Joseph de Godélilié. Il est un homme courageux. Ils sont courageux parce qu’ils ont compris qu’il faut du courage pour faire la paix. Parce que pour faire des palabres ou pour faire la guerre ce n’est pas difficile. Une seule personne peut se lever et gifler quelqu’un. Mais pour faire la paix, il faut assurément du courage.
Cher peuple du Guébié,
Certains vont se demander pourquoi je suis en visite dans la région de Gagnoa. Mais je sais aussi que certains ont dû vous appeler pour vous dire : « Ne recevez pas Guillaume Soro à Gagnoa ». D’autres ont certainement dû vous demander de refuser la paix.
Chers parents,
Ils ont tort, parce que comme j’aime à le dire souvent, chaque chose en son temps. Aujourd’hui, pour moi, le temps de la réconciliation est venu. Et c’est pourquoi quand les chefs m’ont invité à venir dans la région de Gagnoa, j’ai accepté. Je suis ici aujourd’hui. Demain, je vais sillonner les autres sous-préfectures. J’irai à Ouragahio, à Guibéroua, à Gnaliépa, à Mama. J’irai partout pour parler de paix. J’irai aussi parler de réconciliation nationale.
Et, je suis venu vous inviter à vous inscrire dans la logique de la réconciliation nationale. Je sais qu’il y a eu des problèmes, la Côte d’Ivoire a connu des problèmes. Il ne faut pas avoir peur d’employer les termes, il n’y a pas de sujets tabous ; oui, la Côte d’Ivoire a connu la guerre mais, personne ne doit souhaiter la guerre pour son pays. La Côte d’Ivoire a connu des moments difficiles mais, personne ne peut souhaiter des moments difficiles pour son pays. Mais, aujourd’hui, la Côte d’Ivoire doit s’engager sur la voie de la paix et de la réconciliation. Et je veux que le peuple du Guébié embarque dans le train de la réconciliation. Je veux que chacun puisse jouer sa partition pour que notre pays retrouve la stabilité et la paix.
Il n’y a pas de sujets tabous ; je sais que certains vont me dire qu’il y a eu la guerre, que certains de leurs enfants sont en prison. J’irai à Guibéroua dans le village de Blé Goudé et je parlerai avec ses parents. Tout à l’heure, dans la foule, j’ai vu certains de mes amis avec qui j’ai milité au sein de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire, la Fesci. Ils sont là dans la foule. Ils peuvent témoigner que nous avons tous été des compagnons, des camarades de lutte. Ils peuvent témoigner que nous, nous nous sommes battus pour la démocratie et la liberté.
Oui, je sais que certains parmi vous seraient tentés de me dire ; « M. Soro, où est Gbagbo ? Où est Blé Goudé ». Je vais vous répondre parce que l’heure de la vérité est venue ; l’heure de dire les choses comme elles se sont déroulées est venue. Si je me suis tu pendant un bon moment, c’est pour ne pas gêner les uns et les autres. Oui, il est arrivé, dans vos propres familles, dans vos propres villages, dans vos campements, que des enfants, des frères se battent ; que dans une même famille, qu’un frère en arrive à tuer un autre. Si vous êtes le père des deux enfants qui se sont battus à morts, que faites-vous ? Est-ce que vous êtes amené à tuer le second pour enfin de compte vous retrouver sans enfants, ou est-ce que malgré la douleur qui vous étreint, vous vous dites qu’il faut tourner la page ?
Les chefs traditionnels sont allés me voir, je leur ai dit, quand ils sont allés me voir à Yamoussoukro, terre d’Houphouet-Boigny pour me dire que certains de leurs enfants étaient en prison, que j’allais en parler au président, d’essayer d’ajouter mon grain de sel aux autres que beaucoup n’ont cessé d’apporter au président.
Dieu merci, une semaine après, ils ont été libérés. Alors, dès qu’ils sont libérés nous sommes contents parce que si on veut la paix, si on veut reconstruire la paix, nous devons poser tous des actes de paix. C’est ce que je suis venu vous dire. J’ai été frappé par les propos du chef, on m’a adopté comme fils de cette sous-préfecture.
Je vous remercie de m’avoir adopté. On m’a dit qu’on me confiait la sous-préfecture, je vous remercie aussi de me considérer comme votre fils. Ce que je vous demande brave peuple du Guébié, c’est de dire non aux gens qui viennent parler la nuit. Ils viennent vous dire : « n’acceptez pas, n’avancez pas » ; alors qu’on se voit à Abidjan, on se parle. Vous êtes seuls au village, on vous dit : « tenez bon là-bas, ne cédez pas ».
Mais à Abidjan, si vous ne savez pas, moi je vous dis la vérité, on se voit, on mange ensemble. Quand on a un peu, on donne un peu et ils prennent, ils vont manger. Arrêtez de vous laisser manipuler par la politique politicienne. Ce qui doit vous intéresser, c’est le développement de votre sous-préfecture. Les partis politiques passent. J’ai emprunté votre route mais à la vérité, ce n’est pas une route. C’est cela qui doit vous préoccuper. Vous êtes assis au village et c’est vous qui faites la politique à Abidjan.
« Je ne suis pas venu vous dire d’aimer Ouattara »
Trouvez des solutions. Ceux qui vous disent n’allez pas à la paix, n’allez pas à la réconciliation, qu’ils viennent faire la route. Si moi je ne viens pas et que je ne vois que la route n’est pas bon et qu’on ne la répare pas, vous faites quoi ? Ceux qui vous disent : « Restez là-bas, Alassane Ouattara on va le faire tomber bientôt. C’est un beau rêve. On peut rêver 20 ans 30 ans et pendant 30 ans, qu’est-ce que vous devenez, qu’est ce que vous faites ? La Côte d’Ivoire, c’est notre bien à tous.
Les gens parlent, je peux aussi parler. Certains sont assis et dans leur cœur, ils me demandent où est Gbagbo où est Blé Goudé? L’heure de la vérité est venue. Moi, dans mes années d’étudiants, je suis allé 3 fois en prison et c’était à cause de Gbagbo et au nom de Gbagbo. Parmi vous, qui est allé en prison pour Gbagbo ? Que quelqu’un lève le doigt, s’il est allé en prison pour Gbagbo. Aujourd’hui, il faut qu’on se dise la vérité. En 90, 92, 93, 94 quand j’allais en prison, est-ce que j’étais Bété? Je n’étais pas Bété. Dans mon propre village, au Nord, toute ma région, les gens étaient Pdci. J’ai été exclu de mon village, est-ce-que j’étais Bété. Arrêtons le tribalisme. Nous avons fait ce combat. Je vois ici des jeunes, d’autres sont allés en prison. Quelque fois, quand j’étais en prison, on me sortait et on me disait : « Guillaume, tu ne vois pas que tu es le seul parmi ceux-là? »
Aujourd’hui, je suis venu dire au brave peuple du Guébié de prendre le chemin de la réconciliation. Nous tous, nous étions à la Fesci mais nous n’étions pas tous du même parti. Certains étaient du Pdci, d’autres du Rdr ; certains sont du Nord, d’autres sont Bété, Baoulé pour le combat. Arrêtez le tribalisme ; arrêtons le tribalisme.
C'est en nous mettant ensemble que nous allons arriver à la réconciliation. Et je pense qu'il faut encourager le président de la République. Je ne suis pas venu vous dire de l'aimer. Je suis venu vous dire qu'il y a une République en Côte d'Ivoire. Et la République, ce sont les Institutions. Parmi les institutions de la République, il y a le président de la République qui s'appelle Alassane Ouattara. Vous pouvez ne pas l'aimer mais, c'est lui le président. Vous pouvez l'aimer, c'est lui le président. Demain, quand quelqu'un d'autre sera président, nous nous mettrons à son service. Pour l'heure, Alassane Ouattara est le président. Les présidents viennent et ils passent. Donc on doit respecter la République.
Je suis ici en qualité de président de l'Assemblée nationale. Dans la foule, certains m'aiment et d'autres pas. C'est leur droit parce qu'il y a des gens que moi aussi je n'aime pas. Mais comme nous sommes des Ivoiriens, nous devons vivre ensemble. Je suis venu vous dire que le pays réconcilié vous tend la main. Et nous voulons que le Guébié embarque dans la réconciliation. Ceux qui vous disent de ne pas aller à la réconciliation sont contre vous. Il faut qu'on parte à la réconciliation. Allez rencontrer les parents, dites-leur qu'il faut qu'on fasse la paix. Il faut qu’on fasse la paix. La paix, c’est bon pour nous tous. La paix permet à nos enfants d’aller à l’école. La paix permet à des enfants de pauvres de devenir plus tard des ministres, des Premiers ministres, des présidents d’Assemblée, puisque moi-même qui vous parle, je suis un enfant de pauvre. Je ne suis pas né avec une cuillère en or dans la bouche. C’est parce qu’il y a eu la paix que j’ai pu avoir ma chance. Donc je demande aux partis politiques de diminuer leurs engagements et travailler beaucoup. Je leur demande de diminuer les histoires de partis politiques. Donc le peuple Guébié m’a fait fils de Gnangbodougnoa. (…) J’appelle le 4e vice-président du Conseil général, fils de la localité et le sous-préfet à dire aux chefs, aux jeunes, aux femmes, de cette sous-préfecture que j’ai compris. Quand je quittais Abidjan pour Gnangbodougnoa ce matin, on m’a dit qu’il n’y aura personne dans le village, que les gens ne m’aiment pas. Mais là, j’ai été accueilli, j’ai vu le tam-tam parleur, les chefs m’ont habillé. Vraiment, je suis content. Donc vous voyez qu’à Abidjan, les gens mentent beaucoup. Je viens de découvrir ce matin qu’ils m’ont menti avant que je ne vienne.
Monsieur le quatrième vice-président,
Je vous charge de sillonner la sous-préfecture pour leur donner le message que je viens de délivrer. Pour cela, je veux que vous associiez les chefs traditionnels, pour que vous passiez de campement en campement pour parler, pour que les gens arrêtent de blaguer nos parents, pour que les gens arrêtent de mentir. C’est la première tâche que je vous confie sous la supervision, la coordination du sous-préfet. La deuxième chose, j’entends pleinement assumer la responsabilité que la chefferie m’a confiée. Cette école derrière nous date de 1958. C’est vous qui allez apprécier. Moi, je ne suis pas de ces politiciens qui viennent vous dire « luttez au village là-bas, tenez bon », entre-temps, à Abidjan, ils boivent du champagne et ils sont contents. Les gens qui restent à Abidjan, au lieu de construire l’école, et qui disent aux populations : « tenez bon, luttez». Mais on va lutter avec quoi au village ? Chefs, passez dans les villages et dites aux populations d’arrêter les affaires de politique, parce que ce ne sont pas les paroles politiques qui donnent à manger.
« Laissez donc la politique et cherchez le développement »
Une école, une route, ce n’est pas un discours ! Peuple du Guébié, la Côte d’Ivoire vous regarde ! Brave peuple guerrier que nous avons connu, épris de liberté, la Côte d’Ivoire vous regarde. Vous devez montrer l’exemple. Ne vous laissez pas distraire, ne laissez pas les autres donner une mauvaise image de vous. Prenez vous-mêmes votre destin en main, donnez l’image de ce peuple guerrier que nous avons connu, ce peuple qui veut la paix et la réconciliation et qui tire Gagnoa sur le chemin de la paix et de la reconstruction. C’est ce peuple que je suis venu saluer, parce que je suis fier de lui. C’est ce peuple à qui je tends la main et avec qui je veux marcher. C’est avec ce peuple que la Côte d’Ivoire veut faire chemin et bâtir l’unité et la cohésion nationales. C’est avec ce peuple que nous voulons construire une nation forte. Vous avez souffert pendant des moments difficiles, vous avez traversé des périodes douloureuses, mais aujourd’hui vous devez sécher vos larmes et vous engager dans le développement. Vous devez décider de votre destin qui ne peut être un destin de souffrance. Votre destin aussi, c’est de connaitre le bonheur, la joie. Le destin du peuple Guébié, c’est la paix, la réconciliation. Et vous pouvez me faire confiance pour être avec vous sur le chemin de la paix et de la réconciliation, convaincre la Côte d’Ivoire entière pour apporter le développement dans le Guébié. Le mariage que je veux avec vous est un mariage de raison. Je demande aux jeunes, aux femmes, aux hommes du Guébié de pardonner, parce qu’il n’y a pas d’alternative au pardon, à la réconciliation. Or, nous avons trop souffert de la guerre. Bannissons la guerre, la haine ; cultivons l’amitié et la fraternité.
Je suis convaincu que notre passage ici permettra d’aller en avant. Nous n’allons pas faire un discours de caviar, mais un discours concret de développement.
Propos recueillis par Marc Dossa, envoyé spécial à Gagnoa
Il est à Gagnoa à notre invitation. Nous avons échangé avec lui pour réaffirmer notre volonté de le voir chez nous. Les reports successifs de cette visite étaient angoissants pour nous. Le voyant aujourd’hui, nous sommes libérés. Nous sommes venus réaffirmer notre volonté d’aller à la paix et à la réconciliation avec tous les acteurs de la vie publique de la Côte d’Ivoire.
Que vous a-t-il répondu ?
Il nous a répondu qu’il était heureux d’être ici. Il nous a encouragés à continuer les actions de paix que nous menons. Il sait les menaces qui ont pesé sur nous avant cette rencontre. Mais les chefs de Gagnoa sont déterminés à aller à la paix.
Aujourd’hui, est-ce que ceux qui menaçaient sont revenus à de meilleurs sentiments ?
Le 17 juillet, nous étions à Abidjan pour préparer l’arrivée du président de l’Assemblée nationale. Nous avons rencontré les cadres du Front populaire ivoirien (Fpi), conduit par le professeur Dano Djédjé. Nous les avons informés ; ils ont dit ce jour-là qu’ils acceptaient le principe de la visite. Ils ont souhaité que dans l’organisation pratique, nous fassions en sorte que Soro n’arrive pas à Mama, ni à Gnaliépa. Dans le cadre de la réconciliation, nous estimons que nous ne pouvons pas interdire un homme d’Etat comme Soro de venir à Mama. Et proposer aux habitants la réconciliation que nous souhaitons tous. Si on nous offre une tribune de réconciliation, nous sommes partie prenante.
Quelles sont les attentes de la chefferie ?
Nos attentes sont la résolution des problèmes du pays. Ce que nous disons ne concerne pas exclusivement Gagnoa. Les problèmes qui minent la Côte d’Ivoire et empêchent une véritable réconciliation, c’est l’incarcération de Gbagbo à La Haye, l’emprisonnement de plusieurs cadres dont certains sont originaires de Gagnoa, le gel des avoirs…Quatorze de nos fils ont été libérés. Nous avons dit aujourd’hui à Soro de continuer d’intercéder auprès du président de la République pour que cette libération soit définitive.
Qu’a répondu le président Soro ?
Il a promis continuer sa médiation auprès du président de la République.
Propos recueillis par Alain Kpapo
Guillaume Soro à Gnangbodougnoa « Ne suivez pas les rêveurs… »
Hier, pour son premier meeting de réconciliation, dans la sous-préfecture de Gnangbodougnoa, Guillaume Soro a appelé les populations à tourner le dos à la politique politicienne et à privilégier le développement de leur localité.
Populations de Gnangbodougnoa, Mesdames et Messieurs
Je voudrais, avant de délivrer mon message de la journée, commencer par des mots de remerciement et de gratitude.
Ce jour, 15 août 2013, est un jour symbolique. C’est la fête de l’Assomption. Mais c’est aussi le jour où je visite la région de Gagnoa. C’est pourquoi je veux saluer le peuple Guébié, je veux saluer ce brave peuple Guébié. J’en ai entendu parler. J’ai lu dans les livres. Aujourd’hui, j’ai mis le pied dans votre sous-préfecture. Je vous salue au nom de l’Assemblée nationale. Mais je vous salue au nom de toute la Côte d’Ivoire. Je suis content, heureux de la mobilisation exceptionnelle, de tout ce monde sorti. C’est pourquoi mes remerciements vont au préfet de région qui n’a ménagé aucun effort pour faire passer le message de la paix et de la réconciliation.
Je salue les fils de cette sous-préfecture. Je salue le député ici présent. Je salue les cadres de cette région qui l’ont sillonnée pour annoncer notre venue. Je n’oublierai pas de remercier la chefferie traditionnelle de Gagnoa sans laquelle je ne serais pas là. Parce que c’est eux, les chefs, depuis 2012, qui sont allés me trouver à Abidjan pour me demander de venir à Gagnoa. Et je vais tout particulièrement saluer le chef Gbizié, je crois qu’il doit être là. Et un de vos fils le chef Gadji Djédjé Joseph de Godélilié. Il est un homme courageux. Ils sont courageux parce qu’ils ont compris qu’il faut du courage pour faire la paix. Parce que pour faire des palabres ou pour faire la guerre ce n’est pas difficile. Une seule personne peut se lever et gifler quelqu’un. Mais pour faire la paix, il faut assurément du courage.
Cher peuple du Guébié,
Certains vont se demander pourquoi je suis en visite dans la région de Gagnoa. Mais je sais aussi que certains ont dû vous appeler pour vous dire : « Ne recevez pas Guillaume Soro à Gagnoa ». D’autres ont certainement dû vous demander de refuser la paix.
Chers parents,
Ils ont tort, parce que comme j’aime à le dire souvent, chaque chose en son temps. Aujourd’hui, pour moi, le temps de la réconciliation est venu. Et c’est pourquoi quand les chefs m’ont invité à venir dans la région de Gagnoa, j’ai accepté. Je suis ici aujourd’hui. Demain, je vais sillonner les autres sous-préfectures. J’irai à Ouragahio, à Guibéroua, à Gnaliépa, à Mama. J’irai partout pour parler de paix. J’irai aussi parler de réconciliation nationale.
Et, je suis venu vous inviter à vous inscrire dans la logique de la réconciliation nationale. Je sais qu’il y a eu des problèmes, la Côte d’Ivoire a connu des problèmes. Il ne faut pas avoir peur d’employer les termes, il n’y a pas de sujets tabous ; oui, la Côte d’Ivoire a connu la guerre mais, personne ne doit souhaiter la guerre pour son pays. La Côte d’Ivoire a connu des moments difficiles mais, personne ne peut souhaiter des moments difficiles pour son pays. Mais, aujourd’hui, la Côte d’Ivoire doit s’engager sur la voie de la paix et de la réconciliation. Et je veux que le peuple du Guébié embarque dans le train de la réconciliation. Je veux que chacun puisse jouer sa partition pour que notre pays retrouve la stabilité et la paix.
Il n’y a pas de sujets tabous ; je sais que certains vont me dire qu’il y a eu la guerre, que certains de leurs enfants sont en prison. J’irai à Guibéroua dans le village de Blé Goudé et je parlerai avec ses parents. Tout à l’heure, dans la foule, j’ai vu certains de mes amis avec qui j’ai milité au sein de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire, la Fesci. Ils sont là dans la foule. Ils peuvent témoigner que nous avons tous été des compagnons, des camarades de lutte. Ils peuvent témoigner que nous, nous nous sommes battus pour la démocratie et la liberté.
Oui, je sais que certains parmi vous seraient tentés de me dire ; « M. Soro, où est Gbagbo ? Où est Blé Goudé ». Je vais vous répondre parce que l’heure de la vérité est venue ; l’heure de dire les choses comme elles se sont déroulées est venue. Si je me suis tu pendant un bon moment, c’est pour ne pas gêner les uns et les autres. Oui, il est arrivé, dans vos propres familles, dans vos propres villages, dans vos campements, que des enfants, des frères se battent ; que dans une même famille, qu’un frère en arrive à tuer un autre. Si vous êtes le père des deux enfants qui se sont battus à morts, que faites-vous ? Est-ce que vous êtes amené à tuer le second pour enfin de compte vous retrouver sans enfants, ou est-ce que malgré la douleur qui vous étreint, vous vous dites qu’il faut tourner la page ?
Les chefs traditionnels sont allés me voir, je leur ai dit, quand ils sont allés me voir à Yamoussoukro, terre d’Houphouet-Boigny pour me dire que certains de leurs enfants étaient en prison, que j’allais en parler au président, d’essayer d’ajouter mon grain de sel aux autres que beaucoup n’ont cessé d’apporter au président.
Dieu merci, une semaine après, ils ont été libérés. Alors, dès qu’ils sont libérés nous sommes contents parce que si on veut la paix, si on veut reconstruire la paix, nous devons poser tous des actes de paix. C’est ce que je suis venu vous dire. J’ai été frappé par les propos du chef, on m’a adopté comme fils de cette sous-préfecture.
Je vous remercie de m’avoir adopté. On m’a dit qu’on me confiait la sous-préfecture, je vous remercie aussi de me considérer comme votre fils. Ce que je vous demande brave peuple du Guébié, c’est de dire non aux gens qui viennent parler la nuit. Ils viennent vous dire : « n’acceptez pas, n’avancez pas » ; alors qu’on se voit à Abidjan, on se parle. Vous êtes seuls au village, on vous dit : « tenez bon là-bas, ne cédez pas ».
Mais à Abidjan, si vous ne savez pas, moi je vous dis la vérité, on se voit, on mange ensemble. Quand on a un peu, on donne un peu et ils prennent, ils vont manger. Arrêtez de vous laisser manipuler par la politique politicienne. Ce qui doit vous intéresser, c’est le développement de votre sous-préfecture. Les partis politiques passent. J’ai emprunté votre route mais à la vérité, ce n’est pas une route. C’est cela qui doit vous préoccuper. Vous êtes assis au village et c’est vous qui faites la politique à Abidjan.
« Je ne suis pas venu vous dire d’aimer Ouattara »
Trouvez des solutions. Ceux qui vous disent n’allez pas à la paix, n’allez pas à la réconciliation, qu’ils viennent faire la route. Si moi je ne viens pas et que je ne vois que la route n’est pas bon et qu’on ne la répare pas, vous faites quoi ? Ceux qui vous disent : « Restez là-bas, Alassane Ouattara on va le faire tomber bientôt. C’est un beau rêve. On peut rêver 20 ans 30 ans et pendant 30 ans, qu’est-ce que vous devenez, qu’est ce que vous faites ? La Côte d’Ivoire, c’est notre bien à tous.
Les gens parlent, je peux aussi parler. Certains sont assis et dans leur cœur, ils me demandent où est Gbagbo où est Blé Goudé? L’heure de la vérité est venue. Moi, dans mes années d’étudiants, je suis allé 3 fois en prison et c’était à cause de Gbagbo et au nom de Gbagbo. Parmi vous, qui est allé en prison pour Gbagbo ? Que quelqu’un lève le doigt, s’il est allé en prison pour Gbagbo. Aujourd’hui, il faut qu’on se dise la vérité. En 90, 92, 93, 94 quand j’allais en prison, est-ce que j’étais Bété? Je n’étais pas Bété. Dans mon propre village, au Nord, toute ma région, les gens étaient Pdci. J’ai été exclu de mon village, est-ce-que j’étais Bété. Arrêtons le tribalisme. Nous avons fait ce combat. Je vois ici des jeunes, d’autres sont allés en prison. Quelque fois, quand j’étais en prison, on me sortait et on me disait : « Guillaume, tu ne vois pas que tu es le seul parmi ceux-là? »
Aujourd’hui, je suis venu dire au brave peuple du Guébié de prendre le chemin de la réconciliation. Nous tous, nous étions à la Fesci mais nous n’étions pas tous du même parti. Certains étaient du Pdci, d’autres du Rdr ; certains sont du Nord, d’autres sont Bété, Baoulé pour le combat. Arrêtez le tribalisme ; arrêtons le tribalisme.
C'est en nous mettant ensemble que nous allons arriver à la réconciliation. Et je pense qu'il faut encourager le président de la République. Je ne suis pas venu vous dire de l'aimer. Je suis venu vous dire qu'il y a une République en Côte d'Ivoire. Et la République, ce sont les Institutions. Parmi les institutions de la République, il y a le président de la République qui s'appelle Alassane Ouattara. Vous pouvez ne pas l'aimer mais, c'est lui le président. Vous pouvez l'aimer, c'est lui le président. Demain, quand quelqu'un d'autre sera président, nous nous mettrons à son service. Pour l'heure, Alassane Ouattara est le président. Les présidents viennent et ils passent. Donc on doit respecter la République.
Je suis ici en qualité de président de l'Assemblée nationale. Dans la foule, certains m'aiment et d'autres pas. C'est leur droit parce qu'il y a des gens que moi aussi je n'aime pas. Mais comme nous sommes des Ivoiriens, nous devons vivre ensemble. Je suis venu vous dire que le pays réconcilié vous tend la main. Et nous voulons que le Guébié embarque dans la réconciliation. Ceux qui vous disent de ne pas aller à la réconciliation sont contre vous. Il faut qu'on parte à la réconciliation. Allez rencontrer les parents, dites-leur qu'il faut qu'on fasse la paix. Il faut qu’on fasse la paix. La paix, c’est bon pour nous tous. La paix permet à nos enfants d’aller à l’école. La paix permet à des enfants de pauvres de devenir plus tard des ministres, des Premiers ministres, des présidents d’Assemblée, puisque moi-même qui vous parle, je suis un enfant de pauvre. Je ne suis pas né avec une cuillère en or dans la bouche. C’est parce qu’il y a eu la paix que j’ai pu avoir ma chance. Donc je demande aux partis politiques de diminuer leurs engagements et travailler beaucoup. Je leur demande de diminuer les histoires de partis politiques. Donc le peuple Guébié m’a fait fils de Gnangbodougnoa. (…) J’appelle le 4e vice-président du Conseil général, fils de la localité et le sous-préfet à dire aux chefs, aux jeunes, aux femmes, de cette sous-préfecture que j’ai compris. Quand je quittais Abidjan pour Gnangbodougnoa ce matin, on m’a dit qu’il n’y aura personne dans le village, que les gens ne m’aiment pas. Mais là, j’ai été accueilli, j’ai vu le tam-tam parleur, les chefs m’ont habillé. Vraiment, je suis content. Donc vous voyez qu’à Abidjan, les gens mentent beaucoup. Je viens de découvrir ce matin qu’ils m’ont menti avant que je ne vienne.
Monsieur le quatrième vice-président,
Je vous charge de sillonner la sous-préfecture pour leur donner le message que je viens de délivrer. Pour cela, je veux que vous associiez les chefs traditionnels, pour que vous passiez de campement en campement pour parler, pour que les gens arrêtent de blaguer nos parents, pour que les gens arrêtent de mentir. C’est la première tâche que je vous confie sous la supervision, la coordination du sous-préfet. La deuxième chose, j’entends pleinement assumer la responsabilité que la chefferie m’a confiée. Cette école derrière nous date de 1958. C’est vous qui allez apprécier. Moi, je ne suis pas de ces politiciens qui viennent vous dire « luttez au village là-bas, tenez bon », entre-temps, à Abidjan, ils boivent du champagne et ils sont contents. Les gens qui restent à Abidjan, au lieu de construire l’école, et qui disent aux populations : « tenez bon, luttez». Mais on va lutter avec quoi au village ? Chefs, passez dans les villages et dites aux populations d’arrêter les affaires de politique, parce que ce ne sont pas les paroles politiques qui donnent à manger.
« Laissez donc la politique et cherchez le développement »
Une école, une route, ce n’est pas un discours ! Peuple du Guébié, la Côte d’Ivoire vous regarde ! Brave peuple guerrier que nous avons connu, épris de liberté, la Côte d’Ivoire vous regarde. Vous devez montrer l’exemple. Ne vous laissez pas distraire, ne laissez pas les autres donner une mauvaise image de vous. Prenez vous-mêmes votre destin en main, donnez l’image de ce peuple guerrier que nous avons connu, ce peuple qui veut la paix et la réconciliation et qui tire Gagnoa sur le chemin de la paix et de la reconstruction. C’est ce peuple que je suis venu saluer, parce que je suis fier de lui. C’est ce peuple à qui je tends la main et avec qui je veux marcher. C’est avec ce peuple que la Côte d’Ivoire veut faire chemin et bâtir l’unité et la cohésion nationales. C’est avec ce peuple que nous voulons construire une nation forte. Vous avez souffert pendant des moments difficiles, vous avez traversé des périodes douloureuses, mais aujourd’hui vous devez sécher vos larmes et vous engager dans le développement. Vous devez décider de votre destin qui ne peut être un destin de souffrance. Votre destin aussi, c’est de connaitre le bonheur, la joie. Le destin du peuple Guébié, c’est la paix, la réconciliation. Et vous pouvez me faire confiance pour être avec vous sur le chemin de la paix et de la réconciliation, convaincre la Côte d’Ivoire entière pour apporter le développement dans le Guébié. Le mariage que je veux avec vous est un mariage de raison. Je demande aux jeunes, aux femmes, aux hommes du Guébié de pardonner, parce qu’il n’y a pas d’alternative au pardon, à la réconciliation. Or, nous avons trop souffert de la guerre. Bannissons la guerre, la haine ; cultivons l’amitié et la fraternité.
Je suis convaincu que notre passage ici permettra d’aller en avant. Nous n’allons pas faire un discours de caviar, mais un discours concret de développement.
Propos recueillis par Marc Dossa, envoyé spécial à Gagnoa