S’unir pour résister dans la solidarité pour le développement. Le peuple Wê a bien compris cet élan, lui qui, depuis le dimanche 8 septembre 2013, a mis sur pied sa structure de rassemblement dénommée «Union pour la sauvegarde du patrimoine Wê (Uspwê)». Elle a été portée sur les fonts baptismaux par l’Assemblée générale constitutive réunie ce jour-là, à l’Institut Marie-Rose Guiro, à la Riviera-Palmeraie. Son premier président élu à l'unanimité des membres présents est Nahi Doh Robert du département de Duékoué. Notons que cette structure concerne tout le peuple Wê, donc les deux régions : Cavally et Guémon. D’où la présence massive des cadres Wê à cette rencontre, comme pour faire face à un péril. Oui, il y a péril en la demeure. Et à travers le texte d’orientation présenté par le président du comité d’organisation, le Dr Alphonse Tousséa Oulai, l’on peut comprendre l’urgence de l’union qui fait la force. «Sentant leur présence en régression, elles (les oligarchies financières occidentales) sont revenues en force en Côte d’Ivoire depuis septembre 2002. Et dans leurs sillages, des prébendiers éblouis, des hordes de vampires et de barbares investissent depuis plus de dix ans les trésors de notre pays, notamment des peuples Wê. Ils brûlent et tuent impunément tout sur leur passage pour s’installer sur des ruines. Tout le monde se rappelle les massacres de Guitrozon, de Petit Duékoué (141 morts), de Duékoué Carrefour (plus de 800 morts), de Nahibly (plus de 230 morts). Tout le monde se rappelle les villages entiers, campements, enclos sacrés vandalisés, pillés, détruits. Les Ong humanitaires dénombrent aujourd’hui encore plus 100.000 Wê sous des tentes en exil au Liberia.» Face à ce tableau noir, le peuple Wê, dans toute sa diversité, n’a pas d’autre choix que de s’unir. Car que pourrait-il faire d’autre si, «Pendant ce temps, des cars et des cars organisent chaque jour le repeuplement de l’Ouest par les populations de la sous-région, notamment du Burkina Faso. Ces colonies de peuplement pillent tout ce qui peut l’être, notamment les biens meubles, les récoltes, les trésors culturels, les ressources naturelles, agricoles et minières» ? L’Uspwê aura une mission importante. Car «le Temps, cet autre nom de Dieu» a transformé la douleur collective du peuple Wê en élixir de vérité, dévoilant les secrets de cette tragédie. Ce qui lui arrive n’est pas une première dans l’histoire de l’humanité et «le peuple Wê ne veut pas vivre la situation des Aztèques, peuple Amérindien du Plateau central du Mexique, contraint à la disparition en 1521 par la conquête coloniale du conquistador espagnole Hernán Cortés. Le peuple Wê ne veut pas connaître le sort des Aborigènes de la Tasmanie, île proche de la Nouvelle Zélande. Peuple contraint à la disparition par la colonisation anglaise (1803), et dont la dernière survivante, Truganini, est éteinte en 1876 (Me Vergès, 2006).» Et l’Ag constitutive a rappelé à nos consciences «la marche vindicative de l’histoire qui nous donne de nombreux exemples de reconquêtes de leurs territoires perdus par les autochtones : après 600 ans, les Espagnols ont fini par chasser les Maures et les Arabo-musulmans, après 40 ans, les Coréens ont fini par chasser les Japonais de Séoul.» A ces lumières sur le passé, quelle va être donc la mission de l’Uspwê ? Sur la question, l’Ag a été sans ambages : «Nous invitons, ici et maintenant, à l’extrême prudence et à la transformation de notre douleur collective en élixir de régénération à travers l’Union pour la Sauvegarde du Patrimoine Wê (Uspwê), avec comme seule arme le rameau d’olivier porté par la colombe en signe de paix.» L’Uspwê est donc née, il reste à la rendre effectivement utile et secourable pour le peuple Wê.
Germain Séhoué
Germain Séhoué
