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International Publié le mardi 31 décembre 2013 | Le Democrate

Egypte : Khattar Abou Diab, politologue et enseignant à l’université Paris-Sud décrie la politique américaine

Les autorités égyptiennes considèrent désormais les Frères musulmans comme une « organisation terroriste ». John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, a déploré cette décision. Les Américains, qui avaient refusé de condamner le coup d'Etat de juillet dernier, vont-ils aller au-delà de cette simple déclaration ? La réponse de Khattar Abou Diab, politologue et enseignant à l'université Paris-Sud.
En 2012, les Egyptiens ont élu démocratiquement un président issu des Frères musulmans, Mohamed Morsi. En juillet dernier, l’armée l’a renversé. Et aujourd’hui, c’est une campagne de répression sans précédent depuis les années 1950 qui s’abat sur la confrérie. Comment en est-on arrivé là en un an et demi à peine ?
En un an et demi et surtout durant la dernière année, le pouvoir des Frères musulmans n’a pas réussi à se montrer neutre, impartial. Il a travaillé pour les Frères, au-dessus de l’intérêt de l’Etat égyptien. Et pour cela, il y a eu de la déception, et c’est cela qui a peut-être contribué à l’acte II de la révolution, qui a conduit l’armée à faire un acte de force pour renverser le pouvoir. Maintenant, nous sommes à la veille d’un référendum et il y a une montée de la violence, une radicalisation des groupes islamistes. Les Frères musulmans ont couvert, quelque part, cette vague islamiste. Et on revient aujourd'hui à une situation classique, comme c’était à l’époque de Moubarak, le régime militaire en face des Frères musulmans, c'est-à-dire un cercle vicieux entre les militaires et les islamistes qui se radicalisent de plus en plus.
Mais les militaires égyptiens accusent la confrérie d’être derrière les récents attentats, comme celui de Mansoura, qui a fait 16 morts le mardi dernier. Un attentat pourtant revendiqué par le mouvement jihadiste Ansar Beit al-Maqdess et le pouvoir n’a aucune preuve. Cela veut-il dire que la justice est aux ordres?
Le pouvoir a-t-il des preuves ou non ? Il faut attendre les suites de l’enquête. Ce qui est clair, c’est que les Frères musulmans ont dénoncé cet attentat de Mansoura avec beaucoup de retard, au moins 15 à 18 heures plus tard. A l’époque du gouvernement de Morsi, on a eu des informations, par exemple lors de la guerre du Mali, où les frontières étaient très perméables entre les Frères musulmans et les mouvements jihadistes les plus durs. Et pour cela, le gouvernement égyptien soupçonne, à tort ou à raison, les Frères musulmans d’être la couverture de ces groupes les plus radicaux. Il ne faut pas aller plus loin dans les théories du complot. Mais il est vrai que les Frères musulmans n’ont pas pu se dégager de ces groupes de façon nette et transparente.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a déploré la décision des autorités égyptiennes de qualifier les Frères musulmans d'organisation « terroriste ». Les Américains, qui avaient refusé de condamner le coup d’Etat de juillet, vont-ils aller au-delà de cette simple déclaration ?
Je pense que c’est une simple déclaration. Les Américains, à un moment donné, ont été plus ou moins derrière l’arrangement entre les militaires et les Frères musulmans, qui a conduit à l’élection de Morsi. Mais lorsqu’il y a conflit entre les Frères et les militaires, les Américains choisissent indirectement les militaires, malgré toutes les déclarations à destination du grand public qu’ils peuvent faire. La tentation américaine de faire des Frères musulmans un nouveau partenaire à la place du régime despotique n’a pas marché. Et maintenant les Américains, qui n’ont pas une politique claire et nette dans la zone, sont dans une situation de scepticisme, plutôt hésitante.
La répression à l’encontre de la confrérie va-t-elle entraîner, selon vous, une radicalisation des islamistes qui viennent des Frères musulmans ? Va-t-on revenir à la période des attentats sanglants de la Gama'a al-Islamiyya des années 1990 ?
Exactement, d’abord si l’on se réfère au coup de force armé de juillet dernier - une situation d’ailleurs comparable à la situation de l’Algérie des années 1990, après l’éviction par l’armée de l'ex-FIS (Front islamiste du salut). On a espéré que ça se limiterait simplement à la péninsule du Sinaï. Maintenant, on constate que la violence s’étend le territoire égyptien. Il y a un véritable risque d’un terrorisme potentiel, mais pas d’un terrorisme total, pas d’un radicalisme qui touche toute l’Egypte. Néanmoins, cet affrontement ouvert entre les militaires et les Frères musulmans va laisser beaucoup de traces et faire des dégâts en Egypte.

Comment les militants démocrates, ceux qui ont fait la Révolution de février 2011 - qui avait abouti au départ de Moubarak -, vivent-ils cette situation aujourd’hui ?
Les militants démocrates sont dans une mauvaise passe. Ils estiment que l’armée exagère la répression, que les Frères musulmans et leur violence engagent le pays dans un cycle qui va vers un retour au chemin classique de cette confrontation, aux dépens de la nouvelle expérience démocratique. Quoi qu’il en soit, ces jeunes Egyptiens, qui ont des contacts, disent que la liberté est un acquis incontournable et que cette tentation de retour au régime ancien ne va pas passer. De toute façon, comme il y a eu l’acte I le 25 janvier, l’acte II le 30 juin, l’histoire n’est pas terminée en Égypte. Le processus continue et apparemment on aura d’autres soubresauts en 2014.

Source : rfi.fr
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