DALOA (Côte d’Ivoire) - Le vétérinaire appuie sur la détente alors que l’éléphant apeuré court en contrebas, l’animal touché s’affale quelques minutes plus tard, endormi, pour être ensuite évacué; la Côte d’Ivoire connaît ces derniers jours sa première opération de déplacement de pachydermes.
La chasse à l’éléphant ne concerne cette fois-ci pas leur ivoire. Il s’agit
plutôt de protéger l’homme de l’animal, et vice versa, les deux groupes
cohabitant difficilement depuis plus de deux ans dans la périphérie de Daloa,
au centre du pays.
A l’origine, ces pachydermes vivaient paisiblement dans le parc national de la Marahoué, grignoté petit à petit par l’agriculture. Puis "la brousse a été dévastée, les animaux ont fui le parc. Progressivement, ils sont arrivés ici", raconte Ibo Nahonain, le chef du village de Tapéguhé, à la sortie de Daloa.
La vie commune avec des quadrupèdes de cinq tonnes fonctionne bon an mal an. "Parfois, ils arrivent à 100 mètres du village. Tout le monde sort pour les contempler", se souvient M. Nahonain. Avant de poursuivre : "Mais les femmes et les enfants qui se déplacent au champ y vont la peur au ventre."
"Les éléphants dévastaient nos plantations, acquiesce Aristide Sery Brito.
Chez moi, ils sont passés trois jours d’affilée. Ils ont gâté mes pieds de
cacao, mes pieds de bananier, dévasté une partie de mes ignames."
Ailleurs, trois personnes meurent, bousculées par des pachydermes et
d’autres sont blessées. L’un des deux occupants des lieux doit partir. Le
gouvernement ivoirien décide de relocaliser les animaux dans le parc national
d’Azagny, une zone de 20.000 hectares de forêt primaire, à 400 kilomètres au
sud.
"En déplaçant ce troupeau d’éléphants, on joue un rôle de conservateur. Et
en même temps, on s’assure du bien-être et de la sécurité des populations",
estime Elvire-Joëlle Mailly, directrice de la faune au ministère des Eaux et
Forêts.
Sur plusieurs milliers d’éléphants recensés auparavant, à peine quelques
centaines déambulent encore en Côte d’Ivoire, selon le ministre ivoirien de
l’Environnement.
L’ONG IFAW (le Fonds international pour la protection des animaux), qui a
déjà "relocalisé" des éléphants en Zambie et au Malawi, est alors contactée.
Elle dépensera environ 185.000 euros pour l’opération, auxquels s’ajoutent
360.000 euros pour l’Etat ivoirien.
Des mois de préparation plus tard, une dizaine de ses membres atterrit à
Abidjan. Une quarantaine d’agents ivoiriens les entourent à Daloa. La traque
débute le 19 janvier. D’abord la localisation de l’animal, dans des forêts
épaisses. Puis l’arrivée du vétérinaire, à pied ou par hélicoptère, pour lui
tirer une seringue hypodermique.
"Ensuite, la plus grosse difficulté est de les récupérer, jusqu’à ce qu’ils
soient sur le camion de transport, explique Pete Morkel, un médecin
travaillant pour IFAW.
De fait, il se déroule quelques minutes avant que le sédatif ne fasse
effet. Quelques minutes durant lesquelles un éléphant peut effectuer une
longue distance.
Cette semaine, l’un d’entre eux, malgré toutes les précautions prises,
s’est réfugié dans un plan d’eau, dans lequel il est tombé la tête la
première. Pour mourir noyé. Un autre n’a pas supporté le sédatif et a péri
d’une attaque cardiaque.
"C’est très triste. Nous étions conscients du risque. Et il est devenu
réalité. Ca nous a beaucoup affecté. Mais cela démontre que la relocalisation
d’éléphants ne peut être que la solution de la dernière chance", remarque
Céline Sissler-Bienvenu, directrice France et Afrique francophone pour IFAW.
Dans des images d’une capture réussie fournies par l’ONG, on voit au
contraire un animal groggy s’affaisser sur ses pattes arrières, avant d’être
poussé sur le flanc par deux médecins, aidés de villageois.
De sa trompe sort une genre de clapotement, semblable au bruit d’un petit
moteur de bateau.
Puis le pachyderme, tête en bas et les quatre pattes nouées dans une énorme
sangle, est soulevé par une grue jusqu’à la plate-forme d’un camion. Avant
d’être transporté dans une zone de réveil, une énorme cage de métal blanc, où
un antidote lui est administré.
L’animal, ensuite transféré dans une autre cage, puis sur une remorque
conçue pour accueillir des chars, débute alors son périple trans-ivoirien.
La foule l’encadrant à son départ de Daloa est impressionnante. Ils sont
des centaines à le saluer, le portable à la main, à crier lorsque le convoi se
meut. Des dizaines à suivre le camion sur les premiers kilomètres.
Quinze heures plus tard, arrivée. La cage s’ouvre. Une trompe en sort
doucement. Puis le reste du corps. L’éléphant s’éloigne gauchement, lentement,
semblant s’imprégner de son nouvel environnement. Le moment est émouvant.
"Des recensements montrent qu’il y a déjà des éléphants ici. On espère
qu’ils auront déjà une longue et belle vie au sein du parc. Si cela peut
relever le taux de natalité, on sera satisfait", remarque Céline
Sissler-Bienvenu, directrice France et Afrique francophone pour IFAW.
Petit hic, les quatre animaux pour l’instant déplacés sont des mâles. Un
cinquième, recherché à Daloa, le serait également.
eak-jf/cac
La chasse à l’éléphant ne concerne cette fois-ci pas leur ivoire. Il s’agit
plutôt de protéger l’homme de l’animal, et vice versa, les deux groupes
cohabitant difficilement depuis plus de deux ans dans la périphérie de Daloa,
au centre du pays.
A l’origine, ces pachydermes vivaient paisiblement dans le parc national de la Marahoué, grignoté petit à petit par l’agriculture. Puis "la brousse a été dévastée, les animaux ont fui le parc. Progressivement, ils sont arrivés ici", raconte Ibo Nahonain, le chef du village de Tapéguhé, à la sortie de Daloa.
La vie commune avec des quadrupèdes de cinq tonnes fonctionne bon an mal an. "Parfois, ils arrivent à 100 mètres du village. Tout le monde sort pour les contempler", se souvient M. Nahonain. Avant de poursuivre : "Mais les femmes et les enfants qui se déplacent au champ y vont la peur au ventre."
"Les éléphants dévastaient nos plantations, acquiesce Aristide Sery Brito.
Chez moi, ils sont passés trois jours d’affilée. Ils ont gâté mes pieds de
cacao, mes pieds de bananier, dévasté une partie de mes ignames."
Ailleurs, trois personnes meurent, bousculées par des pachydermes et
d’autres sont blessées. L’un des deux occupants des lieux doit partir. Le
gouvernement ivoirien décide de relocaliser les animaux dans le parc national
d’Azagny, une zone de 20.000 hectares de forêt primaire, à 400 kilomètres au
sud.
"En déplaçant ce troupeau d’éléphants, on joue un rôle de conservateur. Et
en même temps, on s’assure du bien-être et de la sécurité des populations",
estime Elvire-Joëlle Mailly, directrice de la faune au ministère des Eaux et
Forêts.
Sur plusieurs milliers d’éléphants recensés auparavant, à peine quelques
centaines déambulent encore en Côte d’Ivoire, selon le ministre ivoirien de
l’Environnement.
L’ONG IFAW (le Fonds international pour la protection des animaux), qui a
déjà "relocalisé" des éléphants en Zambie et au Malawi, est alors contactée.
Elle dépensera environ 185.000 euros pour l’opération, auxquels s’ajoutent
360.000 euros pour l’Etat ivoirien.
Des mois de préparation plus tard, une dizaine de ses membres atterrit à
Abidjan. Une quarantaine d’agents ivoiriens les entourent à Daloa. La traque
débute le 19 janvier. D’abord la localisation de l’animal, dans des forêts
épaisses. Puis l’arrivée du vétérinaire, à pied ou par hélicoptère, pour lui
tirer une seringue hypodermique.
"Ensuite, la plus grosse difficulté est de les récupérer, jusqu’à ce qu’ils
soient sur le camion de transport, explique Pete Morkel, un médecin
travaillant pour IFAW.
De fait, il se déroule quelques minutes avant que le sédatif ne fasse
effet. Quelques minutes durant lesquelles un éléphant peut effectuer une
longue distance.
Cette semaine, l’un d’entre eux, malgré toutes les précautions prises,
s’est réfugié dans un plan d’eau, dans lequel il est tombé la tête la
première. Pour mourir noyé. Un autre n’a pas supporté le sédatif et a péri
d’une attaque cardiaque.
"C’est très triste. Nous étions conscients du risque. Et il est devenu
réalité. Ca nous a beaucoup affecté. Mais cela démontre que la relocalisation
d’éléphants ne peut être que la solution de la dernière chance", remarque
Céline Sissler-Bienvenu, directrice France et Afrique francophone pour IFAW.
Dans des images d’une capture réussie fournies par l’ONG, on voit au
contraire un animal groggy s’affaisser sur ses pattes arrières, avant d’être
poussé sur le flanc par deux médecins, aidés de villageois.
De sa trompe sort une genre de clapotement, semblable au bruit d’un petit
moteur de bateau.
Puis le pachyderme, tête en bas et les quatre pattes nouées dans une énorme
sangle, est soulevé par une grue jusqu’à la plate-forme d’un camion. Avant
d’être transporté dans une zone de réveil, une énorme cage de métal blanc, où
un antidote lui est administré.
L’animal, ensuite transféré dans une autre cage, puis sur une remorque
conçue pour accueillir des chars, débute alors son périple trans-ivoirien.
La foule l’encadrant à son départ de Daloa est impressionnante. Ils sont
des centaines à le saluer, le portable à la main, à crier lorsque le convoi se
meut. Des dizaines à suivre le camion sur les premiers kilomètres.
Quinze heures plus tard, arrivée. La cage s’ouvre. Une trompe en sort
doucement. Puis le reste du corps. L’éléphant s’éloigne gauchement, lentement,
semblant s’imprégner de son nouvel environnement. Le moment est émouvant.
"Des recensements montrent qu’il y a déjà des éléphants ici. On espère
qu’ils auront déjà une longue et belle vie au sein du parc. Si cela peut
relever le taux de natalité, on sera satisfait", remarque Céline
Sissler-Bienvenu, directrice France et Afrique francophone pour IFAW.
Petit hic, les quatre animaux pour l’instant déplacés sont des mâles. Un
cinquième, recherché à Daloa, le serait également.
eak-jf/cac