Le projet de loi sur le statut des rois et chefs traditionnels vient d’être adopté en Conseil des ministres. En attendant qu’il devienne un texte de loi en tant que tel, Le Patriote a rencontré Nanan Dodo N’Dépo Didace, qui est le secrétaire général du Conseil supérieur des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire. Dans cette interview, il salue l’action du président de la République et appelle les peuples de Côte d’Ivoire à l’aider à poursuivre le travail salvateur qu’il abat à la tête du pays. Entretien.
Le Patriote : Le Conseil des ministres a pris récemment un décret qui crée un statut pour les rois et chefs traditionnels. Quelles sont vos impressions?
Dodo N’Dépo Didace : Je voudrais saluer d’abord la mémoire de feu John Sylvestre, celui-là même qui a conduit le comité ad hoc et a réussi à organiser la chefferie traditionnelle. Nous saluons cette initiative du président de la République et disons que nous ne sommes guère surpris, en réalité, puisque Alassane Ouattara est lui-même petit-fils de roi. Il connaît donc bien ce que renferme ce statut, il connaît la souffrance des rois et chefs. Nous lui faisons confiance. C’est avec joie que nous avons accueilli cette nouvelle.
L.P : Le projet doit passer devant l’Assemblée nationale. Nous en connaissons plus ou moins le contenu. En êtes-vous satisfaits?
DND : Dans ce texte, il y a deux étapes. La première concerne la prise en charge et la seconde est relative aux organes, c’est-à-dire, la Chambre consulaire et d’Assemblée générale. Puisque dans la tradition ancienne, tout ne se passe pas sur la place publique, si nous devons faire des réglages, nous rencontrerons notre ministre de tutelle.
L.P : Vous parlez de réglages. Est-ce à dire qu’il y a des suggestions ou des objections à faire aux autorités sur le projet?
DND : Non, nous n’avons pas d’objections à faire dans le sens de la prise en charge. Le seul fait que le Président de la République veuille nous prendre en compte en abrogeant l’arrêté de 1964, est déjà quelque chose à saluer. Nous avions toujours travaillé sans l’aide et le regard de l’Etat. Et si aujourd’hui, cela est fait, nous ne pouvons que dire merci au Chef de l’Etat. Le réglage concerne la Chambre consulaire, car nous ne connaissons pas son contenu exact. Nous allons approcher les autorités pour en parler, de sorte que cela ne soit pas un cadeau empoisonné. Il faut que nous nous asseyons pour en parler afin d’amener à bon port ce projet. L’arrêté de 1964 est supprimé, les rois et chefs saluent cette action.
L.P : Que souhaiteriez-vous dans ce nouveau texte ? Que voulez-vous que ce projet modifie ?
DND : Je le répète, il y a déjà quelque chose d’essentiel qui a changé. C’est le bénévolat qui disparaît. De tout temps, nous avons travaillé en bénévoles, sans les moyens de l’Etat, en nous organisant à notre manière. Maintenant que nous sommes pris en charge, cela change les capacités à bien faire, et cela est très important pour nous.
L.P : En tant que secrétaire général du Conseil supérieur des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire, quels sont les critères à remplir pour bénéficier de ce statut ? Tous les chefs qui bénéficieront-ils de ce statut?
DND : Il y a 11 mille chefs de villages, c’est en quelque sorte tout ce monde qu’on doit prendre en compte. Le chef est sur l’étendue du territoire national et représente toutes les populations. Le prendre en charge, c’est comme prendre tous les autres chefs en charge. Car, dans le village, il y a le chef de terre, le notable, le chef de canton, le chef de famille. Tous ces chefs travaillent avec le chef du village. Si celui-ci est pris en charge, il saura partager. Car, cela fait partie des vertus d’un chef enseignées par les ancêtres. Avec les prises en charge, nous allons tirer plus d’avantages et mettre en évidence les alliances interethniques qui existent entre nos différents peuples. Il y a des mécanismes qui peuvent nous permettre d’aller très loin et éviter les crises que sont les mécanismes de gestion de conflit, de règlement de conflits, etc. Nous mettrons tout cela en place. Nous allons aller dans tous les villages, recenser les chefs afin qu’il n’y ait pas de problème dans le choix des chefs. Il ne faut pas se cantonner aux titres, car on en n’a pas besoin pour développer son village. Le titre de roi n’est qu’une invention coloniale. On n’a pas besoin d’appellations pour faire correctement son travail. Qu’on soit roi ou chef, le plus important est le travail bien fait.
L.P : Comment, selon vous, peut-on étendre ce statut au notable ?`
DND : Nous disons que c’est un ensemble. Je l’ai dit tantôt, le village est constitué de chef de terre, de notable, de chef de terre, etc. C’est tout cet ensemble qui désigne le chef du village. Le chef du village sait donc le travail et la compétence de chacun. Qui fait quoi et où ? Il sait qu’il ne peut travailler sans ces personnes. C’est au chef de prendre en main la dignité de l’équipe afin qu’elle soit contente.
L.P : Est-ce qu’avec ce nouveau statut, vous pensez que certains chefs ne seront plus manipulés par les hommes politiques ?
DND : Les gens parlent de plus en plus de manipulation des chefs, mais il faut savoir que nous sortons d’un parti unique. Pour les jeunes qui ne savent pas, certains chefs dans le temps, ont joué le rôle de chef politique. Mais avec le multipartisme, chacun doit jouer son rôle. Nous pensons que la manipulation est une idée reçue que les gens se font. Il peut y avoir des brebis galeuses parmi nous et des erreurs commises. Mais maintenant, nous allons prendre nos responsabilités. Nous devons mériter la confiance de nos enfants. On ne pendra pas de position, car cela n’est pas bon pour un chef. Si le chef veut être respecté, il faut qu’il évite d’aborder les partis politiques et joue son rôle. Ce rôle, c’est la cohésion, la paix, l’entente et la promotion du vivre ensemble. Chacun a sa tendance religieuse. Mais, nous nous retrouvions pour partager les valeurs communes de fraternité et de cohésion. Cela n’empêche pas nos différentes pratiques religieuses. On peut être d’un parti politique, mais le plus important, c’est la nation d’abord. Nous devons faire en sorte que les chefs puissent avoir et garder leur dignité, avec le soutien que le Chef de l’Etat nous apporte. Cela peut nous permettre d’éviter beaucoup d’erreurs et de jouer pleinement notre rôle. Ce projet doit nous rapprocher pour le bien de tous. Aujourd’hui, avec les moyens, on nous permet d’être forts pour aider l’Etat.
L.P : Durant la longue crise qu’a connue la Côte d’Ivoire, certains citoyens ont reproché aux chefs leurs hésitations, qui ont certainement envenimé les choses. Avec ce nouveau statut, n’allons-nous plus assister à ces attitudes malheureuses ?
DND : Vous savez, les gens parlent comme ça, sans savoir de quoi ils parlent. Quand les gens disent qu’on avait un silence complice, il faut savoir que le chef de village ne prend pas un tam-tam pour dire ce qu’il fait. Dans cette crise, nous savons ce que, nous les chefs, avions faits dans la case. Avant le forum de réconciliation nationale, nous avions menés cinq missions vers nos enfants, pour leur dire que ce qui compte, c’est la Côte d’Ivoire d’abord. Quatre missions dont une à Mama, chez le Président Gbagbo, une autre à Daoukro, chez le Président Bédié, une autre encore à Gouessesso, chez le Général Gueï et une dernière au Gabon chez l’actuel Président de la République, le Dr Alassane Ouattara. Nous leur avons demandé de venir, car, pour nous, celui qui se serait absenté de ce forum allait être considéré comme l’ennemi de la Côte d’Ivoire. Chacun est venu à son rythme. Nous n’avions pas eu besoin de prendre un tam-tam pour cela. C’est dire qu’il faut toujours observer d’abord. Car, le chef ne peut pas se mettre à parler et se dédire après. Notre silence dans la case a parlé. On a fait de grandes choses pour que les gens viennent au Forum pour la réconciliation nationale. Ce sont les politiciens qui n’ont pas su régler les choses et la crise est survenue. On a même rencontré les ambassadeurs pour demander leurs secours, afin que notre pays se retrouve. On a rencontré également les membres de la CEDEAO. On ne peut pas vous dire tout le travail monstre que nous avons fait dans la case. Le Président actuel doit savoir ce que nous lui avions dit au Gabon. Et il nous avait alors dit : « Si jamais je deviens Président de la République, je reconnaîtrai vos droits et vous aurez le statut que vous méritez ». Comme, c’est un homme de parole, il est en train de respecter sa parole. Nous demandons à nos chefs, qui sont dans les conflits de terres, de faire confiance au Président et de continuer à le suivre. Car, il ne faudrait pas faire de division inutile. Depuis l’indépendance, on n’a rien eu. Donc, maintenant qu’on commence à nous reconnaitre, il faut se prendre au sérieux. Et nous saluons encore cette initiative du Président. Il faut aussi que les chefs patientent, car nous travaillons dans les cases pour eux. Aujourd’hui, c’est le Président Ouattara qui est là, il faut travailler avec lui. Demain, ce sera quelqu’un d’autre. C’est l’exemple de mon père qui est mort, et ma mère qui se remarie. Est-ce que ce nouveau mari n’est pas mon père ? Il faut recevoir tout le monde.
L.P : Vous dites que le chef est celui qui reçoit tout le monde. Mais pendant la crise, on a vu des chefs qui n’ont pas reçu le chef d’Etat actuel ?
DND : Il faut savoir que les trente années de multipartisme nous ont formaté chacun à son niveau. Le chef de l’Etat n’a pas été reçu par certains chefs, d’autres hommes politiques n’ont pas aussi été reçus par d’autres chefs. Mais, c’est ce qu’il faut éviter aujourd’hui. Le papa doit recevoir tous ses enfants. Celui qui a gagné, il faut le reconnaitre et repartir à zéro. Le Président de la République est en train de nous montrer qu’il est là et nous aide. Il faut donc l’aider à nous aider. Si des chefs ont eu cette attitude, c’est dû au parti unique, qui nous a formatés dans ce sens. Les chefs ont des amitiés qu’ils ne peuvent pas rejeter du jour au lendemain. C’est vrai qu’ils ont fait des erreurs, mais il faut passer à autre chose. Le Président Houphouët a toujours prôné le dialogue après la guerre. Aujourd’hui, il faut emprunter ce chemin retracé par le Président Ouattara, qui fait en sorte que nous ayons notre dignité et la paix. La dent et la langue s’agressent parfois. Mais, on ne les coupe pas pour autant. Il faut que les Ivoiriens comprennent cela et considèrent qu’ils sont condamnés à vivre ensemble et faire en sorte de préserver l’héritage d’Houphouët-Boigny. Nous les chefs, nous nous engageons dans ce sens, en aidant l’Administration.
L.P : Ce nouveau statut apportera un plus aux rois et chefs. Peut-on savoir de quoi il s’agit véritablement ?
DND : Pour le moment, comme je l’ai dit, nous faisons confiance au gouvernement. On nous a dit à peu près de quoi il s’agit. Mais, on ne peut pas juger, car nous n’avons pas encore cela en main. Nous faisons donc confiance au Président.
L.P : Le pays a traversé beaucoup d’épreuves. On parle aujourd’hui de réconciliation. En tant que garant de la tradition, pensez-vous que ce nouveau statut vous permettra d’être efficace sur le terrain de la réconciliation ?
DND : C’est sûr que nous serons efficaces sur le terrain. Pendant la crise, nous avions fait des missions à Man, à Biankouma, etc. sans moyens et avec nos propres frais. C’est parce que nous aimons notre pays que nous sommes partis dans ces villes. L’histoire du Mont Péko, c’est nous qui en avons parlé. Quand on a vu les pancartes sur lesquelles était écrit : «Interdit aux Ivoiriens », nous avions dit non et interpellé le Président de la République. On l’a fait en tant que chefs. Nous nous sommes prêts à faire en sorte que les choses se passent bien et que le gouvernement continue à nous faire confiance. Nous avons remarqué les grands chantiers qu’il est en train de réaliser. Le plus gros ouvrage qui m’a étonné, c’est le pont de Jacqueville. Cela va résoudre considérablement les problèmes des populations. L’autoroute de Yamoussoukro est aussi un gros chantier fait par le Président. Tous les milliards promis par le Président de la République sont dans le sol et travaillent pour le bien-être des populations. Mais les gens se plaignent encore. Quand vous n’avez pas vu tous ces chantiers, vous ne pouvez que vous plaindre. Pour nous qui avons vu le Président travailler pour les Ivoiriens, nous prions pour que toutes les institutions de la République continuent le travail engagé. Il faut faire comme le président Houphouët-Boigny, qui n’a jamais fait de distinction. S’il continue comme ça, nos ancêtres lui diront merci.
L.P : L’adoption du statut a été une longue marche. Peut-on savoir ce qui avait bloqué les choses jusqu’à maintenant ?
DND : Vous savez, il y a certains qui disent que nous sommes nombreux. Mais par rapport à quoi, sommes-nous nombreux ? C’est la question qu’on pose. Je vais vous faire une confidence, j’ai dit un jour à un Président de la République que nous allions faire la grève. Il m’a demandé : « Mais Pourquoi ? ». J’ai dit que c’était juste une taquinerie, car nous ne pouvions pas faire de grève. Ceux qui grèvent sont ceux qui sont payés ou qui reçoivent quelque chose. Nous, on a rien. Les gens ne nous respectent pas. Mais, les choses commencent à changer. Demain, nous travaillerons avec la sous-préfecture pour le bien du village. Il y aura une collaboration franche entre l’Administration et nous. Même si on ne nous paye pas, le fait de nous ramener dans la République est une satisfaction morale pour nous. Que cela serve d’exemple à nos enfants, s’ils veulent venir au pouvoir. Qu’ils cherchent à poser des actes concrets. Sur le plan national et international, le Président Ouattara est en train de faire du bon travail. Nous les chefs, nous sommes là pour le développement. Pas pour la politique politicienne. On n’a pas besoin de nous demander de voter pour quelqu’un. On regarde les actes posés. Quand il y a le développement dans nos villages, c’est le plus important. Qu’on soit patients, Dieu nous écoute. La marche a été longue, mais le Président connait la souffrance des chefs. Nous nous réjouissons de l’adoption de ce projet.
L.P : Nous sommes au terme de cette interview. Vous avez salué le projet de loi sur le statut des rois et chefs. Qu’avez-vous à dire au Président de la République?
DND : Nous lui disons de continuer. Il est sur la bonne voie. Même s’il reconnait les chefs, il reste quand même vrai que biens des Ivoiriens ont faim. Mais chaque chose en son temps. Nous prions le Tout-Puissant, afin que le statut et son expérience d’économiste chevronné, le président le mette au service de la Côte d’Ivoire. Bien sûr, il est en train de sauver des pays africains et même le reste du monde. Il est petit-fils de roi, donc il sait de quoi il s’agit quand on est chef ou leader. C’est le partage et la solidarité. Et il veut que son expérience serve les autres pays. Que nos ancêtres le bénisse et le guide. Qu’ils fassent que l’Assemblée nationale lui emboîte le pas. Nous voulons une Côte d’Ivoire où la paix n’est pas un vain mot, mais un comportement.
LP : Le projet de loi sur votre statut est adopté. Quels sont les critères pour la prise en compte de ceux qui sont concernés par ce texte ?
DND : Nous disons qu’il faut mettre de l’ordre dans notre milieu. Plus jamais personne ne devrait se lever un matin pour dire qu’il est roi d’une communauté et un autre qu’il est le chef incontesté d’une tribu. Nous disons que ce n’est pas le titre qui fait l’homme. Mais plutôt l’homme qui fait le titre. Que chacun sache que ce n’est pas parce qu’on est roi qu’on est fort. Il est vrai que nous avons hérité de ces choses de nos ancêtres et de la colonisation. Mais on peut se passer de ce titre pour bien gérer chez soi.
LP : Vous venez de saluer le geste fait par le chef de l’Etat. Que pouvez-vous lui dire ?
DND : Nous croyons que le Président Ouattara a les capacités nécessaires pour faire en sorte que les Ivoiriens aient moins faim. Nous prions le bon Dieu pour qu’en tant qu’expert en développement, il fasse en bénéficier son peuple. Il est en ce moment en train de sauver des pays africains et du monde. Il a sauvé le Mali. Il est en train de sauver la Guinée-Bissau et il met son expérience au profit de certains pays du monde. Il est donc clair que ce n’est pas son propre pays qu’il négligera. Il est le petit-fils de roi et il sait partager. Nous, les chefs, nous ne pouvons que prier nos ancêtres de l’inspirer et faire en sorte que le Gouvernement puisse le suivre. Nous voulons prier également pour que le président de l’Assemblée nationale, qui est un digne fils de ce pays, puisse lui emboiter le pas pour que la Côte d’Ivoire redevienne celle du président Félix Houphouët-Boigny où la paix n’est pas un vain mot, mais un comportement. Pour terminer, je voudrais dire « yako » à tous les Ivoiriens qui ont perdu des êtres chers, je voudrais leur souhaite une bonne et heureuse année 2014. Que la paix puisse habiter tout le monde et que la haine disparaisse des cœurs.
Réalisée par Jean-Claude Coulibaly
Le Patriote : Le Conseil des ministres a pris récemment un décret qui crée un statut pour les rois et chefs traditionnels. Quelles sont vos impressions?
Dodo N’Dépo Didace : Je voudrais saluer d’abord la mémoire de feu John Sylvestre, celui-là même qui a conduit le comité ad hoc et a réussi à organiser la chefferie traditionnelle. Nous saluons cette initiative du président de la République et disons que nous ne sommes guère surpris, en réalité, puisque Alassane Ouattara est lui-même petit-fils de roi. Il connaît donc bien ce que renferme ce statut, il connaît la souffrance des rois et chefs. Nous lui faisons confiance. C’est avec joie que nous avons accueilli cette nouvelle.
L.P : Le projet doit passer devant l’Assemblée nationale. Nous en connaissons plus ou moins le contenu. En êtes-vous satisfaits?
DND : Dans ce texte, il y a deux étapes. La première concerne la prise en charge et la seconde est relative aux organes, c’est-à-dire, la Chambre consulaire et d’Assemblée générale. Puisque dans la tradition ancienne, tout ne se passe pas sur la place publique, si nous devons faire des réglages, nous rencontrerons notre ministre de tutelle.
L.P : Vous parlez de réglages. Est-ce à dire qu’il y a des suggestions ou des objections à faire aux autorités sur le projet?
DND : Non, nous n’avons pas d’objections à faire dans le sens de la prise en charge. Le seul fait que le Président de la République veuille nous prendre en compte en abrogeant l’arrêté de 1964, est déjà quelque chose à saluer. Nous avions toujours travaillé sans l’aide et le regard de l’Etat. Et si aujourd’hui, cela est fait, nous ne pouvons que dire merci au Chef de l’Etat. Le réglage concerne la Chambre consulaire, car nous ne connaissons pas son contenu exact. Nous allons approcher les autorités pour en parler, de sorte que cela ne soit pas un cadeau empoisonné. Il faut que nous nous asseyons pour en parler afin d’amener à bon port ce projet. L’arrêté de 1964 est supprimé, les rois et chefs saluent cette action.
L.P : Que souhaiteriez-vous dans ce nouveau texte ? Que voulez-vous que ce projet modifie ?
DND : Je le répète, il y a déjà quelque chose d’essentiel qui a changé. C’est le bénévolat qui disparaît. De tout temps, nous avons travaillé en bénévoles, sans les moyens de l’Etat, en nous organisant à notre manière. Maintenant que nous sommes pris en charge, cela change les capacités à bien faire, et cela est très important pour nous.
L.P : En tant que secrétaire général du Conseil supérieur des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire, quels sont les critères à remplir pour bénéficier de ce statut ? Tous les chefs qui bénéficieront-ils de ce statut?
DND : Il y a 11 mille chefs de villages, c’est en quelque sorte tout ce monde qu’on doit prendre en compte. Le chef est sur l’étendue du territoire national et représente toutes les populations. Le prendre en charge, c’est comme prendre tous les autres chefs en charge. Car, dans le village, il y a le chef de terre, le notable, le chef de canton, le chef de famille. Tous ces chefs travaillent avec le chef du village. Si celui-ci est pris en charge, il saura partager. Car, cela fait partie des vertus d’un chef enseignées par les ancêtres. Avec les prises en charge, nous allons tirer plus d’avantages et mettre en évidence les alliances interethniques qui existent entre nos différents peuples. Il y a des mécanismes qui peuvent nous permettre d’aller très loin et éviter les crises que sont les mécanismes de gestion de conflit, de règlement de conflits, etc. Nous mettrons tout cela en place. Nous allons aller dans tous les villages, recenser les chefs afin qu’il n’y ait pas de problème dans le choix des chefs. Il ne faut pas se cantonner aux titres, car on en n’a pas besoin pour développer son village. Le titre de roi n’est qu’une invention coloniale. On n’a pas besoin d’appellations pour faire correctement son travail. Qu’on soit roi ou chef, le plus important est le travail bien fait.
L.P : Comment, selon vous, peut-on étendre ce statut au notable ?`
DND : Nous disons que c’est un ensemble. Je l’ai dit tantôt, le village est constitué de chef de terre, de notable, de chef de terre, etc. C’est tout cet ensemble qui désigne le chef du village. Le chef du village sait donc le travail et la compétence de chacun. Qui fait quoi et où ? Il sait qu’il ne peut travailler sans ces personnes. C’est au chef de prendre en main la dignité de l’équipe afin qu’elle soit contente.
L.P : Est-ce qu’avec ce nouveau statut, vous pensez que certains chefs ne seront plus manipulés par les hommes politiques ?
DND : Les gens parlent de plus en plus de manipulation des chefs, mais il faut savoir que nous sortons d’un parti unique. Pour les jeunes qui ne savent pas, certains chefs dans le temps, ont joué le rôle de chef politique. Mais avec le multipartisme, chacun doit jouer son rôle. Nous pensons que la manipulation est une idée reçue que les gens se font. Il peut y avoir des brebis galeuses parmi nous et des erreurs commises. Mais maintenant, nous allons prendre nos responsabilités. Nous devons mériter la confiance de nos enfants. On ne pendra pas de position, car cela n’est pas bon pour un chef. Si le chef veut être respecté, il faut qu’il évite d’aborder les partis politiques et joue son rôle. Ce rôle, c’est la cohésion, la paix, l’entente et la promotion du vivre ensemble. Chacun a sa tendance religieuse. Mais, nous nous retrouvions pour partager les valeurs communes de fraternité et de cohésion. Cela n’empêche pas nos différentes pratiques religieuses. On peut être d’un parti politique, mais le plus important, c’est la nation d’abord. Nous devons faire en sorte que les chefs puissent avoir et garder leur dignité, avec le soutien que le Chef de l’Etat nous apporte. Cela peut nous permettre d’éviter beaucoup d’erreurs et de jouer pleinement notre rôle. Ce projet doit nous rapprocher pour le bien de tous. Aujourd’hui, avec les moyens, on nous permet d’être forts pour aider l’Etat.
L.P : Durant la longue crise qu’a connue la Côte d’Ivoire, certains citoyens ont reproché aux chefs leurs hésitations, qui ont certainement envenimé les choses. Avec ce nouveau statut, n’allons-nous plus assister à ces attitudes malheureuses ?
DND : Vous savez, les gens parlent comme ça, sans savoir de quoi ils parlent. Quand les gens disent qu’on avait un silence complice, il faut savoir que le chef de village ne prend pas un tam-tam pour dire ce qu’il fait. Dans cette crise, nous savons ce que, nous les chefs, avions faits dans la case. Avant le forum de réconciliation nationale, nous avions menés cinq missions vers nos enfants, pour leur dire que ce qui compte, c’est la Côte d’Ivoire d’abord. Quatre missions dont une à Mama, chez le Président Gbagbo, une autre à Daoukro, chez le Président Bédié, une autre encore à Gouessesso, chez le Général Gueï et une dernière au Gabon chez l’actuel Président de la République, le Dr Alassane Ouattara. Nous leur avons demandé de venir, car, pour nous, celui qui se serait absenté de ce forum allait être considéré comme l’ennemi de la Côte d’Ivoire. Chacun est venu à son rythme. Nous n’avions pas eu besoin de prendre un tam-tam pour cela. C’est dire qu’il faut toujours observer d’abord. Car, le chef ne peut pas se mettre à parler et se dédire après. Notre silence dans la case a parlé. On a fait de grandes choses pour que les gens viennent au Forum pour la réconciliation nationale. Ce sont les politiciens qui n’ont pas su régler les choses et la crise est survenue. On a même rencontré les ambassadeurs pour demander leurs secours, afin que notre pays se retrouve. On a rencontré également les membres de la CEDEAO. On ne peut pas vous dire tout le travail monstre que nous avons fait dans la case. Le Président actuel doit savoir ce que nous lui avions dit au Gabon. Et il nous avait alors dit : « Si jamais je deviens Président de la République, je reconnaîtrai vos droits et vous aurez le statut que vous méritez ». Comme, c’est un homme de parole, il est en train de respecter sa parole. Nous demandons à nos chefs, qui sont dans les conflits de terres, de faire confiance au Président et de continuer à le suivre. Car, il ne faudrait pas faire de division inutile. Depuis l’indépendance, on n’a rien eu. Donc, maintenant qu’on commence à nous reconnaitre, il faut se prendre au sérieux. Et nous saluons encore cette initiative du Président. Il faut aussi que les chefs patientent, car nous travaillons dans les cases pour eux. Aujourd’hui, c’est le Président Ouattara qui est là, il faut travailler avec lui. Demain, ce sera quelqu’un d’autre. C’est l’exemple de mon père qui est mort, et ma mère qui se remarie. Est-ce que ce nouveau mari n’est pas mon père ? Il faut recevoir tout le monde.
L.P : Vous dites que le chef est celui qui reçoit tout le monde. Mais pendant la crise, on a vu des chefs qui n’ont pas reçu le chef d’Etat actuel ?
DND : Il faut savoir que les trente années de multipartisme nous ont formaté chacun à son niveau. Le chef de l’Etat n’a pas été reçu par certains chefs, d’autres hommes politiques n’ont pas aussi été reçus par d’autres chefs. Mais, c’est ce qu’il faut éviter aujourd’hui. Le papa doit recevoir tous ses enfants. Celui qui a gagné, il faut le reconnaitre et repartir à zéro. Le Président de la République est en train de nous montrer qu’il est là et nous aide. Il faut donc l’aider à nous aider. Si des chefs ont eu cette attitude, c’est dû au parti unique, qui nous a formatés dans ce sens. Les chefs ont des amitiés qu’ils ne peuvent pas rejeter du jour au lendemain. C’est vrai qu’ils ont fait des erreurs, mais il faut passer à autre chose. Le Président Houphouët a toujours prôné le dialogue après la guerre. Aujourd’hui, il faut emprunter ce chemin retracé par le Président Ouattara, qui fait en sorte que nous ayons notre dignité et la paix. La dent et la langue s’agressent parfois. Mais, on ne les coupe pas pour autant. Il faut que les Ivoiriens comprennent cela et considèrent qu’ils sont condamnés à vivre ensemble et faire en sorte de préserver l’héritage d’Houphouët-Boigny. Nous les chefs, nous nous engageons dans ce sens, en aidant l’Administration.
L.P : Ce nouveau statut apportera un plus aux rois et chefs. Peut-on savoir de quoi il s’agit véritablement ?
DND : Pour le moment, comme je l’ai dit, nous faisons confiance au gouvernement. On nous a dit à peu près de quoi il s’agit. Mais, on ne peut pas juger, car nous n’avons pas encore cela en main. Nous faisons donc confiance au Président.
L.P : Le pays a traversé beaucoup d’épreuves. On parle aujourd’hui de réconciliation. En tant que garant de la tradition, pensez-vous que ce nouveau statut vous permettra d’être efficace sur le terrain de la réconciliation ?
DND : C’est sûr que nous serons efficaces sur le terrain. Pendant la crise, nous avions fait des missions à Man, à Biankouma, etc. sans moyens et avec nos propres frais. C’est parce que nous aimons notre pays que nous sommes partis dans ces villes. L’histoire du Mont Péko, c’est nous qui en avons parlé. Quand on a vu les pancartes sur lesquelles était écrit : «Interdit aux Ivoiriens », nous avions dit non et interpellé le Président de la République. On l’a fait en tant que chefs. Nous nous sommes prêts à faire en sorte que les choses se passent bien et que le gouvernement continue à nous faire confiance. Nous avons remarqué les grands chantiers qu’il est en train de réaliser. Le plus gros ouvrage qui m’a étonné, c’est le pont de Jacqueville. Cela va résoudre considérablement les problèmes des populations. L’autoroute de Yamoussoukro est aussi un gros chantier fait par le Président. Tous les milliards promis par le Président de la République sont dans le sol et travaillent pour le bien-être des populations. Mais les gens se plaignent encore. Quand vous n’avez pas vu tous ces chantiers, vous ne pouvez que vous plaindre. Pour nous qui avons vu le Président travailler pour les Ivoiriens, nous prions pour que toutes les institutions de la République continuent le travail engagé. Il faut faire comme le président Houphouët-Boigny, qui n’a jamais fait de distinction. S’il continue comme ça, nos ancêtres lui diront merci.
L.P : L’adoption du statut a été une longue marche. Peut-on savoir ce qui avait bloqué les choses jusqu’à maintenant ?
DND : Vous savez, il y a certains qui disent que nous sommes nombreux. Mais par rapport à quoi, sommes-nous nombreux ? C’est la question qu’on pose. Je vais vous faire une confidence, j’ai dit un jour à un Président de la République que nous allions faire la grève. Il m’a demandé : « Mais Pourquoi ? ». J’ai dit que c’était juste une taquinerie, car nous ne pouvions pas faire de grève. Ceux qui grèvent sont ceux qui sont payés ou qui reçoivent quelque chose. Nous, on a rien. Les gens ne nous respectent pas. Mais, les choses commencent à changer. Demain, nous travaillerons avec la sous-préfecture pour le bien du village. Il y aura une collaboration franche entre l’Administration et nous. Même si on ne nous paye pas, le fait de nous ramener dans la République est une satisfaction morale pour nous. Que cela serve d’exemple à nos enfants, s’ils veulent venir au pouvoir. Qu’ils cherchent à poser des actes concrets. Sur le plan national et international, le Président Ouattara est en train de faire du bon travail. Nous les chefs, nous sommes là pour le développement. Pas pour la politique politicienne. On n’a pas besoin de nous demander de voter pour quelqu’un. On regarde les actes posés. Quand il y a le développement dans nos villages, c’est le plus important. Qu’on soit patients, Dieu nous écoute. La marche a été longue, mais le Président connait la souffrance des chefs. Nous nous réjouissons de l’adoption de ce projet.
L.P : Nous sommes au terme de cette interview. Vous avez salué le projet de loi sur le statut des rois et chefs. Qu’avez-vous à dire au Président de la République?
DND : Nous lui disons de continuer. Il est sur la bonne voie. Même s’il reconnait les chefs, il reste quand même vrai que biens des Ivoiriens ont faim. Mais chaque chose en son temps. Nous prions le Tout-Puissant, afin que le statut et son expérience d’économiste chevronné, le président le mette au service de la Côte d’Ivoire. Bien sûr, il est en train de sauver des pays africains et même le reste du monde. Il est petit-fils de roi, donc il sait de quoi il s’agit quand on est chef ou leader. C’est le partage et la solidarité. Et il veut que son expérience serve les autres pays. Que nos ancêtres le bénisse et le guide. Qu’ils fassent que l’Assemblée nationale lui emboîte le pas. Nous voulons une Côte d’Ivoire où la paix n’est pas un vain mot, mais un comportement.
LP : Le projet de loi sur votre statut est adopté. Quels sont les critères pour la prise en compte de ceux qui sont concernés par ce texte ?
DND : Nous disons qu’il faut mettre de l’ordre dans notre milieu. Plus jamais personne ne devrait se lever un matin pour dire qu’il est roi d’une communauté et un autre qu’il est le chef incontesté d’une tribu. Nous disons que ce n’est pas le titre qui fait l’homme. Mais plutôt l’homme qui fait le titre. Que chacun sache que ce n’est pas parce qu’on est roi qu’on est fort. Il est vrai que nous avons hérité de ces choses de nos ancêtres et de la colonisation. Mais on peut se passer de ce titre pour bien gérer chez soi.
LP : Vous venez de saluer le geste fait par le chef de l’Etat. Que pouvez-vous lui dire ?
DND : Nous croyons que le Président Ouattara a les capacités nécessaires pour faire en sorte que les Ivoiriens aient moins faim. Nous prions le bon Dieu pour qu’en tant qu’expert en développement, il fasse en bénéficier son peuple. Il est en ce moment en train de sauver des pays africains et du monde. Il a sauvé le Mali. Il est en train de sauver la Guinée-Bissau et il met son expérience au profit de certains pays du monde. Il est donc clair que ce n’est pas son propre pays qu’il négligera. Il est le petit-fils de roi et il sait partager. Nous, les chefs, nous ne pouvons que prier nos ancêtres de l’inspirer et faire en sorte que le Gouvernement puisse le suivre. Nous voulons prier également pour que le président de l’Assemblée nationale, qui est un digne fils de ce pays, puisse lui emboiter le pas pour que la Côte d’Ivoire redevienne celle du président Félix Houphouët-Boigny où la paix n’est pas un vain mot, mais un comportement. Pour terminer, je voudrais dire « yako » à tous les Ivoiriens qui ont perdu des êtres chers, je voudrais leur souhaite une bonne et heureuse année 2014. Que la paix puisse habiter tout le monde et que la haine disparaisse des cœurs.
Réalisée par Jean-Claude Coulibaly