x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le samedi 1 février 2014 | Le Patriote

Interview / Abou Kamaté (Directeur adjoint de l’Institut Français de Côte d’Ivoire): “Pourquoi nous faisons maintenant la rénovation”

L’Institut Français de Côte d’Ivoire a lancé en décembre dernier, des travaux de renovation. Derrière ce vaste projet, cette structure nourrit de grandes ambitions. Dans cet entretien, son directeur adjoint, Abou Kamaté, qui gère en fait au quotidien l’institution, explique les nouvelles missions de l’IFCI, et surtout dévoile les objectifs que lui et son équipe ambitionnent d’atteindre. Aussi annonce t-il le grand retour de l’IFCI sur la scène ivoirienne. Exclusif !
Le Patriote : On connaissait le Centre culturel français, on découvre l’Institut français. Pourquoi ce changement de nom ?
Abou Kamaté : Le changement de nom ne concerne pas que l’ex-centre culturel français d’Abidjan. C’est un changement qui s’inscrit dans une plus grande réforme de l’action extérieure de l’Etat français. L’enjeu de la réforme du réseau culturel français à l’étranger consiste, aux côtés du réseau des Alliances françaises, en la mise en place de dispositifs uniques, plus visibles, regroupés sous une marque unique (Institut français), dotés d’une autonomie financière permettant de bénéficier d’une plus large flexibilité de gestion sur l’ensemble de ses compétences en matière culturelle, linguistique et universitaire.
L’un des premiers éléments de cette réforme a donc été un rapprochement entre les services culturels (SCAC) et les Centres et Instituts français. 94 pays sont concernés par cette fusion, soit l’ensemble des pays où il y avait des IF et des CCF.
Ce que vos lecteurs doivent retenir, est que vous où que vous soyez, vous n’avez plus de centres culturels français comme on les appelait par le passé mais des Instituts français suivis du nom des pays d’implantation. Cela s’inscrivant bien sûr dans une volonté d’homogénéisation de nos appellations mais aussi dans un souci de plus grande efficacité dans nos missions.

LP : En clair sur le terrain, cela change-t-il la mission de l’Institut par rapport à l’ancien système ?
AK : Oui. Nos missions sont renforcées et plus étendues. Vous savez, nous avons un rapprochement encore plus fort avec le service de coopération puisque les instituts français sont aujourd’hui ce que nous appelons dans le jargon des établissements fusionnés. Ce qui fait que dans les pays où la fusion a été réellement mise en œuvre, les Instituts français ont des missions qu’elles n’avaient pas par le passé, notamment dans le domaine universitaire. Les compétences des Instituts touchent aussi bien le domaine culturel, linguistique et universitaire. Il y a aussi un changement qui mérite peut-être d’être porté à la connaissance du public, c’est que la reforme a aussi induit un nouvel organigramme. Le conseiller de coopération à l’ambassade dans les différents pays devient de facto le directeur des instituts dans les différents pays d’implantation.

LP: En janvier 2003, l’ex-CCF avait été saccagé lors d’une manifestation populaire. A combien avez-vous estimé ces dégâts ?
AK : Comme l’a dit M. l’Ambassadeur lors de la cérémonie de lancement des travaux de l’Institut, nous accompagnons le processus de sortie de crise et de réconciliation en Côte d’Ivoire. Et il y a malheureusement, des souvenirs comme celui que vous venez d’évoquer qu’il faut mettre sur le compte de la guerre et ne pas forcément revenir leurs détails. Ce qui importe, c’est de retenir qu’il y a eu des dégâts. Il y a eu de la destruction. Le plus important, c’est qu’aujourd’hui, nous tournions la page et envisagions avec la Côte d’Ivoire, et les acteurs culturels ivoiriens, une nouvelle page de la coopération entre les deux pays. Faisons en sorte que ce que nous allons construire ensemble dans le domaine culturel en Côte d’Ivoire soit plus beau, plus grand et plus durable.

LP : En 2007, l’Institut a rouvert timidement ses portes alors qu’il n’était pas encore totalement opérationnel. C’était si urgent que ça ?
AB : Oui. Il y avait urgence. Parce que nous nous sommes rendus compte que, malgré la crise, la demande de centre culturel était très grande. Plus d’un artiste, plus d’un créateur, plus d’un visiteur de la bibliothèque nous ont fait des appels pour dire que cet établissement manquait. Et donc, il était du devoir de la France de répondre à cet appel-là. Je vais peut-être m’étendre un peu plus sur le service qui a ouvert en ce moment-là. C’était notamment la bibliothèque. Parce que nul n’est sans ignorer que la bibliothèque du Centre culturel est la plus grande bibliothèque de Côte d’Ivoire et que sa fermeture ne peut qu’avoir des répercussions sur le domaine de la recherche dans ce pays. Et donc lorsque nous étions fermés, les étudiants se sont retrouvés totalement démunis. Pour répondre à ce cri de cœur, nous avons jugé utile de rouvrir. Et vous vous rappelez bien que la réouverture avait été faite sur le mode de consultation gratuite pour permettre aux chercheurs, aux étudiants, aux intellectuels ivoiriens de bénéficier à nouveau de notre fonds documentaire. Donc, il y avait une grosse urgence.

LP : Depuis l’Institut a continué à fonctionner progressivement. Pourquoi avoir attendu six ans pour lancer enfin les travaux de rénovation ?
AB: Au regard de la forte demande, ce délai peut effectivement paraître long. Mais on ne relance pas aussi rapidement une coopération qui était en veilleuse. Nous avons un ambitieux projet pour cet établissement. Il était donc important de prendre le temps pour bien faire les choses. Notamment d’adapter le nouvel établissement non seulement aux nouvelles missions qui sont les nôtres mais également aux évolutions des anciennes. C’est ce qui explique principalement le retard. Il fallait donc faire des études approfondies qui tiennent compte des missions qui sont les nôtres, mais aussi qui tiennent compte des attentes de nos visiteurs. La précipitation ne pouvait donc être notre approche.

LP : Concrètement, comment vont se dérouler ces travaux ?
AB : En fait, nous avons opté pour le système de phasage. Donc exactement comme un système de tiroir. Nous avancerons progressivement par zone sans pour autant interrompre notre fonctionnement. La première phase concernera la salle de spectacle et l’administration, la seconde sera celle de la bibliothèque qui sera agrandit et transformée en médiathèque. Cette même phase concernera également l’espace Campus France et la dernière phase touchera la hall d’exposition, le théâtre de verdure et les extérieurs. Fermer l’Institut pendant les travaux créerait un vide trop important à combler. Il faut aussi savoir qu’au cours de ces dernières années, nous avons fait un important travail d’information, de mobilisation du public autour de cet établissement. Et il serait dommage de casser cet élan et de repartir encore à zéro en fermant l’Institut. Au moment où je parle, les travaux de rénovation de la salle sont déjà en cours. Vous avez pourtant vu du monde dans le hall, à la bibliothèque, et à Campus France. Nous avons donc raison de ne surtout pas fermer pendant les travaux. Nos spectacles continueront dans le théâtre de verdure et dans le hall. Pour ceux qui ne le sauraient donc pas encore, l’Institut Français fonctionne parfaitement avec le maintien de toutes nos activités, même si nous n’avons pas la grande salle.

LP : Quand sera-t-elle prête ?
AB : Le planning prévisionnel nous donne la date de fin septembre – début octobre 2014 pour la livraison de la salle. Je suis optimiste sur cette date même si quelques fois les chantiers peuvent réserver des surprises. Je pense qu’en octobre 2014, la nouvelle salle de l’Institut Français pourra à nouveau accueillir le public et les artistes. Pour rester sur les délais, la deuxième phase que j’ai déjà évoquée devrait commencer en octobre pour finir en avril 2015. Cette phase est tout aussi importante pour notre établissement que la première. A travers elle, nous souhaitons transformer la bibliothèque en médiathèque. L’idée est de pouvoir mettre à la disposition de nos visiteurs, tous les nouveaux supports de diffusion du savoir. Nous allons donc continuer à avoir un fonds suffisamment fourni en livres. Aujourd’hui, nous en sommes à peu près à 40 milles ouvrages. Néanmoins, l’idée que nous avons, c’est de mettre à la disposition des visiteurs, des CD, CD-ROM, l’Internet, tous les supports modernes de diffusion du savoir seront intégrés à la médiathèque. Le délai des travaux de la médiathèque sera aussi celui de l’espace Campus France. Depuis 4 années, nous accueillons les étudiants ivoiriens qui souhaitent aller se former en France et nous pensons qu’il est important que les conditions d’accueil de ces étudiants soient optimisées. Et donc, vous aurez un nouvel espace Campus France pour que les étudiants ivoiriens, les chercheurs ivoiriens qui veulent aller en France soient accueillis dans de meilleures conditions. Pour finir, la troisième phase devrait s’étendre d’avril à septembre 2015. Outre la hall d’exposition, cette phase consistera en l’amélioration de l’aspect technique du théâtre de verdure qui continuera à jouer son rôle d’accueil des artistes ivoiriens notamment des jeunes talents que nous souhaitons promouvoir afin que le grand public puisse accéder à ces jeunes qui ont besoin d’être vus et soutenus.

LP : Les travaux dureront donc environ deux ans ?
AK : Nous partons à peu près sur un an et demi de travaux. Encore une fois, il est important de retenir que quelle que soit la durée, le fonctionnement de l’Institut ne sera pas interrompu et que progressivement nos visiteurs se rendront compte de l’amélioration que nous sommes en train d’apporter.

LP : Selon vous, quel sera justement au terme de cette étape de rénovation le nouveau visage de l’Institut ?
AK : Cela va être un visage de modernité, d’une meilleure fonctionnalité de notre bâtiment, un visage également d’extension de nos activités bien au delà du District d’Abidjan. Il faut que vous fassiez attention à un détail qui apparaît dans notre nouvelle dénomination. Nous sommes l’Institut Français de Côte d’Ivoire. Par abus de langage, certains parleront d’Institut Français d’Abidjan, cela peut se comprendre, parce que dans certains pays, il y a plusieurs instituts, donc on peut encore coller le nom de la ville. Mais nous avons une vocation de plus en plus grande : avoir un rayonnement national sur tout le territoire ivoirien. Donc, c’est cela aussi le nouveau visage de l’Institut : aller hors d’Abidjan, faire des choses hors d’Abidjan. Parce que la culture ne doit pas être que l’affaire des Abidjanais. Egalement, en termes d’extension de missions, nous aurons une mission d’enseignement du français. L’idée pour nous, c’est que nous venions en complément au système éducatif classique pour pouvoir donner des cours de spécialisation en français. Puisque de plus en plus nous constatons que le besoin est grand à Abidjan. Nous constatons également que des Institutions comme la BAD et certaines grandes entreprises reviennent avec la confiance en Côte d’Ivoire et que quelquefois ces travailleurs ne sont pas forcément francophones et qu’ils méritent d’avoir un espace où ils peuvent étudier le français comme langue étrangère ou le français spécialisé.

LP : Y aura-t-il une formation des formateurs ?
AK : Oui absolument. Pour l’enseignement de ce type de français, il faut effectivement que nous formions. Nous allons le faire. D’ailleurs nous sommes déjà sur le montage de ces dossiers de formation. Afin que dans les années à venir nous trouvions localement suffisamment de formateurs pour répondre aux besoins. Tout cela fait partie des chantiers en cours.

LP : On sait que l’Institut a aussi pour vocation de soutenir des projets culturels en termes de partenariat. Quels sont justement les projets qui sont sur la table du directeur de l’Institut ?
AK : Les projets sont nombreux. A tel point d’ailleurs que nous ne pouvons tous les soutenir d’où des choix. Avant de rentrer dans les détails, il faut savoir que nous essayons d’accompagner les projets qui s’inscrivent dans la structuration, la professionnalisation et l’autonomisation du secteur culturel en Côte d’Ivoire. Ces projets peuvent être portés par les pouvoirs publics, les artistes ou des opérateurs privés.
Sans être exhaustif, nous travaillons actuellement sur le MASA (Marché des arts du spectacle africain). Il marque le retour de la Côte d’Ivoire sur la scène artistique internationale. Il serait totalement inadmissible que la partie française ne joue pas son rôle d’accompagnement et de partenaire pour la réussite de cet événement majeur. A ce titre d’ailleurs, nous sommes le site qui va accueillir les rencontres professionnelles. Mieux, nous ne faisons pas qu’accueillir, nous organiserons avec la direction du MASA ces rencontres professionnelles. D’autres projets sont également en attente. Nous avons aidé les acteurs ivoiriens à monter des festivals dans divers domaines, cette aide sera maintenue cette année. Des projets sont également prévus avec les 4 alliances franco ivoiriennes afin de répondre à la nécessité de rayonner sur tout le territoire ivoirien. Dans ce cadre, le conte bénéficiera de toute notre attention. Il y a des événements institutionnels que sont la semaine de la francophonie que nous allons également organiser avec la Commission Nationale de la Francophonie. Cette année va marquer pour nous à l’Institut le retour d’une activité que nous n’avons pas beaucoup accompagnée ces dernières années, c’est celle du cinéma. Parce qu’à travers la rénovation de notre salle, qui va être équipée en numérique, nous disposerons d’un outil performant pour accompagner un certain nombre d’événements comme le festival Ciné Droit Libre. Les initiateurs de ce festival ont fait leur preuve et je pense qu’un pays comme la Côte d’Ivoire mérite effectivement d’avoir ce type d’événement qui participe au-delà de la promotion culturelle, à la consolidation de la démocratie et à la promotion des droits de l’homme. Donc l’institut jouera toute sa partition en accueillant et en accompagnant ce festival. Toujours dans le domaine du cinéma, nous avons en projet d’organiser avec l’Office national du cinéma de Côte d’Ivoire (Onac-CI) les 50 ans du cinéma ivoirien. Je peux d’ores et déjà vous annoncer que l’Institut Français de Paris nous accompagnera financièrement dans cette organisation. On fera en sorte de faire revivre tous ceux qui ont marqué au cours de ces cinquante ans le cinéma en Côte d’Ivoire mais aussi, la jeune génération qui émerge, et qui a beaucoup de talents. Outre les projections, nous susciterons le débat sur l’avenir du cinéma tout en faisant le bilan des cinquante années qui sont passées afin qu’avec l’Office national du cinéma, nous puissions ensemble tracer les sillons de cette industrie en Côte d’Ivoire.
Un autre projet que je ne peux manquer d’évoquer est celui qui touche au débat d’idées. Dans le contexte actuel en Côte d’Ivoire, cela me semble fondamental de mettre un accent sur le débat d’idée, surtout sur un débat apaisé. Nous comptons être un espace d’échange qui fasse en sorte que les Ivoiriens puissent discuter de tous les problèmes, de tous les thèmes, de ce qui peut les rassembler mais aussi de ce qui peut poser divergence mais tout en garantissant le respect des uns et des autres. A titre d’exemple, nous allons organiser avec Sciences Po Paris, l’Université Columbia des Etats-Unis et l’Université Félix Houphouët-Boigny de Côte d’Ivoire et avec l’appui de l’Institut Français de Paris, un colloque sur la citoyenneté en Afrique de l’ouest. Cette occasion nous permettra d’inviter un certain nombre de personnes, de pays limitrophes, comme le Mali, le Burkina, le Sénégal, le Bénin afin que ces gens-là puissent venir échanger autour de leur conception de la citoyenneté et de l’engagement que les uns et les autres peuvent avoir dans l’édification de la démocratie dans ces différents pays. Voilà un rapide tour d’horizon des projets. Nous n’en manquons pas. Bien au contraire, l’Institut revient et nous pensons que nous reviendrons de plus en plus sur la scène ivoirienne avec la rénovation qui s’annonce.

LP : Il semble que cette rénovation va coûter 2 500 000 euros (soit un peu plus de 1,6 milliards de FCFA). Confirmez-vous ce montant ?
AK : Il faut préciser que les deux millions cinq cent mille euros que vous annoncez concernent uniquement les travaux. A cela, il faut ajouter l’équipement, parce que l’objectif pour nous, c’est de faire de cet Institut un établissement ultramoderne, avec des équipements de dernière génération. Il faudra que nous mettions encore la main à la poche pour financer l’équipement en termes de sonorisation, d’éclairage, mais aussi par exemple en termes de matériels cinématographiques. Il faut donc rajouter au montant que vous donnez, environ 400.000 euros (un peu plus de 262 millions de FCFA) d’équipement pour que les Ivoiriens puissent bénéficier d’un Institut à la pointe de la technologie et de la modernité.

LP : Pour finir, la salle des spectacles, quand elle projettera les films, va t-elle fonctionner comme un cinéma classique avec des entrées payantes ?
AK : Oui, mais seulement en partie. Nous travaillons sur une programmation régulière comme toutes les salles que vous connaissez. Sur ce type de programmation nous exigerons des droits d’entrée. Mais nous pensons également que notre rôle est aussi de proposer des séances beaucoup plus « culturelles » ou qui touchent à de grands enjeux du monde pour lesquels l’objectif n’est pas de faire des recettes mais d’informer, de faire prendre conscience d’un certain nombre de choses aux populations. La valeur ajoutée que nous proposerons, et cela à travers les festivals et les projections thématiques sera d’organiser des débats autour des films. Parce que regarder un film est une chose mais en discuter en est une autre et en tirer toutes les leçons nous semble être un objectif important qu’il faut rechercher à travers l’activité cinématographique.

Réalisée par Y. Sangaré
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ