De lui, on connaît surtout le nom. Pas forcément l'homme. Installé à Abidjan, Michel Gbagbo, le fils aîné de l'ex-président ivoirien, revient sur un passé difficile, vécu entre l'exil et la prison.
Alors que son père, Laurent Gbagbo, était au pouvoir (2000-2010) en Côte d'Ivoire, il a préféré rester dans l'ombre et se consacrer à sa profession d'enseignant à l'université Félix-Houphouët-Boigny. Fils aîné de l'ancien président ivoirien, Michel Gbagbo, 44 ans, a été rattrapé par son patronyme. Après plus de deux années de détention à Bouna, dans le nord-est de la Côte d'Ivoire, le Franco-Ivoirien, nouvelliste et essayiste à ses heures perdues, a été libéré en août 2013. En attendant son jugement devant les assises pour "crimes économiques", il se dit toujours disposé à se rendre à Paris pour témoigner devant la justice contre le président de l'Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro. Rencontré dans la résidence des Gbagbo dans un quartier chic d'Abidjan, il s'est confié à Jeune Afrique. Son histoire, ses projets, ses engagements... Michel Gbagbo fait le point sur sa vie. Toutefois, sur les conseils de ses avocats, il s'est abstenu de répondre aux questions jugées sensibles.
Qu'avez-vous l'intention de faire de vos souvenirs de détention ?
Je suis habité par l'idée de raconter cette partie de ma vie par écrit. Entre les murs de la Direction de la surveillance du territoire (DST), j'ai même déjà rédigé un poème sur un tableau installé dans ma cellule. Il doit encore y être. J'ai d'autres projets comme la rédaction d'un roman et d'un recueil de poèmes ou la tenue d'un journal intime. J'ai même commencé à les réaliser durant ma détention. Autant dire que je ne me suis pas ennuyé !
Pour beaucoup d'Ivoiriens, vous êtes une énigme : vous êtes très rarement apparu publiquement sous la présidence de votre père. Comment l'expliquez-vous ?
Le fait que je sois le fils d'un ancien chef de l'État ne me confère pas plus de droits qu'un compatriote lambda. Pourquoi aurait-on dû entendre parler de moi ? Au nom de quoi aurais-je dû prendre la parole ?
Au contraire, mon patronyme m'a beaucoup desservi. À cause de ma filiation avec Laurent Gbagbo, j'ai le sentiment d'être devenu un martyr. Très jeune, j'ai été contraint de m'exiler avec ma mère pour des raisons de sécurité. En 1982, l'année où que j'ai été reçu à l'examen d'entrée en classe de 6e, j'ai dû suivre mon père à Paris pendant six ans. Après l'obtention de mon baccalauréat en 1990, j'ai rencontré beaucoup de difficultés pour m'inscrire à l'université. Je n'y suis parvenu que grâce à ma double nationalité. Ma mère m'a envoyé 100 000 F CFA [152 euros] pour que je m'acquitte des droits d'inscription. D'autres entraves à mon parcours professionnel s'y sont ajoutées. La raison ? Je suis le fils de Laurent Gbagbo, opposant au régime en place.
On ne vous a guère entendu dans le débat sur l'ivoirité. Qu'en pensez-vous ?
Je suis chrétien catholique modéré, et les chants religieux que j'écoute sont en baoulé. Je ne fais aucune distinction entre les différentes langues, origines ou couleurs de peau. Mes deux meilleurs amis s'appellent Diabaté et Sawadogo. D'ailleurs, mon entourage est composé de personnes issues de toutes les ethnies du pays. Je m'opposerai toujours à une idéologie qui classerait ainsi les Ivoiriens. Je condamne absolument toute politique de "rattrapage ethnique". Pour moi, il est important d'être guidé par des valeurs morales et d'être animé par l'amour du prochain. Je ne me bats pas pour défendre seulement mes droits, mais ceux de tous les Ivoiriens. Quand je suis sorti de prison en 2013, je portais un tee-shirt de soutien à Laurent Gbagbo. D'aucuns y ont vu un acte de courage. Pas moi. Si le Rassemblement des républicains (RDR) ou le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) est au pouvoir, je devrais être libre d'avoir les opinions politiques que je veux. Nous sommes en démocratie. De même, si le Front populaire ivoirien (FPI) était au pouvoir, il faut permettre aux gens de pouvoir afficher leur soutien à Bédié, à Ouattara ou à tout autre leader.
Avez-vous des nouvelles de votre famille, et de l'épouse de votre père, Simone Gbagbo ?
Je n'ai pas de nouvelles directes de Simone Gbagbo car elle est encore en incarcérée. Toutefois, des membres de ma famille lui rendent régulièrement visite et me disent qu'elle se porte bien. Quant à mes soeurs, nous communiquons grâce à internet. C'est également le cas avec ma femme et mes enfants, qui vivent au Ghana.
Comment s'est déroulé votre retour à Abidjan ?
Je m'y déplace en compagnie de mon ami Diabaté. Mais je fais toujours très attention à ma sécurité. Cela dit, je refuse de vivre avec une prison dans la tête. Le reste du temps, je m'occupe en faisant du sport et en rendant visite à mes proches. Je vais aussi à l'église. Il m'arrive même d'aller à l'université incognito et de m'asseoir parmi les étudiants.
Avez-vous des contacts avec votre mère, qui vit en France ?
Elle était ici avec son époux très récemment. Ils sont restés pendant dix jours.
Pourquoi êtes-vous revenu en Côte d'Ivoire alors que des milliers de jeunes tentent au contraire de rejoindre la France ?
Mon histoire est intrinsèquement liée à ces deux pays. Je n'ai pas de préférence pour l'un ou pour l'autre. C'est comme si on me demandait de choisir entre mon père et ma mère. Mais la Côte d'Ivoire est un État jeune qui a besoin de tous ses enfants pour se construire et se développer.
Alors que son père, Laurent Gbagbo, était au pouvoir (2000-2010) en Côte d'Ivoire, il a préféré rester dans l'ombre et se consacrer à sa profession d'enseignant à l'université Félix-Houphouët-Boigny. Fils aîné de l'ancien président ivoirien, Michel Gbagbo, 44 ans, a été rattrapé par son patronyme. Après plus de deux années de détention à Bouna, dans le nord-est de la Côte d'Ivoire, le Franco-Ivoirien, nouvelliste et essayiste à ses heures perdues, a été libéré en août 2013. En attendant son jugement devant les assises pour "crimes économiques", il se dit toujours disposé à se rendre à Paris pour témoigner devant la justice contre le président de l'Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro. Rencontré dans la résidence des Gbagbo dans un quartier chic d'Abidjan, il s'est confié à Jeune Afrique. Son histoire, ses projets, ses engagements... Michel Gbagbo fait le point sur sa vie. Toutefois, sur les conseils de ses avocats, il s'est abstenu de répondre aux questions jugées sensibles.
Qu'avez-vous l'intention de faire de vos souvenirs de détention ?
Je suis habité par l'idée de raconter cette partie de ma vie par écrit. Entre les murs de la Direction de la surveillance du territoire (DST), j'ai même déjà rédigé un poème sur un tableau installé dans ma cellule. Il doit encore y être. J'ai d'autres projets comme la rédaction d'un roman et d'un recueil de poèmes ou la tenue d'un journal intime. J'ai même commencé à les réaliser durant ma détention. Autant dire que je ne me suis pas ennuyé !
Pour beaucoup d'Ivoiriens, vous êtes une énigme : vous êtes très rarement apparu publiquement sous la présidence de votre père. Comment l'expliquez-vous ?
Le fait que je sois le fils d'un ancien chef de l'État ne me confère pas plus de droits qu'un compatriote lambda. Pourquoi aurait-on dû entendre parler de moi ? Au nom de quoi aurais-je dû prendre la parole ?
Au contraire, mon patronyme m'a beaucoup desservi. À cause de ma filiation avec Laurent Gbagbo, j'ai le sentiment d'être devenu un martyr. Très jeune, j'ai été contraint de m'exiler avec ma mère pour des raisons de sécurité. En 1982, l'année où que j'ai été reçu à l'examen d'entrée en classe de 6e, j'ai dû suivre mon père à Paris pendant six ans. Après l'obtention de mon baccalauréat en 1990, j'ai rencontré beaucoup de difficultés pour m'inscrire à l'université. Je n'y suis parvenu que grâce à ma double nationalité. Ma mère m'a envoyé 100 000 F CFA [152 euros] pour que je m'acquitte des droits d'inscription. D'autres entraves à mon parcours professionnel s'y sont ajoutées. La raison ? Je suis le fils de Laurent Gbagbo, opposant au régime en place.
On ne vous a guère entendu dans le débat sur l'ivoirité. Qu'en pensez-vous ?
Je suis chrétien catholique modéré, et les chants religieux que j'écoute sont en baoulé. Je ne fais aucune distinction entre les différentes langues, origines ou couleurs de peau. Mes deux meilleurs amis s'appellent Diabaté et Sawadogo. D'ailleurs, mon entourage est composé de personnes issues de toutes les ethnies du pays. Je m'opposerai toujours à une idéologie qui classerait ainsi les Ivoiriens. Je condamne absolument toute politique de "rattrapage ethnique". Pour moi, il est important d'être guidé par des valeurs morales et d'être animé par l'amour du prochain. Je ne me bats pas pour défendre seulement mes droits, mais ceux de tous les Ivoiriens. Quand je suis sorti de prison en 2013, je portais un tee-shirt de soutien à Laurent Gbagbo. D'aucuns y ont vu un acte de courage. Pas moi. Si le Rassemblement des républicains (RDR) ou le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) est au pouvoir, je devrais être libre d'avoir les opinions politiques que je veux. Nous sommes en démocratie. De même, si le Front populaire ivoirien (FPI) était au pouvoir, il faut permettre aux gens de pouvoir afficher leur soutien à Bédié, à Ouattara ou à tout autre leader.
Avez-vous des nouvelles de votre famille, et de l'épouse de votre père, Simone Gbagbo ?
Je n'ai pas de nouvelles directes de Simone Gbagbo car elle est encore en incarcérée. Toutefois, des membres de ma famille lui rendent régulièrement visite et me disent qu'elle se porte bien. Quant à mes soeurs, nous communiquons grâce à internet. C'est également le cas avec ma femme et mes enfants, qui vivent au Ghana.
Comment s'est déroulé votre retour à Abidjan ?
Je m'y déplace en compagnie de mon ami Diabaté. Mais je fais toujours très attention à ma sécurité. Cela dit, je refuse de vivre avec une prison dans la tête. Le reste du temps, je m'occupe en faisant du sport et en rendant visite à mes proches. Je vais aussi à l'église. Il m'arrive même d'aller à l'université incognito et de m'asseoir parmi les étudiants.
Avez-vous des contacts avec votre mère, qui vit en France ?
Elle était ici avec son époux très récemment. Ils sont restés pendant dix jours.
Pourquoi êtes-vous revenu en Côte d'Ivoire alors que des milliers de jeunes tentent au contraire de rejoindre la France ?
Mon histoire est intrinsèquement liée à ces deux pays. Je n'ai pas de préférence pour l'un ou pour l'autre. C'est comme si on me demandait de choisir entre mon père et ma mère. Mais la Côte d'Ivoire est un État jeune qui a besoin de tous ses enfants pour se construire et se développer.