L’affaire Awa Fadiga, ce jeune mannequin décédé le mardi 25 mars, au Centre hospitalier et universitaire (Chu) de Cocody, suite à une prise en charge décriée, est une nouvelle preuve de l’anarchie qui gangrène la société ivoirienne.
Trois années après la crise, la relance économique est une réalité en Côte d’Ivoire. Le pays retrouve un visage rayonnant grâce aux nouvelles infrastructures routières. Mais à côté de cette embellie salutaire, la reconstruction morale et civique de l’Ivoirien reste au point mort, principalement à cause d’un déficit de fermeté et d’autorité chez les dirigeants. Eh oui, la Côte d’Ivoire reste ce pays où tout le monde peut tout se permettre, en toute impunité. Les faits ne manquent pas pour illustrer cette situation regrettable. Commençons par la corruption qui sévit encore dans l’appareil judiciaire. Malgré les efforts du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, pour assainir ce domaine si cher aux investisseurs, des procureurs de la République, des juges d’application des peines, etc. continuent, par exemple, de libérer des bandits de grand chemin, moyennant des dessous de table. Cette pratique a été dénoncée plus d’une fois par Nord-Sud Quotidien. Les mis en cause et les bénéficiaires ont été cités. Mais jusqu’à ce jour, aucun des magistrats véreux n’a été inquiété. La corruption sévit à la justice, mais aussi dans le reste de l’administration publique. L’une de nos enquêtes, publiée le mercredi 26 février 2014, était elle aussi très précise sur les services administratifs, où des frais illégaux sont toujours imposés aux usagers. Les auteurs de ce racket ne sont pas sanctionnés. C’est dans la même indifférence que des citoyens se permettent de défier l’autorité. Ils se déplacent avec des escortes que la loi n’autorise qu’à une liste bien connue de personnalités.
L’autorité défiée !
De même, n’importe qui peut circuler dans des véhicules aux vitres teintées, au mépris de la réglementation en la matière. Normalement, les véhicules de l’Etat ne doivent pas être utilisés en dehors du cadre et des heures de travail. Pourtant les ‘’plaques jaunes’’ sont visibles tous les week-ends, et à des heures indues, devant des bars climatisés. A quoi servent les services de contrôle? Où est l’Etat ? Le gouvernement, on le voit, n’arrive pas à assurer sa propre police. Difficile dans ces conditions qu’il puisse appliquer rigoureusement des mesures prises à l’intention de la population. L’une des illustrations de cette impuissance des pouvoirs publics est le dévoiement de la gratuité des soins de santé. Profitant du faible suivi étatique, des personnels médicaux abusent des malades et de leurs proches dans les hôpitaux publics. Il y a bien d’autres cas d’incivisme. Souvenez-vous de l’’interdiction de fumer dans les lieux publics ? Elle n’existe que de nom. Les fumeurs continuent de répandre leur rejet toxique partout. C’est le laisser-aller. L’an dernier, des mendiants et vendeurs ambulants ont été chassés de certaines voies publiques. Quelques semaines après le déguerpissement, les mêmes personnes se sont réinstallées, au vu et au su de tous. Selon le commissaire Pamphile Téhé Mondet, commandant de la Brigade de salubrité de l’Agence nationale de la salubrité urbaine (Anasur), « l’appareil répressif » est rendu défaillant par l’absence de solidarité gouvernementale. « Il faudrait que l’ensemble des ministères concernés rentrent en synergie. Si on veut laisser la tête à un seul ministère, ou à la seule brigade de salubrité, vous voyez que cela pose un problème », a-t-il déploré, dans une interview parue dans nos colonnes, en septembre 2013. Résultat, la force publique devient la risée des populations. «A la limite, on nous nargue. Et je ne le cache pas, il y a eu même des autorités municipales qui étaient une entrave, elles se mettaient entre nous et les personnes installées de manière anarchique », a regretté l’officier de police. Face à ce qui s’apparente à un non-Etat, Mamadou Touré, l’un des débatteurs du grin (club de causerie) ‘’Djakassa’’ d’Anyama, visité samedi dernier par une équipe de votre journal, est arrivé à la conclusion suivante : « Si les décisions gouvernementales doivent rester non appliquées, autant ne plus en prendre.»
Le Ouattara de 90 réclamé
Il a été précédé dans ce raisonnement par Dr Coulibaly Djakalidja. Interrogé lui aussi dans le cadre d’un sujet similaire, ce socio-anthropologue et enseignant à l’université Félix Houphouet-Boigny a mis en garde les dirigeants du pays contre les risques de leurs atermoiements. « A terme, les décisions de l’Etat peuvent perdre toute valeur aux yeux des populations », a-t-il prevenu. « La nature humaine reste la même partout, qu’on soit Noir ou Blanc, en Afrique ou en Europe. L’être humain est toujours réfractaire au changement. Il faut le lui imposer. Les pays développés où règne un certain ordre aujourd’hui ont été confrontés aux mêmes caprices humaines », a rappelé Dr Coulibaly. Le sociologue a également exhorté les décideurs ivoiriens à d’abord mûrir leurs idées, en évaluer l’applicabilité, avant de légiférer. « Les difficultés viennent du fait que certaines mesures sont inadaptées à nos réalités socioculturelles », a-t-il souligné. Quoi qu’il en soit, cela ne saurait être une excuse. Tout comme ne pourrait l’être l’argument avancé par certains proches du chef de l’Etat, qui murmurent qu’il faille ménager la population ivoirienne en raison de la longue crise qu’elle a vécue. «Excellence, si vous devez travailler comme il se doit, travaillez sans chercher à plaire d’abord. On vous jugera à l’arrivée. Sortez donc les ‘’griffes’’de temps en temps tel que nous vous avions connu en 1990 », a souhaité, pour sa part, Diallo Moussa, un cadre du Rassemblement des républicains (Rdr) assez connu à Bouaké. Dans sa lettre ouverte adressée au président de la République, et dont nous avons publié copie, au mois de novembre 2013, il a ajouté ceci: « Ne vous laissez pas attendrir… Ne nous frustrez pas, comme ce fut le cas avec ‘’maman bulldozer’’. Grâce à son courage et sa pugnacité, Anne Ouloto, ancienne ministre de la Salubrité, avait donné fière allure à nos villes. Malheureusement, contre toute attente, vous l’avez affectée ailleurs, nous donnant un goût inachevé. »
Cissé Sindou
Trois années après la crise, la relance économique est une réalité en Côte d’Ivoire. Le pays retrouve un visage rayonnant grâce aux nouvelles infrastructures routières. Mais à côté de cette embellie salutaire, la reconstruction morale et civique de l’Ivoirien reste au point mort, principalement à cause d’un déficit de fermeté et d’autorité chez les dirigeants. Eh oui, la Côte d’Ivoire reste ce pays où tout le monde peut tout se permettre, en toute impunité. Les faits ne manquent pas pour illustrer cette situation regrettable. Commençons par la corruption qui sévit encore dans l’appareil judiciaire. Malgré les efforts du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, pour assainir ce domaine si cher aux investisseurs, des procureurs de la République, des juges d’application des peines, etc. continuent, par exemple, de libérer des bandits de grand chemin, moyennant des dessous de table. Cette pratique a été dénoncée plus d’une fois par Nord-Sud Quotidien. Les mis en cause et les bénéficiaires ont été cités. Mais jusqu’à ce jour, aucun des magistrats véreux n’a été inquiété. La corruption sévit à la justice, mais aussi dans le reste de l’administration publique. L’une de nos enquêtes, publiée le mercredi 26 février 2014, était elle aussi très précise sur les services administratifs, où des frais illégaux sont toujours imposés aux usagers. Les auteurs de ce racket ne sont pas sanctionnés. C’est dans la même indifférence que des citoyens se permettent de défier l’autorité. Ils se déplacent avec des escortes que la loi n’autorise qu’à une liste bien connue de personnalités.
L’autorité défiée !
De même, n’importe qui peut circuler dans des véhicules aux vitres teintées, au mépris de la réglementation en la matière. Normalement, les véhicules de l’Etat ne doivent pas être utilisés en dehors du cadre et des heures de travail. Pourtant les ‘’plaques jaunes’’ sont visibles tous les week-ends, et à des heures indues, devant des bars climatisés. A quoi servent les services de contrôle? Où est l’Etat ? Le gouvernement, on le voit, n’arrive pas à assurer sa propre police. Difficile dans ces conditions qu’il puisse appliquer rigoureusement des mesures prises à l’intention de la population. L’une des illustrations de cette impuissance des pouvoirs publics est le dévoiement de la gratuité des soins de santé. Profitant du faible suivi étatique, des personnels médicaux abusent des malades et de leurs proches dans les hôpitaux publics. Il y a bien d’autres cas d’incivisme. Souvenez-vous de l’’interdiction de fumer dans les lieux publics ? Elle n’existe que de nom. Les fumeurs continuent de répandre leur rejet toxique partout. C’est le laisser-aller. L’an dernier, des mendiants et vendeurs ambulants ont été chassés de certaines voies publiques. Quelques semaines après le déguerpissement, les mêmes personnes se sont réinstallées, au vu et au su de tous. Selon le commissaire Pamphile Téhé Mondet, commandant de la Brigade de salubrité de l’Agence nationale de la salubrité urbaine (Anasur), « l’appareil répressif » est rendu défaillant par l’absence de solidarité gouvernementale. « Il faudrait que l’ensemble des ministères concernés rentrent en synergie. Si on veut laisser la tête à un seul ministère, ou à la seule brigade de salubrité, vous voyez que cela pose un problème », a-t-il déploré, dans une interview parue dans nos colonnes, en septembre 2013. Résultat, la force publique devient la risée des populations. «A la limite, on nous nargue. Et je ne le cache pas, il y a eu même des autorités municipales qui étaient une entrave, elles se mettaient entre nous et les personnes installées de manière anarchique », a regretté l’officier de police. Face à ce qui s’apparente à un non-Etat, Mamadou Touré, l’un des débatteurs du grin (club de causerie) ‘’Djakassa’’ d’Anyama, visité samedi dernier par une équipe de votre journal, est arrivé à la conclusion suivante : « Si les décisions gouvernementales doivent rester non appliquées, autant ne plus en prendre.»
Le Ouattara de 90 réclamé
Il a été précédé dans ce raisonnement par Dr Coulibaly Djakalidja. Interrogé lui aussi dans le cadre d’un sujet similaire, ce socio-anthropologue et enseignant à l’université Félix Houphouet-Boigny a mis en garde les dirigeants du pays contre les risques de leurs atermoiements. « A terme, les décisions de l’Etat peuvent perdre toute valeur aux yeux des populations », a-t-il prevenu. « La nature humaine reste la même partout, qu’on soit Noir ou Blanc, en Afrique ou en Europe. L’être humain est toujours réfractaire au changement. Il faut le lui imposer. Les pays développés où règne un certain ordre aujourd’hui ont été confrontés aux mêmes caprices humaines », a rappelé Dr Coulibaly. Le sociologue a également exhorté les décideurs ivoiriens à d’abord mûrir leurs idées, en évaluer l’applicabilité, avant de légiférer. « Les difficultés viennent du fait que certaines mesures sont inadaptées à nos réalités socioculturelles », a-t-il souligné. Quoi qu’il en soit, cela ne saurait être une excuse. Tout comme ne pourrait l’être l’argument avancé par certains proches du chef de l’Etat, qui murmurent qu’il faille ménager la population ivoirienne en raison de la longue crise qu’elle a vécue. «Excellence, si vous devez travailler comme il se doit, travaillez sans chercher à plaire d’abord. On vous jugera à l’arrivée. Sortez donc les ‘’griffes’’de temps en temps tel que nous vous avions connu en 1990 », a souhaité, pour sa part, Diallo Moussa, un cadre du Rassemblement des républicains (Rdr) assez connu à Bouaké. Dans sa lettre ouverte adressée au président de la République, et dont nous avons publié copie, au mois de novembre 2013, il a ajouté ceci: « Ne vous laissez pas attendrir… Ne nous frustrez pas, comme ce fut le cas avec ‘’maman bulldozer’’. Grâce à son courage et sa pugnacité, Anne Ouloto, ancienne ministre de la Salubrité, avait donné fière allure à nos villes. Malheureusement, contre toute attente, vous l’avez affectée ailleurs, nous donnant un goût inachevé. »
Cissé Sindou