« Mesdames et Messieurs je vais vous indiquer la procédure à suivre pour vous entendre. Mais avant je souhaite que les choses se passent dans la courtoisie et le bon ton ; tout le monde sera reçu et entendu. Mais il faut que vous soyez courtois et polis. N’ayez pas peur d’exprimer ce que vous avez vécu et subis. Personne ne sera inquiété ». C’est en ces termes que Doumbia Soumaila, coordonnateur principal de la Commission d’audition et d’enquête de la CDVR a tenu à rassurer les 20 pétitionnaires venus se « confesser » ce lundi 5 mai à l’entame de la phase d’écoute des victimes démarré depuis le 2 mai dernier initiée par la CDVR. Si à Bouaké cette étape a accusé du retard, c’est tout simplement parce que le composé de dictaphones, d’appareils photos, d’ordinateurs, d’imprimantes, de questionnaires spécialisés ne sont parvenus que le weekend dernier, nous a confié Doumbia Soumaila. Pour mener à bien et permettre aux ‘’victimes et parents des victimes ’’ de mieux se libérer, au moment démarrage de l’opération et durant les 3 mois d’audition (mai, juin, juillet), Doumbia a indiqué aux pétitionnaires que « la période retenue pour couvrir les enquêtes de la CDVR, part de 1990 à 2011. « Il ne s’agit pas seulement de la crise post électorale ; tout ce que vous avez vécu comme tords depuis 1990 en passant par 1999 et 2002 peuvent être évoqués ici devant les agents dans des salles où vous ne serez que deux pour un total secret confidentiel». Cette opération d’audition des victimes sur les violations proposées par les populations et retenues par la CDVR sont de quatre types selon le coordinateur principal de la CDVR; il s’agit des atteintes à la vie (mort), des atteintes aux droits économiques (destruction de maisons, entreprises, expropriation, véhicules volés), d’atteinte à l’intégrité physique et morale (coups et blessures, viols, harcèlements), et des atteintes aux libertés individuelles et collectives (détention arbitraire, persécution, exil forcé, menaces). Tel a été le cas de cette pétitionnaire que nous avons rencontrée attendant son tour de passage. Dame Ouattara Salimata, vendeuse d’attièké avant la crise, survenait au besoin de sa famille, une famille composée de 11 membres dont 5 enfants et 4 protégés, et 2 demi-frères. Elle dit avoir investi dans l’achat d’un terrain et d’un taxi communal avec de l’argent emprunté avec une micro finance de l’époque. Avec la survaillance de la crise, elle a vu tous ses biens partir en fumée, car elle venait de s’unir à un policier qui a été assassiné par la suite le 29 septembre 2002 au lendemain de la rébellion. C’est pour cette situation vécue que Dame Ouattara S. avec un esprit de pardon est venue faire son témoignage. Elle le place au compte de la volonté du Tout Puissant. Assise à l’écart de tout regard dans les locaux de la commission sis au quartier N’Gattakro loin des 16 autres de victimes, elle attendait son tour. Mais voici le mode d’opération et de vie : « Les auditions sont strictement confidentielles. Les commissaires ont dix ans pour garder le secret des auditions. Le requérant qui arrive au bureau local après son accueil est orienté vers l’un des quatre enquêteurs en fonction du type de violation. Au niveau de chaque pool, l’on est tenu de remplir un formulaire se rapportant sur son identification, le lieu et moment de la commission de l’impair. Le formulaire une fois renseigné est signé par le pétitionnaire qui reçoit un récépissé. L’agent enquêteur selon le pétitionnaire va faire des observations afin d’indiquer s’il y a ou non des incohérences dans l’exposé reçu. La victime peut verser au dossier des témoignages ou des pièces de justification. Outre les victimes, des parents de victimes ou tout autre sachant et même des bourreaux peuvent apporter leur témoignage. Pour ne pas qu’il y ait des bousculades inutiles, nous enregistrons les pétitionnaires. Puis nous les appelons par vagues au téléphone pour les entendre», nous a fait savoir Doumbia Soumaila pour ce qui est du processus des auditions. A ce jour, 20 personnes déjà reçues ont évoqué les différents cas de violations arrêtées par le CDVR. Les victimes de Bouaké jusque là, demandaient toutes, des réparations matérielles mais aussi morales. Sauf Dame Ouattara Salimata qui ne s’est pas laissé abattre et qui a gardé espoir que les autres victimes finiront par comprendre et accepter ce qui leur est arrivé. Comme réparations morales, les victimes souhaitent une indemnisation et une réhabilitation matérielle ainsi qu’une restitution de leurs biens. Au plan moral, toutes les victimes veulent des excuses publiques et une réhabilitation de leurs habitations aussi se résument la plupart de leurs doléances à la CDVR. Il faut rappeler que les opérations d’écoute dans la région de Gbêkè sont supervisée par Mme Yao Pauline et présidée par Nanan Aka Brou 2. Assistée de 2 coordonnateurs, 4 commissaires et 4 agents enquêteurs toutes ces personnes gèrent au quotidien le bureau local. Tout a été mis en œuvre pour la prise en charge des pétitionnaires jusqu’au rafraîchissement qui leur est servi. La semaine prochaine, l’opération débutera simultanément dans les localités de Sakassou, Béoumi, Botro ainsi que les sous-préfectures qui y sont rattachées. Rappelons que la CDVR comme tout mécanisme de justice transitionnelle repose sur quatre piliers. Le droit à la vérité, le droit à la justice, le droit à la réparation et le droit aux garanties de non réparation. La justice doit être rendue avec équité.
Aboubacar Al Syddick à Bouaké
Aboubacar Al Syddick à Bouaké