La sérénité et la paix ne sont plus de mise depuis le mois d’octobre 2014 chez Suprême Food Service, un contractant auprès de l’Onuci chargé de lui livrer des vivres. Une crise qui s’est exacerbée à tel point que depuis le lundi 3 novembre dernier et ce jusqu’à la parution de cet article, environ 70 employés n’ont plus accès à leur lieu de travail. On parle aujourd’hui de leur remplacement par des travailleurs d’une de leur succursale du Mali. Enquête sur les raisons qui ont envenimé la situation.
Suprême Food Service est situé à Vridi canal en face de Sania anciennement Cosmivoire. Ce prestataire de service est contractant auprès de l’Onuci pour la livraison de vivres pour les soldats du maintien de la paix en Côte d’Ivoire.
Le licenciement de 5 employés, marque le début de la crise
C’est M. Clément Habib Gbélia, délégué du personnel dans cette structure, créée depuis 2004, qui a retracé le cheminement de la crise. Selon lui, tout a commencé en septembre 2014 lors du licenciement de cinq des leurs pour motifs économiques. Trouvant que leurs camarades avaient été renvoyés sans compensassions réelles et sans mesures d’accompagnement, le personnel dépose le 9 octobre 2014 auprès de la direction, un préavis de grève. Dès cet instant, la Direction du travail au sein de l’entreprise convoque les délégués du personnel, les membres de la Direction de l’entreprise pour des négociations afin de trouver un terrain d’entente. Lors de cette réunion, les points à l’ordre du jour étaient les mesures d’accompagnement en cas de licenciement. « Selon la Direction générale, c’est parce que les contingents ont été réduits que cette situation affectait les recettes de l’entreprise. Ainsi, il fallait s’attendre à d’autres licenciements. Et nous devions négocier pour mieux préparer cette possibilité si elle se produisait », explique M. Gbélia. N’ayant pas trouvé d’arguments pertinents à proposer aux travailleurs, M. Marc Windon, un Britannique DG de l’entreprise- qui était accompagné pour la circonstance de M. Ulrich Houphouët, chef du personnel- prend rendez-vous pour le lundi 3 novembre 2014 afin de faire de meilleures propositions après avoir pris attache avec la maison-mère à Dubaï. Il s’agissait surtout de donner des réponses par rapport aux revendications salariales, aux glissements catégoriels, aux primes de risques, à la situation des contractuels, etc. Ce jour, alors que le personnel s’attendait à recevoir des réponses adéquates, il se trouve face à un Marc Windon, devenu subitement intransigeant. « Celui-ci a refusé catégoriquement d’échanger avec les employés. D’ailleurs lorsque les délégués du personnel ont tenté une approche vers la direction générale, ils ont constaté la présence sur les lieux d’éléments de la gendarmerie du port. Eléments vêtus et équipés pour une intervention comme pour ramener l’ordre en cas de crise violente », révèle M. Gbélia. Séance tenante, les magasins ont été fermés et les employés chassés des locaux. « Nous sommes sortis des locaux sans opposer une quelconque résistance sous escorte des gendarmes. Depuis donc ce lundi 3 novembre 2014 jusqu’à ce jour, nous n’avons pas repris le travail », explique le porte-parole des travailleurs de la société.
Le remplacement des travailleurs est en cours
On aurait considéré cette situation comme transitoire, devant conduire à l’ouverture de vraies négociations si certains comportements de la direction générale de l’entreprise n’avaient pas jeté un froid sur la crise. Le mardi 4 novembre alors que les délégués avaient entrepris une médiation, quelle ne fut leur surprise de constater la présence d’agents de Prestimex, une structure de prestation de services, au sein de l’entreprise. Ceux-ci occupant les postes des travailleurs de Suprême Food Service en grève. « Ceci est un manquement flagrant au code du travail qui stipule en son article 11.4 qu’il est interdit à l’employeur de faire appel à des travailleurs occasionnels pour remplacer des travailleurs grévistes », argumente M. Gbélia. La direction leur enjoint donc de travailler avec ces nouveaux agents, oubliant du coup qu’elle avait auparavant limogé des agents pour motifs économiques. Une requête refusée par Gbélia et ses camarades. « Nous avons exigé le retrait des gens de Prestimex avant notre reprise. M. Windon a refusé et nous a dit qu’à partir de ce mardi, tous ceux qui ne reprendront pas le travail avant 17 h pourront se considérer comme renvoyés », explique-t-il. Depuis ce jour, toutes les tentatives de négociations ont échoué, car la direction de l’entreprise refuse de libérer les contractuels qui occupent les places des anciens employés. Ces derniers ont donc posé le problème à l’Inspection du Travail, à l’UGTCI (Union générale des travailleurs de Côte d’Ivoire) leur syndicat et à un huissier qui ont tous constaté les faits en question, à savoir que des personnes étrangères sont au sein de l’entreprise et que la gendarmerie garde les lieux. Un autre fait est venu les inquiéter un peu plus, c’est que des informations depuis le samedi 8 novembre 2014 indiquent qu’un contingent de travailleurs maliens en arrive pour remplacer définitivement les employés ivoiriens. Ces derniers vont prendre leur place dès ce lundi 10 novembre 2014. Ces maliens font partir des employés de la succursale de Suprême Food Service dans ce pays qui lui aussi connait une crise militaro-politique et qui a vu déployé sur son territoire des soldats d’une mission onusienne (Misma). « Nous ne pouvons pas comprendre que des personnes venues d’un autre pays occupent les postes de plusieurs nationaux. Ce serrait vraiment aberrant et nous ne sommes pas d’accord. Nous avons trop souffert, car n’oubliez pas que lorsque surviennent des crises, nous sommes aux premiers rangs. beaucoup d’entre nous ont été tabassés lors de la crise postélectorale car, il fallait continuer à nourrir les soldats onusiens. Nous sommes récompensés en monnaie de singe », s’indigne M. Gbélia. Afin de recueillir la version de la direction de l’entreprise, nous avons tenté de joindre M. Ulrich Houphouët, chef du personnel dans la structure. Malgré nos nombreux coups de fils et nos SMS, nous n’avons pu l’entendre alors que son portable était ouvert.
Olivier Guédé