Abidjan - La Côte d’Ivoire, à huit mois de la présidentielle, s’est lancée dans un ambitieux projet de Couverture médicale universelle (CMU), alors que les autorités sont critiquées pour leur répartition trop inégalitaire des fruits de la forte croissance économique.
"Moins de 5% de la population bénéficie de la protection sociale contre le risque maladie", déplorait en janvier le Premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan, alors que le coût prohibitif des soins constitue un réel
"obstacle" à "l’égal accès à la santé".
La mise en place d’une couverture sociale d’envergure, une première en Côte d’Ivoire, vise à combler ce manque.
La CMU, qui doit entrer en fonction en septembre, à un mois du scrutin, prendra en grande partie en charge les consultations médicales et les soins
infirmiers, ainsi que certains médicaments, examens et actes hospitaliers.
Des programmes équivalents ont été récemment instaurés au Mali et au Gabon, sans réussite faute de moyens, tandis qu’au Ghana 30 à 40% de la population
est couverte, d’après un expert.
L’assuré, dont la contribution exigée est de 1.000 francs CFA (1,50 euro) par mois - les parents devront payer cette somme pour tout enfant âgé de plus
de cinq ans -, ne s’acquittera que de 20 à 30% du coût des prestations.
"On ne veut pas aller vers le tout gratuit car on veut éduquer les populations", commente Karim Bamba, le patron de la Caisse nationale
d’assurance maladie (Cnam).
Le président Alassane Ouattara est devenu en décembre le premier souscripteur, un évènement fortement médiatisé. Quelque 1.500 Ivoiriens lui ont depuis emboîté le pas, observe M. Bamba, qui espère atteindre rapidement "quatre millions" de bénéficiaires, soit 17% de la population.
Les fonctionnaires, les travailleurs du privé et les retraités des deux secteurs sont les cibles désignées du système. L’Etat prendra de son côté "dès 2016" en charge "les populations vulnérables" ou "indigents", selon les textes régissant la CMU.
Généralement prompte à la critique, l’opposition est cette fois séduite par un "projet d’envergure" qui "devrait obtenir l’adhésion de tout le peuple",
explique Kouakou Kra, le secrétaire du Front populaire ivoirien (FPI,
opposition), chargé de la solidarité.
- ’Qui est indigent?’ -
"Salutaire", la mesure s’inscrit toutefois dans un contexte de "fracture sociale" et d’"absence de réconciliation" après les violences postélectorales
de 2010-2011, qui firent plus de 3.000 morts en cinq mois pour s’achever par la chute de l’ex-président Laurent Gbagbo, note-t-il.
En lançant son projet huit mois avant la présidentielle prévue en octobre, le gouvernement s’attaque ouvertement à la pauvreté, qui s’affiche comme une
tache noire sur les réussites économiques du régime - la Côte d’Ivoire a connu une croissance enviée d’environ 9% annuels en 2012, 2013 et 2014.
Malgré son "potentiel énorme", la Banque mondiale pointait en novembre les "taux de pauvreté inquiétants" (un Ivoirien sur deux) du pays, où l’espérance
de vie ne dépassait pas 56 ans en 2012.
Or le président Ouattara, candidat à sa propre succession, a fait d’une "émergence" économique et sociale d’ici 2020 son credo. Un tel niveau de développement ne pourra toutefois être atteint du fait de faiblesses médicales
et éducatives structurelles, selon plusieurs experts.
Pire, la CMU elle-même, qui suit "un calendrier électoraliste", court à l’"échec", pronostique Donatien Robé, auteur d’un ouvrage sur "Le financement
de la santé en Afrique".
Elle est non seulement "injuste", puisqu’"un salarié qui touche 1.000 euros cotise le même somme qu’un smicard (environ 80.000 FCFA soit 122 euros), qui payera aussi pour chacun de ses cinq enfants", mais le programme se heurte
surtout au caractère "informel de l’économie, qui occupe 80% de la population active", observe-t-il.
"Dans un tel contexte, comment savoir qui est indigent ou pas?", s’interroge-t-il. Cette question cruciale, qui permettrait de connaître le nombre réel de contributeurs et donc d’envisager le financement à terme du
système, reste sans réponse.
Le budget CMU pour 2015, estimé à 20,7 milliards de FCFA (environ 32 millions d’euros), sera "à l’équilibre", assure le directeur de la Cnam.
Plusieurs experts interrogés par l’AFP affichent des doutes pour la suite.
"Il faudra que le gouvernement mette la main à la poche", remarque l’un d’entre eux, sans quoi la CMU restera une "couverture élitiste" réservée aux personnes capables de payer.
ck-pid-jf/mba
"Moins de 5% de la population bénéficie de la protection sociale contre le risque maladie", déplorait en janvier le Premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan, alors que le coût prohibitif des soins constitue un réel
"obstacle" à "l’égal accès à la santé".
La mise en place d’une couverture sociale d’envergure, une première en Côte d’Ivoire, vise à combler ce manque.
La CMU, qui doit entrer en fonction en septembre, à un mois du scrutin, prendra en grande partie en charge les consultations médicales et les soins
infirmiers, ainsi que certains médicaments, examens et actes hospitaliers.
Des programmes équivalents ont été récemment instaurés au Mali et au Gabon, sans réussite faute de moyens, tandis qu’au Ghana 30 à 40% de la population
est couverte, d’après un expert.
L’assuré, dont la contribution exigée est de 1.000 francs CFA (1,50 euro) par mois - les parents devront payer cette somme pour tout enfant âgé de plus
de cinq ans -, ne s’acquittera que de 20 à 30% du coût des prestations.
"On ne veut pas aller vers le tout gratuit car on veut éduquer les populations", commente Karim Bamba, le patron de la Caisse nationale
d’assurance maladie (Cnam).
Le président Alassane Ouattara est devenu en décembre le premier souscripteur, un évènement fortement médiatisé. Quelque 1.500 Ivoiriens lui ont depuis emboîté le pas, observe M. Bamba, qui espère atteindre rapidement "quatre millions" de bénéficiaires, soit 17% de la population.
Les fonctionnaires, les travailleurs du privé et les retraités des deux secteurs sont les cibles désignées du système. L’Etat prendra de son côté "dès 2016" en charge "les populations vulnérables" ou "indigents", selon les textes régissant la CMU.
Généralement prompte à la critique, l’opposition est cette fois séduite par un "projet d’envergure" qui "devrait obtenir l’adhésion de tout le peuple",
explique Kouakou Kra, le secrétaire du Front populaire ivoirien (FPI,
opposition), chargé de la solidarité.
- ’Qui est indigent?’ -
"Salutaire", la mesure s’inscrit toutefois dans un contexte de "fracture sociale" et d’"absence de réconciliation" après les violences postélectorales
de 2010-2011, qui firent plus de 3.000 morts en cinq mois pour s’achever par la chute de l’ex-président Laurent Gbagbo, note-t-il.
En lançant son projet huit mois avant la présidentielle prévue en octobre, le gouvernement s’attaque ouvertement à la pauvreté, qui s’affiche comme une
tache noire sur les réussites économiques du régime - la Côte d’Ivoire a connu une croissance enviée d’environ 9% annuels en 2012, 2013 et 2014.
Malgré son "potentiel énorme", la Banque mondiale pointait en novembre les "taux de pauvreté inquiétants" (un Ivoirien sur deux) du pays, où l’espérance
de vie ne dépassait pas 56 ans en 2012.
Or le président Ouattara, candidat à sa propre succession, a fait d’une "émergence" économique et sociale d’ici 2020 son credo. Un tel niveau de développement ne pourra toutefois être atteint du fait de faiblesses médicales
et éducatives structurelles, selon plusieurs experts.
Pire, la CMU elle-même, qui suit "un calendrier électoraliste", court à l’"échec", pronostique Donatien Robé, auteur d’un ouvrage sur "Le financement
de la santé en Afrique".
Elle est non seulement "injuste", puisqu’"un salarié qui touche 1.000 euros cotise le même somme qu’un smicard (environ 80.000 FCFA soit 122 euros), qui payera aussi pour chacun de ses cinq enfants", mais le programme se heurte
surtout au caractère "informel de l’économie, qui occupe 80% de la population active", observe-t-il.
"Dans un tel contexte, comment savoir qui est indigent ou pas?", s’interroge-t-il. Cette question cruciale, qui permettrait de connaître le nombre réel de contributeurs et donc d’envisager le financement à terme du
système, reste sans réponse.
Le budget CMU pour 2015, estimé à 20,7 milliards de FCFA (environ 32 millions d’euros), sera "à l’équilibre", assure le directeur de la Cnam.
Plusieurs experts interrogés par l’AFP affichent des doutes pour la suite.
"Il faudra que le gouvernement mette la main à la poche", remarque l’un d’entre eux, sans quoi la CMU restera une "couverture élitiste" réservée aux personnes capables de payer.
ck-pid-jf/mba