Goodluck Jonathan nʼest plus le président de la République fédérale du Nigeria. Il a été battu dans les urnes par le candidat de la coalition de lʼopposition, le général Muhammadu Buhari. La Commission nationale électorale indépendante (Inec) a annoncé mardi dernier dans la soirée la victoire nette de Muhammadu Buhari. Lʼancien chef de la junte militaire au pouvoir de 1983 à 1985 remporte 21 Etats des 36 que compte la fédération nigériane. L'Inec a précisé hier matin que M. Buhari, 72 ans, du Congrès progressiste (APC), a remporté l'élection avec 2,57 millions de voix d'avance sur son rival.Ilarecueilli53,95% des suffrages exprimés. Goodluck Jonathan, 57 ans, du Parti démocratique populaire (PDP), a obtenu 44,96% des voix à l'élection qui s'est déroulée samedi et dimanche. Goodluck Jonathan a téléphoné à Muhammadu Buhari pour le féliciter et reconnaître sa défaite. « Je remercie tous les Nigérians, une fois de plus, pour l'immense opportunité qui m'a été donnée de diriger ce pays (...) J'ai transmis mes vœux personnels au général Muhammadu Buhari », a-t-il déclaré dans un communiqué. Cette attitude a été saluée par toute la classe politique et dans le monde entier. Le président des Etats-Unis dʼAmérique, Barack Obama, a félicité le président sortant pour son geste. Quand François Hollande vante le sens de la responsabilité du leader du Parti démocratique populaire (PDP). Mais dans le camp des proGbagbo, on se gargarise de cette défaite. « Et Dieu frappa Goodluck Jonathan ! », barrait hier le journal « Le Temps » à sa manchette.«Un autre ennemi de Gbagbo est tombé », titrait à sa Une le quotidien « Notre Voie ». Contrairement à ce que lʼon a pu lire sur les journaux bleus hier ,le comportement de Goodluck Jonathan est un véritable camouflet pour Laurent Gbagbo. Goodluck Jonathan vient de donner une vraie leçon de démocratie à celui qui sʼest toujours targué dʼêtre « le démocrate né », le « fils des élections » ou encore « le père de la démocratie en Côte dʼIvoire ». Le chef de lʼEtat nigérian sortant achève de convaincre tous ceux qui en doutaient que sa position dans la crise postélectorale nʼavait rien de personnel. Mais était mue par les principes démocratiques. Goodluck Ebele Jonathan enseigne à Laurent Gbagbo que lorsque le peuple a parlé, il faut respecter sa volonté. Ce ne sont pas les occasions de contestations qui ont manqué au cours de ce scrutin. Dès lʼannonce des premiers résultats qui nʼétaient pas favorables à leur champion, certains partisans du président Goodluck Jonathan ont tenté, comme ce fut le cas ici en Côte dʼIvoire, dʼarrêter la proclamation des résultats. « Aucune ambition personnelle ne vaut le sang d’ un Nigérian » Mais ils nʼont pas été suivis par leur leader. « Aucune ambition personnelle ne vaut le sang d'un Nigérian », a rétorqué Goodluck Jonathan à tous ceux qui dans son camp le poussait à la confrontation inutile au motif quʼil y aurait eu des fraudes massives au Nord, fief de Muhammadu Buhari. Laurent Gbagbo, lui, est tombé le piège de la contestation tribale. Mais Goodluck Jonathan non ! Muhammudu Buhari, le musulman, a fait ses meilleurs scores dans les Etats du Nord, notamment à Kano et à Kaduna, les grandes villes Haussa, ethnie du leader de lʼAPC. Goodluck Jonathan,le chrétien, quant à lui, a eu des scores soviétiques dans le Sud et le Centre du Nigeria, notamment dans les Etats du Deltaet du River. Ce qui était dʼailleurs pré- visible compte tenu de la carte démographique et culturelle de ce grand pays dʼAfrique. Le vote en Afrique, comme on le sait, est dʼabord guidé par les réflexes tribaux et autres considérations religieuses. Mais les résultats des deux capitales ont fait la différence .A Abuja comme à Lagos, Muhammudu Buhari a remporté le scrutin. Goodluck Jonathan avait la possibilité comme Laurent Gbagbo de se réfugier dans le repli identitaire et tribal. Mais il ne lʼa pas fait, conscient que le Nigeria est audessus de tout. Cʼest en cela que lʼon voit un grand homme dʼEtat et un démocrate. Goodluck Jonathan est certes tombé dans les urnes. Mais il est rentré dans lʼHistoire comme le président de la République qui a permis au Nigeria de vivre sa première alternance démocratique dans la paix. Laurent Gbagbo avait cette occasion .Ilnʼa pas su la saisir. Il a préféré entrer à reculons dans lʼHistoire. Cʼest donc lui, Laurent Gbagbo, qui nʼa pas encore fini de solder ses comptes avec lʼHistoire, qui est à plaindre. Et non le président Goodluck Jonathan qui recommence une nouvelle vie.
JEAN-CLAUDE COULIBALY
JEAN-CLAUDE COULIBALY