Cela fait deux ans qu’il ne s’est pas prononcé sur l’actualité sociopolitique du pays. Aujourd’hui, il a décidé de rompre le silence. Sidiki Konaté, actuel député de Man, secrétaire général adjoint du RDR chargé des ONG, du monde associatif et des syndicats et antérieurement porte-parole des Forces Nouvelles, s’est confié au Patriote. A bâtons rompus, il s’exprime sur les rapports entre les cadres du RDR et la base, la crise au FPI, l’Affaire Anaky, la FESCI, l’alternance en 2020 et parle de ses liens avec les cadres des ex-Forces nouvelles.
Le Patriote : Vous avez pris une part active au dernier congrès extraordinaire du RDR, qui a vu la désignation d’Alassane Ouattara comme candidat de votre parti à la présidentielle de 2015. Quelles leçons tirez-vous de ce rassemblement des Républicains de Côte d’Ivoire ?
Sidiki Konaté : Le 3ème congrès extraordinaire du RDR a été une réussite du point de vue de nos attentes. Nous nous étions fixés deux objectifs majeurs. Le premier, c’était de jauger notre capacité à nous mobiliser autour d’un événement du parti. Le deuxième était de faire de ce cap de mobilisation, le fer de lance de la campagne électorale pour la réélection du candidat Alassane Ouattara. Quand nous constatons la grande mobilisation des structures, des militants, des sympathisants et mêmes d’alliés autour de ce congrès, nous pouvons dire que nous avons réussi notre mission. Et vu les échos de l’après congrès qui a suscité une mobilisation nationale, le RDR continue d’être une force qui bouge, une force qui mobilise, une grande puissance de mobilisation. Je pense qu’à sept mois de la présidentielle, il est bon que nous ayons des signaux de cette nature. Nous sommes contents de cette mobilisation et nous remercions Dieu et l’ensemble des militants qui nous ont permis d’atteindre cet objectif.
LP : Contrairement au 3ème congrès, le 20ème anniversaire de votre parti n’a pas connu une forte mobilisation. Comment expliquer cette grande différence en l’espace de 3 mois?
S.K : La rencontre de Bouaké, loin d’être pour nous négative, nous a permis de tester notre capacité de mobilisation. Souvenez-vous que depuis l’élection du président de la République, nous n’avions pas eu à organiser une manifestation d’une telle ampleur, qui mobilise l’ensemble du RDR sur un site donné. Je pense que la très faible mobilisation ou le très peu d’intérêt que les militants ont accordé à cette fête nous a permis de comprendre qu’il y avait un problème. Il fallait sortir d’un certain optimisme béat pour faire une Plutôt saine de la réalité, chercher à comprendre les motivations, les problèmes liés à cet échec et travailler à y donner réponse. C’est le principe du travail qui est important. Comme nous n’étions pas en face d’une échéance importante (nous étions à un an de la présidentielle), ce fut une belle leçon. Pour preuve, en réunion du secrétariat général, le parti a admis que c’était un échec. A partir de ce moment, il s’est donné les moyens de travailler sur cet échec afin de faire en sorte que la prochaine grande manifestation soit un succès. De Bouaké au congrès de Treichville, du temps est passé. Nous avons mis ce temps à profit pour travailler. Notre rôle n’est pas d’avoir des états d’âme mais de faire une lecture saine de la réalité et travailler pour trouver une solution. Oui, il y a eu échec à Bouaké. Ayant pris conscience de cet échec, un travail intense autour de cet échec a été effectué par la direction du parti. Les résultats se font sentir aujourd’hui par la forte mobilisation qu’il y a eue au dernier congrès.
LP : Avez-vous analysé les raisons de l’échec de Bouaké ?
SK : Il ne faut pas avoir la langue de bois. L’une des premières analyses est que les militants ne sont pas contents. Ce mécontentement a des raisons objectives, que nous avons pris le temps de comprendre et qui sont de plusieurs ordres. Premièrement, depuis l’élection du président de la République, le RDR n’est plus allé vers ses militants. Il s’est replié sur lui-même à la rue Lepic et a laissé ces derniers livrés à eux-mêmes. Pourtant, depuis le début du long combat qu’ils sont mené, les militants étaient encadrés, plus ou moins entretenus. Ils n’ont donc pas apprécié cette rupture de la direction avec la base dès lors que ce combat est arrivé à son terme.
Deuxièmement, cette même rupture a été déplorée par ces repères dans le cadre du travail que le parti a réalisé depuis plusieurs années, que sont les secrétaires départementaux, les commissaires politiques, les secrétaires de section, les responsables de structures spécialisées. Ceux-ci se plaignent de n’avoir pas eu un retour, en termes de promotion. Ils s’offusquent de ne même pas avoir été remerciés.
Troisièmement : certains militants n’ayant rien vu venir après l’accession au pouvoir de leur parti, ont tout simplement conclu que la lutte étant terminée, il fallait bien qu’ils scrutent d’autres perspectives. Ils ont donc tourné le dos au parti. Ces raisons pour nous sont objectives. Nous les avons endossées. Nous avons donc décidé de travailler sur ces questions.
LP : Quelle réponses avez-vous trouvé à ces épineuses questions?
SK : La première réponse était d’abord la mise en place d’une nouvelle direction. Il y a quelque huit mois en arrière, le secrétariat général a connu une restructuration. De nouvelles nominations (dont la mienne) ont été faites et une équipe de 11 membres a été installée, avec une feuille de route très claire. A cette équipe a été adjointe une centaine de secrétaires nationaux. Je peux dire que depuis que cette restructuration s’est faite, les choses ont sensiblement bougé, avec notamment le renouvellement, via des congrès, de toutes les structures spécialisées, qui ont élu de nouveaux dirigeants à leurs têtes.
Deuxièmement, après la restructuration, il fallait bien évidemment donner un contenu aux réformes, par la reprise effective des activités du parti. Du sommet à la base, il fallait donner un sens au rôle d’un parti politique qui est l’animation de la vie politique et sociale du pays. Il fallait que les secrétaires départementaux, les commissaires politiques, les présidents de comité de base, les secrétaires de section ainsi que le secrétariat général lui-même, reprennent le travail et jouent leur rôle. Il fallait évidemment que les réunions du Bureau politique se tiennent régulièrement. Aujourd’hui, vous voyez bien que c’est l’effervescence au niveau du parti, de ses structures, de ses militants. L’objectif premier, c’était de rapprocher la direction de la base. Cela avec de nouveaux visages, de nouvelles personnalités à même de dire humblement aux uns et aux autres que les leçons avaient été tirées. Et que nous reconnaissions n’avoir pas bien géré nos rapports avec eux, ne les avoir pas bien écoutés et présenter nos excuses en promettant d’aller sur de nouvelles bases.
Lp : Pour vous donc, la restructuration amorcée par le Bureau politique de mai 2014 a réellement porté ses fruits ?
SK : Je peux dire, grâce à Dieu, que nous avons atteint nos objectifs. Quels étaient ces objectifs ? Après notre nomination, nous avons reçu une feuille de route au cours d’un séminaire qui a dégagé notre mission en deux axes. L’axe 1, c’était de faire à termes toutes les élections, de faire le congrès, mettre toutes les structures au travail et de renouveler les instances. C’est ainsi que vous avez pu voir les élections au niveau des départementaux, qui a mobilisé plus de 4000 électeurs. Vous avez pu voir le congrès des enseignants républicains, qui passe d’une structure informelle à une structure formelle, le congrès des femmes républicaines et enfin le congrès des jeunes républicains. Deuxièmement, il s’agissait de réveiller les militants pour que la conscience électorale s’installe progressivement. Et je pense que nous sommes dans cette phase. Depuis quelques semaines, vous avez constaté que nous attaquons le terrain. D’abord la direction qui a conduit plusieurs missions à l’intérieur du pays. Nous-mêmes avons été à l’ouest et nous exécuterons l’autre partie de notre mission dans ce mois d’avril. Ensuite, d’autres responsables du parti sillonnent d’autres districts de la Côte d’Ivoire. Le premier mouvement, qui est d’aller vers les militants, se fait. Par ailleurs, les meetings ont commencé et les questions fondamentales soulevées par les militants sont en train d’être abordées par les secrétariats nationaux spécifiques. L’impulsion nécessaire pour réveiller les militants a été donnée. Nous avons donc à travailler rigoureusement et sérieusement, car seul le travail paie. Il faut travailler constamment jusqu’aux élections pour entretenir nos militants. Il faut augmenter le taux de nos militants traditionnels afin de montrer que le RDR peut aller seul apporter le maximum de voix au président Alassane Ouattara.
Lp : Peut-on dire aujourd’hui qu’il n’y a plus de rupture entre la base et la direction ?
SK : Il y a une impulsion. Nous sommes dans des débats francs avec la base. Avant le congrès, nous avions élaboré un schéma de mobilisation pour un travail intense dans le district d’Abidjan, mais qui se reposait sur la vérité. Il ne s’agissait pas seulement de dire aux militants de venir au congrès pour voter le président, mais pour ouvrir le premier véritable dialogue avec eux. C’est cette approche qui nous a permis de couvrir, pendant une semaine, tout le district d’Abidjan. Nous avons rencontré toutes les structures du parti, les associations, les syndicats, les ‘’grins’’, etc. Et je peux vous assurer que c’étaient des rencontres de proximité et de vérité. Ceci était extrêmement important et nous a permis de tirer beaucoup de leçons.
Lp : Monsieur le ministre, vous avez parlé de mobilisation. Comment le RDR compte relever ce défi et augmenter le taux de participation à la présidentielle prochaine ?
SK : Il faut travailler. Chacun doit comprendre aujourd’hui que le pouvoir ne se donne pas, il se conquiert. Et cette conquête se fait avec des militants. Si nous avons constaté une rupture entre le parti et les militants, que nous avons écoutés ces derniers pour tenir compte de la nature de leurs aspirations, nous devons en tant que parti apporter une solution. Le RDR en tant que parti politique au pouvoir, doit apporter une réponse à la gestion de ses militants. Je pense que les six mois qui nous séparent des élections doivent nous permettre d’entretenir notre parti, de quitter la rue Lepic pour aller de plus en plus à l’intérieur du pays, dans les villages, les quartiers, les campements. Il est impérieux d’aller à la rencontre des populations, des associations, des syndicats pour discuter toujours avec eux, et si possible apporter des solutions à certaines préoccupations posées par les militants. Si on estime, par exemple, qu’il y a des militants qui ont tout donné au parti, ont combattu durant des années et ont été oubliés sur la route du pouvoir, nous ne devons pas avoir d’état d’âme. Il nous appartient de trouver les mécanismes possibles pour donner satisfaction à la vie de ces symboles. Vous savez, ce qui a été frappant lors de nos visites, c’est que ce sont des symboles et des leaders qui ont été touchés. Et quand c’est le cas dans un quartier, qui est témoin des sacrifices et du combat de ces leaders, et que ceux-ci se retrouvent sans activité, sans être réinsérés, sans même être remerciés ou décorés, vous êtes d’accord avec moi que cette personne à elle seule peut en démotiver plus d’une. Parce que les gens diront simplement : « mais notre devancier s’est battu pour rien, pourquoi devrions-nous nous engager à notre tour si c’est pour ne rien obtenir dans l’affaire ? » Ces choses-là, il faut en parler sans état d’âme, parce que, contrairement à ce que pensent certains, ce n’est pas en parler qui gênerait le pouvoir ou le président Alassane Ouattara. C’est archi-faux de le penser, car le Président fait son travail. Il est le Président de la République et toute la Côte d’Ivoire le voit au travail. Le président fait son travail d’arrache-pied, que le parti fasse le sien. Le rôle du parti, c’est d’animer la vie politique, d’entretenir ses militants, d’aller vers eux en écoutant leurs préoccupations et de chercher à y apporter des solutions. Que le militant sente qu’on l’a écouté, qu’on s’est approché de lui, que son dossier a été pris, qu’on se bat pour lui trouver soit un stage, soit un emploi, soit une micro finance, et qu’on l’a recommandé à des amis ou frères qui ont des entreprises privées, etc. Bref, qu’il sente que quelque chose est fait pour lui.
LP : M. le ministre, ce discours fort en faveur des militants, certains d’entre eux pourraient le percevoir comme une réponse électoraliste à leurs préoccupations. A quelques mois des élections, n’êtes-vous pas à la pêche aux voix pour votre candidat ?
SK : Vous savez, ce n’est pas aussi simple que ça. J’ai toujours dit que la nature du combat du RDR n’est en rien comparable aux autres. Le RDR n’est pas un parti politique qui cherchait juste le pouvoir pour le pouvoir. L’histoire de ce parti est difficile, douloureuse, jonchée de sacrifices. Elle est faite d’humiliation, de sang, de morts, etc. C’était un combat à la fois de tout un peuple et d’un groupe issu de ce peuple. Il ne faut jamais perdre cela de vue. Nous ne sommes pas un parti normal, qui est arrivé au pouvoir par le simple jeu électoral. C’est un parti dont le combat était d’abord pour le rétablissement de la justice, de l’équité, de l’égalité entre les fils et filles d’une même nation. C’était un combat pour la dignité, qui a malheureusement laissé beaucoup de personnes sur la route. Nous n’avons donc pas le droit de réduire cette souffrance à une question de voix électorale. C’est pour cela que j’en appelle à chaque cadre pour qu’il appréhende cette dimension de la lutte. Si je suis un Pca, un Dg ou un ministre, que je me dise, c’est certes en ma qualité intrinsèque, mais c’est un environnement sociopolitique qui m’a permis d’être là. Si j’ai 1000 francs, je dois pouvoir donner 200f, et comprendre que cela n’est pas un gaspillage. En ouvrant sa porte à un militant, ce n’est pas un gaspillage, en allant vers les militants, ce n’est pas une perte de temps. Car, c’est la source et le sens réel de l’histoire. Toute autre attitude est aux antipodes du combat. Et c’est ce que nous sommes en train de promouvoir. Certes, nous sommes sous la pression en tant que cadre pour des obligations de résultats, mais n’oublions pas que nous venons de quelque part. Si je viens d’un ‘’grin’’ et que mes occupations ne me permettent pas d’y aller tous les jours, il faut que par moments je puisse payer des sachets de thé, sacrifier un dimanche pour aller passer une heure avec les amis avec lesquels nous avons mené le combat pendant 20 ans. C’est réconfortant pour eux et c’est de ce dont ils ont besoin. Et c’est ce que le parti doit promouvoir. Voici notre raison d’être et le bon combat à faire. Lorsque nous allons marcher dans ce schéma, redonner confiance à nos militants et leur permettre d’avoir de nouvelles aspirations, nous allons les avoir de la maison, au bureau de vote. Tant que le militant n’a pas voté, toutes nos aspirations seront rangées dans les tiroirs.
Lp : Comment se porte la Case verte à Man, votre région ?
SK : Nous avons le même problème au plan national. Dieu merci, les différentes élections départementales que nous avons eues ont permis d’installer de nouveaux départementaux. Presque toutes les villes ont vu la confrontation entre les différents cadres du même parti. Ceci a laissé les séquelles de division que chacun de nous s’attèle à cicatriser pour éviter que le parti soit en danger. Il y a donc un sursaut que chacun de nous fait à son niveau en parlant avec celui qui a été son opposant hier, mais qui est de la maison. Il faut permettre aux gens de s’exprimer. Avec l’aide de certains comités de médiation, nous avons vu comment rapprocher les militants qui, à un moment donné, ont dû s’affronter au sein de la maison. C’est normal, nous sommes en politique et cela existe partout. Mais notre capacité à regarder et à traiter froidement la question, soit par nous-mêmes, soit en nous faisant accompagnés par les comités de médiation, nous permet de rapprocher les positions pour aller en rangs serrés aux élections. A Man, nous avons un RDR qui commence à se recoller, à panser ses plaies pour affronter sereinement les batailles à venir. Le dernier congrès a été l’occasion pour le RDR de Man de faire sa mue. Tout le monde est venu ensemble, tout le monde est resté ensemble et tout le monde est reparti ensemble. C’est un bon signe.
LP : Monsieur le ministre, l’un de vos alliés du RHDP, en l’occurrence Anaky Kobena, estime qu’il n’a pas eu sa part de gâteau depuis l’accession au pouvoir de l’alliance houphouétiste. Comprenez-vous sa posture ?
SK : Anaky est quelqu’un que je respecte beaucoup. Je ne l’ai pas encore écouté, donc je ne peux pas porter de jugement sur ses réserves. Des choses sont évoquées, telles que son absence du gouvernement et dans certaines structures. Je pense que les responsables du RHDP sont mieux informés que moi. Ce que je veux souhaiter, c’est qu’Anaky puisse nous accompagner pour une question de symbole. Qu’on se donne les moyens d’aller vers lui et de parler avec lui. Bien entendu, à l’impossible nul n’est tenu. Mais tout est histoire et moi, je n’aime pas l’oubli de l’histoire. Nous sommes ensemble pour quelque chose depuis des années et on doit pouvoir se donner des moyens de régler nos divergences, quelles qu’elles soient. Il ne faut pas avoir peur d’affronter les problèmes. Si Anaky a un problème, qu’on ait une autre approche et qu’on lui donne la chance de venir s’expliquer. Le RHDP a un cadre, une structuration et qu’on pose les problèmes au niveau de nos responsables. Le faire n’est pas mauvais.
LP : La question de la candidature unique n’est pas encore totalement réglée au RHDP. Des sons discordants se font entendre, notamment au sein du PDCI, où des cadres veulent faire acte de candidature. Qu’en pensez-vous ?
SK : Nous sommes en politique. Il faut admettre que dans un parti politique tout le monde ne peut pas être d’accord. La politique a ses règles. Au niveau du PDCI, nous constatons que certaines personnalités ne sont pas d’accord avec la candidature unique. Nous, en tant que parti politique, nous prenons acte et nous structurons l’accord avec la partie qui est d’accord avec cette idée. Nous nous concentrons ensemble pour nous donner plus de chance pour gagner cette élection. La vie est un choix. Certains ont choisi de ne pas nous suivre. Nous sommes en démocratie, il faut respecter le point de vue des uns et des autres. L’essentiel pour nous, c’est de nous donner les moyens de gagner.
LP : En même temps, pour le PDCI, le RDR esquive quelque peu la question de l’alternance en 2020 ?
SK : Nous n’avons pas encore eu de note de la part du secrétariat du PDCI. C’est dans la presse que nous lisons ces choses. Je suis un responsable politique. Je respecte la presse, mais je parle d’actes. Si nous sommes dans une alliance et que j’estime, de la part de mon allié, qu’il y a des choses qui ne sont pas claires, il y a d’autres procédures plus établies pour en parler. Moi, je n’ai pas encore vu mon frère et ami Guikahué venir dire à Amadou Soumahoro : « Nous avons des réserves ». Je n’ai pas entendu le président Bédié dire à son frère Alassane Ouattara qu’il a des réserves. Je pense que c’est généralement dans la presse que nous lisons ces choses. Je retiens une seule chose. Quand le président Bédié a fait son appel, le RDR a conduit une grande délégation à Daoukro. Nous l’avons soutenu et lui avons promis d’organiser une tournée au plan national pour expliquer le sens de cet appel. Ce que nous avons fait. Le PDCI en fait de même et est allé en congrès extraordinaire pour réviser une disposition de son 12ème congrès. Le RDR a organisé un congrès au cours duquel, le secrétaire exécutif, M. Guikahué a fait une allocution pour nous soutenir. Moi, je m’en tiens à cela.
LP : Le RDR est-il prêt à céder le pouvoir en 2020 ?
SK : Je souhaite d’abord que Dieu nous donne longue vie pour que nous vivons jusqu’en 2020. Deuxièmement, que quelque chose d’assez grave ne se passe pas dans ce pays pour que l’élan de la démocratie continue. Au niveau du RDR, les choses sont claires. Il faut aller à la convention et après aller à l’élection présidentielle. Le président de la République a bien dit qu’après l’élection présidentielle, ceux qui ont décidé de se donner ensemble un président vont se retrouver pour réfléchir cette fois-ci sur la mise en place d’un parti unifié. Il faut travailler les schémas. C’est bon de faire de grandes affirmations, mais c’est aussi bon de regarder les schémas. Le schéma qui se passe actuellement est celui qui nous mène au parti unifié. C’est cela notre position. C’est le parti unifié qui va préparer l’alternance en 2020.
LP : Le RDR se prépare-t-il à arriver à ce parti unifié ?
SK : Suivez mon raisonnement. Nous allons bientôt en convention. Après cela, nous mettons en place une direction de campagne mixte. Les personnalités de tous ces partis politiques vont s’y retrouver pour travailler politiquement en structurant cet effort collectif en termes de parti unifié. C’est au sein de ce parti unifié que se feront tous les débats. Pour le moment, allons aux élections. Le parti unifié est la synthèse de tous nos partis politiques. Dans ce parti unifié, des questions nouvelles, des réflexions profondes vont se poser. Tenons-nous à cela.
LP : Après les congrès, le RHDP prépare la convention d’investiture de son candidat. Comment votre parti prépare-t-il cette étape ?
SK : C’est un problème technique. Des conventions ont déjà été organisées dans ce pays par les mêmes forces. C’est une question d’organisation qui sera pilotée par un comité au niveau élargi. Il s’agira d’aller investir le candidat de chaque parti. Et le candidat de chaque parti s’appelle le Dr Alassane Ouattara. Ensemble, nous allons signifier et lui donner nos réponses respectives issues de nos différents partis.
LP : Y aura-t-il un défi en termes de mobilisation à relever à cette occasion ?
SK : Moi, je vois l’investiture comme une fête, juste pour prendre date avec l’histoire. Nous allons nous retrouver eu un même lieu pour choisir notre candidat. Cela peut se faire dans une salle, dans un hôtel, dans un stade, sur une place publique. Ça sera pour nous la date de départ véritable pour la candidature unique. A partir de cette déclaration solennelle, tout un travail va se faire pour structurer les équipes de campagne qui seront des équipes mixtes pour partager le travail au niveau national et surtout pour aller sur le terrain. Les six mois qui nous séparent de la présidentielle, doivent être des mois de terrain avant le lancement de la campagne officielle qui est pour moi, la période de la fête. ADO 2015, c’est maintenant.
LP : Le débat de l’éligibilité du président Ouattara a refait surface dans certaines officines. Quelle est votre position sur la question ?
SK : Je ne suis pas juriste. Politiquement, le RDR a choisi son candidat qui s’appelle Alassane Ouattara. Quand la CEI ouvrira la période des candidatures, nous irons déposer celle de notre candidat. J’attends que la CEI dise que notre candidat n’est pas éligible. Je ne fais pas les débats en dehors. Souvent en Côte d’Ivoire, on s’éparpille beaucoup. Nous, nous avons la responsabilité d’être sereins et de suivre la logique. Donc, bientôt l’investiture du Dr Alassane Ouattara par le RHDP, ensuite le dépôt de la candidature puis s’ouvre la période de validation des candidatures. Pourquoi doit-on faire le travail à la place de ceux qui doivent le faire ? Je m’en tiens à cela. Ne nous dispersons pas. Rencontrons les populations qui sont fâchées, allons vers celles qui sont heureuses pour qu’elles soient plus heureuses. Faisons quelque chose pour que celles qui sont fâchées soient elles aussi heureuses, agrandissons notre cercle électoral pour nous assurer d’une victoire dès le premier tour, si Dieu le veut. C’est cela notre travail. Pour le reste, laissons les structures de l’Etat faire leur travail.
LP : Au FPI, il y a une crise qui secoue le parti. En tant qu’homme politique, quel avenir entrevoyez-vous pour ce parti ?
SK : Chaque parti connait des convulsions. Il appartient aux acteurs qui les animent de savoir où ils vont. Le problème de fond au FPI est un problème d’orientation. Où va le FPI après tout ce qu’il a eu à faire dans la gestion de la Côte d’Ivoire et comment compte-t-il faire sa mutation ? Comment compte-t-il se donner un nouveau regard lui-même, sur la Côte d’Ivoire et comment veut-il aussi être vu par les Ivoiriens ? C’est ce débat qui a lieu actuellement au FPI. C’est le FPI qui s’interroge mais qui n’a pas encore de réponses. Il serait bien que le FPI en tant que parti politique, qui a sa place dans la constitution, parce que n’ayant pas été dissout, quoiqu’il porte le passif de la crise postélectoral, occupe sa place.
LP : Plusieurs cadres de ce parti ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement par la Cour d’assises. Un commentaire ?
SK : Je ne commente pas les décisions de justice. Je fais confiance à la justice de Côte d’Ivoire. Je pense que cette justice a existé sous tous les régimes. Elle a eu ses moments de faiblesses. Mais elle aussi de grandes valeurs. Je fais confiance à ses analyses du dossier et au verdict. Le procès est juridique.
LP : Pourtant, au FPI on parle de procès politique…
SK : Dire les choses ainsi n’est pas vrai. Sur la scène, on avait comme force en présence, les Forces nouvelles, arbitres du processus, les partis politiques du RHDP, LMP, la CEI et la Communauté internationale que nous avons invitée ici. Il y a eu une élection qui s’est très bien passée. Il y a eu un engouement formidable. Nous avons fait le premier tour tranquillement où Laurent Gbagbo a été déclaré premier. Nous sommes allés au second tour où le candidat du RHDP a gagné. C’est là qu’il y a eu problème dans l’acceptation des résultats. Qui a refusé le résultat ? Quand on refuse un résultat, on se donne les moyens de refuser ce résultat. Nous avons vu tous les discours qui dénonçaient ce résultat et en appelaient à une mobilisation contre ce résultat, par tous les moyens appropriés. C’est là l’origine de la crise. Je ne peux pas comprendre qu’on puisse venir diluer tout cela en disant que le procès est politique. Il y a des faits. Il faut cesser de se braquer contre l’histoire de ce pays. Ça ne coûte rien à certains de nos frères du FPI de dire qu’ils sont allés trop loin. Moi, ma maison a été brûlée. Ma famille a eu la vie sauve grâce à un ami qui m’a alerté. Ma maison était à Bonoumin. Ils ont tout pillé avant d’y mettre le feu. Peut-on oublier cela ? Peut-on nier tous ces gens qui ont été tués dans les quartiers ? Il faut que les gens apprennent à dire : « par notre action, on a souvent fait mal, nous demandons pardon ».
LP : Vous êtes une ancienne figure de proue des Forces nouvelles. Quelles sont vos rapports avec vos amis de ce mouvement ?
SK : Les Forces nouvelles ont existé. Nous avons mené un combat qui était une partie du combat que d’autres Ivoiriens menaient avec d’autres méthodes pour la même cause. Ça, je le dis toujours. J’ai dit à Yamoussoukro que les Forces nouvelles et le RDR avaient les mêmes objectifs, qui étaient la nouvelle Côte d’Ivoire. Nous avons utilisé des méthodes, le RDR a utilisé sa méthode. Aujourd’hui, nous sommes dans une Côte d’Ivoire où la question de l’identité est devenue une question purement administrative. Nous n’avons plus les escadrons de la mort. Nous n’avons plus ces descentes musclées de l’armée dans la vie privée des citoyens. On ne dort plus avec la peur. On ne circule plus avec la peur. On a une sérénité et une tranquillité qui couvrent le pays. On sent qu’un Etat de droit est en train de se mettre en place. On sent plus de responsabilité dans la gestion de la vie des Ivoiriens. Tout n’est pas parfait. Mais, c’est cette volonté qui est importante. Cette volonté de faire qu’il n’y ait plus d’escadrons de la mort, de jeunes miliciens, mercenaires, une télévision où on passe le temps à insulter les Ivoiriens. La vie s’est calmée, s’est tranquillisée. C’est le prélude au développement. Quel temps peut-on avoir pour parler de développement dans une société agitée ? Nous avons fini ce combat. Chacun de nous a décidé de poursuivre une carrière telle qu’il l’entendait. Certains sont allés dans l’administration. Par les accords que nous avons signés, beaucoup de cadres sont allés dans l’administration publique, d’autres dans la privée. D’autres encore ont décidé de faire de la politique. La branche militaire, conformément aux accords de Ouaga, a intégré l’armée, comme le prévoyait les accords de Ouaga, où il était question que les Forces nouvelles reversent une partie de leur effectif dans l’armée nationale. Nous les politiques – nous sommes quelques uns – avons choisi d’être députés, du RDR notamment. Les autres sont allés sous l’étiquette d’indépendants. Certains ont gagné, d’autres échoué. Nous avons choisi le RDR. Je suis député de Man, mon ami Guillaume Soro est député de Ferké, le grand frère Dacoury est député de Gagnoa. Nous sommes un bon nombre de députés, qui militons ouvertement au RDR.
LP : Vous avez dit : « mon ami Guillaume Soro». Il se raconte pourtant que vous ne seriez plus en bon termes depuis un bon moment. Qu’en est-il exactement?
SK : Je suis tranquille dans la vie. Je n’aime pas les palabres. J’ai des amis que vous connaissez et des amis que vous ne connaissez pas. Au niveau politique, Guillaume Soro, Hamed Bakayoko, Amadou Soumahoro et bien d’autres sont mes amis. D’abord Hamed Bakayoko et moi, nous sommes de Séguéla. Quand il était au MEECI à l’université nous étions à la FESCI. C’est donc une connaissance de très longue date. Guillaume Soro et moi avons fait l’université. Il était de la FESCI comme moi. Après, nous nous sommes retrouvés dans le combat. Le combat est fini. Nous sommes dans une nouvelle configuration où chacun fait son travail. Moi, je suis secrétaire général adjoint du parti et député. Lui, il est le président de l’Assemblée nationale. Chacun fait son travail mais dans la même famille. Ce n’est plus comme à Bouaké où j’étais son porte-parole. Chaque jour, on nous voyait ensemble. Pour les Ivoiriens, comme on ne nous voit plus chaque jour, nous sommes en guerre. Rien ne saurait expliquer cette guerre. Non, rassurez-vous, nous sommes de la même famille politique. Il a une responsabilité. Nous nous retrouvons à des réunions régulièrement dans le cadre du parti, mais également à d’autres occasions que je ne vous direz pas ici. Nous nous voyons aussi en dehors des appareils photos, dans la vie courante, comme je vois beaucoup d’autres cadres. Maintenant, il est clair que si les gens décident qu’il y a conflit entre X et Y, moi je n’y peux rien. Je n’ai pas de conflit avec quelqu’un.
LP : Justement à propos de la FESCI, votre parti vient de demander sa dissolution. Un commentaire sur cette question?
SK: Je suis pour la liberté syndicale. Je suis même le fruit du syndicalisme. C’est avec peine que je me prononce sur la dissolution d’un syndicat. Nous menons des débats. Souvent, des positions peuvent l’emporter sur d’autres. Mais, moi je continue de croire que la FESCI, comme tout autre organisation socioprofessionnelle, peut être un allié ou un ennemi. Tout dépend de la méthodologie. La même FESCI existait mais a très bien travaillé avec le ministre Cissé Bacongo. Depuis un moment, l’université était apaisée, pourtant la FESCI existait avec de nouvelles structures syndicales. Je n’aime pas beaucoup l’ostracisme. Si un syndicat sort de son domaine d’action syndicale, rentre dans la violence, cela se traite d’un point de vue juridique. On arrête ceux qui font la violence, on les enferme. Un syndicat est important dans une université. Moi, je suis secrétaire général adjoint chargé des syndicats. Mon rôle est de travailler avec tous les syndicats et leur faire comprendre qu’ils doivent nous accompagner dans la construction de la nouvelle Côte d’Ivoire. Je vais vers tout le monde. Je rencontre tout le monde. Je rencontre même ceux qu’on soupçonne d’être des syndicats anti-Ouattara ou anti RDR. Je dois aller vers eux. C’est pourquoi j’ai été nommé. Par le travail, je dois les transformer d’ennemis en alliés. C’est ce qu’on attend de moi. Parce qu’une société sans syndicat, c’est aussi le risque qu’on nous tape dessus de l’extérieur, comme un régime non démocratique. Or dans notre fonctionnement actuel, les valeurs de la démocratie sont tellement respectée que ce sera encore faire un faux procès, de donner l’occasion à des gens de nous insulter sur ce que nous faisons très bien.
réalisée par thiery Latt et FT
Le Patriote : Vous avez pris une part active au dernier congrès extraordinaire du RDR, qui a vu la désignation d’Alassane Ouattara comme candidat de votre parti à la présidentielle de 2015. Quelles leçons tirez-vous de ce rassemblement des Républicains de Côte d’Ivoire ?
Sidiki Konaté : Le 3ème congrès extraordinaire du RDR a été une réussite du point de vue de nos attentes. Nous nous étions fixés deux objectifs majeurs. Le premier, c’était de jauger notre capacité à nous mobiliser autour d’un événement du parti. Le deuxième était de faire de ce cap de mobilisation, le fer de lance de la campagne électorale pour la réélection du candidat Alassane Ouattara. Quand nous constatons la grande mobilisation des structures, des militants, des sympathisants et mêmes d’alliés autour de ce congrès, nous pouvons dire que nous avons réussi notre mission. Et vu les échos de l’après congrès qui a suscité une mobilisation nationale, le RDR continue d’être une force qui bouge, une force qui mobilise, une grande puissance de mobilisation. Je pense qu’à sept mois de la présidentielle, il est bon que nous ayons des signaux de cette nature. Nous sommes contents de cette mobilisation et nous remercions Dieu et l’ensemble des militants qui nous ont permis d’atteindre cet objectif.
LP : Contrairement au 3ème congrès, le 20ème anniversaire de votre parti n’a pas connu une forte mobilisation. Comment expliquer cette grande différence en l’espace de 3 mois?
S.K : La rencontre de Bouaké, loin d’être pour nous négative, nous a permis de tester notre capacité de mobilisation. Souvenez-vous que depuis l’élection du président de la République, nous n’avions pas eu à organiser une manifestation d’une telle ampleur, qui mobilise l’ensemble du RDR sur un site donné. Je pense que la très faible mobilisation ou le très peu d’intérêt que les militants ont accordé à cette fête nous a permis de comprendre qu’il y avait un problème. Il fallait sortir d’un certain optimisme béat pour faire une Plutôt saine de la réalité, chercher à comprendre les motivations, les problèmes liés à cet échec et travailler à y donner réponse. C’est le principe du travail qui est important. Comme nous n’étions pas en face d’une échéance importante (nous étions à un an de la présidentielle), ce fut une belle leçon. Pour preuve, en réunion du secrétariat général, le parti a admis que c’était un échec. A partir de ce moment, il s’est donné les moyens de travailler sur cet échec afin de faire en sorte que la prochaine grande manifestation soit un succès. De Bouaké au congrès de Treichville, du temps est passé. Nous avons mis ce temps à profit pour travailler. Notre rôle n’est pas d’avoir des états d’âme mais de faire une lecture saine de la réalité et travailler pour trouver une solution. Oui, il y a eu échec à Bouaké. Ayant pris conscience de cet échec, un travail intense autour de cet échec a été effectué par la direction du parti. Les résultats se font sentir aujourd’hui par la forte mobilisation qu’il y a eue au dernier congrès.
LP : Avez-vous analysé les raisons de l’échec de Bouaké ?
SK : Il ne faut pas avoir la langue de bois. L’une des premières analyses est que les militants ne sont pas contents. Ce mécontentement a des raisons objectives, que nous avons pris le temps de comprendre et qui sont de plusieurs ordres. Premièrement, depuis l’élection du président de la République, le RDR n’est plus allé vers ses militants. Il s’est replié sur lui-même à la rue Lepic et a laissé ces derniers livrés à eux-mêmes. Pourtant, depuis le début du long combat qu’ils sont mené, les militants étaient encadrés, plus ou moins entretenus. Ils n’ont donc pas apprécié cette rupture de la direction avec la base dès lors que ce combat est arrivé à son terme.
Deuxièmement, cette même rupture a été déplorée par ces repères dans le cadre du travail que le parti a réalisé depuis plusieurs années, que sont les secrétaires départementaux, les commissaires politiques, les secrétaires de section, les responsables de structures spécialisées. Ceux-ci se plaignent de n’avoir pas eu un retour, en termes de promotion. Ils s’offusquent de ne même pas avoir été remerciés.
Troisièmement : certains militants n’ayant rien vu venir après l’accession au pouvoir de leur parti, ont tout simplement conclu que la lutte étant terminée, il fallait bien qu’ils scrutent d’autres perspectives. Ils ont donc tourné le dos au parti. Ces raisons pour nous sont objectives. Nous les avons endossées. Nous avons donc décidé de travailler sur ces questions.
LP : Quelle réponses avez-vous trouvé à ces épineuses questions?
SK : La première réponse était d’abord la mise en place d’une nouvelle direction. Il y a quelque huit mois en arrière, le secrétariat général a connu une restructuration. De nouvelles nominations (dont la mienne) ont été faites et une équipe de 11 membres a été installée, avec une feuille de route très claire. A cette équipe a été adjointe une centaine de secrétaires nationaux. Je peux dire que depuis que cette restructuration s’est faite, les choses ont sensiblement bougé, avec notamment le renouvellement, via des congrès, de toutes les structures spécialisées, qui ont élu de nouveaux dirigeants à leurs têtes.
Deuxièmement, après la restructuration, il fallait bien évidemment donner un contenu aux réformes, par la reprise effective des activités du parti. Du sommet à la base, il fallait donner un sens au rôle d’un parti politique qui est l’animation de la vie politique et sociale du pays. Il fallait que les secrétaires départementaux, les commissaires politiques, les présidents de comité de base, les secrétaires de section ainsi que le secrétariat général lui-même, reprennent le travail et jouent leur rôle. Il fallait évidemment que les réunions du Bureau politique se tiennent régulièrement. Aujourd’hui, vous voyez bien que c’est l’effervescence au niveau du parti, de ses structures, de ses militants. L’objectif premier, c’était de rapprocher la direction de la base. Cela avec de nouveaux visages, de nouvelles personnalités à même de dire humblement aux uns et aux autres que les leçons avaient été tirées. Et que nous reconnaissions n’avoir pas bien géré nos rapports avec eux, ne les avoir pas bien écoutés et présenter nos excuses en promettant d’aller sur de nouvelles bases.
Lp : Pour vous donc, la restructuration amorcée par le Bureau politique de mai 2014 a réellement porté ses fruits ?
SK : Je peux dire, grâce à Dieu, que nous avons atteint nos objectifs. Quels étaient ces objectifs ? Après notre nomination, nous avons reçu une feuille de route au cours d’un séminaire qui a dégagé notre mission en deux axes. L’axe 1, c’était de faire à termes toutes les élections, de faire le congrès, mettre toutes les structures au travail et de renouveler les instances. C’est ainsi que vous avez pu voir les élections au niveau des départementaux, qui a mobilisé plus de 4000 électeurs. Vous avez pu voir le congrès des enseignants républicains, qui passe d’une structure informelle à une structure formelle, le congrès des femmes républicaines et enfin le congrès des jeunes républicains. Deuxièmement, il s’agissait de réveiller les militants pour que la conscience électorale s’installe progressivement. Et je pense que nous sommes dans cette phase. Depuis quelques semaines, vous avez constaté que nous attaquons le terrain. D’abord la direction qui a conduit plusieurs missions à l’intérieur du pays. Nous-mêmes avons été à l’ouest et nous exécuterons l’autre partie de notre mission dans ce mois d’avril. Ensuite, d’autres responsables du parti sillonnent d’autres districts de la Côte d’Ivoire. Le premier mouvement, qui est d’aller vers les militants, se fait. Par ailleurs, les meetings ont commencé et les questions fondamentales soulevées par les militants sont en train d’être abordées par les secrétariats nationaux spécifiques. L’impulsion nécessaire pour réveiller les militants a été donnée. Nous avons donc à travailler rigoureusement et sérieusement, car seul le travail paie. Il faut travailler constamment jusqu’aux élections pour entretenir nos militants. Il faut augmenter le taux de nos militants traditionnels afin de montrer que le RDR peut aller seul apporter le maximum de voix au président Alassane Ouattara.
Lp : Peut-on dire aujourd’hui qu’il n’y a plus de rupture entre la base et la direction ?
SK : Il y a une impulsion. Nous sommes dans des débats francs avec la base. Avant le congrès, nous avions élaboré un schéma de mobilisation pour un travail intense dans le district d’Abidjan, mais qui se reposait sur la vérité. Il ne s’agissait pas seulement de dire aux militants de venir au congrès pour voter le président, mais pour ouvrir le premier véritable dialogue avec eux. C’est cette approche qui nous a permis de couvrir, pendant une semaine, tout le district d’Abidjan. Nous avons rencontré toutes les structures du parti, les associations, les syndicats, les ‘’grins’’, etc. Et je peux vous assurer que c’étaient des rencontres de proximité et de vérité. Ceci était extrêmement important et nous a permis de tirer beaucoup de leçons.
Lp : Monsieur le ministre, vous avez parlé de mobilisation. Comment le RDR compte relever ce défi et augmenter le taux de participation à la présidentielle prochaine ?
SK : Il faut travailler. Chacun doit comprendre aujourd’hui que le pouvoir ne se donne pas, il se conquiert. Et cette conquête se fait avec des militants. Si nous avons constaté une rupture entre le parti et les militants, que nous avons écoutés ces derniers pour tenir compte de la nature de leurs aspirations, nous devons en tant que parti apporter une solution. Le RDR en tant que parti politique au pouvoir, doit apporter une réponse à la gestion de ses militants. Je pense que les six mois qui nous séparent des élections doivent nous permettre d’entretenir notre parti, de quitter la rue Lepic pour aller de plus en plus à l’intérieur du pays, dans les villages, les quartiers, les campements. Il est impérieux d’aller à la rencontre des populations, des associations, des syndicats pour discuter toujours avec eux, et si possible apporter des solutions à certaines préoccupations posées par les militants. Si on estime, par exemple, qu’il y a des militants qui ont tout donné au parti, ont combattu durant des années et ont été oubliés sur la route du pouvoir, nous ne devons pas avoir d’état d’âme. Il nous appartient de trouver les mécanismes possibles pour donner satisfaction à la vie de ces symboles. Vous savez, ce qui a été frappant lors de nos visites, c’est que ce sont des symboles et des leaders qui ont été touchés. Et quand c’est le cas dans un quartier, qui est témoin des sacrifices et du combat de ces leaders, et que ceux-ci se retrouvent sans activité, sans être réinsérés, sans même être remerciés ou décorés, vous êtes d’accord avec moi que cette personne à elle seule peut en démotiver plus d’une. Parce que les gens diront simplement : « mais notre devancier s’est battu pour rien, pourquoi devrions-nous nous engager à notre tour si c’est pour ne rien obtenir dans l’affaire ? » Ces choses-là, il faut en parler sans état d’âme, parce que, contrairement à ce que pensent certains, ce n’est pas en parler qui gênerait le pouvoir ou le président Alassane Ouattara. C’est archi-faux de le penser, car le Président fait son travail. Il est le Président de la République et toute la Côte d’Ivoire le voit au travail. Le président fait son travail d’arrache-pied, que le parti fasse le sien. Le rôle du parti, c’est d’animer la vie politique, d’entretenir ses militants, d’aller vers eux en écoutant leurs préoccupations et de chercher à y apporter des solutions. Que le militant sente qu’on l’a écouté, qu’on s’est approché de lui, que son dossier a été pris, qu’on se bat pour lui trouver soit un stage, soit un emploi, soit une micro finance, et qu’on l’a recommandé à des amis ou frères qui ont des entreprises privées, etc. Bref, qu’il sente que quelque chose est fait pour lui.
LP : M. le ministre, ce discours fort en faveur des militants, certains d’entre eux pourraient le percevoir comme une réponse électoraliste à leurs préoccupations. A quelques mois des élections, n’êtes-vous pas à la pêche aux voix pour votre candidat ?
SK : Vous savez, ce n’est pas aussi simple que ça. J’ai toujours dit que la nature du combat du RDR n’est en rien comparable aux autres. Le RDR n’est pas un parti politique qui cherchait juste le pouvoir pour le pouvoir. L’histoire de ce parti est difficile, douloureuse, jonchée de sacrifices. Elle est faite d’humiliation, de sang, de morts, etc. C’était un combat à la fois de tout un peuple et d’un groupe issu de ce peuple. Il ne faut jamais perdre cela de vue. Nous ne sommes pas un parti normal, qui est arrivé au pouvoir par le simple jeu électoral. C’est un parti dont le combat était d’abord pour le rétablissement de la justice, de l’équité, de l’égalité entre les fils et filles d’une même nation. C’était un combat pour la dignité, qui a malheureusement laissé beaucoup de personnes sur la route. Nous n’avons donc pas le droit de réduire cette souffrance à une question de voix électorale. C’est pour cela que j’en appelle à chaque cadre pour qu’il appréhende cette dimension de la lutte. Si je suis un Pca, un Dg ou un ministre, que je me dise, c’est certes en ma qualité intrinsèque, mais c’est un environnement sociopolitique qui m’a permis d’être là. Si j’ai 1000 francs, je dois pouvoir donner 200f, et comprendre que cela n’est pas un gaspillage. En ouvrant sa porte à un militant, ce n’est pas un gaspillage, en allant vers les militants, ce n’est pas une perte de temps. Car, c’est la source et le sens réel de l’histoire. Toute autre attitude est aux antipodes du combat. Et c’est ce que nous sommes en train de promouvoir. Certes, nous sommes sous la pression en tant que cadre pour des obligations de résultats, mais n’oublions pas que nous venons de quelque part. Si je viens d’un ‘’grin’’ et que mes occupations ne me permettent pas d’y aller tous les jours, il faut que par moments je puisse payer des sachets de thé, sacrifier un dimanche pour aller passer une heure avec les amis avec lesquels nous avons mené le combat pendant 20 ans. C’est réconfortant pour eux et c’est de ce dont ils ont besoin. Et c’est ce que le parti doit promouvoir. Voici notre raison d’être et le bon combat à faire. Lorsque nous allons marcher dans ce schéma, redonner confiance à nos militants et leur permettre d’avoir de nouvelles aspirations, nous allons les avoir de la maison, au bureau de vote. Tant que le militant n’a pas voté, toutes nos aspirations seront rangées dans les tiroirs.
Lp : Comment se porte la Case verte à Man, votre région ?
SK : Nous avons le même problème au plan national. Dieu merci, les différentes élections départementales que nous avons eues ont permis d’installer de nouveaux départementaux. Presque toutes les villes ont vu la confrontation entre les différents cadres du même parti. Ceci a laissé les séquelles de division que chacun de nous s’attèle à cicatriser pour éviter que le parti soit en danger. Il y a donc un sursaut que chacun de nous fait à son niveau en parlant avec celui qui a été son opposant hier, mais qui est de la maison. Il faut permettre aux gens de s’exprimer. Avec l’aide de certains comités de médiation, nous avons vu comment rapprocher les militants qui, à un moment donné, ont dû s’affronter au sein de la maison. C’est normal, nous sommes en politique et cela existe partout. Mais notre capacité à regarder et à traiter froidement la question, soit par nous-mêmes, soit en nous faisant accompagnés par les comités de médiation, nous permet de rapprocher les positions pour aller en rangs serrés aux élections. A Man, nous avons un RDR qui commence à se recoller, à panser ses plaies pour affronter sereinement les batailles à venir. Le dernier congrès a été l’occasion pour le RDR de Man de faire sa mue. Tout le monde est venu ensemble, tout le monde est resté ensemble et tout le monde est reparti ensemble. C’est un bon signe.
LP : Monsieur le ministre, l’un de vos alliés du RHDP, en l’occurrence Anaky Kobena, estime qu’il n’a pas eu sa part de gâteau depuis l’accession au pouvoir de l’alliance houphouétiste. Comprenez-vous sa posture ?
SK : Anaky est quelqu’un que je respecte beaucoup. Je ne l’ai pas encore écouté, donc je ne peux pas porter de jugement sur ses réserves. Des choses sont évoquées, telles que son absence du gouvernement et dans certaines structures. Je pense que les responsables du RHDP sont mieux informés que moi. Ce que je veux souhaiter, c’est qu’Anaky puisse nous accompagner pour une question de symbole. Qu’on se donne les moyens d’aller vers lui et de parler avec lui. Bien entendu, à l’impossible nul n’est tenu. Mais tout est histoire et moi, je n’aime pas l’oubli de l’histoire. Nous sommes ensemble pour quelque chose depuis des années et on doit pouvoir se donner des moyens de régler nos divergences, quelles qu’elles soient. Il ne faut pas avoir peur d’affronter les problèmes. Si Anaky a un problème, qu’on ait une autre approche et qu’on lui donne la chance de venir s’expliquer. Le RHDP a un cadre, une structuration et qu’on pose les problèmes au niveau de nos responsables. Le faire n’est pas mauvais.
LP : La question de la candidature unique n’est pas encore totalement réglée au RHDP. Des sons discordants se font entendre, notamment au sein du PDCI, où des cadres veulent faire acte de candidature. Qu’en pensez-vous ?
SK : Nous sommes en politique. Il faut admettre que dans un parti politique tout le monde ne peut pas être d’accord. La politique a ses règles. Au niveau du PDCI, nous constatons que certaines personnalités ne sont pas d’accord avec la candidature unique. Nous, en tant que parti politique, nous prenons acte et nous structurons l’accord avec la partie qui est d’accord avec cette idée. Nous nous concentrons ensemble pour nous donner plus de chance pour gagner cette élection. La vie est un choix. Certains ont choisi de ne pas nous suivre. Nous sommes en démocratie, il faut respecter le point de vue des uns et des autres. L’essentiel pour nous, c’est de nous donner les moyens de gagner.
LP : En même temps, pour le PDCI, le RDR esquive quelque peu la question de l’alternance en 2020 ?
SK : Nous n’avons pas encore eu de note de la part du secrétariat du PDCI. C’est dans la presse que nous lisons ces choses. Je suis un responsable politique. Je respecte la presse, mais je parle d’actes. Si nous sommes dans une alliance et que j’estime, de la part de mon allié, qu’il y a des choses qui ne sont pas claires, il y a d’autres procédures plus établies pour en parler. Moi, je n’ai pas encore vu mon frère et ami Guikahué venir dire à Amadou Soumahoro : « Nous avons des réserves ». Je n’ai pas entendu le président Bédié dire à son frère Alassane Ouattara qu’il a des réserves. Je pense que c’est généralement dans la presse que nous lisons ces choses. Je retiens une seule chose. Quand le président Bédié a fait son appel, le RDR a conduit une grande délégation à Daoukro. Nous l’avons soutenu et lui avons promis d’organiser une tournée au plan national pour expliquer le sens de cet appel. Ce que nous avons fait. Le PDCI en fait de même et est allé en congrès extraordinaire pour réviser une disposition de son 12ème congrès. Le RDR a organisé un congrès au cours duquel, le secrétaire exécutif, M. Guikahué a fait une allocution pour nous soutenir. Moi, je m’en tiens à cela.
LP : Le RDR est-il prêt à céder le pouvoir en 2020 ?
SK : Je souhaite d’abord que Dieu nous donne longue vie pour que nous vivons jusqu’en 2020. Deuxièmement, que quelque chose d’assez grave ne se passe pas dans ce pays pour que l’élan de la démocratie continue. Au niveau du RDR, les choses sont claires. Il faut aller à la convention et après aller à l’élection présidentielle. Le président de la République a bien dit qu’après l’élection présidentielle, ceux qui ont décidé de se donner ensemble un président vont se retrouver pour réfléchir cette fois-ci sur la mise en place d’un parti unifié. Il faut travailler les schémas. C’est bon de faire de grandes affirmations, mais c’est aussi bon de regarder les schémas. Le schéma qui se passe actuellement est celui qui nous mène au parti unifié. C’est cela notre position. C’est le parti unifié qui va préparer l’alternance en 2020.
LP : Le RDR se prépare-t-il à arriver à ce parti unifié ?
SK : Suivez mon raisonnement. Nous allons bientôt en convention. Après cela, nous mettons en place une direction de campagne mixte. Les personnalités de tous ces partis politiques vont s’y retrouver pour travailler politiquement en structurant cet effort collectif en termes de parti unifié. C’est au sein de ce parti unifié que se feront tous les débats. Pour le moment, allons aux élections. Le parti unifié est la synthèse de tous nos partis politiques. Dans ce parti unifié, des questions nouvelles, des réflexions profondes vont se poser. Tenons-nous à cela.
LP : Après les congrès, le RHDP prépare la convention d’investiture de son candidat. Comment votre parti prépare-t-il cette étape ?
SK : C’est un problème technique. Des conventions ont déjà été organisées dans ce pays par les mêmes forces. C’est une question d’organisation qui sera pilotée par un comité au niveau élargi. Il s’agira d’aller investir le candidat de chaque parti. Et le candidat de chaque parti s’appelle le Dr Alassane Ouattara. Ensemble, nous allons signifier et lui donner nos réponses respectives issues de nos différents partis.
LP : Y aura-t-il un défi en termes de mobilisation à relever à cette occasion ?
SK : Moi, je vois l’investiture comme une fête, juste pour prendre date avec l’histoire. Nous allons nous retrouver eu un même lieu pour choisir notre candidat. Cela peut se faire dans une salle, dans un hôtel, dans un stade, sur une place publique. Ça sera pour nous la date de départ véritable pour la candidature unique. A partir de cette déclaration solennelle, tout un travail va se faire pour structurer les équipes de campagne qui seront des équipes mixtes pour partager le travail au niveau national et surtout pour aller sur le terrain. Les six mois qui nous séparent de la présidentielle, doivent être des mois de terrain avant le lancement de la campagne officielle qui est pour moi, la période de la fête. ADO 2015, c’est maintenant.
LP : Le débat de l’éligibilité du président Ouattara a refait surface dans certaines officines. Quelle est votre position sur la question ?
SK : Je ne suis pas juriste. Politiquement, le RDR a choisi son candidat qui s’appelle Alassane Ouattara. Quand la CEI ouvrira la période des candidatures, nous irons déposer celle de notre candidat. J’attends que la CEI dise que notre candidat n’est pas éligible. Je ne fais pas les débats en dehors. Souvent en Côte d’Ivoire, on s’éparpille beaucoup. Nous, nous avons la responsabilité d’être sereins et de suivre la logique. Donc, bientôt l’investiture du Dr Alassane Ouattara par le RHDP, ensuite le dépôt de la candidature puis s’ouvre la période de validation des candidatures. Pourquoi doit-on faire le travail à la place de ceux qui doivent le faire ? Je m’en tiens à cela. Ne nous dispersons pas. Rencontrons les populations qui sont fâchées, allons vers celles qui sont heureuses pour qu’elles soient plus heureuses. Faisons quelque chose pour que celles qui sont fâchées soient elles aussi heureuses, agrandissons notre cercle électoral pour nous assurer d’une victoire dès le premier tour, si Dieu le veut. C’est cela notre travail. Pour le reste, laissons les structures de l’Etat faire leur travail.
LP : Au FPI, il y a une crise qui secoue le parti. En tant qu’homme politique, quel avenir entrevoyez-vous pour ce parti ?
SK : Chaque parti connait des convulsions. Il appartient aux acteurs qui les animent de savoir où ils vont. Le problème de fond au FPI est un problème d’orientation. Où va le FPI après tout ce qu’il a eu à faire dans la gestion de la Côte d’Ivoire et comment compte-t-il faire sa mutation ? Comment compte-t-il se donner un nouveau regard lui-même, sur la Côte d’Ivoire et comment veut-il aussi être vu par les Ivoiriens ? C’est ce débat qui a lieu actuellement au FPI. C’est le FPI qui s’interroge mais qui n’a pas encore de réponses. Il serait bien que le FPI en tant que parti politique, qui a sa place dans la constitution, parce que n’ayant pas été dissout, quoiqu’il porte le passif de la crise postélectoral, occupe sa place.
LP : Plusieurs cadres de ce parti ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement par la Cour d’assises. Un commentaire ?
SK : Je ne commente pas les décisions de justice. Je fais confiance à la justice de Côte d’Ivoire. Je pense que cette justice a existé sous tous les régimes. Elle a eu ses moments de faiblesses. Mais elle aussi de grandes valeurs. Je fais confiance à ses analyses du dossier et au verdict. Le procès est juridique.
LP : Pourtant, au FPI on parle de procès politique…
SK : Dire les choses ainsi n’est pas vrai. Sur la scène, on avait comme force en présence, les Forces nouvelles, arbitres du processus, les partis politiques du RHDP, LMP, la CEI et la Communauté internationale que nous avons invitée ici. Il y a eu une élection qui s’est très bien passée. Il y a eu un engouement formidable. Nous avons fait le premier tour tranquillement où Laurent Gbagbo a été déclaré premier. Nous sommes allés au second tour où le candidat du RHDP a gagné. C’est là qu’il y a eu problème dans l’acceptation des résultats. Qui a refusé le résultat ? Quand on refuse un résultat, on se donne les moyens de refuser ce résultat. Nous avons vu tous les discours qui dénonçaient ce résultat et en appelaient à une mobilisation contre ce résultat, par tous les moyens appropriés. C’est là l’origine de la crise. Je ne peux pas comprendre qu’on puisse venir diluer tout cela en disant que le procès est politique. Il y a des faits. Il faut cesser de se braquer contre l’histoire de ce pays. Ça ne coûte rien à certains de nos frères du FPI de dire qu’ils sont allés trop loin. Moi, ma maison a été brûlée. Ma famille a eu la vie sauve grâce à un ami qui m’a alerté. Ma maison était à Bonoumin. Ils ont tout pillé avant d’y mettre le feu. Peut-on oublier cela ? Peut-on nier tous ces gens qui ont été tués dans les quartiers ? Il faut que les gens apprennent à dire : « par notre action, on a souvent fait mal, nous demandons pardon ».
LP : Vous êtes une ancienne figure de proue des Forces nouvelles. Quelles sont vos rapports avec vos amis de ce mouvement ?
SK : Les Forces nouvelles ont existé. Nous avons mené un combat qui était une partie du combat que d’autres Ivoiriens menaient avec d’autres méthodes pour la même cause. Ça, je le dis toujours. J’ai dit à Yamoussoukro que les Forces nouvelles et le RDR avaient les mêmes objectifs, qui étaient la nouvelle Côte d’Ivoire. Nous avons utilisé des méthodes, le RDR a utilisé sa méthode. Aujourd’hui, nous sommes dans une Côte d’Ivoire où la question de l’identité est devenue une question purement administrative. Nous n’avons plus les escadrons de la mort. Nous n’avons plus ces descentes musclées de l’armée dans la vie privée des citoyens. On ne dort plus avec la peur. On ne circule plus avec la peur. On a une sérénité et une tranquillité qui couvrent le pays. On sent qu’un Etat de droit est en train de se mettre en place. On sent plus de responsabilité dans la gestion de la vie des Ivoiriens. Tout n’est pas parfait. Mais, c’est cette volonté qui est importante. Cette volonté de faire qu’il n’y ait plus d’escadrons de la mort, de jeunes miliciens, mercenaires, une télévision où on passe le temps à insulter les Ivoiriens. La vie s’est calmée, s’est tranquillisée. C’est le prélude au développement. Quel temps peut-on avoir pour parler de développement dans une société agitée ? Nous avons fini ce combat. Chacun de nous a décidé de poursuivre une carrière telle qu’il l’entendait. Certains sont allés dans l’administration. Par les accords que nous avons signés, beaucoup de cadres sont allés dans l’administration publique, d’autres dans la privée. D’autres encore ont décidé de faire de la politique. La branche militaire, conformément aux accords de Ouaga, a intégré l’armée, comme le prévoyait les accords de Ouaga, où il était question que les Forces nouvelles reversent une partie de leur effectif dans l’armée nationale. Nous les politiques – nous sommes quelques uns – avons choisi d’être députés, du RDR notamment. Les autres sont allés sous l’étiquette d’indépendants. Certains ont gagné, d’autres échoué. Nous avons choisi le RDR. Je suis député de Man, mon ami Guillaume Soro est député de Ferké, le grand frère Dacoury est député de Gagnoa. Nous sommes un bon nombre de députés, qui militons ouvertement au RDR.
LP : Vous avez dit : « mon ami Guillaume Soro». Il se raconte pourtant que vous ne seriez plus en bon termes depuis un bon moment. Qu’en est-il exactement?
SK : Je suis tranquille dans la vie. Je n’aime pas les palabres. J’ai des amis que vous connaissez et des amis que vous ne connaissez pas. Au niveau politique, Guillaume Soro, Hamed Bakayoko, Amadou Soumahoro et bien d’autres sont mes amis. D’abord Hamed Bakayoko et moi, nous sommes de Séguéla. Quand il était au MEECI à l’université nous étions à la FESCI. C’est donc une connaissance de très longue date. Guillaume Soro et moi avons fait l’université. Il était de la FESCI comme moi. Après, nous nous sommes retrouvés dans le combat. Le combat est fini. Nous sommes dans une nouvelle configuration où chacun fait son travail. Moi, je suis secrétaire général adjoint du parti et député. Lui, il est le président de l’Assemblée nationale. Chacun fait son travail mais dans la même famille. Ce n’est plus comme à Bouaké où j’étais son porte-parole. Chaque jour, on nous voyait ensemble. Pour les Ivoiriens, comme on ne nous voit plus chaque jour, nous sommes en guerre. Rien ne saurait expliquer cette guerre. Non, rassurez-vous, nous sommes de la même famille politique. Il a une responsabilité. Nous nous retrouvons à des réunions régulièrement dans le cadre du parti, mais également à d’autres occasions que je ne vous direz pas ici. Nous nous voyons aussi en dehors des appareils photos, dans la vie courante, comme je vois beaucoup d’autres cadres. Maintenant, il est clair que si les gens décident qu’il y a conflit entre X et Y, moi je n’y peux rien. Je n’ai pas de conflit avec quelqu’un.
LP : Justement à propos de la FESCI, votre parti vient de demander sa dissolution. Un commentaire sur cette question?
SK: Je suis pour la liberté syndicale. Je suis même le fruit du syndicalisme. C’est avec peine que je me prononce sur la dissolution d’un syndicat. Nous menons des débats. Souvent, des positions peuvent l’emporter sur d’autres. Mais, moi je continue de croire que la FESCI, comme tout autre organisation socioprofessionnelle, peut être un allié ou un ennemi. Tout dépend de la méthodologie. La même FESCI existait mais a très bien travaillé avec le ministre Cissé Bacongo. Depuis un moment, l’université était apaisée, pourtant la FESCI existait avec de nouvelles structures syndicales. Je n’aime pas beaucoup l’ostracisme. Si un syndicat sort de son domaine d’action syndicale, rentre dans la violence, cela se traite d’un point de vue juridique. On arrête ceux qui font la violence, on les enferme. Un syndicat est important dans une université. Moi, je suis secrétaire général adjoint chargé des syndicats. Mon rôle est de travailler avec tous les syndicats et leur faire comprendre qu’ils doivent nous accompagner dans la construction de la nouvelle Côte d’Ivoire. Je vais vers tout le monde. Je rencontre tout le monde. Je rencontre même ceux qu’on soupçonne d’être des syndicats anti-Ouattara ou anti RDR. Je dois aller vers eux. C’est pourquoi j’ai été nommé. Par le travail, je dois les transformer d’ennemis en alliés. C’est ce qu’on attend de moi. Parce qu’une société sans syndicat, c’est aussi le risque qu’on nous tape dessus de l’extérieur, comme un régime non démocratique. Or dans notre fonctionnement actuel, les valeurs de la démocratie sont tellement respectée que ce sera encore faire un faux procès, de donner l’occasion à des gens de nous insulter sur ce que nous faisons très bien.
réalisée par thiery Latt et FT