Valérie Thfoin est responsable musique pour le programme Afrique Caraïbes en créations, au sein du département Echanges et coopération artistique de l’Institut français à Paris. Elle explique comment la Côte d’Ivoire qui était un carrefour de la musique avait disparu sa position.
Quelle est la mission du programme Afrique Caraïbes en créations ?
Le programme Afrique-Caraïbes en créations a cette année 25 ans d’existence. Au départ, ce programme a été créé pour promouvoir la création africaine contemporaine. Le cœur de sa mission, c’est de soutenir les artistes africains et les opérateurs culturels africains. C’est-à-dire, tout ce qui relève de l’initiative de la société civile culturelle. Nous le faisons en lien avec le réseau des Instituts français en Afrique et des Alliances françaises. C’est véritablement notre cœur de métier. Nous intervenons à la fois sur les arts visuels et le spectacle vivant. Sur la musique, nous intervenons dans différentes étapes de la chaîne de production culturelle: la création, la diffusion, la formation, l’appui au festival et l’accès au marché.
Comment Equation musique rentre-t-il en action sur ce marché ?
Equation musique est un programme qui a aujourd’hui, huit ans. Il a été conçu dans l’objectif de renforcer la présence des professionnels de la filière musicale en Afrique sur les marchés tels que Babel Med, Womex. Pour cela, nous nous sommes associés avec l’Organisation internationale de la francophonie pour mutualiser les moyens. Ensemble, nous avons conçu le programme pour qu’à chaque étape, nous ayons un panel de professionnels d’Afrique francophone, anglophone, lusophone représentatif de ce que peut être la filière musicale en Afrique. Il peut y avoir des producteurs Label, des diffuseurs, des directeurs de festivals, des formateurs, etc. Nous essayons à chaque session d’avoir entre dix et quinze professionnels que nous orientons sur un marché, sous une bannière commune. Plusieurs fois, nous avons été au Moshito, le Marché sud-africain de la musique. L’an dernier, nous étions au Masa, le Marché des arts du spectacle africain, de même qu’au Visa for music, un marché Afrique-Moyen Orient créé à Rabat.
Quels sont les atouts du programme Equation Musique ?
La force de ce programme, c’est qu’il permet à des professionnels de promouvoir leurs activités avec toute la filière internationale et de promouvoir leurs artistes. Nous faisons en sorte que dans les partenariats que nous tissons avec chaque marché, il y ait à chaque session du programme au moins deux ou trois artistes. Au début, il n’y avait que les professionnels. Très vite, nous nous sommes rendu compte que si nous ne montrons pas les artistes qu’ils produisent, il n’y a pas une belle démonstration. Dans le back office de la présence sur le marché, cela permet une grosse mise en réseau. Très vite, nous avons choisi d’investir les professionnels dans leur propre promotion. A chaque session, nous introduisons des nouveaux artistes pour qu’il y ait une transmission qui se fasse par les professionnels. Cela participe à la dynamique de mise en réseau de l’Afrique. En huit ans, nous avons fait seize sessions sur deux présences sur des marchés. Quarante professionnels en ont bénéficié dont neuf artistes et vingt-quatre pays représentés.
Des artistes ivoiriens ont-ils jusque-là bénéficié de ce programme ?
Il n’y en a pas encore eu en provenance de la Côte d’Ivoire. Mais, la première structure de production que nous avons intégrée, c’est Gaou Production. C’est ce qui explique notre présence au Femua (Festival des musiques urbaines d’Anoumabo, Ndlr) qui est un festival important. Quand nous soutenons un festival comme le Femua, nous soutenons la présence d’artistes qui viennent d’autres territoires que le territoire local. Par exemple, Joel Sebunjo d’Ouganda qui a été invité au Femua 8. Nous ne pouvons pas nous substituer aux autorités culturelles nationales. Nous ne pouvons non plus nous substituer à l’action locale des Institut français.
Comment participez-vous à la construction de ce marché africain de la musique ?
Généralement, nous allons sur des marchés plutôt World music comme le Babel Med. Mais depuis 2010, nous avons insisté pour être présents au MaMa, un gros marché à Paris. Dans la filière musicale en Afrique, il y a toutes sortes de musiques. Il y a beaucoup de musiques urbaines, de l’électro, du rock, du reggae. En Afrique de l’Est, il y a une scène Heavy metal. Pour participer à la construction du marché africain de la musique, le fait qu’il y ait des festivals, cela permet d’avoir des connexions pour faire circuler les artistes. Mais, ce qui est important, c’est le fait de montrer au Nord que les professionnels de l’industrie musicale en Afrique ne sont pas là seulement pour vendre leurs artistes, mais ils achètent également. Parce que les festivals en Afrique, surtout les festivals de musiques urbaines, ont toujours dans leur programmation des artistes qui viennent hors d’Afrique. Le Femua en est la preuve.
Est-il vrai que le pont culturel entre la Côte d’Ivoire et l’extérieur avait été interrompu?
J’ai vécu le drame qui a été la crise ivoirienne sur le plan culturel. Abidjan était un carrefour, une plateforme culturelle énorme. C’était le pôle de liaison aérienne pour toutes les tournées. Cela a été un drame quand le pays a connu la crise. C’est comme si d’un seul coup, la Côte d’Ivoire avait disparu de la carte culturelle africaine. Il y avait toujours de grands artistes (Alpha Blondy, Tiken Jah, Dobet Gnahoré) qui sortaient et qu’on a essayé d’accompagner.
Avez-vous eu des contacts au Femua 8?
Cela fait trois ans que nous accompagnons le Femua et c’est la première fois que je viens. Je suis heureuse de ce que je vois, du concept, de la dimension internationale qui vient de l’ancrage locale. Car, le festival part d’un village et d’une commune. Je note la qualité de l’organisation, la qualité de la programmation. Le festival fédère toutes les énergies et tous les niveaux institutionnels. Pour moi, c’est presqu’un modèle de voir un événement culturel fédérateur et ouvert sur le monde.
Ce qui me fait plaisir, il y a une scène musicale très foisonnante. Je ne connais pas tous les artistes mais j’en entends parler. Il y a une conjugaison de facteurs positifs où Abidjan devient un carrefour d’investissement de l’audiovisuel, de tout ce qui relève de l’industrie culturelle et créative. Ce n’est pas que je le perçois, mais je pressens que cela va contribuer à repositionner la Côte d’Ivoire dans sa place ‘’naturelle’’ sur l’échelle du continent.
Parlez-nous de votre programme Visa pour la création et quelle en est le bénéfice pour un lauréat ?
Ce programme permet à des artistes africains qui vivent en Afrique de faire trois mois de résidence en France ou dans un autre pays d’Afrique pour construire leur projet et le développement de carrière. Par exemple, Joel Sebunjo et Alif Naaba sont des anciens lauréats. Chaque année, il y a un appel à candidature qui concerne un artiste et non un groupe. Cela existe également pour les peintres, les comédiens, les danseurs. J’espère qu’en 2016, il y aura de bonnes candidatures ivoiriennes. J’espère qu’il y aura un lauréat ou une lauréate ivoirienne pour ce programme. Dans un parcours de vie, c’est une bonne opportunité. Nous sommes sensibles aux artistes qui ont une touche entrepreneuriale. Alif Naaba est un exemple. Il n’y a pas d’obligation de résultat pour un lauréat du programme de résidence. En général, ceux qui sont en résidence, enregistrent pendant les trois mois leur futur album. Mais, nous ne finançons pas la production discographique qui relève de l’industrie musicale privée. Ce qui est important pour moi, c’est l’existence scénique. Si l’artiste a bien saisi cette opportunité et que la résidence est productive, il sera accompagné soit dans des appuis aux festivals, soit dans des appuis à la diffusion.
Vous étiez présente à la 8è édition du Masa, en 2014. Quelle a été votre regard sur ladite édition ?
En 2014, c’était une édition très porteuse d’espoir. Pour moi qui fais partie des anciens, j’ai connu le Masa de la belle époque. J’ai un souvenir démentiel de l’édition de 1997. Partout à Abidjan, il y avait le ‘’In’’ et le ‘’Off’’. Comme moi, beaucoup de professionnels étaient pleins d’espoir sur le retour du Masa. Le fait de relancer cet événement a beaucoup de sens. A l’époque, le Masa a joué un grand rôle, c’est important pour l’Afrique. Maintenant, en 2016, je ne peux dire si j’y serai. Cela aussi dépendra de la configuration du Masa.
Koné Saydoo
Quelle est la mission du programme Afrique Caraïbes en créations ?
Le programme Afrique-Caraïbes en créations a cette année 25 ans d’existence. Au départ, ce programme a été créé pour promouvoir la création africaine contemporaine. Le cœur de sa mission, c’est de soutenir les artistes africains et les opérateurs culturels africains. C’est-à-dire, tout ce qui relève de l’initiative de la société civile culturelle. Nous le faisons en lien avec le réseau des Instituts français en Afrique et des Alliances françaises. C’est véritablement notre cœur de métier. Nous intervenons à la fois sur les arts visuels et le spectacle vivant. Sur la musique, nous intervenons dans différentes étapes de la chaîne de production culturelle: la création, la diffusion, la formation, l’appui au festival et l’accès au marché.
Comment Equation musique rentre-t-il en action sur ce marché ?
Equation musique est un programme qui a aujourd’hui, huit ans. Il a été conçu dans l’objectif de renforcer la présence des professionnels de la filière musicale en Afrique sur les marchés tels que Babel Med, Womex. Pour cela, nous nous sommes associés avec l’Organisation internationale de la francophonie pour mutualiser les moyens. Ensemble, nous avons conçu le programme pour qu’à chaque étape, nous ayons un panel de professionnels d’Afrique francophone, anglophone, lusophone représentatif de ce que peut être la filière musicale en Afrique. Il peut y avoir des producteurs Label, des diffuseurs, des directeurs de festivals, des formateurs, etc. Nous essayons à chaque session d’avoir entre dix et quinze professionnels que nous orientons sur un marché, sous une bannière commune. Plusieurs fois, nous avons été au Moshito, le Marché sud-africain de la musique. L’an dernier, nous étions au Masa, le Marché des arts du spectacle africain, de même qu’au Visa for music, un marché Afrique-Moyen Orient créé à Rabat.
Quels sont les atouts du programme Equation Musique ?
La force de ce programme, c’est qu’il permet à des professionnels de promouvoir leurs activités avec toute la filière internationale et de promouvoir leurs artistes. Nous faisons en sorte que dans les partenariats que nous tissons avec chaque marché, il y ait à chaque session du programme au moins deux ou trois artistes. Au début, il n’y avait que les professionnels. Très vite, nous nous sommes rendu compte que si nous ne montrons pas les artistes qu’ils produisent, il n’y a pas une belle démonstration. Dans le back office de la présence sur le marché, cela permet une grosse mise en réseau. Très vite, nous avons choisi d’investir les professionnels dans leur propre promotion. A chaque session, nous introduisons des nouveaux artistes pour qu’il y ait une transmission qui se fasse par les professionnels. Cela participe à la dynamique de mise en réseau de l’Afrique. En huit ans, nous avons fait seize sessions sur deux présences sur des marchés. Quarante professionnels en ont bénéficié dont neuf artistes et vingt-quatre pays représentés.
Des artistes ivoiriens ont-ils jusque-là bénéficié de ce programme ?
Il n’y en a pas encore eu en provenance de la Côte d’Ivoire. Mais, la première structure de production que nous avons intégrée, c’est Gaou Production. C’est ce qui explique notre présence au Femua (Festival des musiques urbaines d’Anoumabo, Ndlr) qui est un festival important. Quand nous soutenons un festival comme le Femua, nous soutenons la présence d’artistes qui viennent d’autres territoires que le territoire local. Par exemple, Joel Sebunjo d’Ouganda qui a été invité au Femua 8. Nous ne pouvons pas nous substituer aux autorités culturelles nationales. Nous ne pouvons non plus nous substituer à l’action locale des Institut français.
Comment participez-vous à la construction de ce marché africain de la musique ?
Généralement, nous allons sur des marchés plutôt World music comme le Babel Med. Mais depuis 2010, nous avons insisté pour être présents au MaMa, un gros marché à Paris. Dans la filière musicale en Afrique, il y a toutes sortes de musiques. Il y a beaucoup de musiques urbaines, de l’électro, du rock, du reggae. En Afrique de l’Est, il y a une scène Heavy metal. Pour participer à la construction du marché africain de la musique, le fait qu’il y ait des festivals, cela permet d’avoir des connexions pour faire circuler les artistes. Mais, ce qui est important, c’est le fait de montrer au Nord que les professionnels de l’industrie musicale en Afrique ne sont pas là seulement pour vendre leurs artistes, mais ils achètent également. Parce que les festivals en Afrique, surtout les festivals de musiques urbaines, ont toujours dans leur programmation des artistes qui viennent hors d’Afrique. Le Femua en est la preuve.
Est-il vrai que le pont culturel entre la Côte d’Ivoire et l’extérieur avait été interrompu?
J’ai vécu le drame qui a été la crise ivoirienne sur le plan culturel. Abidjan était un carrefour, une plateforme culturelle énorme. C’était le pôle de liaison aérienne pour toutes les tournées. Cela a été un drame quand le pays a connu la crise. C’est comme si d’un seul coup, la Côte d’Ivoire avait disparu de la carte culturelle africaine. Il y avait toujours de grands artistes (Alpha Blondy, Tiken Jah, Dobet Gnahoré) qui sortaient et qu’on a essayé d’accompagner.
Avez-vous eu des contacts au Femua 8?
Cela fait trois ans que nous accompagnons le Femua et c’est la première fois que je viens. Je suis heureuse de ce que je vois, du concept, de la dimension internationale qui vient de l’ancrage locale. Car, le festival part d’un village et d’une commune. Je note la qualité de l’organisation, la qualité de la programmation. Le festival fédère toutes les énergies et tous les niveaux institutionnels. Pour moi, c’est presqu’un modèle de voir un événement culturel fédérateur et ouvert sur le monde.
Ce qui me fait plaisir, il y a une scène musicale très foisonnante. Je ne connais pas tous les artistes mais j’en entends parler. Il y a une conjugaison de facteurs positifs où Abidjan devient un carrefour d’investissement de l’audiovisuel, de tout ce qui relève de l’industrie culturelle et créative. Ce n’est pas que je le perçois, mais je pressens que cela va contribuer à repositionner la Côte d’Ivoire dans sa place ‘’naturelle’’ sur l’échelle du continent.
Parlez-nous de votre programme Visa pour la création et quelle en est le bénéfice pour un lauréat ?
Ce programme permet à des artistes africains qui vivent en Afrique de faire trois mois de résidence en France ou dans un autre pays d’Afrique pour construire leur projet et le développement de carrière. Par exemple, Joel Sebunjo et Alif Naaba sont des anciens lauréats. Chaque année, il y a un appel à candidature qui concerne un artiste et non un groupe. Cela existe également pour les peintres, les comédiens, les danseurs. J’espère qu’en 2016, il y aura de bonnes candidatures ivoiriennes. J’espère qu’il y aura un lauréat ou une lauréate ivoirienne pour ce programme. Dans un parcours de vie, c’est une bonne opportunité. Nous sommes sensibles aux artistes qui ont une touche entrepreneuriale. Alif Naaba est un exemple. Il n’y a pas d’obligation de résultat pour un lauréat du programme de résidence. En général, ceux qui sont en résidence, enregistrent pendant les trois mois leur futur album. Mais, nous ne finançons pas la production discographique qui relève de l’industrie musicale privée. Ce qui est important pour moi, c’est l’existence scénique. Si l’artiste a bien saisi cette opportunité et que la résidence est productive, il sera accompagné soit dans des appuis aux festivals, soit dans des appuis à la diffusion.
Vous étiez présente à la 8è édition du Masa, en 2014. Quelle a été votre regard sur ladite édition ?
En 2014, c’était une édition très porteuse d’espoir. Pour moi qui fais partie des anciens, j’ai connu le Masa de la belle époque. J’ai un souvenir démentiel de l’édition de 1997. Partout à Abidjan, il y avait le ‘’In’’ et le ‘’Off’’. Comme moi, beaucoup de professionnels étaient pleins d’espoir sur le retour du Masa. Le fait de relancer cet événement a beaucoup de sens. A l’époque, le Masa a joué un grand rôle, c’est important pour l’Afrique. Maintenant, en 2016, je ne peux dire si j’y serai. Cela aussi dépendra de la configuration du Masa.
Koné Saydoo