Les autorités ivoiriennes restent déterminées à donner forme à l’ambitieux programme de Couverture maladie universelle (CMU). Le démarrage des prestations est prévu pour le début de l’année prochaine.
Après des années de réflexions, d’études techniques et de simulations diverses, la loi n°2014-131 du 24 mars 2014 instituant la Couverture maladie universelle (CMU) est venue juridiquement donner forme au pharamineux programme de prévoyance sociale de l’Etat ivoirien. Dans son article 2, «il est intitulé par la présente loi un système obligatoire de couverture du risque maladie au profit des populations résidant en Côte d’Ivoire». La Couverture maladie universelle est donc une obligation pour chaque Ivoirien. Et à l’article 10 de préciser ses principes : «La Couverture maladie universelle est fondée sur des principes de solidarité nationale, d’équité et de mutualisation des risques…» En effet, «85 à 90 % de la population ivoirienne ne bénéficie d’aucune couverture sociale», a récemment indiqué le Premier ministre Daniel Kablan Duncan. Et la CMU s’annonce comme le dispositif devant apporter une solution idoine pour que la plus grande frange de la population ait accès aux services de base en termes de santé. Raison pour laquelle les autorités ivoiriennes ont jugé opportun de mettre en place une structure autonome pour gérer cette plateforme de prestation sociale. C’est ainsi que le décret n° 2014-395 du 25 juin 2014, régi par les dispositions de la loi n° 99-476 du 2 août 1999, a permis de créer l’Institution de prévoyance sociale (IPS) dénommée Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam). Elle fonctionnera comme une structure privée pour ainsi éviter les lourdeurs de l’administration publique ivoirienne et autres contraintes de financements. Les fondamentaux étant établis, il est maintenant question de passer à la phase opérationnelle du processus.
A l’heure des enrôlements individuels
La première étape du déploiement de la CMU est l’enrôlement des individus, qui a été lancé 30 décembre 2014. Il s’agit de faire identifier chaque personne sur une carte individuelle d’assuré avec des éléments de biométrie permettant de lutter contre la fraude. A quelque quatre mois, 59 sites fixes ont été rendus opérationnels pour accueillir les populations, aussi bien d’Abidjan que de l’intérieur du pays. Mais l’on se rend compte que l’engouement autour du projet n’est pas encore vivace. Les Ivoiriens se font enrôler, mais à un rythme encore très lent. Plusieurs éléments pourraient expliquer cela : des personnes encore sceptiques quant à la réussite du projet ; l’éloignement des sites d’enrôlement et leur insuffisance ; le temps matériel qu’il faut aux uns et aux autres ; l’insuffisance d’information et de propagande autour du dispositif, etc. Autant de couacs qui se dressent… Sans ignorer que l’Etat n’a pas encore mis en place tous les moyens humains et financiers pour que l’IPS-CNAM opère en toute la latitude. L’on est encore à une étape transitoire !
Entre-temps, les enrôlements continuent et le directeur général de la Cnam, Karim Bamba, et ses acteurs ont trouvé l’idée d’activer les sites mobiles en vue de renforcer le dispositif d’immatriculation gratuitement offerte. Ainsi, des agents commis à cette tache se déplacent, pour un temps donné, devers des entreprises, administrations publiques, collectivités locales, associations professionnelles et autres regroupements, pour collecter les informations nécessaires. Mais tout cela a donné des résultats encore peu probants puisqu’on dénombrait un peu plus de 18.000 enrôlées à la mi-avril, trois mois et demi après de démarrage de l’opération. Rappelons que l’objectif assigné est d’intégrer 4 millions de personnes dans la base de données à la fin de l’année 2015.
L’Etat passera à la vitesse supérieure
Ce faible taux d’enrôlement n’enlève en rien les ambitions des autorités ivoiriennes. Sur la question de l’assurance universelle, plusieurs dispositions ont déjà été arrêtées après de nombreuses tractations entre l’Etat et les structures spécialisées dans la protection sociale. Même s’il y a encore quelques points à affiner, le principe d’intégration systématique est un acquis. Une période de latence est observée… A compter de fin octobre 2015, ce sera le début des prélèvements pour les fonctionnaires et agents de l’Etat. Ces derniers, qui, jusque-là, bénéficient des prestations de la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l’Etat de Côte d’Ivoire (Mugef-CI) vont être systématiquement transférés dans le dispositif de la Cnam. Et ce seront plus de 240.000 adhérents (à la date de l’assemblée générale des 282 délégués de la Mugef-CI tenue le 20 décembre 2014), avec les 600.000 bénéficiaires qui viendront grossir les rangs de la CMU. La seconde catégorie est les travailleurs du secteur privé ivoirien. Lorsqu’on prend les assurés de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) seulement, plus de 650.000 personnes vont être transférées à la CNAM. Si chaque travailleur assure quatre personnes en moyenne par famille, l’on s’attend à plus 2.600.000 de personnes enrôlés de facto. Telle est la stratégie arrêtée pour que l’Etat atteigne son quota, en vue d’offrir les premières prestations à compter de janvier 2016.
Quand la CNAM assurera le leadership !
L’actuel scénario exige que ce soit la Cnam qui pilote, gère et régule tout le système de l’assurance maladie en Côte d’Ivoire. C’est la seule structure qui assurera le régime de base pour tous. L’accès aux consultations, examens de laboratoire, médicaments, hospitalisations, chirurgie (cas des urgences), etc. Mais les Ivoiriens doivent bien comprendre que tout n’est pas gratuit. On parle du système de capitation, le système de tiers-payant, le ticket modérateur (…). De plus, toutes les prestations ne sont pas couvertes : «La liste des affections, la nomenclature des actes de soins médicaux et chirurgicaux, ainsi que les médicaments couverts par la garantie sont définis par décret», précise l’article 7 de la loi instituant la CMU en Côte d’Ivoire. Il faut donc une bonne politique de sensibilisation et de communication sur ce que la CMU est en mesure de faire, ou pas. Cela est très important pour éviter des murmures une foi la phase des prestations ouvertes. Raison pour laquelle toutes les caisses de prévoyance sociale, à savoir le Mugef-CI, la CGRAE, la CNPS, qui deviendront des Organismes de gestion déléguée (OGD), ont toute leur place. Elles offriront des régimes complémentaires à leurs adhérents sans ignorer les autres formes de prestations en matière de prévoyance sociale. Ces organismes continueront de collecter les souscriptions de leurs adhérents, pour reverser, les parts dues la CNAM en vue de jouer sa partition. Les cotisations mensuelles, fixées à 1 000 FCFA par individu, seront indirectement prélevés. Ainsi, la Caisse nationale d’assurance-maladie assurera le leadership. Voici l’option prise par les autorités ivoiriennes pour faire en sorte que 17% de la population soit couvert dès la première année et porter ce ratio à 40 % d’ici à 2025.
AMU et CMU : similitude ou différence ?
Entre le régime de l’Assurance maladie universelle (AMU), prôné par les refondateurs et qui n’a pu avoir de dénouement, et l’actuel système de Couverture maladie universelle (CMU), pas de différence fondamentale, car le principe reste le même. Celui d’offrir à un plus grand nombre de personnes un accès plus aisé à des soins de santé, en cas de maladie. D’une ère à une autre, l’universalité de la couverture maladie est ce qui prime. Il s’agit d’améliorer le cadre de vie des populations, sous la contrainte de la pauvreté qui atteint un Ivoirien sur deux, en passant par un dispositif de prévoyance sociale. La différence se trouve dans les stratégies déployées. Pendant que l’AMU prévoyait la mise en place de trois structures distinctes (les agriculteurs, les acteurs des secteurs formels – public et privé – et les autres), la CMU prend l’option d’une caisse unifiée pour gérer tout le dispositif.
JEAN-PHILIPPE EZALEY
Après des années de réflexions, d’études techniques et de simulations diverses, la loi n°2014-131 du 24 mars 2014 instituant la Couverture maladie universelle (CMU) est venue juridiquement donner forme au pharamineux programme de prévoyance sociale de l’Etat ivoirien. Dans son article 2, «il est intitulé par la présente loi un système obligatoire de couverture du risque maladie au profit des populations résidant en Côte d’Ivoire». La Couverture maladie universelle est donc une obligation pour chaque Ivoirien. Et à l’article 10 de préciser ses principes : «La Couverture maladie universelle est fondée sur des principes de solidarité nationale, d’équité et de mutualisation des risques…» En effet, «85 à 90 % de la population ivoirienne ne bénéficie d’aucune couverture sociale», a récemment indiqué le Premier ministre Daniel Kablan Duncan. Et la CMU s’annonce comme le dispositif devant apporter une solution idoine pour que la plus grande frange de la population ait accès aux services de base en termes de santé. Raison pour laquelle les autorités ivoiriennes ont jugé opportun de mettre en place une structure autonome pour gérer cette plateforme de prestation sociale. C’est ainsi que le décret n° 2014-395 du 25 juin 2014, régi par les dispositions de la loi n° 99-476 du 2 août 1999, a permis de créer l’Institution de prévoyance sociale (IPS) dénommée Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam). Elle fonctionnera comme une structure privée pour ainsi éviter les lourdeurs de l’administration publique ivoirienne et autres contraintes de financements. Les fondamentaux étant établis, il est maintenant question de passer à la phase opérationnelle du processus.
A l’heure des enrôlements individuels
La première étape du déploiement de la CMU est l’enrôlement des individus, qui a été lancé 30 décembre 2014. Il s’agit de faire identifier chaque personne sur une carte individuelle d’assuré avec des éléments de biométrie permettant de lutter contre la fraude. A quelque quatre mois, 59 sites fixes ont été rendus opérationnels pour accueillir les populations, aussi bien d’Abidjan que de l’intérieur du pays. Mais l’on se rend compte que l’engouement autour du projet n’est pas encore vivace. Les Ivoiriens se font enrôler, mais à un rythme encore très lent. Plusieurs éléments pourraient expliquer cela : des personnes encore sceptiques quant à la réussite du projet ; l’éloignement des sites d’enrôlement et leur insuffisance ; le temps matériel qu’il faut aux uns et aux autres ; l’insuffisance d’information et de propagande autour du dispositif, etc. Autant de couacs qui se dressent… Sans ignorer que l’Etat n’a pas encore mis en place tous les moyens humains et financiers pour que l’IPS-CNAM opère en toute la latitude. L’on est encore à une étape transitoire !
Entre-temps, les enrôlements continuent et le directeur général de la Cnam, Karim Bamba, et ses acteurs ont trouvé l’idée d’activer les sites mobiles en vue de renforcer le dispositif d’immatriculation gratuitement offerte. Ainsi, des agents commis à cette tache se déplacent, pour un temps donné, devers des entreprises, administrations publiques, collectivités locales, associations professionnelles et autres regroupements, pour collecter les informations nécessaires. Mais tout cela a donné des résultats encore peu probants puisqu’on dénombrait un peu plus de 18.000 enrôlées à la mi-avril, trois mois et demi après de démarrage de l’opération. Rappelons que l’objectif assigné est d’intégrer 4 millions de personnes dans la base de données à la fin de l’année 2015.
L’Etat passera à la vitesse supérieure
Ce faible taux d’enrôlement n’enlève en rien les ambitions des autorités ivoiriennes. Sur la question de l’assurance universelle, plusieurs dispositions ont déjà été arrêtées après de nombreuses tractations entre l’Etat et les structures spécialisées dans la protection sociale. Même s’il y a encore quelques points à affiner, le principe d’intégration systématique est un acquis. Une période de latence est observée… A compter de fin octobre 2015, ce sera le début des prélèvements pour les fonctionnaires et agents de l’Etat. Ces derniers, qui, jusque-là, bénéficient des prestations de la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l’Etat de Côte d’Ivoire (Mugef-CI) vont être systématiquement transférés dans le dispositif de la Cnam. Et ce seront plus de 240.000 adhérents (à la date de l’assemblée générale des 282 délégués de la Mugef-CI tenue le 20 décembre 2014), avec les 600.000 bénéficiaires qui viendront grossir les rangs de la CMU. La seconde catégorie est les travailleurs du secteur privé ivoirien. Lorsqu’on prend les assurés de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) seulement, plus de 650.000 personnes vont être transférées à la CNAM. Si chaque travailleur assure quatre personnes en moyenne par famille, l’on s’attend à plus 2.600.000 de personnes enrôlés de facto. Telle est la stratégie arrêtée pour que l’Etat atteigne son quota, en vue d’offrir les premières prestations à compter de janvier 2016.
Quand la CNAM assurera le leadership !
L’actuel scénario exige que ce soit la Cnam qui pilote, gère et régule tout le système de l’assurance maladie en Côte d’Ivoire. C’est la seule structure qui assurera le régime de base pour tous. L’accès aux consultations, examens de laboratoire, médicaments, hospitalisations, chirurgie (cas des urgences), etc. Mais les Ivoiriens doivent bien comprendre que tout n’est pas gratuit. On parle du système de capitation, le système de tiers-payant, le ticket modérateur (…). De plus, toutes les prestations ne sont pas couvertes : «La liste des affections, la nomenclature des actes de soins médicaux et chirurgicaux, ainsi que les médicaments couverts par la garantie sont définis par décret», précise l’article 7 de la loi instituant la CMU en Côte d’Ivoire. Il faut donc une bonne politique de sensibilisation et de communication sur ce que la CMU est en mesure de faire, ou pas. Cela est très important pour éviter des murmures une foi la phase des prestations ouvertes. Raison pour laquelle toutes les caisses de prévoyance sociale, à savoir le Mugef-CI, la CGRAE, la CNPS, qui deviendront des Organismes de gestion déléguée (OGD), ont toute leur place. Elles offriront des régimes complémentaires à leurs adhérents sans ignorer les autres formes de prestations en matière de prévoyance sociale. Ces organismes continueront de collecter les souscriptions de leurs adhérents, pour reverser, les parts dues la CNAM en vue de jouer sa partition. Les cotisations mensuelles, fixées à 1 000 FCFA par individu, seront indirectement prélevés. Ainsi, la Caisse nationale d’assurance-maladie assurera le leadership. Voici l’option prise par les autorités ivoiriennes pour faire en sorte que 17% de la population soit couvert dès la première année et porter ce ratio à 40 % d’ici à 2025.
AMU et CMU : similitude ou différence ?
Entre le régime de l’Assurance maladie universelle (AMU), prôné par les refondateurs et qui n’a pu avoir de dénouement, et l’actuel système de Couverture maladie universelle (CMU), pas de différence fondamentale, car le principe reste le même. Celui d’offrir à un plus grand nombre de personnes un accès plus aisé à des soins de santé, en cas de maladie. D’une ère à une autre, l’universalité de la couverture maladie est ce qui prime. Il s’agit d’améliorer le cadre de vie des populations, sous la contrainte de la pauvreté qui atteint un Ivoirien sur deux, en passant par un dispositif de prévoyance sociale. La différence se trouve dans les stratégies déployées. Pendant que l’AMU prévoyait la mise en place de trois structures distinctes (les agriculteurs, les acteurs des secteurs formels – public et privé – et les autres), la CMU prend l’option d’une caisse unifiée pour gérer tout le dispositif.
JEAN-PHILIPPE EZALEY