Yamoussa Touré. L’évocation de ce nom, ne vous dit-il rien Peut-être êtes-vous trop jeune ou, peut-être l’histoire de l’illustre personnage vous est méconnue. Et pourtant, cet «érudit», grand guide spirituel et non moins habile et humble politique a existé. Bel et bien. Ce grand homme qui naquit vers 1904 dans la Sous-préfecture de Blességué, dans le Département de Kouto, aura marqué, toute une génération de «jeunes» «et de bambins», devenus depuis des adultes et pères de familles et ce, de génération en génération depuis la fin des années 1930.
Ségou et la quête du savoir
L’histoire simple de celui qui deviendra par la suite, El Hadj Yamoussa Touré (après qu’il eut effectué le pèlerinage sur les lieux saints de la Mecque), commence réellement à partir de l’âge de 12 ans qui vit ses parents prendre la décision de l’envoyer à Ségou (Soudan Français et actuel Mali) pour y «quérir» le savoir ainsi que les connaissances coraniques idoines qui lui permettraient de rayonner comme humble serviteur de Dieu. De cette épopée de « quête de savoir», le jeune Yamoussa redoutablement formé revint à l’âge de 32 ans dans son pays et auprès des siens. Nous sommes en 1936. A Ségou, il y a passe 20 ans ! L’adolescence et la jeunesse vigoureuse ! Autonome, instruit et «oint» par les valeurs spirituelles et théocratiques, le jeune Yamoussa décide d’assumer son Destin. Il s’installe à Bouaflé, ville chargée d’histoire, carrefour et creuset de plusieurs peuples. Dans la ville qui deviendra avec le temps, la capitale de la Marahoué, il y installe la première école coranique de l’histoire du cru.
L’oncle d’Houphouët-Boigny, son justicier
Et comme un hasard ne vient pas seul, Yamoussa est pris d’estime par l’oncle du Président Houphouët-Boigny, M. Allangba Konan qui deviendra de facto son tuteur. C’est cette opportunité qui lui permettra, de faire la connaissance du médecin Houphouët. A l’époque, le futur père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne, a maille à partir avec ses parents maternels qui voulaient ou souhaitaient, qu’il abandonnât ses fonctions de médecin à Guiglo afin de venir se consacrer à ses futures fonctions de chef traditionnel. Grâce à ses dons ainsi qu’à ses connaissances profondes et affinées des choses qui relèvent des mystères de Dieu, il commanda à Houphouët de ne point trop se laisser déprimer. Parce que, Dieu lui aurait révélé, dans l’intercession auprès du tout miséricordieux, qu’il lui viendrait en aide et mieux encore, que le Seigneur prédisait, qu’il règnerait sur le pays, la Côte d’Ivoire, un jour…
C’est que, déjà dans les contrées, la renommée de Yamoussa, ses dons naturels, sa vision et ses révélations, faisaient… autorité.
Naturellement, comme il est de tradition dans nos contrées, sa notoriété grandissante, ainsi que ses relations de valeur, lui valurent des jalousies et inimitiés qui, déjà conduisirent au complot des saccages d’écoles coraniques. Il fut victime de conspiration et fut arrêté. Les mensonges ne prospérèrent pas. Ils furent battus en brèche et, la vérité finit par rattraper les auteurs du complot. Il en sortit renforcé. Son autorité plus grande.
Manœuvres politiciennes et fausses confessions
Mais. Mais… la notoriété rimant toujours avec les ragots et les médisances, Yamoussa allait y être confronté et de quelle manière ? L’adulte rayonnant, désormais père de plusieurs enfants, et ami de plusieurs politiciens importants, il allait en payer le prix. Et plus que tout autre, son amitié avec Ernest Boka sera exploitée par ses détracteurs jaloux, comme une sorte de « collusion » avec ce dernier contre le père fondateur.
Le complot du « chat noir »
La Côte d’Ivoire connait une période de forte turbulence politique en janvier 1963. Un complot, disait-on, et visant le père fondateur aurait été déjoué. Les responsables désignés, les jeunes cadres bien formés de la JRDACI dirigé par l’illustre Dr en médecine Amadou Koné (diplômé de la faculté de Paris après l’obtention de son BAC) et ancien président des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire en France de 1951 à 1957. Il avait été désigné comme le cerveau. S’ensuivit pour l’époque, une « purge » qui conduisit la quasi-totalité de l’élite à la prison d’Assabou : Jean Banny, Seydou Diarra, Amadou Thiam, Amadou Koné, Ernest Boka, Coffi Gadeau, Charles Donwahi, Gris Camille, Yamoussa Touré, Gaoussou Touré (Daloa) Koné Koya Samba Diarra et bien d’autres.
Yamoussa bu le calice jusqu’à la lie puisque, du fait de son amitié avec Ernest Boka, il fut indexé comme le principal co-auteur du complot du «chat noir». On aurait, dit-on, découvert la photo de l’illustre père-fondateur enterré avec un chat noir. D’où, le surnom du complot du « chat noir ». A la vérité, certains se réclamant de Boka avaient de façon incidieuse, « excipé » de ce que Yamoussa en avait été le principal instigateur. Faux. Ce jour-là, et des jours avant, Yamoussa et Boka ne s’étaient pas rencontré. Par quelle magie pouvaient-ils être associés. Encore une fois, il fallait étouffer Yamoussa dont la science et « l’aura » gênaient une certaine catégorie de marabouts ( …)
Parenthèse honteuse
Ce fut une période dure. Difficile et quasi insupportable pour un homme de Dieu. Une « parenthèse honteuse » orchestrée par des mains occultes pour … nuire. Mais Dieu lui, n’avait pas dit son dernier mot. Aussi, lorsque le Souverain se manifesta, la vérité jaillit. Dieu rétablit Yamoussa Touré dont l’innocence fut reconnue. Il fut relaxé bien avant les autres et bien avant que, Houphouët décidât en 1967 d’élargir (libérer) tous les autres prisonniers politiques. Ensuite en 1971, il institua une journée de pardon pour que le peuple de paix de la Côte d’Ivoire oubliât ce qu’il considéra comme étant le fait de Pierre Goba l’ancien directeur général de la Police nationale.
Houphouët héberge Yamoussa
La vérité triomphant toujours du mensonge, Yamoussa libre repris de plus belle son « odyssée sacerdotale islamique ». Il se consacra à l’islamisation de nombreux territoires ivoiriens qu’il n’eut de cesse de parcourir. Mais le fait le plus marquant sera, le geste, ô combien fraternel du Président Houphouët à son égard. Après sa libération, Yamoussa fut hébergé par Houphouët-Boigny lui-même dans son domaine mythique de Yamoussoukro. Yamoussa Touré y resta de longs mois avant de regagner ses nombreux domiciles. Jusqu’à la disparition du père fondateur en 1993, il entretint avec lui une très grande fraternité.
Une grande dimension spirituelle
On retiendra de cet érudit (dont la connaissance de l’Islam et ses bienfaits était exemplaire) qu’il vécut avec une très grande dimension spirituelle. Il aimait son prochain. Il reçut et hébergea dans ses différentes «maisons», des dizaines et des dizaines d’élèves et Boursiers qui ne savaient où loger et a fortiori comment manger. Cela caractérisait bien sa dimension humaine, son sens élevé de la générosité et du partage. El Hadj Yamoussa Touré, fut co-fondateur du Conseil Supérieur Islamique (CSI) avec le vieux Gaoussou Diaby. Il fut également membre fondateur de l’Amop et un des pionniers de l’organisation du pèlerinage Ivoiriens à la Mecque. Il effectua 20 fois le pèlerinage sur les lieux saints d’Allah. Il vécut heureux et eut 43 enfants : 22 garçons et 21 filles. En tous points, il fut un Homme généreux, d’honneur, d’amour et… de partage. Son fils le plus illustre est le jeune Touré Mamadou qu’il a plu au Président Ouattara de porter à la dignité de conseiller technique chargé de la Jeunesse et des Sports. Une mission que le jeune accomplit avec un rare dévouement et surtout un engagement qui force l’admiration. Yamoussa n’a pas vécu inutile. Sa nombreuse progéniture continue de perpétuer sa mémoire. Yamoussa, un Homme de Dieu, un Homme de bien ! Yamoussa nous a éclairés de la lumière du bien et… du beau.
Bamba Alex Souleymane
Expert Consultant
en stratégies d’informations
Juriste / conseil en Hautes
Etudes Internationales
