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International Publié le mardi 14 juillet 2015 | L’intelligent d’Abidjan

Contribution /Négociations sur la dette grecque : Les incohérences et populisme d’Alexis Tsipras mis à nu

La réunion de l'Eurogroupe du samedi 11 Juillet 2015 n'a pas abouti à un accord sur la Grèce. Le Sommet Européen du dimanche 12 Juillet 2015 est annulé. Les négociations dans la zone euro continuent. Alexis Tsipras n'est plus dans son élément. Il a appris à ses dépens que les négociations entre son pays et les Ministres des Finances de l'UE ne sont pas une belle ballade en bordure de mer où l'oiseau peut s'envoler facilement avec sa proie. Avec le recul, l’intelligence rétrospective et la lecture exhaustive des faits, Alexis Tsipras a sous évalué et sous estimé la réaction des faucons de l'Eurogroupe tels que l'Allemagne, l'Irlande, l'Islande, la Lettonie, les Pays Bas et la Slovaquie qui l'attendaient au tournant et jugent peu crédibles les réformes d'Athènes. Plusieurs gouvernements européens ont des doutes sur l'engagement et la volonté de la Grèce. Avant le référendum du 5 Juillet 2015, le Premier Ministre grec a tenu à son peuple un discours musclé contre l'austérité et de défiance à l'égard du FMI, de la BCE et des créanciers. Après le référendum, Tsipras a eu un mandat clair du Parlement grec (251 sur 300 députés ont approuvé son programme de réformes, 32 contre et 8 abstentions). Il a fait son mea culpa et a reconnu ses erreurs devant les députés. C'est précisément son programme quasi similaire à celui proposé par les créanciers, en date du 25 Juin 2015 qui ouvre les yeux du monde entier sur les incohérences, le danger et les impacts négatifs du populisme sur le peuple grec, asphyxié financièrement, debout dans les longues files d'attentes devant les distributeurs pour avoir accès à 60 dollars américains par personne et par jour, confronté à la pénurie alimentaire, de biens de première nécessité, de médicaments, transformant actuellement la Grèce, pays européen en pays en voie de développement.
L'Eurogroupe a saisi la faille d'Alexis Tsipras (nul n'est infaillible) qui entretient lui même l'incertitude sans point de repère sur l'issue des négociations à Bruxelles. Les négociations qui patinent et traînent en longueur font partie de la dramaturgie de l'Eurogroupe. Il lui faut également affronter les durs de son parti " SYRIZA " qui pensent qu'en moins d'une semaine de la victoire éclatante du " non " à l'austérité, le peuple grec est trahi par son Premier Ministre qui est passé de la lumière à l'ombre en acceptant l'augmentation de la TVA, les réformes des retraites et de la fonction publique, la privatisation etc. Pour le peuple qui déchante, la cause profonde de la volte face du Premier Ministre sous perfusion et sous pression de l'Eurogroupe se trouve dans ses recettes populistes, doctrinaires et dogmatiques. "Les idéologies se terminent toujours en dictatures méprisant les peuples" a dit le Pape François au Paraguay le 11 juillet 2015, en fin de visite en Amérique Latine qui l'a conduit en Equateur, en Bolivie et au Paraguay depuis le 5 Juillet 2015. Le danger du populisme d'Alexis Tsipras est de ne pas informer, expliquer, communiquer et sensibiliser le peuple sur les évidences suivantes:

1. les réformes sont l'accélérateur de la croissance économique viable, variée, durable et inclusive qui rembourse la dette de la Grèce non la décote de 30% sur la dette, la période de grâce de 20 ans proposées à l'Eurogroupe par Tsipras et son Ministre des Finances démissionnaire Yanis Varoufakis, avant le référendum;
2. Le FMI, la BCE et la Commission prennent les négociations avec la Grèce à cœur. La Troika est d'un charme particulier en terme de revue détaillée page par page, paragraphe par paragraphe du programme de réformes grec. Tous leurs efforts d'évaluations incontournables ne sont pas dirigés contre le peuple grec. Ils ne sont pas pour faire beau en Grèce par complaisance ou plaire par laxisme mais pour lutter contre le gaspillage, la corruption endémique, l'opacité, les inégalités, l'injustice sociale, les dépenses de prestige, l'exemption fiscale aux armateurs, aux évêques à l'église orthodoxe, le budget exorbitant de la défense, le maquillage massif sur les comptes publics, les goulots d'étranglement à la créativité, à la promotion de l'initiative privée de la privatisation des entreprises publiques,au développement du secteur privé;
3. l'illusion des promesses électorales et référendaires intenables au travers de la manipulation visant à abuser de la conscience du peuple pour lui arracher un verdict sans appel contre l'austérité, la rigueur, les réformes;
4. les négociations avec les ministres des Finances de la zone euro ne sont ni un moment de détente ni de communion. Ces négociations de légende s'apparentent à la chasse au trésor pour élucider les énigmes vers la maturation des détails, des engagements, de la confiance, de la crédibilité qui ne laissent personne de marbre;
5. l'UE doit beaucoup au FMI, à la BCE et à la Commission Européenne qui l'ont transformée par le respect des principes, ds politiques, des valeurs, des réformes et des programmes.

Les négociations du samedi 11 Juillet 2015 entre l'Eurogroupe et la Grèce ont échoué, en raison de la défiance plus forte à l'égard des réformes proposée. La France et l'Italie jouent aux médiateurs. C'est en grande partie à cause de leur volonté commune et partagée qu'un accord et un résultant satisfaisant seraient sur orbite au Somet des 19 Chefs d'Etat de la zone euro, le dimanche 12 Juillet 2015. L'Allemagne suggère la sortie temporaire de la Grèce pendant cinq (5) ans tout en restant dans l'UE, la création d'une société indépendante de vente des biens publics grecs pour encaisser 50 milliards d'euros destinés au remboursement de sa dette. Cette suggestion audacieuse et risquée n'a pas été évoquée au cours des négociations. Elle renferme des germes de récupération par la gauche radicale antilibérale et de préparation dans le positionnement stratégique de la Chine, première puissance financière mondiale, dans l’ingérence économique par le biais de l'achat au plus offrant des biens publics de la Grèce et dans la concurrence avec l'UE en terrain conquis à coup d'argent dans un pays à la frontière orientale de l'Europe proche des Balkans.
La crise de la dette grecque est à la fois technique, politique et géopolitique. De plus en plus, on s’aperçoit qu'avec l'assistance de la France dans la conception, la formulation, la préparation et la rédaction du programme de réformes de la Grèce soumis à l'évaluation de l'Eurogroupe, la crise n'est pas un problème monétaire mais d'économie réelle, de base de production, de compétitivité, de croissance, d'emploi, d'infrastructures et d'investissement. Sous ce prisme, il faut mettre la Banque mondiale dans la boucle des décisions en plus du FMI, de la BCE et de la Commission car " on apporte pas une solution monétaire à un problème d'économie réelle " dit Christian De Boisseu, Professeur d'économie à la Sorbonne. De ce point de vue, l'Allemagne dont l'esprit de suprématie est axé sur son succès économique tiré par l'austérité, la discipline budgétaire, la rigueur, la dominance technocratique se trompe de combat et de cible. On impose pas l'austérité à la Grèce lorsqu'il n'y'a pas de croissance. Le pays est menacé du défaut de paiement inéluctable. Les prix sont déjà élevés, répercuter d'un coup la TVA de 23% sur les prix dans la restauration et l’hôtellerie fera perdre les clients potentiels et effectifs, faire fuir les touristes, baisser la consommation dans un pays sans épargne significative. Il est économiquement et techniquement raisonnable d'indexer la dette grecque sur le niveau de croissance économique, de créer les conditions et tendances de cette croissance, des incitations fiscales, d'endiguer les transfert de prix, le flux des capitaux sortis de manière illicite du pays, d'envisager des perspectives sur les gains pour rembourser la dette, éviter que la Grèce sorte de la zone euro et devienne la fosse des immondices de l'UE à court et moyen terme. Un troisième plan d'aide à la Grèce dans le cadre de la mise en oeuvre du mécanisme européen de stabilisation est possible.
Les valeurs fondamentales de l'Europe en 1957 étaient la solidarité, la paix, l'aide, le partage, l'engagement, la complémentarité, le bien être non l'argent, les chiffres, les bilans, l'austérité, la rigueur, la discipline et les réformes. Le monde change et bouge, l'Europe aussi. Tout va si vite dans un sens comme dans l'autre. Tout peut s'arrêter. La Grèce est confrontée à la crise de la dette, l'Allemagne au vieillissement de sa population et à la montée de l'islamophobie de PEGIDA, la France en quête de la croissance économique vigoureuse et durable, l'Italie à la crise des migrants etc. Depuis la crise de la dette grecque, les migrants ne sont plus au devant de la scène de l'actualité internationale. L'Europe doit savoir nuancer, combiner préférence et prévision, lucidité et pragmatisme, responsabilité et exemplarité, décision et calendrier de mise en oeuvre. Si l'austérité imposée pendant cinq (5) ans à la Grèce a échoué, le populisme n'est pas la solution idoine de sortie de crise de la dette mais la véritable incarnation de la tromperie du peuple face à un écran de fumée dressé par le jeune Premier Ministre.
Laurent Maurice Kouakou
Chroniqueur expert consultant
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