Abidjan – La pratique des Mutilations génitales féminines (MGF), plus connues sous le vocable "Excision" notamment en Côte d’Ivoire, est encore prégnante en dépit de l’existence d’une loi contre ce fléau que rien ne just ifie.
Les MGF désignent l'ablation totale ou partielle des organes génitaux féminins externes. Généralement réalisée par une exciseuse traditionnel avec un couteau ou une lame de rasoir avec ou sans anesthésie, les procédures varient selon les régions et les groupes ethniques. Elles peuvent aller d'une simple scarification à l'ablation partielle ou totale du clitoris et des lèvres (excision) voire à la suture des lèvres pour fermer la vulve (infibulation).
Aucun bénéfice pour la santé
De l’avis des spécialistes, les MGF ne présentent aucun bénéfice connu pour la santé. Parmi les complications les plus courantes figurent les hémorragies lors de l'opération, les infections urinaires, des règles douloureuses, des douleurs chroniques, une diminution du plaisir sexuel et des complications liées à l'accouchement et la mise en péril du nouveau-né, les problèmes menstruels et urinaires dont les fistules, l'infertilité et la mort.
« A l’accouchement, on est obligé de faire l’épisiotomie (incision du périnée) et c’est très douloureux », commente Mme Dosso Fatoumata, sage-femme major à l’hôpital général de Koumassi (Abidjan Sud), interrogée le 30 septembre 2015 par l’AIP. Poursuivant, elle relève que l’excision provoque des dyspareunies (douleurs lors des rapports sexuels).
Cette pratique qui se fait généralement au cours d’une cérémonie « d’opération » collective dans les contrées en Côte d’Ivoire, présente aussi un risque de propagation du VIH/Sida d&r squo;une excisée infectée à une autre non porteuse du virus…
Une pratique ancrée dans la tradition
La pratique des MGF est concentrée dans au moins 28 pays africains, au Moyen-Orient, dans une moindre mesure en Asie et dans les populations immigrées dans les pays occidentaux. Selon un rapport de 2013 de l'UNICEF, environ 130 millions de femmes et de filles vivent avec une MGF dans le monde.
En Côte d’Ivoire, l’excision est une tradition ancestrale observée dans plusieurs régions. Au cours d'une rencontre dans le courant du mois de février 2015, la ministre ivoirienne de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l'Enfant, Anne Désirée Ouloto a indiqué que la pratique de l'excision touche plus de 70% des femmes dans les régions du nord et du nord-ouest du pays.
Citant l'Enquête d&e acute;mographique et de Santé à indicateurs multiples de 2011-2012, elle a ajouté que "38% des femmes âgées de 15 à 45 ans ont été excisées avec un taux supérieur à 70% dans le Nord et le Nord-Ouest, 57% à l'Ouest, 50% au Centre-Nord, 21% au Nord-Est, 20% au Centre-Est et 13% au Centre". Cette pratique "sans fondement qui constitue une violation grave des droits fondamentaux de la Femme", prévient-elle.
Législations peu appliquées
"On ne savait pas que c’était interdit par la loi", se défend une prévenue à la barre du tribunal de Katiola (nord), le 25 mars 2015, demandant pardon et promettant de ne plus jamais recommencer la pratique de l’excision qui est "une tradition", une "coutume".
Il s’agissait-là du deuxième procès en la matière dans cette juridiction qui avait ouvert la voie dans le pays, en 2012. En effet, le 18 juillet de cette année-là, neuf femmes avaient été condamnées à un an de prison pour l’excision d’une trentaine de fillettes en février.
Ces femmes, âgées de 46 à 91 ans, avaient été reconnues coupables de "mutilation génitale féminine" pour quatre d'entre elles, et de "complicité" pour les autres. Elles avaient toutes été condamnées à un an de prison et 50 000 FCFA d'amende.
Au terme de la loi numéro 98-6757 du 23 décembre 1998, portant répression de certaines formes de violence à l’égard des femmes en Côte d’Ivoire, les peines et amendes pour toute personne qui se rendrait coupable directement ou indirectement de mutilation s génitales sont d’un à cinq ans de prison et d’une amende de 360 000 à 500 000 FCFA. Cette peine est doublée quand l’auteur de la mutilation est un agent de santé, c’est-à-dire d’un million de francs CFA d’amende assortis de 5 à 10 ans de prison ferme. Quand la victime meurt après une mutilation, l’auteur est condamné de 5 à 20 ans de prison.
Offensive
Les autorités qui allient la sensibilisation et la répression ont mis en place une Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre, prenant en compte la prévention, la protection, le relèvement des victimes et la réinsertion des auteurs en vue d'une réduction ou de l'éradication de ce fléau.
De nombreuses ONG nationales ainsi que des organisations internationales issues surtout du Syst ème des Nations Unies (ONUCI, UNFPA, UNICEF…) sont également actives dans la lutte contre ce fléau.
Les Mutilations génitales féminines sont ainsi classées parmi les violences à l’égard des Femmes et des Enfants, constituant des violations des droits humains.
La Côte d’Ivoire a ratifié deux instruments juridiques majeurs respectivement en 1995 et en 1991. Il s’agit de la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discriminations à l’Egard des Femmes (CEDEF) adoptée en 1979 et la Convention relative aux droits des Enfants (CDE) adoptée en 1989 constituent des instruments de protection des femmes et des enfants.
En plus de ces mécanismes de protection renforcés par l’adoption en 1998 de la loi portant répression des MGF, l’Etat ivoirien s’est doté en 2000 d’u n Comité National de Lutte contre les Violences faites aux Femmes et aux Enfants logé au sein du Ministère de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l’Enfant.
MGF et Islam…
Dans la région du nord où l’Islam est prédominant, plus de 70% des femmes ont subi cette initiation que l’on décrit comme sociale, culturelle et parfois religieuse.
« Refusez l’excision même si on veut vous maudire », lançait l’Imam Cissé Djiguiba aux couples, lors d’une réunion de travail du Comité interafricain qui œuvre pour l’abandon des pratiques traditionnelles dont il préside la section ivoirienne, en novembre 2011. Le président de la Fondation Djigui / La bonne espérance) réfutait ainsi officiellement, ces allégations faisant de la pratique de l’excision, une pr escription de l’Islam.
« (…) Nous savons tous qu’aucune fille du prophète Mohamed n’a été excisée, même parmi ses compagnons. Or, ce sont des modèles. Dans le Coran, il est fait mention de la circoncision masculine. Mais, nulle part, on ne parle de l’excision de la femme », répondait-il, dans une interview publiée le 29 novembre de la même année dans Nord-Sud Quotidien.
« Assez, c’est assez ! », poursuit-il dans une vidéo diffusée sur Youtube (https://www.youtube.com/watch?v=6F4-j63HBp0). « Pour nous, c’est ‘’Tolérance Zéro ’’, ajoute-t-il, invitant les décideurs, les intellectuels, les responsables d’associations, les leaders communautaires et traditionnels à « ouvrir les yeux sur l’avenir ».
Expliquant que l&rsquo ;origine des MGF remonte, d’après les anthropologues et les historiens, à 3 000 ans avant Jésus-Christ, l’imam ivoirien, par ailleurs recteur de la mosquée Salam du Plateau et directeur de la radio islamique Al Bayane, observe ainsi que cette pratique ne saurait être imputée à une quelconque religion.
« La tradition a la carapace très dure, (…) très néfaste », a-t-il souligné, insistant sur les conséquences à court, moyen et long termes de l’excision. « C’est une question de vie, de droits humains, de l’honneur de la femme… Le pire, c’est de ne pas avoir le courage de dénoncer », selon Cissé Djiguiba, jetant un pavé de la mare de la tradition.
Reconversion
Diverses raisons sont invoquées pour justifier la pratique de l’excision, par ses adeptes. La plus répandue reste le fait que cette pratique favoriserait, entre autres, la fidélité des personnes qui l’ont subie. Cette idée ardemment défendue par la gente masculine au sein des peuples qui la pratiquent, est de plus en plus réprouvée par les victimes, à savoir les femmes.
Témoignant sous couvert de l’anonymat, les victimes interrogées évoquent surtout la douleur et la peur. La terreur face au sang, la peur de l’homme, du garçon. Et elles en gardent encore les stigmates, surtout psychologiques.
Toutefois, grâce au travail conjugué des autorités publiques, des organisations nationales et internationales opérant en Côte d’Ivoire, plusieurs exciseuses ont accepté de « déposer le couteau », pour se reconvertir dans d’autres activités. Une décision salutaire pour le sa lut de millions d’innocentes (futures) victimes sauvées par le marteau du législateur.
(AIP)
(Par Coulibaly Maryam Angèle Sonia)
Les MGF désignent l'ablation totale ou partielle des organes génitaux féminins externes. Généralement réalisée par une exciseuse traditionnel avec un couteau ou une lame de rasoir avec ou sans anesthésie, les procédures varient selon les régions et les groupes ethniques. Elles peuvent aller d'une simple scarification à l'ablation partielle ou totale du clitoris et des lèvres (excision) voire à la suture des lèvres pour fermer la vulve (infibulation).
Aucun bénéfice pour la santé
De l’avis des spécialistes, les MGF ne présentent aucun bénéfice connu pour la santé. Parmi les complications les plus courantes figurent les hémorragies lors de l'opération, les infections urinaires, des règles douloureuses, des douleurs chroniques, une diminution du plaisir sexuel et des complications liées à l'accouchement et la mise en péril du nouveau-né, les problèmes menstruels et urinaires dont les fistules, l'infertilité et la mort.
« A l’accouchement, on est obligé de faire l’épisiotomie (incision du périnée) et c’est très douloureux », commente Mme Dosso Fatoumata, sage-femme major à l’hôpital général de Koumassi (Abidjan Sud), interrogée le 30 septembre 2015 par l’AIP. Poursuivant, elle relève que l’excision provoque des dyspareunies (douleurs lors des rapports sexuels).
Cette pratique qui se fait généralement au cours d’une cérémonie « d’opération » collective dans les contrées en Côte d’Ivoire, présente aussi un risque de propagation du VIH/Sida d&r squo;une excisée infectée à une autre non porteuse du virus…
Une pratique ancrée dans la tradition
La pratique des MGF est concentrée dans au moins 28 pays africains, au Moyen-Orient, dans une moindre mesure en Asie et dans les populations immigrées dans les pays occidentaux. Selon un rapport de 2013 de l'UNICEF, environ 130 millions de femmes et de filles vivent avec une MGF dans le monde.
En Côte d’Ivoire, l’excision est une tradition ancestrale observée dans plusieurs régions. Au cours d'une rencontre dans le courant du mois de février 2015, la ministre ivoirienne de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l'Enfant, Anne Désirée Ouloto a indiqué que la pratique de l'excision touche plus de 70% des femmes dans les régions du nord et du nord-ouest du pays.
Citant l'Enquête d&e acute;mographique et de Santé à indicateurs multiples de 2011-2012, elle a ajouté que "38% des femmes âgées de 15 à 45 ans ont été excisées avec un taux supérieur à 70% dans le Nord et le Nord-Ouest, 57% à l'Ouest, 50% au Centre-Nord, 21% au Nord-Est, 20% au Centre-Est et 13% au Centre". Cette pratique "sans fondement qui constitue une violation grave des droits fondamentaux de la Femme", prévient-elle.
Législations peu appliquées
"On ne savait pas que c’était interdit par la loi", se défend une prévenue à la barre du tribunal de Katiola (nord), le 25 mars 2015, demandant pardon et promettant de ne plus jamais recommencer la pratique de l’excision qui est "une tradition", une "coutume".
Il s’agissait-là du deuxième procès en la matière dans cette juridiction qui avait ouvert la voie dans le pays, en 2012. En effet, le 18 juillet de cette année-là, neuf femmes avaient été condamnées à un an de prison pour l’excision d’une trentaine de fillettes en février.
Ces femmes, âgées de 46 à 91 ans, avaient été reconnues coupables de "mutilation génitale féminine" pour quatre d'entre elles, et de "complicité" pour les autres. Elles avaient toutes été condamnées à un an de prison et 50 000 FCFA d'amende.
Au terme de la loi numéro 98-6757 du 23 décembre 1998, portant répression de certaines formes de violence à l’égard des femmes en Côte d’Ivoire, les peines et amendes pour toute personne qui se rendrait coupable directement ou indirectement de mutilation s génitales sont d’un à cinq ans de prison et d’une amende de 360 000 à 500 000 FCFA. Cette peine est doublée quand l’auteur de la mutilation est un agent de santé, c’est-à-dire d’un million de francs CFA d’amende assortis de 5 à 10 ans de prison ferme. Quand la victime meurt après une mutilation, l’auteur est condamné de 5 à 20 ans de prison.
Offensive
Les autorités qui allient la sensibilisation et la répression ont mis en place une Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre, prenant en compte la prévention, la protection, le relèvement des victimes et la réinsertion des auteurs en vue d'une réduction ou de l'éradication de ce fléau.
De nombreuses ONG nationales ainsi que des organisations internationales issues surtout du Syst ème des Nations Unies (ONUCI, UNFPA, UNICEF…) sont également actives dans la lutte contre ce fléau.
Les Mutilations génitales féminines sont ainsi classées parmi les violences à l’égard des Femmes et des Enfants, constituant des violations des droits humains.
La Côte d’Ivoire a ratifié deux instruments juridiques majeurs respectivement en 1995 et en 1991. Il s’agit de la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discriminations à l’Egard des Femmes (CEDEF) adoptée en 1979 et la Convention relative aux droits des Enfants (CDE) adoptée en 1989 constituent des instruments de protection des femmes et des enfants.
En plus de ces mécanismes de protection renforcés par l’adoption en 1998 de la loi portant répression des MGF, l’Etat ivoirien s’est doté en 2000 d’u n Comité National de Lutte contre les Violences faites aux Femmes et aux Enfants logé au sein du Ministère de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l’Enfant.
MGF et Islam…
Dans la région du nord où l’Islam est prédominant, plus de 70% des femmes ont subi cette initiation que l’on décrit comme sociale, culturelle et parfois religieuse.
« Refusez l’excision même si on veut vous maudire », lançait l’Imam Cissé Djiguiba aux couples, lors d’une réunion de travail du Comité interafricain qui œuvre pour l’abandon des pratiques traditionnelles dont il préside la section ivoirienne, en novembre 2011. Le président de la Fondation Djigui / La bonne espérance) réfutait ainsi officiellement, ces allégations faisant de la pratique de l’excision, une pr escription de l’Islam.
« (…) Nous savons tous qu’aucune fille du prophète Mohamed n’a été excisée, même parmi ses compagnons. Or, ce sont des modèles. Dans le Coran, il est fait mention de la circoncision masculine. Mais, nulle part, on ne parle de l’excision de la femme », répondait-il, dans une interview publiée le 29 novembre de la même année dans Nord-Sud Quotidien.
« Assez, c’est assez ! », poursuit-il dans une vidéo diffusée sur Youtube (https://www.youtube.com/watch?v=6F4-j63HBp0). « Pour nous, c’est ‘’Tolérance Zéro ’’, ajoute-t-il, invitant les décideurs, les intellectuels, les responsables d’associations, les leaders communautaires et traditionnels à « ouvrir les yeux sur l’avenir ».
Expliquant que l&rsquo ;origine des MGF remonte, d’après les anthropologues et les historiens, à 3 000 ans avant Jésus-Christ, l’imam ivoirien, par ailleurs recteur de la mosquée Salam du Plateau et directeur de la radio islamique Al Bayane, observe ainsi que cette pratique ne saurait être imputée à une quelconque religion.
« La tradition a la carapace très dure, (…) très néfaste », a-t-il souligné, insistant sur les conséquences à court, moyen et long termes de l’excision. « C’est une question de vie, de droits humains, de l’honneur de la femme… Le pire, c’est de ne pas avoir le courage de dénoncer », selon Cissé Djiguiba, jetant un pavé de la mare de la tradition.
Reconversion
Diverses raisons sont invoquées pour justifier la pratique de l’excision, par ses adeptes. La plus répandue reste le fait que cette pratique favoriserait, entre autres, la fidélité des personnes qui l’ont subie. Cette idée ardemment défendue par la gente masculine au sein des peuples qui la pratiquent, est de plus en plus réprouvée par les victimes, à savoir les femmes.
Témoignant sous couvert de l’anonymat, les victimes interrogées évoquent surtout la douleur et la peur. La terreur face au sang, la peur de l’homme, du garçon. Et elles en gardent encore les stigmates, surtout psychologiques.
Toutefois, grâce au travail conjugué des autorités publiques, des organisations nationales et internationales opérant en Côte d’Ivoire, plusieurs exciseuses ont accepté de « déposer le couteau », pour se reconvertir dans d’autres activités. Une décision salutaire pour le sa lut de millions d’innocentes (futures) victimes sauvées par le marteau du législateur.
(AIP)
(Par Coulibaly Maryam Angèle Sonia)