Présent à la dernière Nuit de distinction des lauréats de la saison 2014-2015 du football local ivoirien, l’ancien attaquant vedette des Eléphants et du Paris Saint-Germain, Kalou Bonaventure a accepté d’évoquer avec nous la marche du football ivoirien et de se prononcer sur le dernier appel de Yaya Touré à l’endroit des ex-internationaux.
Bonaventure Kalou, quel sens accordez-vous à l’organisation d’une Nuit des Oscars du football local ivoirien ?
C’est une initiative à louer. Etant moi-même issu du football local et voyant dans quel état se trouve actuellement ce football, c’est une action, de la part de la Fédération, à encourager. Car, ces joueurs sont confrontés à d’énormes difficultés. J’en connais personnellement dont les salaires ne sont pas versés à temps. Il y a vraiment beaucoup de difficultés auxquelles ils sont confrontés. Du coup, les récompenser comme le fait la Fif, ça leur met du baume au cœur et cela les invite à ne pas baisser les bras, mais plutôt de continuer à travailler.
Le hic, c’est que tous ceux qui ont été primés ont quitté la Ligue 1 de Côte d’Ivoire dans la foulée ?
C’est malheureusement, ce à quoi le championnat d’élite ivoirien est confronté : le manque de moyens. Donc, quand joueur émerge du lot, automatiquement il est convoité par des équipes étrangères. Mais, on ne peut pas en vouloir à ces jeunes de partir. Parce que les conditions actuelles sont inadéquates et insupportables pour eux.
Mais il y a que les départs massifs n’aident pas au développement endogène du football local ?
Partir est inévitable. Que l’on soit Argentin, Brésilien ou Ivoirien, le rêve de tout joueur qui commence le football, c’est de pouvoir jouer un jour en Europe. On ne peut donc pas empêcher ces jeunes de rêver. Mais, il ne faut pas partir trop tôt. Aujourd’hui, le phénomène auquel on est confronté en Côte d’Ivoire, c’est que quand un joueur fait un bon match, immédiatement quelqu’un qui lui propose quelque chose en Algérie ou je ne sais où. Il faut donc savoir partir. Pour moi, le problème n’est pas tant le départ massif de ces joueurs. C’est plutôt le timing qui n’est pas bon. En général, quand ils partent dans les conditions que l’on connaît, ils sont souvent confrontés à des échecs et après, ils ne peuvent pas revenir parce que la famille compte sur eux. Pour moi, le problème n’est pas de partir mais plutôt de savoir partir.
On se rappelle que Bonaventure a joué au moins deux saisons en championnat de Côte d’Ivoire avant de partir pour Feyenoord. Ce n’est pas aujourd’hui le cas pour Bayo Vakoum, meilleur joueur de la Ligue 1 de Côte d’Ivoire qui est déjà au Maroc, après seulement un an en élite ?
On revient donc à ce que je disais tout à l’heure. J’ai signé avec Feyenoord en mai, au retour de la Coupe du monde des juniors en Malaisie en 1997, mais j’ai continué de jouer pour finir le championnat. Malheureusement, ce sont des choses qu’on ne peut plus voir en Côte d’Ivoire. Car, il y a la pression des parents, mais aussi celle des agents de joueurs. Les joueurs sont aujourd’hui soumis à d’énormes pressions, notamment des agents de joueurs. Dès qu’il y a une opportunité, ils sont obligés de partir.
Yaya Touré a lancé un appel du pied aux ex-internationaux en déclarant qu’il rêvait de voir Kolo Touré ou Didier Drogba diriger un jour la Fif. Pensez-vous que ce soit là une idée à explorer, cela est-il possible selon vous ?
C’est possible, pourquoi pas ? Je veux dire que nous avons joué au plus haut niveau, nous savons comment mettre des joueurs dans les conditions pour qu’ils soient performants.
On sait où trouver de l’argent, comment aider ce football ivoirien. On devrait donc être intégrés. Du moins, ceux qui en ont les capacités intellectuelles. Parce qu’il ne faut pas penser que, parce qu’on a fait une carrière, on devient président de la Fédération. Il faut en plus, avoir des capacités intellectuelles. Et c’est à nous de prouver que nous en avons.
On est tenté de dire que vous qui êtes en retraite du football depuis un certain temps, n’êtes pas encore prêts pour donner l’assaut à la Fif ?
Ce n’est pas une question d’être prêt ou pas. Je veux dire que chacun a ses ambitions. J’ai les miennes, Cyril Domoraud a les siennes, de même pour Didier Drogba. En tout cas, mes ambitions ne sont pas les leurs. Ce n’est pas en étant forcément président de Fédération qu’on aidera le football ivoirien.
Et si, d’aventure, l’un d’entre vous était candidat ?
S’il arrivait qu’un jour, l’un d’entre nous était candidat et s’il arrivait que, ce que je pense coïncide avec son programme à lui, bien sûr que je serai à ses côtés et prêt à l’accompagner, afin qu’il accède à la présidence de la Fif.
Vous avez évoqué tout à l’heure les difficultés financières qu’avaient les clubs. Or, ceux-ci en appellent au gouvernement et bizarrement, vous qui êtes des ex-vedettes et leaders d’opinion ne les soutenez pas comme on pourrait s’y attendre ?
Les politiciens sont conscients que le football est un phénomène qui rassemble énormément de personnes. La preuve, aucun évènement, en dehors des deux sacres à la Can des Eléphants (1992 et 2015), n’a rassemblé autant d’Ivoiriens.
Le dernier sacre a même été fêté au moins pendant trois jours. Aucun autre évènement ne peut l’être et les politiciens en sont conscients. Pour moi, il ne faut pas que la sélection nationale soit l’arbre qui cache la forêt, car le football local se meurt. Et un jour, la sélection nationale va suivre. Ceci est inévitable. Il faut donc que, ceux qui décident des moyens, c’est-à-dire les politiciens, pensent à injecter un peu d’argent dans ce football local, afin de permettre aux clubs d’être autonomes et que les joueurs puissent vivre de leur art.
Bonaventure Kalou ne pense –t-il pas que les éternelles bisbilles entre la Fédération et les dirigeants de clubs soient de nature à remettre à plus tard un tel engagement de la part du gouvernement ?
Je pense, que ce soit la Fédération ou les clubs, chacun doit se mettre au-dessus de certaines considérations et travailler ensemble. Parce que le fait que le président de la Fédération ne s’entende pas avec les clubs, qui eux-mêmes ne s’entendent pas, n’est pas fait pour aider le football ivoirien. Il faut travailler ensemble, afin que le football ivoirien aille de l’avant et que le gouvernement daigne enfin injecter de l’argent dans ce football. Il faut que nous soyons très forts en parlant d’une même voix pour que le gouvernement nous vienne en aide. Il n’y a que ça qui pourra nous amener à ce que nous aspirons tous.
On se rappelle que quand Kalou Bonaventure quittait Abidjan, c’était pour signer à Feyenoord, de même pour Serges Maguy qui s’était envolé pour l’Athlético Madrid venant d’Abidjan. Aujourd’hui, les joueurs ivoiriens se retrouvent même en Mauritanie, sans manquer de respect à ce pays ?
C’est dommage et ça rejoint tout ce que je vous disais tout à l’heure.
N’est-ce pas parce qu’il y a une nette régression du talent pur en Côte d’Ivoire?
Non, pas tout à fait. Simplement, s’ils partent pour la Mauritanie, c’est que, ce qu’on leur propose ici est nettement en deçà de ce qu’on leur propose là-bas. Aucun joueur ivoirien de mon temps n’aspirait à jouer en Mauritanie ou au Niger. Si cela est arrivé, c’est qu’au fil des années, le niveau de notre football, ainsi que les moyens mis à sa disposition, ont régressé. Il y a une régression de talents et de moyens qui nous a donc conduits à la situation actuelle.
Interview réalisée par Patrice BEKET
Bonaventure Kalou, quel sens accordez-vous à l’organisation d’une Nuit des Oscars du football local ivoirien ?
C’est une initiative à louer. Etant moi-même issu du football local et voyant dans quel état se trouve actuellement ce football, c’est une action, de la part de la Fédération, à encourager. Car, ces joueurs sont confrontés à d’énormes difficultés. J’en connais personnellement dont les salaires ne sont pas versés à temps. Il y a vraiment beaucoup de difficultés auxquelles ils sont confrontés. Du coup, les récompenser comme le fait la Fif, ça leur met du baume au cœur et cela les invite à ne pas baisser les bras, mais plutôt de continuer à travailler.
Le hic, c’est que tous ceux qui ont été primés ont quitté la Ligue 1 de Côte d’Ivoire dans la foulée ?
C’est malheureusement, ce à quoi le championnat d’élite ivoirien est confronté : le manque de moyens. Donc, quand joueur émerge du lot, automatiquement il est convoité par des équipes étrangères. Mais, on ne peut pas en vouloir à ces jeunes de partir. Parce que les conditions actuelles sont inadéquates et insupportables pour eux.
Mais il y a que les départs massifs n’aident pas au développement endogène du football local ?
Partir est inévitable. Que l’on soit Argentin, Brésilien ou Ivoirien, le rêve de tout joueur qui commence le football, c’est de pouvoir jouer un jour en Europe. On ne peut donc pas empêcher ces jeunes de rêver. Mais, il ne faut pas partir trop tôt. Aujourd’hui, le phénomène auquel on est confronté en Côte d’Ivoire, c’est que quand un joueur fait un bon match, immédiatement quelqu’un qui lui propose quelque chose en Algérie ou je ne sais où. Il faut donc savoir partir. Pour moi, le problème n’est pas tant le départ massif de ces joueurs. C’est plutôt le timing qui n’est pas bon. En général, quand ils partent dans les conditions que l’on connaît, ils sont souvent confrontés à des échecs et après, ils ne peuvent pas revenir parce que la famille compte sur eux. Pour moi, le problème n’est pas de partir mais plutôt de savoir partir.
On se rappelle que Bonaventure a joué au moins deux saisons en championnat de Côte d’Ivoire avant de partir pour Feyenoord. Ce n’est pas aujourd’hui le cas pour Bayo Vakoum, meilleur joueur de la Ligue 1 de Côte d’Ivoire qui est déjà au Maroc, après seulement un an en élite ?
On revient donc à ce que je disais tout à l’heure. J’ai signé avec Feyenoord en mai, au retour de la Coupe du monde des juniors en Malaisie en 1997, mais j’ai continué de jouer pour finir le championnat. Malheureusement, ce sont des choses qu’on ne peut plus voir en Côte d’Ivoire. Car, il y a la pression des parents, mais aussi celle des agents de joueurs. Les joueurs sont aujourd’hui soumis à d’énormes pressions, notamment des agents de joueurs. Dès qu’il y a une opportunité, ils sont obligés de partir.
Yaya Touré a lancé un appel du pied aux ex-internationaux en déclarant qu’il rêvait de voir Kolo Touré ou Didier Drogba diriger un jour la Fif. Pensez-vous que ce soit là une idée à explorer, cela est-il possible selon vous ?
C’est possible, pourquoi pas ? Je veux dire que nous avons joué au plus haut niveau, nous savons comment mettre des joueurs dans les conditions pour qu’ils soient performants.
On sait où trouver de l’argent, comment aider ce football ivoirien. On devrait donc être intégrés. Du moins, ceux qui en ont les capacités intellectuelles. Parce qu’il ne faut pas penser que, parce qu’on a fait une carrière, on devient président de la Fédération. Il faut en plus, avoir des capacités intellectuelles. Et c’est à nous de prouver que nous en avons.
On est tenté de dire que vous qui êtes en retraite du football depuis un certain temps, n’êtes pas encore prêts pour donner l’assaut à la Fif ?
Ce n’est pas une question d’être prêt ou pas. Je veux dire que chacun a ses ambitions. J’ai les miennes, Cyril Domoraud a les siennes, de même pour Didier Drogba. En tout cas, mes ambitions ne sont pas les leurs. Ce n’est pas en étant forcément président de Fédération qu’on aidera le football ivoirien.
Et si, d’aventure, l’un d’entre vous était candidat ?
S’il arrivait qu’un jour, l’un d’entre nous était candidat et s’il arrivait que, ce que je pense coïncide avec son programme à lui, bien sûr que je serai à ses côtés et prêt à l’accompagner, afin qu’il accède à la présidence de la Fif.
Vous avez évoqué tout à l’heure les difficultés financières qu’avaient les clubs. Or, ceux-ci en appellent au gouvernement et bizarrement, vous qui êtes des ex-vedettes et leaders d’opinion ne les soutenez pas comme on pourrait s’y attendre ?
Les politiciens sont conscients que le football est un phénomène qui rassemble énormément de personnes. La preuve, aucun évènement, en dehors des deux sacres à la Can des Eléphants (1992 et 2015), n’a rassemblé autant d’Ivoiriens.
Le dernier sacre a même été fêté au moins pendant trois jours. Aucun autre évènement ne peut l’être et les politiciens en sont conscients. Pour moi, il ne faut pas que la sélection nationale soit l’arbre qui cache la forêt, car le football local se meurt. Et un jour, la sélection nationale va suivre. Ceci est inévitable. Il faut donc que, ceux qui décident des moyens, c’est-à-dire les politiciens, pensent à injecter un peu d’argent dans ce football local, afin de permettre aux clubs d’être autonomes et que les joueurs puissent vivre de leur art.
Bonaventure Kalou ne pense –t-il pas que les éternelles bisbilles entre la Fédération et les dirigeants de clubs soient de nature à remettre à plus tard un tel engagement de la part du gouvernement ?
Je pense, que ce soit la Fédération ou les clubs, chacun doit se mettre au-dessus de certaines considérations et travailler ensemble. Parce que le fait que le président de la Fédération ne s’entende pas avec les clubs, qui eux-mêmes ne s’entendent pas, n’est pas fait pour aider le football ivoirien. Il faut travailler ensemble, afin que le football ivoirien aille de l’avant et que le gouvernement daigne enfin injecter de l’argent dans ce football. Il faut que nous soyons très forts en parlant d’une même voix pour que le gouvernement nous vienne en aide. Il n’y a que ça qui pourra nous amener à ce que nous aspirons tous.
On se rappelle que quand Kalou Bonaventure quittait Abidjan, c’était pour signer à Feyenoord, de même pour Serges Maguy qui s’était envolé pour l’Athlético Madrid venant d’Abidjan. Aujourd’hui, les joueurs ivoiriens se retrouvent même en Mauritanie, sans manquer de respect à ce pays ?
C’est dommage et ça rejoint tout ce que je vous disais tout à l’heure.
N’est-ce pas parce qu’il y a une nette régression du talent pur en Côte d’Ivoire?
Non, pas tout à fait. Simplement, s’ils partent pour la Mauritanie, c’est que, ce qu’on leur propose ici est nettement en deçà de ce qu’on leur propose là-bas. Aucun joueur ivoirien de mon temps n’aspirait à jouer en Mauritanie ou au Niger. Si cela est arrivé, c’est qu’au fil des années, le niveau de notre football, ainsi que les moyens mis à sa disposition, ont régressé. Il y a une régression de talents et de moyens qui nous a donc conduits à la situation actuelle.
Interview réalisée par Patrice BEKET