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Économie Publié le jeudi 7 janvier 2016 | Le Quotidien d’Abidjan

Croissance économique / Un analyste financier révèle: « Les chiffres sont manipulés »

« Le Produit intérieur brut (PIB) en volume a progressé en moyenne de 9 % entre 2012 et 2013. La pauvreté a, quant à elle, reculé et les Ivoiriens sont plus heureux qu’ils ne l’étaient avant 2010 », selon le pouvoir ivoirien. Pour un analyste financier, cela ressemble ni plus ni moins qu’à de la manipulation de chiffres qui visent un objectif précis.

En dehors de l’année 2011 où le gouvernement ivoirien avait annoncé une croissance économique négative (-5%), toutes les années qui ont suivi ont marqué une reprise vertigineuse de la croissance, peut-on noter dans différents rapports économiques produits par le ministère en charge de l’Economie et des Finances. Le PIB en volume a progressé en moyenne de 9 % entre 2012 et 2013. Le PIB réel par habitant a gagné plus de 20 % sur la période 2012-2014. Tous les grands secteurs ont contribué à ce redressement et ont créé de l’emploi. Des conditions météorologiques propices et l’introduction de prix planché à la production pour les principaux produits d’exportation ont dopé l’agriculture, en particulier dans les filières du cacao, de la noix de cajou, du coton et des autres cultures vivrières (riz, plantain, manioc et maïs).Dans le secteur industriel, le lancement de grands projets publics d’infrastructure a engendré une augmentation générale de la production etc. C’est autant d’informations qui sont mentionnées noir sur blanc dans les rapports mis à la disposition des institutions financiers internationales au cours de leurs missions régulières d’évaluation de la gestion macroéconomique du gouvernement ivoirien, après l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE. Plongé dans une autosatisfaction béate, le pouvoir ivoirien, d’ailleurs, ne manque pas d’occasion de rappeler à ses interlocuteurs et même aux Ivoiriens que tout va presque bien en Côte d’Ivoire. Ce que ne partage pas un analyste financier franco-béninois. Le docteur en économie, Franck Renard, consultant international, joint au téléphone, parle d’une grosse machine à manipuler les chiffres mise en place par le régime ivoirien en intelligence avec des officines internationales d’évaluation, de notation et de statistiques financières. Il s’étonne de voir que toutes les officines de notation financières, les institutions de Bretons Wood… accordent presqu’à l’unisson un satisfecit aux autorités ivoiriennes alors qu’elles savent pertinemment que les Ivoiriens n’ont en aucun cas enregistré une hausse significative de leur revenus annuels. Bien au contraire, avance t-il, la destruction de milliers d’emplois au sortir de la crise postélectorale et les politiques fiscales de plus en plus harcelantes et répressives ont fortement impacté et le quotidien d’une frange importante de la population et suscité la fermeture de certaines d’entreprises. « Dans le secteur des PME, des centaines d’entreprises à qui l’Etat doit près 500 à 600 milliards de Fcfa ont mis la clé sous le paillasson. D’ailleurs l’incapacité de l’Etat à faire face à ses engagements l’a conduit à renoncer officiellement au paiement de près de 180 milliards de Fcfa de dettes contractées auprès des certains opérateurs économiques au motif que ces dettes n’étaient pas fondées », lâche l’analyste. Ce dernier rappelle également que les répercussions sur la vie sociale se sont immédiatement faites sentir : baisse du niveau de la consommation et déflation. Cette situation a été davantage exacerbée par l’opération de règlement de compte déroulée en 2011 dans l’administration générale qui a pris la forme d’un licenciement massif de 2818 fonctionnaires abusivement appelés ‘’fonctionnaires fictifs’’ par Gnamien Konan, ex-ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative d’alors. Ce nombre de déflatés a été porté à 4118 personnes par son successeur. Pour M. Renard, cette première dans l’histoire de la Côte d’Ivoire a fortement bouleversé le niveau de la consommation qui est pourtant un facteur essentiel dans la croissance économique. « Il y a trop d’indices qui ne militent pas en la faveur d’une croissance aussi rapide que celles qui sont avancées par le gouvernement ivoirien », affirme t-il. « Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, la Côte d’Ivoire est le seul pays au monde à avoir une croissance économique qui est en moyenne de 8,5% dans un contexte de conjoncture internationale et de la baisse du niveau de l’Aide Publique au Développement », s’est étonné l’analyste financier ; pour qui, par ailleurs, la manipulation des chiffres n’est ni plus ni moins qu’un appât tendu aux opérateurs économiques étrangers afin qu’ils investissent dans le pays. Car selon lui, aux réformes du climat des affaires sur lesquelles les investisseurs étrangers ne transigent presque jamais s’ajoute le niveau de la consommation de la population. En effet, si ce niveau est élevé, cela signifie particulièrement que la pauvreté a reculé mais surtout que le pouvoir d’achat des populations s’est nettement amélioré. Or en la matière justement, il existe bel et bien un contraste. Ce qui remet nettement le caractère formel de la croissance économique soutenu comme l’a relevé le Dr Franck Renard mais surtout et de la redistribution de la richesse nationale.

Kouakou Atta
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