Interview / Le contrôleur général Issa Coulibaly, DG des douanes: les performances réalisées par la douane ne me rendent pas euphorique
Issa Coulibaly est le Directeur général des douanes ivoiriennes. Promu récemment général par le Président de la République, il est désormais le seul douanier en exercice avec un tel grade. C’est dans ses nouveaux habits de contrôleur général des douanes, flanqués de deux étoiles en or, qu’il a reçu L’Intelligent d’Abidjan. C’est depuis ses bureaux situés au Plateau, le centre des affaires de la capitale économique ivoirienne, que le DG des douanes s’est confié…Reconnaissance à Alassane Ouattara, nouveau gouvernement, rumeurs sur son départ, atteinte de l’émergence en 2020, critiques contre Webb Fontaine, accusations d’opérateurs économiques, nouveaux défis, etc tous les sujets ont été passés au crible. Interview.
Vous venez d’être nommé récemment général par le chef de l’Etat et vous devenez ainsi le seul douanier en activité avec un tel grade. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
D’abord avant de vous dire ce que cela m’inspire, permettez-moi de m’acquitter de ce devoir de reconnaissance et de gratitude à l’endroit du Président de la République Son Excellence Alassane Ouattara qui a bien voulu m’élever à ce niveau de la hiérarchie. Je voudrais lui dire du fond du cœur merci beaucoup. Le remercier au nom de toute l’administration des douanes et lui traduire toute notre détermination, fidélité, loyauté et engagement à faire en sorte que là où il nous a mis, nous puissions donner le meilleur de nous-mêmes. Et pour le message qu’il envoie à l’ensemble de la direction des douanes, pour leur dire que lorsque nous travaillons, tôt ou tard, le mérite finit par être reconnu. Le travail bien fait, quel que soit le temps que cela met , finit par être reconnu. C’est donc un sentiment de fierté et de joie et en même temps, une pleine conscience des responsabilités qui sont les nôtres et forcement qui s’accroissent avec ce niveau de grade. Il s’agit pour nous, d’une sorte d’appel à faire mieux chaque jour, à faire plus que la veille. C’est un encouragement et un message à l’ensemble des jeunes de la Nation. C’est la reconnaissance de la qualité du travail qui est fait depuis ces derniers mois. C’est pourquoi je voudrais lui dire, en un mot comme en mille, merci, de même qu’au Premier ministre et mon ministre de tutelle, le ministre auprès du Premier ministre chargé du Budget et du Portefeuille de l’Etat. En même temps c’est un sentiment d’humilité, parce que lorsque vous arrivez à ce niveau, vous êtes suivi par une espèce de loupe. Donc il est sans doute difficile peut-être d’arriver à ce niveau mais il est encore davantage difficile de s’y maintenir et de continuer à servir d’exemple pour les jeunes générations qui vous regardent. C’est en cela que nous avons une pleine conscience des responsabilités qui sont désormais les nôtres. Voilà les quelques sentiments que cela m’inspire.
Les DG du Trésor et des Impôts nommés pratiquement au même moment que vous, ont fait leur entrée dans le nouveau gouvernement. Des informations circulaient faisant état de votre entrée aussi dans ce gouvernement. Ces informations étaient-elles fondées ?
Vous savez moi je suis à la tâche. Les rumeurs, je n’ai pas le temps de les écouter. Ceci dit, je voudrais féliciter mes deux collègues qui sont devenus mes patrons. C’est la vie ! Et je pense que chacun peut servir là où il est. C’est une phrase du Président Houphouët-Boigny qui disait : ‘’ nous pouvons servir la Nation à tous les niveaux pourvu que nous mettions du sien’’. Je me suis engagé à servir mon pays sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre. Partout où le devoir m’appelle je répondrai présent. Mon destin, il est entre les mains du Tout-puissant, il en fera ce qu’il voudra. Pour l’instant, le Président de la République, à travers le Premier ministre et mon ministre, ont sans doute pensé que j’avais des choses à faire ici. Et donc pour l’instant je suis là. Mais vous savez depuis que je suis arrivé ici (la direction générale des Douanes : NDLR) tous les jours on m’annonce partant (rire).
Des rumeurs font justement état de votre départ à la tête de la douane. En avez-vous eus échos ? Des noms même circulent pour vous remplacer…, alors que nous vous trouvons bien serein. À quoi est due votre sérénité ?
Je suis de nature optimiste et je pense que les hommes ont leur plan, Dieu aussi a le sien. Et en général, ce sont les plans de Dieu qui triomphent. Qu’ils circulent des noms pour me succéder, c’est tout à fait normal, moi j’ai remplacé quelqu’un. Il est tout à fait naturel que quelqu’un me remplace un jour. Mais c’est d’abord l’affaire de Dieu, et ensuite du Président de la République. Donc je ne suis pas du tout troublé par cette question. On vient et on part, c’est la nature. C’est comme la mort, si vous ne voulez pas mourir, ne naissez pas. Alors si vous ne vous voulez pas être remplacé, qu’on ne vous nomme pas.
Sur un objectif officiel de 1470 milliards FCFA, soit + de 192 milliards par rapport à 2014, vous avez réalisé un excédent de 56, 01 milliards. Quel est votre sentiment et surtout quelles sont les actions qui ont permis une telle performance ?
C’est un sentiment de satisfaction. Légitime mais pas euphorique. Parce qu’après tout, c’est ce qu’on nous demande. Faire en sorte que les objectifs qu’on nous assigne qui étaient de l’ordre de 1470 milliards soient atteints. Il fallait, dans un premier temps que nous nous battions pour les atteindre. Et si on les dépasse, c’est encore mieux. Mais ce n’est pas le travail d’une seule personne, c’est le travail de toute une équipe, de tous les agents des douanes à quelque niveau où ils se trouvent. C’est à eux que je veux dédier ces performances, et aussi aux réformes qui ont été engagées. Certaines ont été engagées il y a bien longtemps et elles portent leurs fruits aujourd’hui et d’autres ont été engagées dès notre avènement, et c’est l’ensemble de ces facteurs qui font que nous arrivons à ces performances. Donc je suis heureux et content d’avoir accompli, en tous cas pour 2015 ma part, et d’avoir apporté ma pierre à l’édification de la Nation.
Pour 2016, l’Etat a fixé des objectifs encore à la hausse : 1580 milliards FCFA. Quelles sont les actions à faire pour répondre aux exigences ?
Bien sûr, les objectifs pour 2016 : c’est 1580 milliards. Nous venons de faire le bilan pendant deux jours. Nous avons donc passé en revue nos forces et faiblesses, et les succès que nous avons enregistré, pour voir quelles sont les perspectives et les stratégies à mettre en œuvre pour pourvoir atteindre ces objectifs. Les résolutions du séminaire seront déclinées en plan d’actions, qui vont s’insérer dans le plan d’action stratégique et iront toujours dans le sens de la sécurisation des procédures et de leurs simplifications. Qui iront également dans le sens de la maitrise des valeurs notamment par le contrôle sur la base de l’Analyse du Risque et du Renseignement. Qui vont aller aussi dans le sens de la maitrise du transit. Vous savez, souvent il y a des soucis avec ce régime pour éviter les déversements frauduleux et la maitrise des régimes suspensifs qui sont les admissions temporaires, les entrepôts fictifs et autres. Et surtout la question des exonérations. Nous allons renforcer le contrôle et la maitrise de ces régimes privilégiés pour faire en sorte qu’il n’y ait pas d’abus à ce niveau. Il s’agit de renforcer le dispositif de prise en charge, tant au niveau des structures que des procédures. Pour faire en sorte que toutes les marchandises qui débarquent à Abidjan passent par la douane. Il s’agit de livrer une bataille à la contrebande. Vous savez au niveau du cordon douanier maritime, on a réussi quelque peu par le renforcement des ressources de l’encadrement et par la réorganisation des services, à stabiliser les choses. Autrefois, nous avions des soucis au niveau des marchandises générales. Vous voyez que cette année, toutes les grandes masses sont en progression. Il s’agit de faire en sorte qu’au niveau de l’intérieur, nous puissions lutter efficacement contre la contrebande et pour cela, il faut que les services extérieurs soient réorganisés. Les services extérieurs sont ceux qui s’occupent des bureaux frontières. Les services de surveillance et de répression que sont les brigades, que là aussi nous puissions restructurer ces services pour faire en sorte que le territoire soit bien quadrillé et que l’ensemble du territoire douanier soit sous la surveillance et l’emprise du service. Vous voyez qu’il y a un train de mesures qui seront misent en œuvre qui vont dans le sens de l’optimisation des recettes et qui vont nous permettent d’atteindre les 1580 milliards de FCFA. Je suis serein car j’ai une équipe déterminée et décidée à relever ces défis et vous verrez que progressivement, les performances s’amélioreront et c’est notre credo : faire chaque jour, un peu plus que la veille.
Il y a un projet qui est très cher au Président de la République, c’est l’émergence. Dans la quête de l’émergence, les Douanes ont assurément une partition importante à jouer. Comment définirez-vous le rôle des Douanes dans ce projet?
C’est un rôle essentiel dans la mesure où la douane est l’une des régies financières qui contribue dans une proportion assez significative, autour de 40%, au budget de l’Etat. Cela me rappelle l’une des phrases du Président de la République lors de son débat télévisé pendant la campagne présidentielle passée. Lorsqu’on lui a demandé, devant l’ampleur des chiffres des moyens qu’il annonçait pour financer son programme de gouvernement , où allait-il trouver les moyens. Le Président a répondu que trouver les financements d’abord, c’est son travail. Il sait où aller chercher l’argent. Ensuite, il a dit compter sur une meilleure collecte des droits de douane. Nous sommes conscients de notre rôle. Nous sommes conscients que plus nous aurons collecté de façon efficace les ressources intérieures, plus cela donnera les coudées franches au Président de la République pour demander à nos partenaires au développement, le différentiel. C’est pour cela que nous engageons toutes ces réformes pour faire en sorte que les procédures soient sécurisées, que les recouvrements soient efficients et qu’il n’y ait pas de pertes ni de saignées. Nous pensons que pour arriver à l’émergence, la douane doit commencer par se moderniser. Moderniser ses structures, moderniser ses méthodes et ses procédures. Et c’est pour cela que cette année et les années passées, en plus du travail de certification des procédures, vous voyez que nous avons travaillé dans le cadre de la mise en œuvre du Guichet unique. Le Guichet unique du commerce extérieur (GUCE) qui est une sorte de portail qui va faire en sorte que tous les acteurs du commerce international auront par Internet une seule entrée où ils pourront s’informer sur les tarifications, les taux, les procédures douanières et avoir les documents, les simplifier, les dématérialiser. Le GUCE permettra de gagner en temps, en argent. On économise la paperasserie, en redondance et on gagne en compétitivité. Nous pensons qu’en dehors de la collecte des ressources et des recettes, nous devrons avoir une administration qui épouse l’air du temps, et qui doit être soucieuse du fait que ses procédures doivent être simplifiées dans la mesure du possible pour offrir des gains de compétitivité à nos opérateurs économiques. Vous savez en matière de douane, pour optimiser les recettes vous avez les volumes. C’est-à-dire faire en sorte que toutes quantités qui arrivent soient prises en charge. Vous avez les valeurs, c’est-à-dire faire en sorte que les gens ne fassent pas de la sous-facturation. Et vous avez enfin le temps. Si vous maitrisez ces trois (3) éléments ; vous arrivez à optimiser les recettes. Nous travaillons donc à faire en sorte que les marchandises restent le moins possible en zone douanière.
La structure Webb Fontaine a été très décriée lors de son arrivée en Côte d’Ivoire il y a quelques années. On l’accuse d’être à la base de la hausse des valeurs sur les marchandises à dédouaner. Par exemple, les pharmaciens soutiennent que Webb Fontaine est à la base de l’augmentation des prix des médicaments. Que répondez-vous à ces différentes accusations étant entendu que vous avez délégué la valeur des marchandises à dédouaner à cette structure ?
Vous me permettez avec cette question de battre en brèche, un certain nombre d’assertions qui ne sont pas vérifiées. D’abord, le commun des mortels est réfractaire aux changements. Lorsqu’il y a un changement, il y a des résistances. Parce qu’on a acquis des habitudes bonnes ou mauvaises et on ne veut pas les changer, or la vie elle-même est changement, évolution. L’espèce humaine a été obligée de s’adapter sinon elle aurait disparu. Nous sommes aujourd’hui à un stade où il faut entreprendre des réformes. Avant de travailler avec Webb Fontaine, nous travaillions avec le groupe Veritas-Bivac. Mais, nous sommes sortis d’un système de vérification à l’embarquement vers un système de vérification à destination. Vérification qui doit se faire sur les documents. Lorsqu’on dit que Webb Fontaine a augmenté les prix, ceci n’est pas exact. Il faut voir d’où on partait. Il y avait des prix qui n’étaient pas correctement déclarés parce qu’en la matière, ce qu’on applique c’est la valeur transactionnelle : le prix effectivement payé ou à payer. Ce n’est pas Webb Fontaine qui l’invente ce système. Seulement, cette structure a des procédures et des moyens techniques qui lui permettent de savoir que c’est ce prix qui devra être payé ou à payer. Tout le monde aujourd’hui peut faire des cotations en allant sur Internet pour voir le prix de certains articles.
Si je prends le cas des médicaments à proprement parler, ce n’est pas un problème lié à Webb Fontaine. La désignation ou le classement tarifaire est d’ordre mondial. Nous utilisons en la matière, le système harmonisé qu’on appelle le SH qui classe chaque article à une position tarifaire précise. Et la notion de médicament au sens tarifaire du terme ne relève pas de Webb Fontaine. Elle relève de l’Organisation mondiale des douanes (OMD). C’est donc le tarif qui classe tel ou tel article comme médicament. Il se trouve que selon la politique de la santé appliquée par chaque pays, des produits sont classés comme étant des médicaments pourtant au sens tarifaire, ce sont des produits qu’on peut classer comme article de « confort ». Lorsque cela se passe ainsi, Webb Fontaine ne fait que classer, c’est-à-dire adjoindre une valeur selon la position de l’article. Les droits qu’on applique relèvent de la souveraineté de chaque État. C’est donc une question de classification et de définition qui relève du classement tarifaire. Il y a des produits que nous considérons comme étant des médicaments, mais qui au sens du tarif ne le sont pas, mais des produits d’entretien. Il faut faire justice à cette structure.
Il y a aussi que nous avions beaucoup de faussaires. Des personnes fabriquaient des factures ici sur place. Il s’agissait d’une filière prospère du faux. Il a fallu mener un combat rude. Ces officines-là ne peuvent pas applaudir lorsqu’en partenariat avec un opérateur, nous renforçons notre capacité d’analyses, de classifications et d’évaluations. Lorsque la véritable valeur n’est pas déclarée, ce sont des droits que perd l’État. Ce sont les valeurs exactes qui sont correctement appliquées et lorsque des personnes les comparent à des pays où il n’y a pas ce système de vérification, naturellement il se retrouve avec moins à gagner. Mais, ce n’est pas la faute de Webb Fontaine.
Des opérateurs économiques accusent les douanes ivoiriennes d’être les plus chères en Afrique de l’Ouest et une des plus chères du continent. Que leur répondez-vous ?
(Rire). Là encore, je dis que ce sont des images d’Epinal. En Afrique de l’Ouest et pour rester dans le cadre de la CEDEAO, nous sommes dans le cadre du TEC (Tarif extérieur commun). C’est-à-dire que toutes les marchandises qui entrent dans l’espace CEDEAO sont soumises au même traitement tarifaire. Mais la différence, c’est qu’à notre niveau, nous avons des instruments d’analyses, des instruments de vérification et d’évaluation qui nous permettent de saisir le prix réel. Nous avons développé un système d’analyses et d’évaluations à partir du ciblage et de la gestion des risques. Nous avons un service spécifique qui travaille d’ailleurs avec Webb Fontaine et qui fait appel à des sciences statistiques notamment à l’économétrie. Et qui nous a permis de donner une base de valeurs et orienter de façon systématique les circuits de visite de manière à ce qu’on ne puisse pas traverser impunément notre pays par des fausses déclarations de valeurs. Ce système-là n’est pas forcement connu par d’autres administrations douanières. D’ailleurs certaines administrations douanières de pays amis comme le Togo, le Bénin, le Congo viennent s’inspirer de notre exemple. Au niveau de la maitrise des valeurs, nous avons une expertise certaine qui permet d’apprécier la valeur des marchandises au juste prix. Si vous achetez les mêmes marchandises et que vous minorez les valeurs et que le niveau d’équipement ne permet pas d’apprécier ces valeurs, on dira que la Côte d’Ivoire est plus chère. En réalité, la Côte d’Ivoire a les moyens au niveau des douanes pour appliquer les véritables valeurs. Sinon, nous sommes dans le même TEC, mais à des niveaux de maitrise différents.
La question de la fraude aux frontières ivoiriennes a maintes fois été débattue, mais difficilement solutionnée. Le déversement illicite des marchandises entraîne des pertes. Ya-t-il des nouvelles procédures pour réduire ces phénomènes dans des proportions acceptables ?
Tout le monde se rappelle que dans les années passées, la douane avait pris une fameuse circulaire, la 1257 qui a été très célèbre. Cette circulaire interdisait, avant même que nous soyons dans le TEC, le dédouanement des marchandises aux frontières de l’espace CEDEAO. On a pensé que cela allait régler le problème. La fraude aux frontières, c’est comme l’écoulement d’un fleuve. Quand on barre son écoulement, il cherche toujours d’autres voies. Au fil des temps, on s’est rendu compte que ce système avait contribué à augmenter la contrebande et à enrichir certaines personnes véreuses. La vraie solution, c’est l’équipement de nos postes douaniers aux frontières, c’est de les mettre aux standards internationaux. Il nous faut donner un équipement qui permet à nos agents aux frontières de faire le dédouanement dans les mêmes conditions que ceux qui sont à Abidjan. Nous avons commencé à le faire avec les postes de Noé, Pôgô, Ouangolo qui sont connectés à notre système informatique. Ils ont aussi des moyens de pesage qui permettent à ces postes de faire l’ECHOR comme à Abidjan. Et nous avons constaté qu’il y a eu un regain d’activités au niveau desdits postes avec une augmentation de recettes de l’ordre de 31%. En 2015, ces bureaux qui tournaient d’habitude entre 4 et 6 milliards de FCFA de recettes au maximum ont généré près de 18 milliards de FCFA. Cela veut dire que si ces bureaux sont équipés de moyens comme il le faut, les gens ne seront plus tentés de les contourner. Vous savez, ceux qui passent par les bureaux frontières sont parfois de petits commerçants qui ont des difficultés à supporter les frais au niveau du port. Il faut donc leur permette de pouvoir procéder au dédouanement de leurs marchandises à ces bureaux frontières. Dans le souci de combattre la contrebande, il nous faudra réorganiser les services extérieurs, réorganiser les services de surveillance pour faire en sorte qu’ils soient proches du terrain et renforcer les capacités d’intervention desdits services notamment sur le plan d’eau lagunaire. Nous avons demandé des moyens de navigation de façon à couvrir le plan d’eau du Sud-Est du pays avec la lagune Aby, qui est un véritable boulevard sur lequel les contrebandiers se déplacent.
Il y a aussi l’Inspection Générale que nous allons réorganiser pour faire en sorte que le contrôle interne soit au cœur de notre dispositif, de telle sorte que l’encadrement soit suivi afin que nos instructions soient exécutées comme il faut, et sévir lorsque des responsables soient pris à défaut. Au niveau de la contrebande par exemple, nous avons créé une unité spéciale notamment vers les frontières Ouest. Placée sous la responsabilité du colonel Yapi, cette unité va lutter contre la contrebande de produits agricoles. Je viens de créer il y a environ six (6) mois, une brigade spéciale pour faire en sorte que les connexions locales puissent être perturbées par des éléments extérieurs. Nous savons que très souvent, par la force des choses, des amitiés entre des personnes et nos agents naissent dans des zones frontalières et il ne faut que des amitiés se lient au détriment des intérêts de l’État. Evidemment, le risque zéro n’existe pas. Mais, il faut ramener ce fléau à sa plus simple expression.
Aujourd’hui, de nouveaux défis surviennent. Ils sont liés au terrorisme, au trafic illicite de stupéfiants, des armes et de personnes. Est-ce que les douanes ivoiriennes sont outillées face à ces phénomènes ?
Le séminaire qui vient de se terminer a abordé ces questions. Les menaces que font peser la criminalité transfrontalière, les trafics d’armes, le blanchiment d’argent…nous amènent à envisager les nouveaux métiers de la douane. Il nous faut de nouveaux instruments de contrôle qui ne soient pas intrusifs, mais qui en même temps allient facilité et lutte contre la fraude. C’est en cela que nous avons été heureux de recevoir deux (2) scanners mobiles et quatre (4) autres sont en commande pour renforcer la surveillance à nos frontières de afin que nous nous assurions de tout ce qui entre chez nous et de tout ce qui sort. Pour ce qui est des trafics de stupéfiants, nous pensons à la mise en place d’une brigade cynophile. Mais là, c’est délicat parce qu’il faut former nos agents à avoir un autre regard vis-à-vis des animaux en l’occurrence le chien. Ce dernier ne parle pas, il faut apprendre à nos hommes à déchiffrer les expressions du canidé, faire corps avec l’animal et cela demande une certaine formation. J’ai eu la chance de voir le travail entre l’homme et l’animal dans des pays comme l’Egypte. Nous devons développer une culture particulière. Il faut aussi former nos hommes à l’utilisation des scanners, à déchiffrer l’imagerie.
C’est donc en cela que nous nous inscrivons dans le schéma de la transition fiscale progressivement, au fur et à mesure que les recettes intérieures prendront le pas sur la collecte de l’Impôt de Porte, pour que nous puissions orienter sur une autre activité, à savoir la surveillance de l’espace économique et la protection contre l’invasion de produits contrefaits et de la contrebande. C’est pourquoi nous allons renforcer nos capacités, et former aux nouveaux métiers.
Le citoyen lambda envie chaque agent de douane qu’il croise. La formule qui veut qu’ils soient tous nantis à cause de prétendues malversations chez ces agents est-elle appréhendée par vos services, et avez-vous des programmes de lutte contre la corruption au sein des douanes ?
Vous savez j’ai encore en tête une sorte de boutade de l’actuel Président de l’Assemblée Nationale alors qu’il était encore Premier ministre. Au cours d’une tournée à Bouaké, il a vu un de nos douaniers avec un ventre proéminant. Il s’est exclamé en riant que les « douaniers se reconnaissent par leur embonpoint même si le DG des douanes lui gardait la ligne ». Quand j’ai eu l’occasion de m’approcher de lui, je lui ai dit « Monsieur le Premier ministre, vous savez dans ce ventre, il n’y rien d’autre que la maladie. Une mauvaise alimentation » (rire). Nous ne pouvons pas empêcher les gens de parler. Mais, c’est ce que je dis toujours à mes agents. Lorsqu’on est en tenue, on a beaucoup plus de contraintes de servitude et de responsabilité. Parce que tout ce qu’on fait, en bien ou en mal, focalise l’attention du monde extérieur, de nos concitoyens. C’est pour cela que nous douaniers devront faire très attention à nos gestes de tous les jours au travail. Les rumeurs sur la corruption nous parviennent. Nous sommes dans le peuple. Ce que je puis dire, c’est que dans tous les corps de métiers, il y a des brebis galeuses. Dieu merci, la grande majorité de nos agents font leur métier correctement et ont une attitude irréprochable. Je dis et je sais que nous n’avons pas de leçon d’intégrité à recevoir de qui le veut. Chacun doit balayer devant sa porte et nous le faisons. Mais je connais beaucoup de douaniers qui devraient aller directement au Paradis. La nature de leur métier les éloigne de l’argent alors que tous les jours, ils sont soumis à la tentation, à des pressions mêmes, parfois au risque de leur vie. Cela dit, il y a des brebis galeuse, mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Et lorsque nous avons la conviction sur des preuves que tel agent a changé de camp, ceux que j’appelle ‘’des bandits en kaki’’, ma main ne tremble pas pour frapper. Et nous avons des mécanismes pour lutter contre la corruption et le racket. Nous avons, en plus de notre Charte d’Ethique et de Déontologie, créé au sein de l’Inspection Générale, une brigade anti-racket. C’est d’ailleurs un des rares services de ce genre dans nos administrations. Et l’inspection elle-même peut être saisie par le citoyen lambda pour dénoncer des aspects dans nos services. Nous avons mis à disposition des numéros verts pour être saisi sur toutes formes de manquements ou lorsqu’un citoyen pense qu’il a été l’objet d’abus. Ce que je demande, c’est de nous aider à extirper cette gangrène. Lorsque l’occasion s’offre, que vous avez été l’objet d’un acte de corruption que vous n’avez pas suscité vous-même, que quelqu’un qui est payé pour accomplir une tâche exige qu’on lui donne de l’argent pour le faire, il faut nous saisir. Les gens ne doivent pas hésiter à nous saisir et surtout à témoigner. Car, c’est là où le bat blesse. Les rumeurs sont rependues, on donne des cas. Mais, la Côte d’Ivoire est un pays de droit. Pour condamner ou châtier quelqu’un, il faut apporter la preuve de sa culpabilité. C’est très souvent ce qu’il manque. Alors, cela peut revenir à de la délation. On ne peut pas condamner une personne sans la preuve de sa culpabilité. Pour faire changer les choses, il faut offrir l’exemple de personne en faute. J’invite tous nos compatriotes à nous aider. Le racket et la corruption ne sont pas une fatalité et chacun de nous devra faire preuve de convictions citoyennes. Nos douaniers, dans leur grande majorité, font leur travail avec dévouement, abnégation et sérieux. Autant je suis prompt à défendre un agent dans l’exercice de ses fonctions et qui fait face à une situation arbitraire, autant ma main ne tremble pas lorsqu’un agent a creusé son propre trou et qu’il s’agit pour nous de le refermer.
Votre mot pour conclure…
Je lance un appel à tous les douaniers. L’État de Côte d’Ivoire a suffisamment fait pour les fonctionnaires de façon générale et pour les douaniers en particulier. Nous devons donner le meilleur de nous-mêmes et nous devons faire en sorte que les objectifs de recette soient atteints voire dépassés. Le niveau que nous avons atteint ne nous permet plus de revenir en arrière. Nous devons relever ce défi. Et c’est dans la cohésion, dans l’union, dans la détermination et dans l’approfondissement des réformes entamées que nous y parviendrons. Je voudrais lancer aussi un appel à nos partenaires en leur disant merci pour le concours qu’ils nous ont apporté dans la collecte des recettes. Je voudrais leur demander de faire preuve davantage dans le civisme afin que les objectifs assignés soient atteints pour préserver le développement de notre chère Côte d’Ivoire.
Joël Touré et Olivier Guédé
Issa Coulibaly est le Directeur général des douanes ivoiriennes. Promu récemment général par le Président de la République, il est désormais le seul douanier en exercice avec un tel grade. C’est dans ses nouveaux habits de contrôleur général des douanes, flanqués de deux étoiles en or, qu’il a reçu L’Intelligent d’Abidjan. C’est depuis ses bureaux situés au Plateau, le centre des affaires de la capitale économique ivoirienne, que le DG des douanes s’est confié…Reconnaissance à Alassane Ouattara, nouveau gouvernement, rumeurs sur son départ, atteinte de l’émergence en 2020, critiques contre Webb Fontaine, accusations d’opérateurs économiques, nouveaux défis, etc tous les sujets ont été passés au crible. Interview.
Vous venez d’être nommé récemment général par le chef de l’Etat et vous devenez ainsi le seul douanier en activité avec un tel grade. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
D’abord avant de vous dire ce que cela m’inspire, permettez-moi de m’acquitter de ce devoir de reconnaissance et de gratitude à l’endroit du Président de la République Son Excellence Alassane Ouattara qui a bien voulu m’élever à ce niveau de la hiérarchie. Je voudrais lui dire du fond du cœur merci beaucoup. Le remercier au nom de toute l’administration des douanes et lui traduire toute notre détermination, fidélité, loyauté et engagement à faire en sorte que là où il nous a mis, nous puissions donner le meilleur de nous-mêmes. Et pour le message qu’il envoie à l’ensemble de la direction des douanes, pour leur dire que lorsque nous travaillons, tôt ou tard, le mérite finit par être reconnu. Le travail bien fait, quel que soit le temps que cela met , finit par être reconnu. C’est donc un sentiment de fierté et de joie et en même temps, une pleine conscience des responsabilités qui sont les nôtres et forcement qui s’accroissent avec ce niveau de grade. Il s’agit pour nous, d’une sorte d’appel à faire mieux chaque jour, à faire plus que la veille. C’est un encouragement et un message à l’ensemble des jeunes de la Nation. C’est la reconnaissance de la qualité du travail qui est fait depuis ces derniers mois. C’est pourquoi je voudrais lui dire, en un mot comme en mille, merci, de même qu’au Premier ministre et mon ministre de tutelle, le ministre auprès du Premier ministre chargé du Budget et du Portefeuille de l’Etat. En même temps c’est un sentiment d’humilité, parce que lorsque vous arrivez à ce niveau, vous êtes suivi par une espèce de loupe. Donc il est sans doute difficile peut-être d’arriver à ce niveau mais il est encore davantage difficile de s’y maintenir et de continuer à servir d’exemple pour les jeunes générations qui vous regardent. C’est en cela que nous avons une pleine conscience des responsabilités qui sont désormais les nôtres. Voilà les quelques sentiments que cela m’inspire.
Les DG du Trésor et des Impôts nommés pratiquement au même moment que vous, ont fait leur entrée dans le nouveau gouvernement. Des informations circulaient faisant état de votre entrée aussi dans ce gouvernement. Ces informations étaient-elles fondées ?
Vous savez moi je suis à la tâche. Les rumeurs, je n’ai pas le temps de les écouter. Ceci dit, je voudrais féliciter mes deux collègues qui sont devenus mes patrons. C’est la vie ! Et je pense que chacun peut servir là où il est. C’est une phrase du Président Houphouët-Boigny qui disait : ‘’ nous pouvons servir la Nation à tous les niveaux pourvu que nous mettions du sien’’. Je me suis engagé à servir mon pays sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre. Partout où le devoir m’appelle je répondrai présent. Mon destin, il est entre les mains du Tout-puissant, il en fera ce qu’il voudra. Pour l’instant, le Président de la République, à travers le Premier ministre et mon ministre, ont sans doute pensé que j’avais des choses à faire ici. Et donc pour l’instant je suis là. Mais vous savez depuis que je suis arrivé ici (la direction générale des Douanes : NDLR) tous les jours on m’annonce partant (rire).
Des rumeurs font justement état de votre départ à la tête de la douane. En avez-vous eus échos ? Des noms même circulent pour vous remplacer…, alors que nous vous trouvons bien serein. À quoi est due votre sérénité ?
Je suis de nature optimiste et je pense que les hommes ont leur plan, Dieu aussi a le sien. Et en général, ce sont les plans de Dieu qui triomphent. Qu’ils circulent des noms pour me succéder, c’est tout à fait normal, moi j’ai remplacé quelqu’un. Il est tout à fait naturel que quelqu’un me remplace un jour. Mais c’est d’abord l’affaire de Dieu, et ensuite du Président de la République. Donc je ne suis pas du tout troublé par cette question. On vient et on part, c’est la nature. C’est comme la mort, si vous ne voulez pas mourir, ne naissez pas. Alors si vous ne vous voulez pas être remplacé, qu’on ne vous nomme pas.
Sur un objectif officiel de 1470 milliards FCFA, soit + de 192 milliards par rapport à 2014, vous avez réalisé un excédent de 56, 01 milliards. Quel est votre sentiment et surtout quelles sont les actions qui ont permis une telle performance ?
C’est un sentiment de satisfaction. Légitime mais pas euphorique. Parce qu’après tout, c’est ce qu’on nous demande. Faire en sorte que les objectifs qu’on nous assigne qui étaient de l’ordre de 1470 milliards soient atteints. Il fallait, dans un premier temps que nous nous battions pour les atteindre. Et si on les dépasse, c’est encore mieux. Mais ce n’est pas le travail d’une seule personne, c’est le travail de toute une équipe, de tous les agents des douanes à quelque niveau où ils se trouvent. C’est à eux que je veux dédier ces performances, et aussi aux réformes qui ont été engagées. Certaines ont été engagées il y a bien longtemps et elles portent leurs fruits aujourd’hui et d’autres ont été engagées dès notre avènement, et c’est l’ensemble de ces facteurs qui font que nous arrivons à ces performances. Donc je suis heureux et content d’avoir accompli, en tous cas pour 2015 ma part, et d’avoir apporté ma pierre à l’édification de la Nation.
Pour 2016, l’Etat a fixé des objectifs encore à la hausse : 1580 milliards FCFA. Quelles sont les actions à faire pour répondre aux exigences ?
Bien sûr, les objectifs pour 2016 : c’est 1580 milliards. Nous venons de faire le bilan pendant deux jours. Nous avons donc passé en revue nos forces et faiblesses, et les succès que nous avons enregistré, pour voir quelles sont les perspectives et les stratégies à mettre en œuvre pour pourvoir atteindre ces objectifs. Les résolutions du séminaire seront déclinées en plan d’actions, qui vont s’insérer dans le plan d’action stratégique et iront toujours dans le sens de la sécurisation des procédures et de leurs simplifications. Qui iront également dans le sens de la maitrise des valeurs notamment par le contrôle sur la base de l’Analyse du Risque et du Renseignement. Qui vont aller aussi dans le sens de la maitrise du transit. Vous savez, souvent il y a des soucis avec ce régime pour éviter les déversements frauduleux et la maitrise des régimes suspensifs qui sont les admissions temporaires, les entrepôts fictifs et autres. Et surtout la question des exonérations. Nous allons renforcer le contrôle et la maitrise de ces régimes privilégiés pour faire en sorte qu’il n’y ait pas d’abus à ce niveau. Il s’agit de renforcer le dispositif de prise en charge, tant au niveau des structures que des procédures. Pour faire en sorte que toutes les marchandises qui débarquent à Abidjan passent par la douane. Il s’agit de livrer une bataille à la contrebande. Vous savez au niveau du cordon douanier maritime, on a réussi quelque peu par le renforcement des ressources de l’encadrement et par la réorganisation des services, à stabiliser les choses. Autrefois, nous avions des soucis au niveau des marchandises générales. Vous voyez que cette année, toutes les grandes masses sont en progression. Il s’agit de faire en sorte qu’au niveau de l’intérieur, nous puissions lutter efficacement contre la contrebande et pour cela, il faut que les services extérieurs soient réorganisés. Les services extérieurs sont ceux qui s’occupent des bureaux frontières. Les services de surveillance et de répression que sont les brigades, que là aussi nous puissions restructurer ces services pour faire en sorte que le territoire soit bien quadrillé et que l’ensemble du territoire douanier soit sous la surveillance et l’emprise du service. Vous voyez qu’il y a un train de mesures qui seront misent en œuvre qui vont dans le sens de l’optimisation des recettes et qui vont nous permettent d’atteindre les 1580 milliards de FCFA. Je suis serein car j’ai une équipe déterminée et décidée à relever ces défis et vous verrez que progressivement, les performances s’amélioreront et c’est notre credo : faire chaque jour, un peu plus que la veille.
Il y a un projet qui est très cher au Président de la République, c’est l’émergence. Dans la quête de l’émergence, les Douanes ont assurément une partition importante à jouer. Comment définirez-vous le rôle des Douanes dans ce projet?
C’est un rôle essentiel dans la mesure où la douane est l’une des régies financières qui contribue dans une proportion assez significative, autour de 40%, au budget de l’Etat. Cela me rappelle l’une des phrases du Président de la République lors de son débat télévisé pendant la campagne présidentielle passée. Lorsqu’on lui a demandé, devant l’ampleur des chiffres des moyens qu’il annonçait pour financer son programme de gouvernement , où allait-il trouver les moyens. Le Président a répondu que trouver les financements d’abord, c’est son travail. Il sait où aller chercher l’argent. Ensuite, il a dit compter sur une meilleure collecte des droits de douane. Nous sommes conscients de notre rôle. Nous sommes conscients que plus nous aurons collecté de façon efficace les ressources intérieures, plus cela donnera les coudées franches au Président de la République pour demander à nos partenaires au développement, le différentiel. C’est pour cela que nous engageons toutes ces réformes pour faire en sorte que les procédures soient sécurisées, que les recouvrements soient efficients et qu’il n’y ait pas de pertes ni de saignées. Nous pensons que pour arriver à l’émergence, la douane doit commencer par se moderniser. Moderniser ses structures, moderniser ses méthodes et ses procédures. Et c’est pour cela que cette année et les années passées, en plus du travail de certification des procédures, vous voyez que nous avons travaillé dans le cadre de la mise en œuvre du Guichet unique. Le Guichet unique du commerce extérieur (GUCE) qui est une sorte de portail qui va faire en sorte que tous les acteurs du commerce international auront par Internet une seule entrée où ils pourront s’informer sur les tarifications, les taux, les procédures douanières et avoir les documents, les simplifier, les dématérialiser. Le GUCE permettra de gagner en temps, en argent. On économise la paperasserie, en redondance et on gagne en compétitivité. Nous pensons qu’en dehors de la collecte des ressources et des recettes, nous devrons avoir une administration qui épouse l’air du temps, et qui doit être soucieuse du fait que ses procédures doivent être simplifiées dans la mesure du possible pour offrir des gains de compétitivité à nos opérateurs économiques. Vous savez en matière de douane, pour optimiser les recettes vous avez les volumes. C’est-à-dire faire en sorte que toutes quantités qui arrivent soient prises en charge. Vous avez les valeurs, c’est-à-dire faire en sorte que les gens ne fassent pas de la sous-facturation. Et vous avez enfin le temps. Si vous maitrisez ces trois (3) éléments ; vous arrivez à optimiser les recettes. Nous travaillons donc à faire en sorte que les marchandises restent le moins possible en zone douanière.
La structure Webb Fontaine a été très décriée lors de son arrivée en Côte d’Ivoire il y a quelques années. On l’accuse d’être à la base de la hausse des valeurs sur les marchandises à dédouaner. Par exemple, les pharmaciens soutiennent que Webb Fontaine est à la base de l’augmentation des prix des médicaments. Que répondez-vous à ces différentes accusations étant entendu que vous avez délégué la valeur des marchandises à dédouaner à cette structure ?
Vous me permettez avec cette question de battre en brèche, un certain nombre d’assertions qui ne sont pas vérifiées. D’abord, le commun des mortels est réfractaire aux changements. Lorsqu’il y a un changement, il y a des résistances. Parce qu’on a acquis des habitudes bonnes ou mauvaises et on ne veut pas les changer, or la vie elle-même est changement, évolution. L’espèce humaine a été obligée de s’adapter sinon elle aurait disparu. Nous sommes aujourd’hui à un stade où il faut entreprendre des réformes. Avant de travailler avec Webb Fontaine, nous travaillions avec le groupe Veritas-Bivac. Mais, nous sommes sortis d’un système de vérification à l’embarquement vers un système de vérification à destination. Vérification qui doit se faire sur les documents. Lorsqu’on dit que Webb Fontaine a augmenté les prix, ceci n’est pas exact. Il faut voir d’où on partait. Il y avait des prix qui n’étaient pas correctement déclarés parce qu’en la matière, ce qu’on applique c’est la valeur transactionnelle : le prix effectivement payé ou à payer. Ce n’est pas Webb Fontaine qui l’invente ce système. Seulement, cette structure a des procédures et des moyens techniques qui lui permettent de savoir que c’est ce prix qui devra être payé ou à payer. Tout le monde aujourd’hui peut faire des cotations en allant sur Internet pour voir le prix de certains articles.
Si je prends le cas des médicaments à proprement parler, ce n’est pas un problème lié à Webb Fontaine. La désignation ou le classement tarifaire est d’ordre mondial. Nous utilisons en la matière, le système harmonisé qu’on appelle le SH qui classe chaque article à une position tarifaire précise. Et la notion de médicament au sens tarifaire du terme ne relève pas de Webb Fontaine. Elle relève de l’Organisation mondiale des douanes (OMD). C’est donc le tarif qui classe tel ou tel article comme médicament. Il se trouve que selon la politique de la santé appliquée par chaque pays, des produits sont classés comme étant des médicaments pourtant au sens tarifaire, ce sont des produits qu’on peut classer comme article de « confort ». Lorsque cela se passe ainsi, Webb Fontaine ne fait que classer, c’est-à-dire adjoindre une valeur selon la position de l’article. Les droits qu’on applique relèvent de la souveraineté de chaque État. C’est donc une question de classification et de définition qui relève du classement tarifaire. Il y a des produits que nous considérons comme étant des médicaments, mais qui au sens du tarif ne le sont pas, mais des produits d’entretien. Il faut faire justice à cette structure.
Il y a aussi que nous avions beaucoup de faussaires. Des personnes fabriquaient des factures ici sur place. Il s’agissait d’une filière prospère du faux. Il a fallu mener un combat rude. Ces officines-là ne peuvent pas applaudir lorsqu’en partenariat avec un opérateur, nous renforçons notre capacité d’analyses, de classifications et d’évaluations. Lorsque la véritable valeur n’est pas déclarée, ce sont des droits que perd l’État. Ce sont les valeurs exactes qui sont correctement appliquées et lorsque des personnes les comparent à des pays où il n’y a pas ce système de vérification, naturellement il se retrouve avec moins à gagner. Mais, ce n’est pas la faute de Webb Fontaine.
Des opérateurs économiques accusent les douanes ivoiriennes d’être les plus chères en Afrique de l’Ouest et une des plus chères du continent. Que leur répondez-vous ?
(Rire). Là encore, je dis que ce sont des images d’Epinal. En Afrique de l’Ouest et pour rester dans le cadre de la CEDEAO, nous sommes dans le cadre du TEC (Tarif extérieur commun). C’est-à-dire que toutes les marchandises qui entrent dans l’espace CEDEAO sont soumises au même traitement tarifaire. Mais la différence, c’est qu’à notre niveau, nous avons des instruments d’analyses, des instruments de vérification et d’évaluation qui nous permettent de saisir le prix réel. Nous avons développé un système d’analyses et d’évaluations à partir du ciblage et de la gestion des risques. Nous avons un service spécifique qui travaille d’ailleurs avec Webb Fontaine et qui fait appel à des sciences statistiques notamment à l’économétrie. Et qui nous a permis de donner une base de valeurs et orienter de façon systématique les circuits de visite de manière à ce qu’on ne puisse pas traverser impunément notre pays par des fausses déclarations de valeurs. Ce système-là n’est pas forcement connu par d’autres administrations douanières. D’ailleurs certaines administrations douanières de pays amis comme le Togo, le Bénin, le Congo viennent s’inspirer de notre exemple. Au niveau de la maitrise des valeurs, nous avons une expertise certaine qui permet d’apprécier la valeur des marchandises au juste prix. Si vous achetez les mêmes marchandises et que vous minorez les valeurs et que le niveau d’équipement ne permet pas d’apprécier ces valeurs, on dira que la Côte d’Ivoire est plus chère. En réalité, la Côte d’Ivoire a les moyens au niveau des douanes pour appliquer les véritables valeurs. Sinon, nous sommes dans le même TEC, mais à des niveaux de maitrise différents.
La question de la fraude aux frontières ivoiriennes a maintes fois été débattue, mais difficilement solutionnée. Le déversement illicite des marchandises entraîne des pertes. Ya-t-il des nouvelles procédures pour réduire ces phénomènes dans des proportions acceptables ?
Tout le monde se rappelle que dans les années passées, la douane avait pris une fameuse circulaire, la 1257 qui a été très célèbre. Cette circulaire interdisait, avant même que nous soyons dans le TEC, le dédouanement des marchandises aux frontières de l’espace CEDEAO. On a pensé que cela allait régler le problème. La fraude aux frontières, c’est comme l’écoulement d’un fleuve. Quand on barre son écoulement, il cherche toujours d’autres voies. Au fil des temps, on s’est rendu compte que ce système avait contribué à augmenter la contrebande et à enrichir certaines personnes véreuses. La vraie solution, c’est l’équipement de nos postes douaniers aux frontières, c’est de les mettre aux standards internationaux. Il nous faut donner un équipement qui permet à nos agents aux frontières de faire le dédouanement dans les mêmes conditions que ceux qui sont à Abidjan. Nous avons commencé à le faire avec les postes de Noé, Pôgô, Ouangolo qui sont connectés à notre système informatique. Ils ont aussi des moyens de pesage qui permettent à ces postes de faire l’ECHOR comme à Abidjan. Et nous avons constaté qu’il y a eu un regain d’activités au niveau desdits postes avec une augmentation de recettes de l’ordre de 31%. En 2015, ces bureaux qui tournaient d’habitude entre 4 et 6 milliards de FCFA de recettes au maximum ont généré près de 18 milliards de FCFA. Cela veut dire que si ces bureaux sont équipés de moyens comme il le faut, les gens ne seront plus tentés de les contourner. Vous savez, ceux qui passent par les bureaux frontières sont parfois de petits commerçants qui ont des difficultés à supporter les frais au niveau du port. Il faut donc leur permette de pouvoir procéder au dédouanement de leurs marchandises à ces bureaux frontières. Dans le souci de combattre la contrebande, il nous faudra réorganiser les services extérieurs, réorganiser les services de surveillance pour faire en sorte qu’ils soient proches du terrain et renforcer les capacités d’intervention desdits services notamment sur le plan d’eau lagunaire. Nous avons demandé des moyens de navigation de façon à couvrir le plan d’eau du Sud-Est du pays avec la lagune Aby, qui est un véritable boulevard sur lequel les contrebandiers se déplacent.
Il y a aussi l’Inspection Générale que nous allons réorganiser pour faire en sorte que le contrôle interne soit au cœur de notre dispositif, de telle sorte que l’encadrement soit suivi afin que nos instructions soient exécutées comme il faut, et sévir lorsque des responsables soient pris à défaut. Au niveau de la contrebande par exemple, nous avons créé une unité spéciale notamment vers les frontières Ouest. Placée sous la responsabilité du colonel Yapi, cette unité va lutter contre la contrebande de produits agricoles. Je viens de créer il y a environ six (6) mois, une brigade spéciale pour faire en sorte que les connexions locales puissent être perturbées par des éléments extérieurs. Nous savons que très souvent, par la force des choses, des amitiés entre des personnes et nos agents naissent dans des zones frontalières et il ne faut que des amitiés se lient au détriment des intérêts de l’État. Evidemment, le risque zéro n’existe pas. Mais, il faut ramener ce fléau à sa plus simple expression.
Aujourd’hui, de nouveaux défis surviennent. Ils sont liés au terrorisme, au trafic illicite de stupéfiants, des armes et de personnes. Est-ce que les douanes ivoiriennes sont outillées face à ces phénomènes ?
Le séminaire qui vient de se terminer a abordé ces questions. Les menaces que font peser la criminalité transfrontalière, les trafics d’armes, le blanchiment d’argent…nous amènent à envisager les nouveaux métiers de la douane. Il nous faut de nouveaux instruments de contrôle qui ne soient pas intrusifs, mais qui en même temps allient facilité et lutte contre la fraude. C’est en cela que nous avons été heureux de recevoir deux (2) scanners mobiles et quatre (4) autres sont en commande pour renforcer la surveillance à nos frontières de afin que nous nous assurions de tout ce qui entre chez nous et de tout ce qui sort. Pour ce qui est des trafics de stupéfiants, nous pensons à la mise en place d’une brigade cynophile. Mais là, c’est délicat parce qu’il faut former nos agents à avoir un autre regard vis-à-vis des animaux en l’occurrence le chien. Ce dernier ne parle pas, il faut apprendre à nos hommes à déchiffrer les expressions du canidé, faire corps avec l’animal et cela demande une certaine formation. J’ai eu la chance de voir le travail entre l’homme et l’animal dans des pays comme l’Egypte. Nous devons développer une culture particulière. Il faut aussi former nos hommes à l’utilisation des scanners, à déchiffrer l’imagerie.
C’est donc en cela que nous nous inscrivons dans le schéma de la transition fiscale progressivement, au fur et à mesure que les recettes intérieures prendront le pas sur la collecte de l’Impôt de Porte, pour que nous puissions orienter sur une autre activité, à savoir la surveillance de l’espace économique et la protection contre l’invasion de produits contrefaits et de la contrebande. C’est pourquoi nous allons renforcer nos capacités, et former aux nouveaux métiers.
Le citoyen lambda envie chaque agent de douane qu’il croise. La formule qui veut qu’ils soient tous nantis à cause de prétendues malversations chez ces agents est-elle appréhendée par vos services, et avez-vous des programmes de lutte contre la corruption au sein des douanes ?
Vous savez j’ai encore en tête une sorte de boutade de l’actuel Président de l’Assemblée Nationale alors qu’il était encore Premier ministre. Au cours d’une tournée à Bouaké, il a vu un de nos douaniers avec un ventre proéminant. Il s’est exclamé en riant que les « douaniers se reconnaissent par leur embonpoint même si le DG des douanes lui gardait la ligne ». Quand j’ai eu l’occasion de m’approcher de lui, je lui ai dit « Monsieur le Premier ministre, vous savez dans ce ventre, il n’y rien d’autre que la maladie. Une mauvaise alimentation » (rire). Nous ne pouvons pas empêcher les gens de parler. Mais, c’est ce que je dis toujours à mes agents. Lorsqu’on est en tenue, on a beaucoup plus de contraintes de servitude et de responsabilité. Parce que tout ce qu’on fait, en bien ou en mal, focalise l’attention du monde extérieur, de nos concitoyens. C’est pour cela que nous douaniers devront faire très attention à nos gestes de tous les jours au travail. Les rumeurs sur la corruption nous parviennent. Nous sommes dans le peuple. Ce que je puis dire, c’est que dans tous les corps de métiers, il y a des brebis galeuses. Dieu merci, la grande majorité de nos agents font leur métier correctement et ont une attitude irréprochable. Je dis et je sais que nous n’avons pas de leçon d’intégrité à recevoir de qui le veut. Chacun doit balayer devant sa porte et nous le faisons. Mais je connais beaucoup de douaniers qui devraient aller directement au Paradis. La nature de leur métier les éloigne de l’argent alors que tous les jours, ils sont soumis à la tentation, à des pressions mêmes, parfois au risque de leur vie. Cela dit, il y a des brebis galeuse, mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Et lorsque nous avons la conviction sur des preuves que tel agent a changé de camp, ceux que j’appelle ‘’des bandits en kaki’’, ma main ne tremble pas pour frapper. Et nous avons des mécanismes pour lutter contre la corruption et le racket. Nous avons, en plus de notre Charte d’Ethique et de Déontologie, créé au sein de l’Inspection Générale, une brigade anti-racket. C’est d’ailleurs un des rares services de ce genre dans nos administrations. Et l’inspection elle-même peut être saisie par le citoyen lambda pour dénoncer des aspects dans nos services. Nous avons mis à disposition des numéros verts pour être saisi sur toutes formes de manquements ou lorsqu’un citoyen pense qu’il a été l’objet d’abus. Ce que je demande, c’est de nous aider à extirper cette gangrène. Lorsque l’occasion s’offre, que vous avez été l’objet d’un acte de corruption que vous n’avez pas suscité vous-même, que quelqu’un qui est payé pour accomplir une tâche exige qu’on lui donne de l’argent pour le faire, il faut nous saisir. Les gens ne doivent pas hésiter à nous saisir et surtout à témoigner. Car, c’est là où le bat blesse. Les rumeurs sont rependues, on donne des cas. Mais, la Côte d’Ivoire est un pays de droit. Pour condamner ou châtier quelqu’un, il faut apporter la preuve de sa culpabilité. C’est très souvent ce qu’il manque. Alors, cela peut revenir à de la délation. On ne peut pas condamner une personne sans la preuve de sa culpabilité. Pour faire changer les choses, il faut offrir l’exemple de personne en faute. J’invite tous nos compatriotes à nous aider. Le racket et la corruption ne sont pas une fatalité et chacun de nous devra faire preuve de convictions citoyennes. Nos douaniers, dans leur grande majorité, font leur travail avec dévouement, abnégation et sérieux. Autant je suis prompt à défendre un agent dans l’exercice de ses fonctions et qui fait face à une situation arbitraire, autant ma main ne tremble pas lorsqu’un agent a creusé son propre trou et qu’il s’agit pour nous de le refermer.
Votre mot pour conclure…
Je lance un appel à tous les douaniers. L’État de Côte d’Ivoire a suffisamment fait pour les fonctionnaires de façon générale et pour les douaniers en particulier. Nous devons donner le meilleur de nous-mêmes et nous devons faire en sorte que les objectifs de recette soient atteints voire dépassés. Le niveau que nous avons atteint ne nous permet plus de revenir en arrière. Nous devons relever ce défi. Et c’est dans la cohésion, dans l’union, dans la détermination et dans l’approfondissement des réformes entamées que nous y parviendrons. Je voudrais lancer aussi un appel à nos partenaires en leur disant merci pour le concours qu’ils nous ont apporté dans la collecte des recettes. Je voudrais leur demander de faire preuve davantage dans le civisme afin que les objectifs assignés soient atteints pour préserver le développement de notre chère Côte d’Ivoire.
Joël Touré et Olivier Guédé