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Économie Publié le mardi 2 février 2016 | Cote d’Ivoire Economie

Marchés publics : dans le secret des appels d’offres

© Cote d’Ivoire Economie
Régulation des marchés publics: l’ANRMP fait la restitution du stock de marchés en souffrance de 1993 à 2012
Vendredi 18 décembre 2015. Abidjan. L`ANRMP fait la restitution du stock de marchés en souffrance de 1993 à 2012. Ph: Coulibaly Non Karna, président de l`ANRMP.
La nécessité de transparence au niveau de la passation des marchés publics est indispensable. Il en va de la crédibilité des autorités nationales vis-à-vis des administrés, comme à l’endroit des observateurs internationaux.

Le système des marchés publics en Côte d’Ivoire a connu une remarquable avancée depuis juin 1999, date à laquelle a débuté une première réforme à la suite d’une étude diagnostique réalisée sur recommandation de certaines institutions, des bailleurs de fonds et du secteur privé, et en août 2009, date la transposition des directives de l’Uemoa dans la législation nationale. L’harmonisation des dispositions du code des marchés publics avec la réglementation communautaire a impulsé une deuxième réforme qui essaie de renforcer la transparence des marchés publics, l’efficacité de la lutte contre la corruption et la fraude, et de garantir les voies de recours efficaces. Grâce à l’événement concomitant du nouveau code et de l’autorité de régulation, la Côte d’Ivoire s’est enfin assurée de la mise en place de procédures de passation des marchés publics compatibles avec les exigences de bonne concurrence, d’efficacité de la dépense publique, de transparence et de célérité à travers ces deux outils essentiels.
A cet effet, justement, les missions et les attributions de l’Autorité de régulation en matière de marchés publics et de délégation de service public permettent à nombre d’opérateurs économiques de croire que l’environnement des affaires en Côte d’Ivoire va s’améliorer. L’Autorité nationale de régulation des marchés publics (ANRMP) en tant qu’autorité administrative indépendante (AAI) née de la directive n°05/2005/CM/Uemoa règle les litiges et différends survenus à l’occasion de la passation et de l’exécution des marchés publics et des délégations de service public faisant l’objet de recours portés devant elle par les participants à la procédure des marchés publics. Par exemple, au cours de l’année 2013, la Cellule recours et sanctions (CRS) de l’ANRMP a enregistré onze recours aux fins de règlement de litige. Sur ces onze recours, un a fait l’objet de règlement amiable, trois décisions ont déclaré les demandeurs irrecevables pour avoir exercé leurs recours hors délai, cinq décisions les ont déboutés au motif que leurs recours n’étaient pas justifiés, et deux décisions ont déclaré les demandeurs bien fondés, et ont en conséquence annulé les procédures en cause.

De nombreux audits réalisés
L’ARNMP suit les décisions portant sur le règlement des litiges dans les marchés publics et prononce des sanctions à l’encontre des candidats ou titulaires de ce type de marché et délégations de service public reconnus coupables d’irrégularités et de fraudes. La liste des attributions et missions de l’ANRMP n’est pas exhaustive. L’Autorité de régulation a réalisé, du reste, des dizaines d’audits indépendants de la passation et de l’exécution des marchés publics et des délégations de service publics et a assuré le suivi de la mise en œuvre des recommandations. A titre d’exemple, elle a décidé de la réalisation de l’audit des marchés gré à gré de 2011 à 2013 sur un échantillon de 60 marchés passés par dix-sept autorités contractantes reparties dans six départements ministériels. L’examen des accords de gré à gré a révélé que certains marchés ont été passés sans autorisation préalable du ministre chargé des marchés publics, en violation de l’article 96.2 du code des marchés public. Dans certains cas, quand les autorisations existent, leur fondement n’est pas précisé en référence aux dispositions réglementaires. Les marchés gré à gré ne sont pas justifiés dans leur majorité pour des raisons en rapport avec les cas prévus par le code des marchés publics, la plupart des marchés gré à gré sont des régularisations en vue du paiement des prestations déjà effectuées. Le délai de passation des marchés est relativement long, notamment pour les marchés dits de «régularisation», ces marchés ont été déjà exécutés avant l’obtention de l’autorisation préalable du ministre en charge des marchés publics. Aucune preuve de négociation ou discussions engagées avec le candidat retenu, non-respect du plafonnement des avances de démarrage (30%), absence de notification d’approbation des marchés et de signature de l’autorité contracte sur les actes d’engagement.

Une vigilance constante s’impose
L’ANRMP, selon son président Coulibaly Non Karma, ne compte pas s’arrêter là. Sa cellule Audits indépendants va auditer le stock de marchés publics en souffrance de 1993 à 2012. C’est autant d’actions et d’initiatives d’auto-saisine que les bailleurs de fonds accompagnent, car selon le Bureau de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire, les actes posés par l’ANRMP participent des principes de bonne gouvernance. De ce fait, ce régulateur, pour son opérationnalisation et l’acquisition des biens et services, a reçu un financement de 200 millions FCFA inscrits dans le Plan de passation de marchés (PPM) du Don de gouvernance et de développement institutionnel (DGDI) rattaché à la Banque mondiale. Ceci pour lui permettre de jouer pleinement le rôle qui est le sien, c’est-à-dire offrir aux entreprises ivoiriennes l’occasion de faire valoir leur droit en cas de décision leur faisant grief, mais également de dénoncer les comportements non éthiques des acteurs de la commande publique. Cependant pour que la régulation, qui est un facteur essentiel du système des marchés publics soit pleine et entière, le régulateur ne doit pas s’autocensurer en limitant son champ d’intervention qui, du reste, est très large au regard des textes qui fondent son existence. L’ANRMP doit s’autosaisir pour mener des audits à chaque fois qu’un marché public fait l’objet d’une controverse dans l’opinion publique nationale. Les cas les plus emblématiques sont la réhabilitation de l’université Félix-Houphouët-Boigny et la construction du pont HKB. Sinon, nombreux seront ceux qui continuent de douter du caractère évident de ces dispositifs. Or, la crédibilité du travail effectué par le régulateur peut influer efficacement sur le score de la Côte d’Ivoire au niveau de certains indices de perception, comme par exemple le Doing Business.

Dieudonné Wognin
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