Cela fait maintenant 30 années que le fondateur de la troupe « le Soleil de Cocody » parcourt la planche à travers le monde pour présenter ce qu’il sait faire de mieux, le théâtre. Le poids des ans n’a pas émoussé cette passion de jeunesse que Diallo Ticouaï Vincent veut communiquer aux gens de sa génération, mais aussi aux jeunes d’aujourd’hui. En tournée nationale pour célébrer sa longévité sur les planches, l'acteur a posé ses valises à Divo, ville jadis culturelle qui garde aujourd’hui toute l’estime des acteurs et amateurs des arts. Rencontre avec l’homme qui veut redonner au théâtre ivoirien ses lettres de noblesse.
AIP : Que représente pour vous Divo ?
Ticouaï Vincent : Divo c’est d’abord toute une histoire culturelle et artistique. C’est une ville qui a joué un rôle important et qui continue de jouer un rôle très, très important dans la vie de la culture en Côte d’Ivoire. Donc quand on vient à Divo, on a peur parce qu’il y a des connaisseurs dans le coin. Ils ont vu de grandes pièces, de grandes œuvres. Et quand vous leur apportez une nouvelle œuvre, vous n’êtes pas sûr qu’ils vont l’apprécier. Ou alors s’ils doivent l’apprécier, ils vont l’apprécier dans toute sa dimension technique, intellectuelle, etc... Donc c’est un public averti. Quand on vient à Divo, on a plaisir de revenir à l’école pour rencontrer la liberté intellectuelle qui est là et s’en inspirer pour faire des valeurs ajoutées à ce que nous avons. Divo pour moi est une source intarissable à laquelle tout acteur, tout créateur doit venir s’abreuver.
AIP : quel sens vous donnez à la célébration de vos 30 années de carrière
DTV : Nous sommes dans une dynamique. D’abord, dire merci à tous les Ivoiriens. Quand vous avez passé trente ans sur la scène, vous le devez à la souffrance de certaines personnes qui vous ont soutenu, à la passion de personnes dont les critiques vous ont permis de vous remettre en cause chaque fois, pour devenir très excellent. Donc ces gens qui vous ont permis d’aimer votre métier et de le pratiquer pour faire partie des maillons de la chaîne de développement de ce pays, ces gens-là à un moment donné il faut venir vers eux pour leur dire merci. Je veux rendre hommage à tous les Ivoiriens, qu’ils aiment le théâtre ou pas. C’est pourquoi, je parcoure toute la Côte d’Ivoire. Là où existe un espace qui peut accueillir un spectacle de théâtre, je jouerai pour eux. Voilà le sens de ma tournée nationale.
AIP : Ensuite…
DTV : Mais en même temps, nous voulons participer à la renaissance du théâtre. Le ministre de la Culture se bat. Notre ministre a de bonnes volontés, je pense que son message doit être soutenu. Dès l’instant qu’il y a une occasion pour faire la promotion du théâtre, il faut la faire. Il y a donc certes l’anniversaire, mais surtout la promotion de notre art. Si on fête 30 ans, c’est parce que le théâtre a existé. Mais si au moment où on fête, ce théâtre n’existe plus, on est dans un paradoxe.
AIP : Vous qui avez tant d’années d’expérience quel regard jetez-vous sur l’état actuel du théâtre en Côte d’Ivoire
DTV : Le théâtre a connu un frein vertigineux qui nous a tous déstabilisés, qui a même déstabilisé la culture ivoirienne, et qui a déstabilisé les mentalités en Côte d’Ivoire. Je vais vous dire modestement, si le théâtre était en vogue, la Côte d’Ivoire n’aurait pas connu de guerre. Parce que nous abordions à l’époque des sujets qui devenaient des débats dans les bureaux. Donc une fois on se déconstipe en parlant du mal qu’on a, on ne peut pas faire appel aux muscles et se taper dessus. Ça devient des échanges et l’autorité en place prend en compte les préoccupations des Ivoiriens, exprimées sur une scène ou dans une œuvre d’art. Cela nous évitait beaucoup de choses. Mais le théâtre a disparu, les bars ont poussé et les églises aussi ont poussé et on enseigne de nouvelles valeurs. Des valeurs qui ne peuvent pas amener à faire réfléchir quelqu’un. Lorsqu’on a vidé dix bouteilles de vin, on ne peut pas échanger avec des personnes qui ont envie de faire des propositions. En ce moment-là, on fait valoir ses muscles et c’est la bagarre. Quand vous sortez d’un spectacle de théâtre, quand vous venez de voir un film ou un concert, il y a toujours un contenu qui vous emballe et sur lequel vous méditez. Et souvent vous vous reconnaissez et vous vous corrigez vous-mêmes. Si vous allez voir un directeur qui est en train de tirer l’argent de la caisse pour donner à une maitresse, s’il ne se voit pas dans un miroir, il ne voit pas tout le mal qu’il fait à la société. Mais quand il se voit en situation.
AIP : Il change ?
DTV : je pense que le lendemain, il change de comportement. Tout cela a manqué à la Côte d’Ivoire et nous avons vu ce que nous avons vu. Donc mon regard sur le théâtre est que le théâtre a failli disparaître, mais nous sommes revenus pour le mettre sur les rails et il vivra.
AIP : Au point de retrouver son aura, son audience d’antan ?
DTV : Absolument, vous savez c’est une affaire de communication. Il suffit de remettre le théâtre à l’antenne (les antennes de la télévision ivoirienne), écrire de belles pièces, former les acteurs. Aujourd’hui il faut proposer aux Ivoiriens des œuvres matures, des œuvres d’envergure. A partir de ce moment vous grandissez la mentalité de ceux qui regardent les œuvres que vous proposez. Donc le théâtre a encore sa place notamment dans tout ce qu’on appelle émergence, développement, équilibre et identité culturelle.
AIP : Après trente années de planche, quels sont les grands projets que vous portez aujourd’hui ?
DTV : Nous sommes en train de réfléchir à toutes les stratégies qui peuvent ramener le théâtre au premier plan. Aujourd’hui on voit beaucoup de formes d’expression artistique. Vous avez l’humour à l’ivoirienne, le coupé-décalé,…et toute la jeunesse est plongée dans ces formes d’art. Les ramener aux fondamentaux ne sera pas évident. Donc il faut aller par petites touches. C’est ce que nous faisons. On biaise un peu avec les anniversaires, on demande à la mairie de faire venir du monde et beaucoup de personnes découvrent ainsi le théâtre. Moi j’ai joué par exemple devant des élèves de 3ème et 4ème à Man qui ont rempli une salle. A la fin du show, ils m’ont abordé pour me dire qu’ils n’ont jamais vu cela et je leur ai dit qu’ils verront davantage. Des pièces plus belles que la mienne.
AIP : Vous avez touché à tout, y compris l’audiovisuel. Le transport et la télé sont-ils du passé pour vous aujourd’hui ?
DTV : Non, c’est pas du passé. L’échec et le succès s’accompagnent. Si tu n’as pas échoué dans ta vie, tu n’as pas d’avenir. On a testé des choses et j’en suis fier. Je suis venu avec des cars climatisés, des cars touristes européens. Aujourd’hui, après moi, tous les cars sont climatisés. Je vois que le petit acte que j’ai posé n’est pas passé inaperçu. C’est ce que je souhaite. Je n’ai pas la prétention de donner l’épanouissement à tous les Ivoiriens mais l’acte qui est posé a été bien imité, bien copié c’est ce que nous recherchons. Je me suis intéressé à l’audiovisuelle, je vais m’y intéresser davantage parce que le cinéma ivoirien souffre de textes.
AIP : Vraiment ?
DTV : Il y a la volonté, les gens font ce qu’ils peuvent mais ils ne sont pas aidés. Ce n’est pas la tonne d’argent qu’on donne. Ce ne sont pas les billets de banque mais c’est la formation. C’est permettre à Gohou ( Michel Gohou, acteur populaire ivoirien) de jouer autrement. De ne pas jouer le même Gohou partout, de lui donner une formation de base pour que ce Gohou qui est un grand acteur puisse ne pas ressembler à tous les personnages qu’il incarne. Quand on le voit dans le personnage A à Z on voit ce qu’il va dire. « Je vais t’engager, je vais t’engager », c’est ce qui revient. C’est parce que ses textes n’existent pas. Il fait l’effort d’improviser et comme ce n’est pas écrit, comme il n’a pas assez de sauce, cela fait que souvent il est obligé de prendre ce qui a déjà été un succès pour lui quelque part. Si vous avez vu des films westerns, le héros dans un film A devient bandit dans un film B et on ne le reconnaît pas. Il se métamorphose. Ce sont des techniques, des formations, des bases qu’il a et qui lui permettent de devenir ouvrier, ministre, commerçant, pilote…etc. Il faut pouvoir l’être et ne pas ressembler à un seul héros qu’on a fait ailleurs.
(AIP)
AIP : Que représente pour vous Divo ?
Ticouaï Vincent : Divo c’est d’abord toute une histoire culturelle et artistique. C’est une ville qui a joué un rôle important et qui continue de jouer un rôle très, très important dans la vie de la culture en Côte d’Ivoire. Donc quand on vient à Divo, on a peur parce qu’il y a des connaisseurs dans le coin. Ils ont vu de grandes pièces, de grandes œuvres. Et quand vous leur apportez une nouvelle œuvre, vous n’êtes pas sûr qu’ils vont l’apprécier. Ou alors s’ils doivent l’apprécier, ils vont l’apprécier dans toute sa dimension technique, intellectuelle, etc... Donc c’est un public averti. Quand on vient à Divo, on a plaisir de revenir à l’école pour rencontrer la liberté intellectuelle qui est là et s’en inspirer pour faire des valeurs ajoutées à ce que nous avons. Divo pour moi est une source intarissable à laquelle tout acteur, tout créateur doit venir s’abreuver.
AIP : quel sens vous donnez à la célébration de vos 30 années de carrière
DTV : Nous sommes dans une dynamique. D’abord, dire merci à tous les Ivoiriens. Quand vous avez passé trente ans sur la scène, vous le devez à la souffrance de certaines personnes qui vous ont soutenu, à la passion de personnes dont les critiques vous ont permis de vous remettre en cause chaque fois, pour devenir très excellent. Donc ces gens qui vous ont permis d’aimer votre métier et de le pratiquer pour faire partie des maillons de la chaîne de développement de ce pays, ces gens-là à un moment donné il faut venir vers eux pour leur dire merci. Je veux rendre hommage à tous les Ivoiriens, qu’ils aiment le théâtre ou pas. C’est pourquoi, je parcoure toute la Côte d’Ivoire. Là où existe un espace qui peut accueillir un spectacle de théâtre, je jouerai pour eux. Voilà le sens de ma tournée nationale.
AIP : Ensuite…
DTV : Mais en même temps, nous voulons participer à la renaissance du théâtre. Le ministre de la Culture se bat. Notre ministre a de bonnes volontés, je pense que son message doit être soutenu. Dès l’instant qu’il y a une occasion pour faire la promotion du théâtre, il faut la faire. Il y a donc certes l’anniversaire, mais surtout la promotion de notre art. Si on fête 30 ans, c’est parce que le théâtre a existé. Mais si au moment où on fête, ce théâtre n’existe plus, on est dans un paradoxe.
AIP : Vous qui avez tant d’années d’expérience quel regard jetez-vous sur l’état actuel du théâtre en Côte d’Ivoire
DTV : Le théâtre a connu un frein vertigineux qui nous a tous déstabilisés, qui a même déstabilisé la culture ivoirienne, et qui a déstabilisé les mentalités en Côte d’Ivoire. Je vais vous dire modestement, si le théâtre était en vogue, la Côte d’Ivoire n’aurait pas connu de guerre. Parce que nous abordions à l’époque des sujets qui devenaient des débats dans les bureaux. Donc une fois on se déconstipe en parlant du mal qu’on a, on ne peut pas faire appel aux muscles et se taper dessus. Ça devient des échanges et l’autorité en place prend en compte les préoccupations des Ivoiriens, exprimées sur une scène ou dans une œuvre d’art. Cela nous évitait beaucoup de choses. Mais le théâtre a disparu, les bars ont poussé et les églises aussi ont poussé et on enseigne de nouvelles valeurs. Des valeurs qui ne peuvent pas amener à faire réfléchir quelqu’un. Lorsqu’on a vidé dix bouteilles de vin, on ne peut pas échanger avec des personnes qui ont envie de faire des propositions. En ce moment-là, on fait valoir ses muscles et c’est la bagarre. Quand vous sortez d’un spectacle de théâtre, quand vous venez de voir un film ou un concert, il y a toujours un contenu qui vous emballe et sur lequel vous méditez. Et souvent vous vous reconnaissez et vous vous corrigez vous-mêmes. Si vous allez voir un directeur qui est en train de tirer l’argent de la caisse pour donner à une maitresse, s’il ne se voit pas dans un miroir, il ne voit pas tout le mal qu’il fait à la société. Mais quand il se voit en situation.
AIP : Il change ?
DTV : je pense que le lendemain, il change de comportement. Tout cela a manqué à la Côte d’Ivoire et nous avons vu ce que nous avons vu. Donc mon regard sur le théâtre est que le théâtre a failli disparaître, mais nous sommes revenus pour le mettre sur les rails et il vivra.
AIP : Au point de retrouver son aura, son audience d’antan ?
DTV : Absolument, vous savez c’est une affaire de communication. Il suffit de remettre le théâtre à l’antenne (les antennes de la télévision ivoirienne), écrire de belles pièces, former les acteurs. Aujourd’hui il faut proposer aux Ivoiriens des œuvres matures, des œuvres d’envergure. A partir de ce moment vous grandissez la mentalité de ceux qui regardent les œuvres que vous proposez. Donc le théâtre a encore sa place notamment dans tout ce qu’on appelle émergence, développement, équilibre et identité culturelle.
AIP : Après trente années de planche, quels sont les grands projets que vous portez aujourd’hui ?
DTV : Nous sommes en train de réfléchir à toutes les stratégies qui peuvent ramener le théâtre au premier plan. Aujourd’hui on voit beaucoup de formes d’expression artistique. Vous avez l’humour à l’ivoirienne, le coupé-décalé,…et toute la jeunesse est plongée dans ces formes d’art. Les ramener aux fondamentaux ne sera pas évident. Donc il faut aller par petites touches. C’est ce que nous faisons. On biaise un peu avec les anniversaires, on demande à la mairie de faire venir du monde et beaucoup de personnes découvrent ainsi le théâtre. Moi j’ai joué par exemple devant des élèves de 3ème et 4ème à Man qui ont rempli une salle. A la fin du show, ils m’ont abordé pour me dire qu’ils n’ont jamais vu cela et je leur ai dit qu’ils verront davantage. Des pièces plus belles que la mienne.
AIP : Vous avez touché à tout, y compris l’audiovisuel. Le transport et la télé sont-ils du passé pour vous aujourd’hui ?
DTV : Non, c’est pas du passé. L’échec et le succès s’accompagnent. Si tu n’as pas échoué dans ta vie, tu n’as pas d’avenir. On a testé des choses et j’en suis fier. Je suis venu avec des cars climatisés, des cars touristes européens. Aujourd’hui, après moi, tous les cars sont climatisés. Je vois que le petit acte que j’ai posé n’est pas passé inaperçu. C’est ce que je souhaite. Je n’ai pas la prétention de donner l’épanouissement à tous les Ivoiriens mais l’acte qui est posé a été bien imité, bien copié c’est ce que nous recherchons. Je me suis intéressé à l’audiovisuelle, je vais m’y intéresser davantage parce que le cinéma ivoirien souffre de textes.
AIP : Vraiment ?
DTV : Il y a la volonté, les gens font ce qu’ils peuvent mais ils ne sont pas aidés. Ce n’est pas la tonne d’argent qu’on donne. Ce ne sont pas les billets de banque mais c’est la formation. C’est permettre à Gohou ( Michel Gohou, acteur populaire ivoirien) de jouer autrement. De ne pas jouer le même Gohou partout, de lui donner une formation de base pour que ce Gohou qui est un grand acteur puisse ne pas ressembler à tous les personnages qu’il incarne. Quand on le voit dans le personnage A à Z on voit ce qu’il va dire. « Je vais t’engager, je vais t’engager », c’est ce qui revient. C’est parce que ses textes n’existent pas. Il fait l’effort d’improviser et comme ce n’est pas écrit, comme il n’a pas assez de sauce, cela fait que souvent il est obligé de prendre ce qui a déjà été un succès pour lui quelque part. Si vous avez vu des films westerns, le héros dans un film A devient bandit dans un film B et on ne le reconnaît pas. Il se métamorphose. Ce sont des techniques, des formations, des bases qu’il a et qui lui permettent de devenir ouvrier, ministre, commerçant, pilote…etc. Il faut pouvoir l’être et ne pas ressembler à un seul héros qu’on a fait ailleurs.
(AIP)