Yao Ouattara Joachim est un homme de cinéma, de théâtre, journaliste, homme de télévision. Aujourd’hui, le dramaturge réclame un cinéma africain où l’on peut critiquer les hommes politiques africains. Cet ancien de la télévision ivoirienne parle.
Vous êtes longtemps parti du théâtre. Y a-t-il un vide forcé sur vos activités culturelles ?
Pas du tout. Je me souviens de mon ensemble théâtral comme hier. C’était le « MAKAKOUMANI ». Parti du théâtre ? Non. Parce que, au théâtre, il y a les professionnels et les amateurs. Je suis professionnel et je peux revenir à tout moment. Mais, c’est avec amertume que nous voyons le théâtre disparaître.
Et pourtant le théâtre a beaucoup donné à la culture ivoirienne ?
Je me souviens comme hier de la coupe nationale Koffi Gadeau. La’’ critique’’ de Niangoran Porquet. Je me souviens comme hier de la Compagnie Didiga de Bernard Zaourou.
Est-ce facile d’être acteur de théâtre, cinéma et réalisateur ?
Vous savez, qu’il faut avoir souvent plusieurs cordes à son arc. Je vais vous surprendre : le théâtre est la mère du cinéma. Le théâtre est la manière de parler, de réfléchir et permet de prendre conscience. Le cinéma, c’est le réalisateur qui est maître des images, des plans, du son et du dialogue. C’est un métier difficile mais très passionnant.
Quel bilan tirez-vous des années passées à la télévision ?
Sur le plan moral, je me porte bien. A la télévision ivoirienne, j’ai beaucoup voyagé, et j’ai appris. Je suis allé au Fespaco de Ouaga, au Burkina Faso. Ma photo trône au mur du Fespaco. Je suis vraiment comblé. De toute façon, la télévision, c’est mon métier. Et j’ai encore des qualités et des choses à prouver.
Vous avez produit des émissions et des documentaires sur la Côte d’Ivoire. Pensez-vous que ces cellules culturelles n’intéressent plus la télévision ivoirienne ?
Aujourd’hui, la télévision ivoirienne est pauvre sur ce plan. A notre époque, c’était le professionnalisme, et les téléspectateurs étaient comblés : Eugène Kacou, Georges Adou, Michel Koffi Djeme étaient là pour le plaisir des téléspectateurs.
Des professionnalistes vous avez dit ?
A commencer par Ben Soumahoro qui avait créé ‘’images de Côte d’Ivoire ‘’, avec des hommes de qualité comme Yassenou Krah, Kacou Ngouan (caméra), Ngouan Anoh Steve (réalisateur), Abdoul Karim produisait la cellule des ‘’variétés’’ et ‘’clair de lune’’ était l’affaire de Yaya Sanogo.
Yao Ouattara Joachim, vos documentaires étaient très appréciés…
A la télévision à l’époque, nous faisons des propositions à la direction. C’est ainsi que j’ai fait des documentaires sur l’origine des Mahou, des Tagbana. Je suis allé à Gbofia dans la région de Toumodi. J’ai fait une carte postale sur Gbofia, le village natal du père de Marie-Thérèse Houphouët-Boigny, Première Dame de la Côte d’Ivoire, J’ai fait un documentaire sur Troyanikro sur l’axe Dimbokro, passé par Djangomenou, village natal du Général Omar N’Daw. Je pense que, la télévision doit revenir sur ces cellules traditionnelles.
A vous entendre la télévision aujourd’hui n’est plus celle que vous avez vécue avec Ben Soumahoro, Joseph Diomande, Pacôme Aoulou?
Je ne suis pas nostalgique. Mais, la télévision autrefois avait un programme fort, La présentation n’était pas l’affaire de tout le monde : il fallait être élégant. Des images qui ‘’parlent’’, et non complaisantes. La RTI est un outil de l’Etat ivoirien. Et, il y a une manière de présenter les faits, les reportages.
Que veut Monsieur YAO Ouattara Joachim ?
Je veux tout simplement dire que le journaliste-télé doit rédiger son texte avant de monter à l’antenne. C’est vrai que la langue française n’est pas notre langue maternelle. Mais le journaliste doit être cultivé. Il faut lire et éviter d’être suffisant.
La télévision aujourd’hui a- t- elle besoin de quelques anciens cadres pour se reconstruire ?
Aujourd’hui, on parle d’Ivoirien nouveau. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut tuer les anciens. Partout ce sont les anciens qui encadrent les jeunes. Ils ont fait de solides études, formés au Cesti de Dakar, à Bry-sur-mane. Il y en a encore comme Berthé Mamadou, Koné Ibrahim.
Parlons cinéma. Le manque de ressources n’est-il pas la raison qui freine son développement ?
Vous avez tout dit. Le cinéma est une industrie. Mais personne ne veut se découvrir pour la Côte d’Ivoire. Il n’y a pas de cadres. C‘est dommage que c’est l’Union Européenne qui finance le cinéma africain. Et le même budget pour tout le monde.
De quel cinéma l’Afrique a-t-elle besoin aujourd’hui ?
L’Afrique a besoin d’un cinéma satirique, où l’on peut critiquer les hommes politiques africains. Il faudrait un cinéma africain qui ne se contente pas d’évoquer le passé. Mais un cinéma qui montre les possibilités économiques de l’Afrique à participer au développement universel.
On parle souvent de forêts sacrées. Comment expliquez –vous cette croyance ?
C’est comme toutes croyances. Celui qui va à l’église n’est pas différent de celui qui va à la mosquée. Donc les forêts sacrées sont des écoles de formation spirituelle. Mêmes les masques. J’ai démontré la valeur du masque dans ‘’Comédie Exotique’’ de Kitia Touré. J’ai fait le festival ‘’Glayé’’ de Facobly. Un véritable rassemblement des masques à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Toutes ces croyances sont basées sur le respect, la dignité et l’honneur des humains.
Doit-on faire confiance aux religions ?
Les anciens prêtres n’étaient pas radicaux. J’ai été baptisé en 1958, alors que j’étais adepte de la religion traditionnelle. Finalement, je suis pour le syncrétisme, parce que je ne triche pas. En 1982, j’étais à Angers, en France pour un congé du syncrétisme.
N’avez-vous presque pas de religions révélées ?
Vous savez, dans la cosmogonie Tagbana, on parle du corps, de l’âme et de l’esprit. L’Islam et le Christianisme parlent de la même chose. Vous savez, l’âme appartient à Dieu, et pas aux humains. Dans ce cas, nous devons pardonner. Parce que, tout ce que Dieu fait est bon : Il ne ment pas, Il ne trompe pas.
C’est cela votre éducation ?
Je me suis éduqué par toutes les croyances. Mon grand-frère était animiste, puis il est allé à l’église. J’ai été moi-même confié à un Peulh musulman. Il y a tout en moi. Le respect, l’humanisme, le pardon : ce sont les vertus de Dieu.
Qu’est-ce qui poussent certaines religions de la Côte d’Ivoire à célébrer l’Abissa, la fête des générations, la fête des ignames ?
Le Popo carnaval de Bonoua, l’Abissa à Bassam, la fête des ignames, indiquent que ces peuples affichent leurs identités. Pourquoi cela doit-elle faire mal à certaines personnes ? Le ‘’Diohouflè’’ chez les Baoulé, ou Assuéfry dans le Zanzan, ou encore Kouakro à Aboisso, l’installation du roi est une note d’identité et de conscience chez ces peuples.
Y a-t-il quelque chose de particulier que nous avons oublié et que vous souhaiteriez dire ?
Ce qui me tient à cœur actuellement, c’est mon futur. Je veux réaliser mon prochain film intitulé « Bleu Ciel ». Je veux me servir de la lumière du passé, pour entrer dans l’obscurité du futur. Où trouver de l’argent ?
Mais on trouve l’argent pour récompenser les athlètes et footballeurs ?
Il y a l’argent. Mais moi, je ne sais où cela se trouve. Il me faut 88 millions 362 mille francs CFA pour mon film « Bleu Ciel ». J’ai écrit partout, rien. Quand vous constatez ce qu’a fait Timité Bassory, Gnoan Mballa, le cinéma fait partie des œuvres majeures de la Côte d’Ivoire. Ce qui manque, c’est la volonté forte et des actes pour que le cinéma ivoirien revient-/-
Ben Ismaël
Vous êtes longtemps parti du théâtre. Y a-t-il un vide forcé sur vos activités culturelles ?
Pas du tout. Je me souviens de mon ensemble théâtral comme hier. C’était le « MAKAKOUMANI ». Parti du théâtre ? Non. Parce que, au théâtre, il y a les professionnels et les amateurs. Je suis professionnel et je peux revenir à tout moment. Mais, c’est avec amertume que nous voyons le théâtre disparaître.
Et pourtant le théâtre a beaucoup donné à la culture ivoirienne ?
Je me souviens comme hier de la coupe nationale Koffi Gadeau. La’’ critique’’ de Niangoran Porquet. Je me souviens comme hier de la Compagnie Didiga de Bernard Zaourou.
Est-ce facile d’être acteur de théâtre, cinéma et réalisateur ?
Vous savez, qu’il faut avoir souvent plusieurs cordes à son arc. Je vais vous surprendre : le théâtre est la mère du cinéma. Le théâtre est la manière de parler, de réfléchir et permet de prendre conscience. Le cinéma, c’est le réalisateur qui est maître des images, des plans, du son et du dialogue. C’est un métier difficile mais très passionnant.
Quel bilan tirez-vous des années passées à la télévision ?
Sur le plan moral, je me porte bien. A la télévision ivoirienne, j’ai beaucoup voyagé, et j’ai appris. Je suis allé au Fespaco de Ouaga, au Burkina Faso. Ma photo trône au mur du Fespaco. Je suis vraiment comblé. De toute façon, la télévision, c’est mon métier. Et j’ai encore des qualités et des choses à prouver.
Vous avez produit des émissions et des documentaires sur la Côte d’Ivoire. Pensez-vous que ces cellules culturelles n’intéressent plus la télévision ivoirienne ?
Aujourd’hui, la télévision ivoirienne est pauvre sur ce plan. A notre époque, c’était le professionnalisme, et les téléspectateurs étaient comblés : Eugène Kacou, Georges Adou, Michel Koffi Djeme étaient là pour le plaisir des téléspectateurs.
Des professionnalistes vous avez dit ?
A commencer par Ben Soumahoro qui avait créé ‘’images de Côte d’Ivoire ‘’, avec des hommes de qualité comme Yassenou Krah, Kacou Ngouan (caméra), Ngouan Anoh Steve (réalisateur), Abdoul Karim produisait la cellule des ‘’variétés’’ et ‘’clair de lune’’ était l’affaire de Yaya Sanogo.
Yao Ouattara Joachim, vos documentaires étaient très appréciés…
A la télévision à l’époque, nous faisons des propositions à la direction. C’est ainsi que j’ai fait des documentaires sur l’origine des Mahou, des Tagbana. Je suis allé à Gbofia dans la région de Toumodi. J’ai fait une carte postale sur Gbofia, le village natal du père de Marie-Thérèse Houphouët-Boigny, Première Dame de la Côte d’Ivoire, J’ai fait un documentaire sur Troyanikro sur l’axe Dimbokro, passé par Djangomenou, village natal du Général Omar N’Daw. Je pense que, la télévision doit revenir sur ces cellules traditionnelles.
A vous entendre la télévision aujourd’hui n’est plus celle que vous avez vécue avec Ben Soumahoro, Joseph Diomande, Pacôme Aoulou?
Je ne suis pas nostalgique. Mais, la télévision autrefois avait un programme fort, La présentation n’était pas l’affaire de tout le monde : il fallait être élégant. Des images qui ‘’parlent’’, et non complaisantes. La RTI est un outil de l’Etat ivoirien. Et, il y a une manière de présenter les faits, les reportages.
Que veut Monsieur YAO Ouattara Joachim ?
Je veux tout simplement dire que le journaliste-télé doit rédiger son texte avant de monter à l’antenne. C’est vrai que la langue française n’est pas notre langue maternelle. Mais le journaliste doit être cultivé. Il faut lire et éviter d’être suffisant.
La télévision aujourd’hui a- t- elle besoin de quelques anciens cadres pour se reconstruire ?
Aujourd’hui, on parle d’Ivoirien nouveau. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut tuer les anciens. Partout ce sont les anciens qui encadrent les jeunes. Ils ont fait de solides études, formés au Cesti de Dakar, à Bry-sur-mane. Il y en a encore comme Berthé Mamadou, Koné Ibrahim.
Parlons cinéma. Le manque de ressources n’est-il pas la raison qui freine son développement ?
Vous avez tout dit. Le cinéma est une industrie. Mais personne ne veut se découvrir pour la Côte d’Ivoire. Il n’y a pas de cadres. C‘est dommage que c’est l’Union Européenne qui finance le cinéma africain. Et le même budget pour tout le monde.
De quel cinéma l’Afrique a-t-elle besoin aujourd’hui ?
L’Afrique a besoin d’un cinéma satirique, où l’on peut critiquer les hommes politiques africains. Il faudrait un cinéma africain qui ne se contente pas d’évoquer le passé. Mais un cinéma qui montre les possibilités économiques de l’Afrique à participer au développement universel.
On parle souvent de forêts sacrées. Comment expliquez –vous cette croyance ?
C’est comme toutes croyances. Celui qui va à l’église n’est pas différent de celui qui va à la mosquée. Donc les forêts sacrées sont des écoles de formation spirituelle. Mêmes les masques. J’ai démontré la valeur du masque dans ‘’Comédie Exotique’’ de Kitia Touré. J’ai fait le festival ‘’Glayé’’ de Facobly. Un véritable rassemblement des masques à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Toutes ces croyances sont basées sur le respect, la dignité et l’honneur des humains.
Doit-on faire confiance aux religions ?
Les anciens prêtres n’étaient pas radicaux. J’ai été baptisé en 1958, alors que j’étais adepte de la religion traditionnelle. Finalement, je suis pour le syncrétisme, parce que je ne triche pas. En 1982, j’étais à Angers, en France pour un congé du syncrétisme.
N’avez-vous presque pas de religions révélées ?
Vous savez, dans la cosmogonie Tagbana, on parle du corps, de l’âme et de l’esprit. L’Islam et le Christianisme parlent de la même chose. Vous savez, l’âme appartient à Dieu, et pas aux humains. Dans ce cas, nous devons pardonner. Parce que, tout ce que Dieu fait est bon : Il ne ment pas, Il ne trompe pas.
C’est cela votre éducation ?
Je me suis éduqué par toutes les croyances. Mon grand-frère était animiste, puis il est allé à l’église. J’ai été moi-même confié à un Peulh musulman. Il y a tout en moi. Le respect, l’humanisme, le pardon : ce sont les vertus de Dieu.
Qu’est-ce qui poussent certaines religions de la Côte d’Ivoire à célébrer l’Abissa, la fête des générations, la fête des ignames ?
Le Popo carnaval de Bonoua, l’Abissa à Bassam, la fête des ignames, indiquent que ces peuples affichent leurs identités. Pourquoi cela doit-elle faire mal à certaines personnes ? Le ‘’Diohouflè’’ chez les Baoulé, ou Assuéfry dans le Zanzan, ou encore Kouakro à Aboisso, l’installation du roi est une note d’identité et de conscience chez ces peuples.
Y a-t-il quelque chose de particulier que nous avons oublié et que vous souhaiteriez dire ?
Ce qui me tient à cœur actuellement, c’est mon futur. Je veux réaliser mon prochain film intitulé « Bleu Ciel ». Je veux me servir de la lumière du passé, pour entrer dans l’obscurité du futur. Où trouver de l’argent ?
Mais on trouve l’argent pour récompenser les athlètes et footballeurs ?
Il y a l’argent. Mais moi, je ne sais où cela se trouve. Il me faut 88 millions 362 mille francs CFA pour mon film « Bleu Ciel ». J’ai écrit partout, rien. Quand vous constatez ce qu’a fait Timité Bassory, Gnoan Mballa, le cinéma fait partie des œuvres majeures de la Côte d’Ivoire. Ce qui manque, c’est la volonté forte et des actes pour que le cinéma ivoirien revient-/-
Ben Ismaël