x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Editorial Publié le samedi 5 novembre 2016 | L’intelligent d’Abidjan

Les Samedis de Biton : Ces connus inconnus

Qui de ma génération n’a pas entendu ces deux mots de la bouche d’Ahmed Sékou Touré, le premier Président de la Guinée ? Du moins ceux qui aimaient écouter la radio. A l’époque, la radio était la star et très peu de personnes ne pouvaient l’ignorer. Avec l’avènement du transistor, la radio devint encore la super star dans la vie des individus. On la trimbalait dans les champs, à l’usine, au marché et même en classe. En Afrique de l’ouest, on ne pouvait éviter les discours-fleuves du combattant suprême de la révolution. Dès qu’il prononçait un discours, une diatribe le plus souvent, contre ses voisins, ses ennemis, les contrerévolutionnaires, les comploteurs de toutes sortes et les impérialistes, la radiodiffusion guinéenne, appelée la voix de la révolutionnaire, passait et repassait presque toutes les heures, les deux heures ou les trois heures, selon la durée, ces discours. A l’époque mon père me disait que la voix de la révolution n’a pas de programme sauf les discours. Pas seulement. De la musique aussi. Des chansons toutes dédiées au commandant suprême de la révolution, l’un de ses nombreux surnoms. L’aspect musique va jouer dans la transformation culturelle de beaucoup parmi nous. A force d’écouter la musique guinéenne, on va aimer la musique ivoirienne, la musique africaine. Particulièrement moi qui étais un aliéné culturel n’aimant que tout ce qui venait de l’Occident, surtout la musique et la littérature. Presque tous les discours du petit-fils de l’Empereur Almamy Samory Touré contenaient : « L’homme, ce connu inconnu. » En fait, il s’en prenait à la nature double de l’homme. Ceux qui se montraient des vaillants défenseurs de la révolution la journée et la nuit venue complotaient contre cette même révolution. Ma chronique voit différemment. Dans mon mot connu je parle de tous ces fonctionnaires qui, depuis vingt ans, dix ans et même il y a cinq ans, faisaient l’actualité dans leur domaine. Ils représentaient leurs ministres dans les différentes missions, dans les débats, dans les inaugurations, dans les colloques. On les voyait souvent à la télévision. Ils ne passaient pas inaperçus dans les rues, dans les quartiers, leurs enfants, leurs femmes étaient désignés du doigt. Ces fonctionnaires étaient des milliers. Des hauts cadres du privé n’échappaient pas à la règle. Au fur et à mesure que les années passent, ils commencent à disparaître du paysage audio-visuel et même de la rue. Que s’est-il passé ? Pourquoi sont-ils devenus des inconnus ? En général, beaucoup seront atteints par la limite d’âge. C’est-à-dire la retraite. Ils vont se retrouver au village en train de commencer à soixante ans une plantation pour avoir beaucoup d’argent et vivre comme à l’époque où ils avaient de nombreuses primes, frais de mission et sursalaires. Mais, cela ne sera pas facile car l’après-retraite se prépare dès son premier salaire. Tout comme se prépare la réussite aux examens le premier jour de la rentrée scolaire. Devant les difficultés financières, matérielles et familiales, beaucoup de ces stars du passé vont rejoindre leurs ancêtres. Ceux qui sont en vie et maintiennent la forme vont tenter de se faire une seconde jeunesse dans des partis politiques. Leur savoir et leur expérience seront déterminants pour le progrès de leur parti mais ils ne seront pas dans les premières loges. On ne vient pas dans la politique après sa retraite dans l’administration ou dans le privé. J’ai été approché par la plupart de ces travailleurs et fonctionnaires du passé pour savoir comment produire un livre. Il n’est pas facile d’avoir fait partie des personnes connues et d’être aujourd’hui confinés dans la masse grossissante des inconnus. Je leur montre comment s’y prendre et les thèmes qui peuvent aborder. Toutefois, il n’est pas facile de s’atteler à un livre en pleine retraite quand on n’a pas beaucoup lu les cinq genres de lecture. Ne parlons pas d’une œuvre littéraire. Elle est absolument liée à un don mais aussi et surtout à un amour du livre depuis l’adolescence. Certaines de ces figures du passé végètent dans la capitale jouant tous les jours au tiercé. Une image triste. Que faire pour tous ceux qui parmi eux sont dans le paquebot des naufragés ? Pendant des semaines, prévoyant d’écrire cette chronique, j’ai imaginé toutes sortes de propositions et je n’en ai pas trouvé. Finalement, j’ai pensé que la nouvelle constitution leur donnera une nouvelle vie si les politiciens ne viendront pas encore leur arracher la place. Néanmoins, deux grandes solutions leur restent pour émerger d’un jour à l’autre. Il s’agit de lire plusieurs fois par jour mais la lecture des cinq genres. Et l’humilité. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Titrologie

Toutes les vidéos Titrologie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ