Abidjan - Le royaume Bron, dans son système d'organisation comprend cinq provinces dont la province Pinango qui constitue son ministère de la défense. Elle a joué un rôle avant-gardiste lors des guerres de positionnement. Nous avons rencontré Nanan Adou Bibi II, le chef de cette province pour en savoir plus.
AIP : Le royaume Bron dans son système d’organisation comprend combien de provinces ?
Nanan Adou Bibi II : Il faut d’abord dire que les Bron sont venus du Ghana à la recherche de l’or et ont investi cette région qui devient le Zanzan plus tard. Les Bron sont arrivés vers les années 1632. C’étaient des conquérants. Ils ont eu à affronter leurs frères Koulango, c’est le thème qu’il faut dire aujourd’hui, qu’ils ont trouvés sur place pour établir le royaume.
AIP : Peut-on venir maintenant à l’organisation du royaume ?
Nanan Adou Bibi II : Dans l’organisation du royaume Bron, il y a cinq provinces. Il y a d’abord, la province Ahinifié qui est la cour royale, détenue par le roi des Bron. Ensuite la province Pinango que je dirige. Pinango qui signifie en langue Bron « Si vous le poussez, il ne recule pas ». C’est le ministère de la défense du royaume Bron. C’est cette province qui a combattu pour que les Bron puissent être aujourd’hui là. Il a joué le rôle avant-gardiste lors des guerres. Il y a ensuite la province Foumanssa qui a joué aussi pratiquement un rôle du ministère de l’Intérieur. C’est aussi des guerriers. La quatrième province est la province Angobia. Angobia qui signifie en langue Bron « Ne va nulle part ». Si vous voulez, c’est la garde royale. Aujourd’hui, on parlerait de garde républicaine. Nous avons enfin la province Akidom qui est l’arrière-garde. Vous savez au cours des guerres, il peut avoir des blessés, des personnes mal en point. Il faut déjà créer une structure pour pouvoir sauver ces personnes, encadrer ces personnes et pour boucler la boucle parce que l’ennemi peut passer par derrière pour vous atteindre.
AIP : Quels rapports entretiennent les provinces ?
Nanan Adou Bibi II : Les provinces entretiennent de bons rapports puisqu’il y a des alliances entre elles. La province Pinango est alliée à la province Akidom. L’histoire dit que le chef de la province Pinango est le père spirituel du chef de la province Akidom. Akidom a pour papa le chef de la province Pinango. La province Angobia a pour papa, le chef de la province Foumanssa. Et nous tous, notre aîné, notre père, c’est le roi suprême des Bron. Ce sont des alliances. Je ne parlerai pas de papa en thème biologique mais l’alliance a fait que chacun a son père dans cette affaire (…) Entre les provinces, nous essayons d’entretenir de bons rapports. Tout cela pour une bonne cohabitation.
AIP : Vous êtes le 24ème chef de la province Pinango. Peut-on savoir comment le devient-on?
Nanan Adou Bibi II : C’est à travers le sang qu’on devient chef au niveau des Bron. Il faut dire que même au niveau des Akan en général, c’est le matriarcat. On n’hérite pas de son père au niveau des Bron. On hérite de son oncle, de son grand père maternel. Mais on n’hérite pas de son père. Chez nous aussi, c’est le matriarcat. C’est à travers la famille de ma mère qui est de Gnomian, un village pinango que j’hérite et non de Transua, le village de mon père. Comme on le dit, on nait chef, on ne le devient pas (…) Il y a eu trois chefs déjà qui ont vécu au niveau du Ghana avant qu’on arrive ici. Nos grands parents l’ont été. C’est pourquoi, je le suis. Ce n’est pas un hasard, un concours, un vote. Lors que vos parents n’ont pas été chefs ou rois, il est difficile de le devenir.
AIP : Votre pouvoir s’étend-il sur combien de villages ?
Nanan Adou Bibi II : La province Pinango est la province la plus vaste. Il est vrai qu’aujourd’hui, Nassian dépend administrativement de la région du Bounkani. Mais traditionnellement, le canton de Nassian relève de la province Pinango. La plupart de ses villages relèvent de la province Pinango. Il y a six ou sept villages qui relèvent de Bouna. Mais l’ensemble des villages relève de la province Pinango. Il y a le canton du Baribo, Sandégué qui relève de la province Pinango. Prenons le canton du Bini, Kouassi-Datékro. Il relève de la province Pinango. Il y a des villages du côté de la sous-préfecture de Tankessé qui relèvent de la province Pinango. Il y a des villages de la sous-préfecture de Transua qui sont de la province Pinango dont Transua, le chef lieu du département. C’est le village qui m’a vu naître. Du côté d’Assuefry, il y a aussi des villages de la Province Pinango. Venons à Appimandoum. Je veux m’attarder un peu sur le nom Appimandoum.
AIP : Pourquoi ?
Nanan Adou Bibi II : Appimandoum signifie 1005. Au fond, c’est 1005 fusils. Le Pinango avait 1005 fusils d’assaut. Appimandoum, village qui est devenu aujourd’hui une sous-préfecture, a été la poudrière des Bron. Aujourd’hui, on parle d’Akouédo à Abidjan qui a servi un peu de poudrière pour la Côte d’Ivoire. Appimandoum a été la poudrière des Bron.
AIP : Peut-on revenir maintenant sur la question des villages qui relèvent de la province Pinango ?
Nanan Adou Bibi II : Je poursuis donc pour dire que toute la zone d’Appimandoum relève de la province Pinango. Du Côté de la sous-préfecture de Pinda-Boroko, il y a des villages de la province Pinango. Au niveau de la sous-préfecture de Sorobango, si vous prenez les 30 villages, la moitié relève de la province Pinango. Quand vous prenez la commune de Bondoukou et les villages de Soko, Motiamo, Ouélékéi, Abema, Golé etc. Ils relèvent tous de la province Pinango. Il y a certains de nos compatriotes qui vivent aujourd’hui au quartier Malagasso, ce sont des Dioula, des musulmans comme on le dit. Ils sont de la province Pinango.
AIP : Pourquoi ces derniers sont-ils de la province Pinango ?
Nanan Adou Bibi II : Ils sont de la province Pinango parce qu’anciennement venus du Nigeria, la famille Malagasso a vécu à l’époque à Ouélékéi au temps du 3ème chef en Côte d’Ivoire, Nanan Kouakou Adayé. C’est sous ses auspices que nos parents de Malagasso ont été installés ici à Bondoukou par le truchement des Kamagaté et autres. Vous voyez que la province Pinango, à cause un peu de sa position de guerrier, a joué un rôle très important. Nous sommes des stratèges et en stratégie militaire, il faut étendre un peu ses tentacules partout pour ne pas être surpris. Il est difficile aujourd’hui de dire, de donner un chiffre exact des villages de la province Pinango. C’est plus de 200 villages sans compter qu’il y a des villages au Ghana qui relèvent encore de la province Pinango. Mon règne s’étend aussi sur le Ghana.
AIP : Quel est votre rôle en tant que chef?
Nanan Adou Bibi II : Le Gontougo, c’est 11 ethnies. N’eut été aujourd’hui la présence de la chefferie comment on allait cohabiter. Nous, les chefs jouons d’abord un rôle de régulateur. Nous faisons en sorte qu’il y ait la cohésion sociale entre nos ethnies, nos peuples. Même quand il y a un problème grave de mort d’hommes, nous sommes saisis. Malgré la présence de la justice, nous essayons de faciliter certaines rencontres, certaines discussions pour apaiser un peu les cœurs et les esprits. Donc grâce à nous, aujourd’hui, aucun esprit d’animosité n’anime une ethnie vis-à-vis d’une autre. Les rancœurs et les rancunes, souvent teintées de haine, sont apaisées grâce à la tradition, grâce à la chefferie. C’est pourquoi, chaque jour que Dieu fait, je reçois des plaintes comme si nous étions à la justice. Nous réglons des problèmes et nous procédons à la réconciliation. Chez nous, il n’y a pas de prison. Quelqu’un qui a fauté reconnait sa faute et on lui donne des conseils qu’il faut, et il est inséré vraiment dans la société. Ce sont les amendes qui constituent notre prison. Quelqu’un qui a fauté paye des amendes et le lendemain, il marche dans le village la tête haute (...) Notre rôle en tant que garant moral de la société existe toujours. Nous sommes vraiment respectés par nos sujets. Lorsqu’il y a des problèmes qu’on intervient, chacun laisse tomber comme on le dit pour que la vie communautaire soit de mise.
AIP : Avez-vous déjà régler des conflits de mort d’hommes ?
Nanan Adou Bibi II : J’ai une fois réglé un problème de mort d'homme ici, c’était en 2010. Je suis passé par les alliances interethniques parce que la personne qui était morte était une fille Sénoufo. La fautive était une fille Agni. Les deux, je dirai avaient un même amant. Et lorsqu’il y a eu le problème, il n’y a pas eu de plainte formelle des parents de la défunte. Donc j’ai été saisi et comme les Bron, nous sommes alliés aux Agni, alliés aussi au grand groupe Sénoufo, c’est à travers les alliances que j’ai saisi les parents de la défunte et donc les choses ont marché. On a pu réconcilier tout le monde. On a eu à procéder à l’inhumation. Il n’y a pas eu de plainte formelle comme je l’ai dit. Toutefois, j’en ai parlé au juge. Donc les choses ont marché grâces aux alliances ethniques. Les problèmes fonciers, les problèmes de mort d’hommes et les palabres, nous les réglons. Et les alliances sont pratiquement les vecteurs à travers lesquelles on réussit vraiment à réconcilier tout le monde.
AIP : Vous êtes aidé dans votre tâche certainement par vos notables. Peut-on savoir comment ?
Nanan Adou Bibi II : Les chefs des villages sont les notables. Mais il y a des notables les plus proches qu’on appelle des Safohini. A l’époque, c’était un peu des capitaines de guerre. Donc j’ai six Safohini qui sont des capitaines de guerre postés de manière suivante. Il y a un Safohini à Transua, Il y a un Safohini à Gnomian, un Safohini à Kanassé, un Safohini à Ouélékéki, à Danguira et un Safohini à Sianoudi. Aujourd’hui, on ne parle pas de guerre. Comment faire pour avancer la province et le royaume, c’est à cela que chacun s’attèle aujourd’hui.
AIP : Qui d’autres vous entourent en plus des chefs de villages et des capitaines ?
Nanan Adou Bibi II : Ils sont plusieurs. Mon oncle par exemple qui m’a octroyé cette place que j’occupe. Il est mon premier conseiller. Il y a d’autres personnes par exemple à ouélékéi qui sont autour de moi. Les conseillers, il y a en beaucoup. Il faut toujours les consulter quand il y a des problèmes cruciaux. Autour de moi, il y a des safohini, des portes-cannes, des conseillers occultes parmi les conseillers, des dames et des hommes. Les chefs de villages qui m’entourent sont aussi mes conseillers. Rien ne se fait seul. Il faut toujours prendre conseils avant de prendre une décision. Lors d’un procès, d’un jugement, il faut s’appuyer sur eux pour donner tort ou raison à quelqu’un parce que chez nous chacun sait parler. Si vous ne faites pas attention, vous risquez de donner tort à celui qui a raison. C’est ceux qui sont autour de moi qui fouillent, qui cherchent de trouver la vérité. C’est seule la vérité qui réconcilie.
AIP : Vous n’avez pas cité la reine mère parmi les personnes qui vous entourent. Quel rôle joue-t-elle ? Et quel est sa place dans l’organisation du royaume Bron ?
Nanan Adou Bibi II : La reine mère n’est pas la femme du roi ou du chef. La reine mère peut-être la mère du chef. La reine mère peut-être la cousine du roi ou du chef. Elle peut-être sa nièce mais ne peut pas être son épouse. La femme du roi ou du chef peut-être appelée la reine à titre honorifique. Son rôle, c’est un rôle de conseiller. Très souvent, la reine mère est dans l’antichambre. Ce n’est pas toujours qu’elle se donne en spectacle. Lorsqu’il y a des problèmes cruciaux, c’est elle qui est consultée. Elle, aussi, a une petite cour de personnes qui l’entourent. C’est pourquoi, lorsqu’il y a un problème dans le royaume ou dans le village, on va la consulter. La nuit porte conseils, dit-on. Alors, la nuit, on profite des conseils de la reine mère. On la consulte avant de prendre les grandes décisions. Lorsqu’il s’agit de trouver un roi ou un chef, c’est un grand moment. Chez nous, le trône est objet d’unité et de spiritualité. Il faut faire des consultations et les femmes retiennent beaucoup. Les femmes sont très sensibles à certaines choses au point où c’est elles qu’on voit pour savoir la famille qui peut prendre le trône. C’est la reine mère qui doit disséquer, voir le tour de quelle famille doit échoir le trône. Le dernier mot lui revient pour dire c’est la famille X qui doit hériter. Donc, elle joue un grand rôle lorsqu’il s’agit de trouver le nouvel élu, le nouveau chef ou roi.
AIP : Quels sont vos rapports avec l’administration ?
Nanan Adou Bibi II : Nos rapports sont au beau fixe. Avec tout ce que je viens de vous dire, lorsqu’on n’a pas l’appui de l’administration, c’est difficile. Nous, c’est la tradition. Elle est presque orale. La Côte d’Ivoire est indépendante depuis 1960. Donc, c’est l’administration qui commande. Nous n’avons plus notre force de frappe. Il faut composer avec l’administration pour essayer souvent aussi de nous guider, de nous aider dans notre tâche. La tradition, nous la maîtrisons mais nous ne vivons pas sur une autre planète. La Côte d’Ivoire est indépendante avec ses règles, ses lois. Nous sommes aussi des citoyens du pays même si le travail que nous faisons est la pure tradition. C’est pour dire que nos rapports sont au beau fixe. Des sous-préfets aux secrétaires généraux jusqu’aux préfets, nous nous voyons de temps en temps. Ils nous invitent à des rencontres. Nous échangeons. Nous allons souvent vers eux pour demander des conseils. Aujourd’hui, le monde évolue. A l’époque, on ne parlait pas de droits de l’Homme. Il faut vraiment en tenir compte, le droit de l’homme, de la femme, de l’enfant.
(AIP)
ns/fmo
AIP : Le royaume Bron dans son système d’organisation comprend combien de provinces ?
Nanan Adou Bibi II : Il faut d’abord dire que les Bron sont venus du Ghana à la recherche de l’or et ont investi cette région qui devient le Zanzan plus tard. Les Bron sont arrivés vers les années 1632. C’étaient des conquérants. Ils ont eu à affronter leurs frères Koulango, c’est le thème qu’il faut dire aujourd’hui, qu’ils ont trouvés sur place pour établir le royaume.
AIP : Peut-on venir maintenant à l’organisation du royaume ?
Nanan Adou Bibi II : Dans l’organisation du royaume Bron, il y a cinq provinces. Il y a d’abord, la province Ahinifié qui est la cour royale, détenue par le roi des Bron. Ensuite la province Pinango que je dirige. Pinango qui signifie en langue Bron « Si vous le poussez, il ne recule pas ». C’est le ministère de la défense du royaume Bron. C’est cette province qui a combattu pour que les Bron puissent être aujourd’hui là. Il a joué le rôle avant-gardiste lors des guerres. Il y a ensuite la province Foumanssa qui a joué aussi pratiquement un rôle du ministère de l’Intérieur. C’est aussi des guerriers. La quatrième province est la province Angobia. Angobia qui signifie en langue Bron « Ne va nulle part ». Si vous voulez, c’est la garde royale. Aujourd’hui, on parlerait de garde républicaine. Nous avons enfin la province Akidom qui est l’arrière-garde. Vous savez au cours des guerres, il peut avoir des blessés, des personnes mal en point. Il faut déjà créer une structure pour pouvoir sauver ces personnes, encadrer ces personnes et pour boucler la boucle parce que l’ennemi peut passer par derrière pour vous atteindre.
AIP : Quels rapports entretiennent les provinces ?
Nanan Adou Bibi II : Les provinces entretiennent de bons rapports puisqu’il y a des alliances entre elles. La province Pinango est alliée à la province Akidom. L’histoire dit que le chef de la province Pinango est le père spirituel du chef de la province Akidom. Akidom a pour papa le chef de la province Pinango. La province Angobia a pour papa, le chef de la province Foumanssa. Et nous tous, notre aîné, notre père, c’est le roi suprême des Bron. Ce sont des alliances. Je ne parlerai pas de papa en thème biologique mais l’alliance a fait que chacun a son père dans cette affaire (…) Entre les provinces, nous essayons d’entretenir de bons rapports. Tout cela pour une bonne cohabitation.
AIP : Vous êtes le 24ème chef de la province Pinango. Peut-on savoir comment le devient-on?
Nanan Adou Bibi II : C’est à travers le sang qu’on devient chef au niveau des Bron. Il faut dire que même au niveau des Akan en général, c’est le matriarcat. On n’hérite pas de son père au niveau des Bron. On hérite de son oncle, de son grand père maternel. Mais on n’hérite pas de son père. Chez nous aussi, c’est le matriarcat. C’est à travers la famille de ma mère qui est de Gnomian, un village pinango que j’hérite et non de Transua, le village de mon père. Comme on le dit, on nait chef, on ne le devient pas (…) Il y a eu trois chefs déjà qui ont vécu au niveau du Ghana avant qu’on arrive ici. Nos grands parents l’ont été. C’est pourquoi, je le suis. Ce n’est pas un hasard, un concours, un vote. Lors que vos parents n’ont pas été chefs ou rois, il est difficile de le devenir.
AIP : Votre pouvoir s’étend-il sur combien de villages ?
Nanan Adou Bibi II : La province Pinango est la province la plus vaste. Il est vrai qu’aujourd’hui, Nassian dépend administrativement de la région du Bounkani. Mais traditionnellement, le canton de Nassian relève de la province Pinango. La plupart de ses villages relèvent de la province Pinango. Il y a six ou sept villages qui relèvent de Bouna. Mais l’ensemble des villages relève de la province Pinango. Il y a le canton du Baribo, Sandégué qui relève de la province Pinango. Prenons le canton du Bini, Kouassi-Datékro. Il relève de la province Pinango. Il y a des villages du côté de la sous-préfecture de Tankessé qui relèvent de la province Pinango. Il y a des villages de la sous-préfecture de Transua qui sont de la province Pinango dont Transua, le chef lieu du département. C’est le village qui m’a vu naître. Du côté d’Assuefry, il y a aussi des villages de la Province Pinango. Venons à Appimandoum. Je veux m’attarder un peu sur le nom Appimandoum.
AIP : Pourquoi ?
Nanan Adou Bibi II : Appimandoum signifie 1005. Au fond, c’est 1005 fusils. Le Pinango avait 1005 fusils d’assaut. Appimandoum, village qui est devenu aujourd’hui une sous-préfecture, a été la poudrière des Bron. Aujourd’hui, on parle d’Akouédo à Abidjan qui a servi un peu de poudrière pour la Côte d’Ivoire. Appimandoum a été la poudrière des Bron.
AIP : Peut-on revenir maintenant sur la question des villages qui relèvent de la province Pinango ?
Nanan Adou Bibi II : Je poursuis donc pour dire que toute la zone d’Appimandoum relève de la province Pinango. Du Côté de la sous-préfecture de Pinda-Boroko, il y a des villages de la province Pinango. Au niveau de la sous-préfecture de Sorobango, si vous prenez les 30 villages, la moitié relève de la province Pinango. Quand vous prenez la commune de Bondoukou et les villages de Soko, Motiamo, Ouélékéi, Abema, Golé etc. Ils relèvent tous de la province Pinango. Il y a certains de nos compatriotes qui vivent aujourd’hui au quartier Malagasso, ce sont des Dioula, des musulmans comme on le dit. Ils sont de la province Pinango.
AIP : Pourquoi ces derniers sont-ils de la province Pinango ?
Nanan Adou Bibi II : Ils sont de la province Pinango parce qu’anciennement venus du Nigeria, la famille Malagasso a vécu à l’époque à Ouélékéi au temps du 3ème chef en Côte d’Ivoire, Nanan Kouakou Adayé. C’est sous ses auspices que nos parents de Malagasso ont été installés ici à Bondoukou par le truchement des Kamagaté et autres. Vous voyez que la province Pinango, à cause un peu de sa position de guerrier, a joué un rôle très important. Nous sommes des stratèges et en stratégie militaire, il faut étendre un peu ses tentacules partout pour ne pas être surpris. Il est difficile aujourd’hui de dire, de donner un chiffre exact des villages de la province Pinango. C’est plus de 200 villages sans compter qu’il y a des villages au Ghana qui relèvent encore de la province Pinango. Mon règne s’étend aussi sur le Ghana.
AIP : Quel est votre rôle en tant que chef?
Nanan Adou Bibi II : Le Gontougo, c’est 11 ethnies. N’eut été aujourd’hui la présence de la chefferie comment on allait cohabiter. Nous, les chefs jouons d’abord un rôle de régulateur. Nous faisons en sorte qu’il y ait la cohésion sociale entre nos ethnies, nos peuples. Même quand il y a un problème grave de mort d’hommes, nous sommes saisis. Malgré la présence de la justice, nous essayons de faciliter certaines rencontres, certaines discussions pour apaiser un peu les cœurs et les esprits. Donc grâce à nous, aujourd’hui, aucun esprit d’animosité n’anime une ethnie vis-à-vis d’une autre. Les rancœurs et les rancunes, souvent teintées de haine, sont apaisées grâce à la tradition, grâce à la chefferie. C’est pourquoi, chaque jour que Dieu fait, je reçois des plaintes comme si nous étions à la justice. Nous réglons des problèmes et nous procédons à la réconciliation. Chez nous, il n’y a pas de prison. Quelqu’un qui a fauté reconnait sa faute et on lui donne des conseils qu’il faut, et il est inséré vraiment dans la société. Ce sont les amendes qui constituent notre prison. Quelqu’un qui a fauté paye des amendes et le lendemain, il marche dans le village la tête haute (...) Notre rôle en tant que garant moral de la société existe toujours. Nous sommes vraiment respectés par nos sujets. Lorsqu’il y a des problèmes qu’on intervient, chacun laisse tomber comme on le dit pour que la vie communautaire soit de mise.
AIP : Avez-vous déjà régler des conflits de mort d’hommes ?
Nanan Adou Bibi II : J’ai une fois réglé un problème de mort d'homme ici, c’était en 2010. Je suis passé par les alliances interethniques parce que la personne qui était morte était une fille Sénoufo. La fautive était une fille Agni. Les deux, je dirai avaient un même amant. Et lorsqu’il y a eu le problème, il n’y a pas eu de plainte formelle des parents de la défunte. Donc j’ai été saisi et comme les Bron, nous sommes alliés aux Agni, alliés aussi au grand groupe Sénoufo, c’est à travers les alliances que j’ai saisi les parents de la défunte et donc les choses ont marché. On a pu réconcilier tout le monde. On a eu à procéder à l’inhumation. Il n’y a pas eu de plainte formelle comme je l’ai dit. Toutefois, j’en ai parlé au juge. Donc les choses ont marché grâces aux alliances ethniques. Les problèmes fonciers, les problèmes de mort d’hommes et les palabres, nous les réglons. Et les alliances sont pratiquement les vecteurs à travers lesquelles on réussit vraiment à réconcilier tout le monde.
AIP : Vous êtes aidé dans votre tâche certainement par vos notables. Peut-on savoir comment ?
Nanan Adou Bibi II : Les chefs des villages sont les notables. Mais il y a des notables les plus proches qu’on appelle des Safohini. A l’époque, c’était un peu des capitaines de guerre. Donc j’ai six Safohini qui sont des capitaines de guerre postés de manière suivante. Il y a un Safohini à Transua, Il y a un Safohini à Gnomian, un Safohini à Kanassé, un Safohini à Ouélékéki, à Danguira et un Safohini à Sianoudi. Aujourd’hui, on ne parle pas de guerre. Comment faire pour avancer la province et le royaume, c’est à cela que chacun s’attèle aujourd’hui.
AIP : Qui d’autres vous entourent en plus des chefs de villages et des capitaines ?
Nanan Adou Bibi II : Ils sont plusieurs. Mon oncle par exemple qui m’a octroyé cette place que j’occupe. Il est mon premier conseiller. Il y a d’autres personnes par exemple à ouélékéi qui sont autour de moi. Les conseillers, il y a en beaucoup. Il faut toujours les consulter quand il y a des problèmes cruciaux. Autour de moi, il y a des safohini, des portes-cannes, des conseillers occultes parmi les conseillers, des dames et des hommes. Les chefs de villages qui m’entourent sont aussi mes conseillers. Rien ne se fait seul. Il faut toujours prendre conseils avant de prendre une décision. Lors d’un procès, d’un jugement, il faut s’appuyer sur eux pour donner tort ou raison à quelqu’un parce que chez nous chacun sait parler. Si vous ne faites pas attention, vous risquez de donner tort à celui qui a raison. C’est ceux qui sont autour de moi qui fouillent, qui cherchent de trouver la vérité. C’est seule la vérité qui réconcilie.
AIP : Vous n’avez pas cité la reine mère parmi les personnes qui vous entourent. Quel rôle joue-t-elle ? Et quel est sa place dans l’organisation du royaume Bron ?
Nanan Adou Bibi II : La reine mère n’est pas la femme du roi ou du chef. La reine mère peut-être la mère du chef. La reine mère peut-être la cousine du roi ou du chef. Elle peut-être sa nièce mais ne peut pas être son épouse. La femme du roi ou du chef peut-être appelée la reine à titre honorifique. Son rôle, c’est un rôle de conseiller. Très souvent, la reine mère est dans l’antichambre. Ce n’est pas toujours qu’elle se donne en spectacle. Lorsqu’il y a des problèmes cruciaux, c’est elle qui est consultée. Elle, aussi, a une petite cour de personnes qui l’entourent. C’est pourquoi, lorsqu’il y a un problème dans le royaume ou dans le village, on va la consulter. La nuit porte conseils, dit-on. Alors, la nuit, on profite des conseils de la reine mère. On la consulte avant de prendre les grandes décisions. Lorsqu’il s’agit de trouver un roi ou un chef, c’est un grand moment. Chez nous, le trône est objet d’unité et de spiritualité. Il faut faire des consultations et les femmes retiennent beaucoup. Les femmes sont très sensibles à certaines choses au point où c’est elles qu’on voit pour savoir la famille qui peut prendre le trône. C’est la reine mère qui doit disséquer, voir le tour de quelle famille doit échoir le trône. Le dernier mot lui revient pour dire c’est la famille X qui doit hériter. Donc, elle joue un grand rôle lorsqu’il s’agit de trouver le nouvel élu, le nouveau chef ou roi.
AIP : Quels sont vos rapports avec l’administration ?
Nanan Adou Bibi II : Nos rapports sont au beau fixe. Avec tout ce que je viens de vous dire, lorsqu’on n’a pas l’appui de l’administration, c’est difficile. Nous, c’est la tradition. Elle est presque orale. La Côte d’Ivoire est indépendante depuis 1960. Donc, c’est l’administration qui commande. Nous n’avons plus notre force de frappe. Il faut composer avec l’administration pour essayer souvent aussi de nous guider, de nous aider dans notre tâche. La tradition, nous la maîtrisons mais nous ne vivons pas sur une autre planète. La Côte d’Ivoire est indépendante avec ses règles, ses lois. Nous sommes aussi des citoyens du pays même si le travail que nous faisons est la pure tradition. C’est pour dire que nos rapports sont au beau fixe. Des sous-préfets aux secrétaires généraux jusqu’aux préfets, nous nous voyons de temps en temps. Ils nous invitent à des rencontres. Nous échangeons. Nous allons souvent vers eux pour demander des conseils. Aujourd’hui, le monde évolue. A l’époque, on ne parlait pas de droits de l’Homme. Il faut vraiment en tenir compte, le droit de l’homme, de la femme, de l’enfant.
(AIP)
ns/fmo