J’ai passé un agréable week end à lire Charles Nokan. Il y a de la profondeur dans ses récits et même quand il écrit une œuvre moins volumineuse comme ce livre « Tout changement est un ouragan » qui fait 80 pages, on passe du temps à relire certaines phrases et expressions pour mieux comprendre et les méditer. J’adore ses textes poétiques, surtout son œuvre « Ya et Moni » qui a fait l’objet d’une chronique dans notre journal « L’intelligent d’Abidjan », il y a environ 2 ans. C’est son éditeur Charles Pemont, Directeur de « L’encre bleu » qui m’a offert ce livre pour m’exprimer son soutien dans mes activités bénévoles de promotion de la littérature ivoirienne, il y a environ deux ans.
Charles Nokan (Konan Kakou Charles, alias Zégoua Gbessi Nokan) est l’un des pionniers de la littérature ivoirienne (le deuxième écrivain ivoirien après Bernard Dadié). Ce docteur en philosophie, également docteur ès lettres et sciences humaines des Universités de Poitiers, Paris et Cocody a enseigné la littérature et la sociologie aux universités de Vincennes (France) et de Cocody (Côte d’Ivoire). Aujourd’hui à la retraite, il continue d’enrichir sa bibliographie qui comptabilise une vingtaine d’écrits.
Les couleurs de son livre sont le marron dégradé. On y trouve du bleu et les écritures en blanc. L’illustration présente un homme et une femme qui semblent être un couple dépenaillé dans un environnement qui décrit des ruines, des décombres d’une cabane. Ce couple exprime un air et un regard affligé, soucieux comme des rescapés qui ont vécu des épreuves inénarrables. Ces images donnent une idée du contenu dramatique ou tragique du récit mais qui est plein d’espoir comme la couleur bleue le montre. J’ai réalisé après la lecture du récit de l’auteur que la crise ivoirienne de 2002 à 2012 l’a profondément inspiré. Dans la rédaction de son récit, il s’est fait le porte parole et défenseur des victimes de la crise, et a décrit la grande responsabilité des acteurs politiques, l’insouciance de leurs actes et ses conséquences sur le pauvre peuple.
Il commence son récit en présentant la bravoure de N’ci, un menuisier qui a réussi à se battre pour construire un foyer stable avec son épouse Cézè qui lui donne 5 enfants. Deux parmi les 5 enfants, épousent des blanches et rompent tout contact avec leurs parents comme les autres. Sakpa l’instructrice fait l’exception. Elle sait prouver sa gratitude à ses parents par sa présence assidue et son assistance financière. Par contre, Sakpa peine à trouver un homme. Après plusieurs années de célibat, elle subit l’influence de ses parents et épouse son sous- directeur. La guerre vient changer le paysage paisible du pays Nfiwa en y faisant le clone de l’horreur. Une rébellion divise le pays en deux parties qui provoque un exode massif des populations vers la zone dite loyaliste. Les affrontements entre les rebelles et les soldats loyalistes font souffrir la population. Les rebelles posent des actes abominables envers les pauvres populations sans armes, vulnérables : ils les dépouillent, les violent, les décapitent, les massacrent… La guerre crée des problèmes économiques qui ont pour conséquences la dégradation des valeurs morales comme ultimes recours pour certaines filles (la prostitution) afin de pouvoir assurer au moins leurs besoins de subsistance. Une vocation de médiateur naît chez N’ci qui souhaite apporter sa contribution pour ramener la paix et la stabilité dans son pays avant de rejoindre ses ancêtre au pays de non retour. Il s’active dans ce sens malgré les obstacles posés par les belligérants dans le processus de négociation et le climat de méfiance qui règne. L’optimisme de N’ci porte du fruit en dépit des nombreuses difficultés.
L’auteur est formel sur l’idée selon laquelle il n’y a que la révolution qui pourra apporter un vrai changement social, lutter contre les injustices et inégalités et faire progresser un pays vers le développement et la croissance tout azimut. Car le capitalisme favorise l’exploitation d’autrui. Il dit ceci : « L'être humain est vraiment un lion ou une panthère pour son semblable. Comment des personnes ayant la même idéologie se faisaient-elles la guerre? Les hommes et femmes au pouvoir, d'une part, et les rebelles à l'autre avaient le même programme politique. Pourquoi se battaient-ils alors? Leur combat signifiait seulement : " ôtez-vous de là afin que nous nous y mettions malgré notre perspective commune... la guerre permettait aux plus forts d'obtenir la victoire, de s'emparer de presque tout, de paupériser davantage le peuple. Pour ce dernier, elle était inutile; au contraire, la Révolution, bien qu'elle se veuille aussi violente que la guerre injuste, fini par restructurer la société, apporter la richesse à la majorité des habitants d'un pays, par rendre ceux-ci heureux et justes. Voilà qui exprime sa supériorité »
Charles Nokan laisse éclater sa colère sur l’égoïsme et la méchanceté des dirigeants sourds aux conséquences de leurs actes sur la population, leurs victimes. Pour lui, il faut changer le système et non les hommes. C’est pourquoi toute démagogie de changement motivée par la violence est absurde. Il reste ferme sur la révolution comme ultime recours à une transformation sociale. C’est certainement cela qui justifie le titre de son œuvre « Tout changement est un ouragan ». Il dit à la page 54 : « … Il existera encore des cyclones de révolution qui parsèmeront encore les esprits des révolutionnaires de rêves merveilleux. Cemmammi lui, sut que les assaillants, partisans du système capitaliste, au même titre que leurs adversaires, voulaient changer ceux-ci sans changer le système. Leur rébellion était donc une révolte à laquelle il préférait la révolution, transformation radicale de la structure sociale. »
Charles Nokan va un peu fort quand il décrit les atrocités que subissent les pauvres populations pendant la guerre qui opposait les rebelles et les soldats dit loyalistes. C’est comme un zoom sur des scènes horribles, inhumaines… L’intention de l’auteur est d’indexer l’inefficacité du système capitaliste dans le développement d’un pays et de l’illustrer par la description de la méchanceté des dirigeants et la manipulation égoïste des puissances occidentales qui font du bien-être du peuple une chose secondaire.
A travers son personnage principal N’ci, Charles Nokan parle beaucoup de la conscience de la finitude de l’homme et l’avènement incontournable de la mort qui est son destin le plus sûr. Il semble exprimer une idéologie matérialiste qui est incrédule à la vie après la mort. Il dit à la page 70 « «Au bout de l’existence, il y a les ténèbres incommensurables et le silence infini ». Cette méditation fréquente sur la mort à laquelle il invite le lecteur est en même temps une invitation à poser de bons actes et à profiter de chaque instant de la vie car le temps est irréversible. Quand il parle de la mort, son écriture devient poétique, lyrique, tragique et je tombe sur le charme de cette manière de décrire la vieillesse et les facteurs qui altèrent la vie humaine et la rapproche de la mort. Je vous partage un extrait de la page 60 « Le crépuscule de la vie affaiblit toujours les êtres et les choses avant de les annihiler. Maintenant, le temps marche à grand pas, court, vole pour parvenir au bout du chemin de l’existence. Le parcours vital a beau être long, il finit toujours par arriver au bout du gouffre, et la tempête y jette toujours les êtres humains et les objets inanimés ». Le fait d’aborder le sujet de la mort dans cette œuvre m’a rappelé son livre poétique « Ya et Moni » c’est ce qui a fait le charme de ce livre. La question est de savoir quelle est la raison de cette insistance de l’auteur Nokan sur ce thème dans ses écrits ?
Charles Nokan est plein d’espoir. S’il y a des hommes qui sont des bourreaux du peuple, il existe d’autres comme N’ci qui œuvrent pour son bien-être et son développement. Dans le combat du bien contre le mal, le bien sera vainqueur et l’auteur en a la certitude. Les dernières pages de son livre, il invite le lecteur à cultiver l’espoir par la description d’un monde meilleur et nouveau. A la page 71, il dit ceci : « ô guerre ignoble antithèse de paix ! La nuit qui occupait le monde était épaisse et très longue. Mais bientôt, éclora une nouvelle clarté. Alors l’Afrique comme l’Europe, aura sa renaissance. Le ciel de l’avenir, tel celui d’aujourd’hui, sera de temps en temps couvert de nuages. Mais un soleil neuf brillera et les extirpera dès leur épanouissement. »
En faisant une analogie avec le pays imaginaire Nfiwa du livre « Tout changement est un ouragan », l’on peut dire que l’auteur parle de son pays la Côte d’Ivoire. Il a exprimé son déchirement intérieur et la souffrance de son impuissance devant ce désastre, cette tragédie, ces dégradations des valeurs qui ont tant fait souffrir le pauvre peuple. La solution proposée pour sortir d’une telle situation catastrophique pour une véritable transformation sociale est la révolution. L’auteur développe plusieurs idées enrichissantes que je vous invite à découvrir dans son œuvre.
Yahn AKA
Ecrivain-éditeur
yahn@yahnaka.com
Charles Nokan (Konan Kakou Charles, alias Zégoua Gbessi Nokan) est l’un des pionniers de la littérature ivoirienne (le deuxième écrivain ivoirien après Bernard Dadié). Ce docteur en philosophie, également docteur ès lettres et sciences humaines des Universités de Poitiers, Paris et Cocody a enseigné la littérature et la sociologie aux universités de Vincennes (France) et de Cocody (Côte d’Ivoire). Aujourd’hui à la retraite, il continue d’enrichir sa bibliographie qui comptabilise une vingtaine d’écrits.
Les couleurs de son livre sont le marron dégradé. On y trouve du bleu et les écritures en blanc. L’illustration présente un homme et une femme qui semblent être un couple dépenaillé dans un environnement qui décrit des ruines, des décombres d’une cabane. Ce couple exprime un air et un regard affligé, soucieux comme des rescapés qui ont vécu des épreuves inénarrables. Ces images donnent une idée du contenu dramatique ou tragique du récit mais qui est plein d’espoir comme la couleur bleue le montre. J’ai réalisé après la lecture du récit de l’auteur que la crise ivoirienne de 2002 à 2012 l’a profondément inspiré. Dans la rédaction de son récit, il s’est fait le porte parole et défenseur des victimes de la crise, et a décrit la grande responsabilité des acteurs politiques, l’insouciance de leurs actes et ses conséquences sur le pauvre peuple.
Il commence son récit en présentant la bravoure de N’ci, un menuisier qui a réussi à se battre pour construire un foyer stable avec son épouse Cézè qui lui donne 5 enfants. Deux parmi les 5 enfants, épousent des blanches et rompent tout contact avec leurs parents comme les autres. Sakpa l’instructrice fait l’exception. Elle sait prouver sa gratitude à ses parents par sa présence assidue et son assistance financière. Par contre, Sakpa peine à trouver un homme. Après plusieurs années de célibat, elle subit l’influence de ses parents et épouse son sous- directeur. La guerre vient changer le paysage paisible du pays Nfiwa en y faisant le clone de l’horreur. Une rébellion divise le pays en deux parties qui provoque un exode massif des populations vers la zone dite loyaliste. Les affrontements entre les rebelles et les soldats loyalistes font souffrir la population. Les rebelles posent des actes abominables envers les pauvres populations sans armes, vulnérables : ils les dépouillent, les violent, les décapitent, les massacrent… La guerre crée des problèmes économiques qui ont pour conséquences la dégradation des valeurs morales comme ultimes recours pour certaines filles (la prostitution) afin de pouvoir assurer au moins leurs besoins de subsistance. Une vocation de médiateur naît chez N’ci qui souhaite apporter sa contribution pour ramener la paix et la stabilité dans son pays avant de rejoindre ses ancêtre au pays de non retour. Il s’active dans ce sens malgré les obstacles posés par les belligérants dans le processus de négociation et le climat de méfiance qui règne. L’optimisme de N’ci porte du fruit en dépit des nombreuses difficultés.
L’auteur est formel sur l’idée selon laquelle il n’y a que la révolution qui pourra apporter un vrai changement social, lutter contre les injustices et inégalités et faire progresser un pays vers le développement et la croissance tout azimut. Car le capitalisme favorise l’exploitation d’autrui. Il dit ceci : « L'être humain est vraiment un lion ou une panthère pour son semblable. Comment des personnes ayant la même idéologie se faisaient-elles la guerre? Les hommes et femmes au pouvoir, d'une part, et les rebelles à l'autre avaient le même programme politique. Pourquoi se battaient-ils alors? Leur combat signifiait seulement : " ôtez-vous de là afin que nous nous y mettions malgré notre perspective commune... la guerre permettait aux plus forts d'obtenir la victoire, de s'emparer de presque tout, de paupériser davantage le peuple. Pour ce dernier, elle était inutile; au contraire, la Révolution, bien qu'elle se veuille aussi violente que la guerre injuste, fini par restructurer la société, apporter la richesse à la majorité des habitants d'un pays, par rendre ceux-ci heureux et justes. Voilà qui exprime sa supériorité »
Charles Nokan laisse éclater sa colère sur l’égoïsme et la méchanceté des dirigeants sourds aux conséquences de leurs actes sur la population, leurs victimes. Pour lui, il faut changer le système et non les hommes. C’est pourquoi toute démagogie de changement motivée par la violence est absurde. Il reste ferme sur la révolution comme ultime recours à une transformation sociale. C’est certainement cela qui justifie le titre de son œuvre « Tout changement est un ouragan ». Il dit à la page 54 : « … Il existera encore des cyclones de révolution qui parsèmeront encore les esprits des révolutionnaires de rêves merveilleux. Cemmammi lui, sut que les assaillants, partisans du système capitaliste, au même titre que leurs adversaires, voulaient changer ceux-ci sans changer le système. Leur rébellion était donc une révolte à laquelle il préférait la révolution, transformation radicale de la structure sociale. »
Charles Nokan va un peu fort quand il décrit les atrocités que subissent les pauvres populations pendant la guerre qui opposait les rebelles et les soldats dit loyalistes. C’est comme un zoom sur des scènes horribles, inhumaines… L’intention de l’auteur est d’indexer l’inefficacité du système capitaliste dans le développement d’un pays et de l’illustrer par la description de la méchanceté des dirigeants et la manipulation égoïste des puissances occidentales qui font du bien-être du peuple une chose secondaire.
A travers son personnage principal N’ci, Charles Nokan parle beaucoup de la conscience de la finitude de l’homme et l’avènement incontournable de la mort qui est son destin le plus sûr. Il semble exprimer une idéologie matérialiste qui est incrédule à la vie après la mort. Il dit à la page 70 « «Au bout de l’existence, il y a les ténèbres incommensurables et le silence infini ». Cette méditation fréquente sur la mort à laquelle il invite le lecteur est en même temps une invitation à poser de bons actes et à profiter de chaque instant de la vie car le temps est irréversible. Quand il parle de la mort, son écriture devient poétique, lyrique, tragique et je tombe sur le charme de cette manière de décrire la vieillesse et les facteurs qui altèrent la vie humaine et la rapproche de la mort. Je vous partage un extrait de la page 60 « Le crépuscule de la vie affaiblit toujours les êtres et les choses avant de les annihiler. Maintenant, le temps marche à grand pas, court, vole pour parvenir au bout du chemin de l’existence. Le parcours vital a beau être long, il finit toujours par arriver au bout du gouffre, et la tempête y jette toujours les êtres humains et les objets inanimés ». Le fait d’aborder le sujet de la mort dans cette œuvre m’a rappelé son livre poétique « Ya et Moni » c’est ce qui a fait le charme de ce livre. La question est de savoir quelle est la raison de cette insistance de l’auteur Nokan sur ce thème dans ses écrits ?
Charles Nokan est plein d’espoir. S’il y a des hommes qui sont des bourreaux du peuple, il existe d’autres comme N’ci qui œuvrent pour son bien-être et son développement. Dans le combat du bien contre le mal, le bien sera vainqueur et l’auteur en a la certitude. Les dernières pages de son livre, il invite le lecteur à cultiver l’espoir par la description d’un monde meilleur et nouveau. A la page 71, il dit ceci : « ô guerre ignoble antithèse de paix ! La nuit qui occupait le monde était épaisse et très longue. Mais bientôt, éclora une nouvelle clarté. Alors l’Afrique comme l’Europe, aura sa renaissance. Le ciel de l’avenir, tel celui d’aujourd’hui, sera de temps en temps couvert de nuages. Mais un soleil neuf brillera et les extirpera dès leur épanouissement. »
En faisant une analogie avec le pays imaginaire Nfiwa du livre « Tout changement est un ouragan », l’on peut dire que l’auteur parle de son pays la Côte d’Ivoire. Il a exprimé son déchirement intérieur et la souffrance de son impuissance devant ce désastre, cette tragédie, ces dégradations des valeurs qui ont tant fait souffrir le pauvre peuple. La solution proposée pour sortir d’une telle situation catastrophique pour une véritable transformation sociale est la révolution. L’auteur développe plusieurs idées enrichissantes que je vous invite à découvrir dans son œuvre.
Yahn AKA
Ecrivain-éditeur
yahn@yahnaka.com