Je voudrais vous saluer et vous remercier pour avoir bien voulu accepter de répondre positivement à notre invitation en prenant part à la conférence de presse que nous organisons ce matin.
D’aucuns peuvent nous rétorquer que vous faites votre travail : On peut le leur concéder.
Mais il ne faut pas oublier que nous sommes en Côte d’Ivoire. Dans notre pays l’environnement de la presse n’est pareil à nulle autre part ailleurs. Personne n’ignore que la plupart de nos journaux ont plus ou moins partie liée avec un parti politique ou avec un militant engagé quelque part.
Même les medias gouvernementaux appelés quelques fois medias d’Etat, qui sont en réalité des medias de service public, n’échappent pas souvent à cette règle Ivoiro-ivoirienne.
La résultante de cet imbroglio, c’est que très souvent vous avez des chefs de partis, aussi bien du pouvoir que de l’opposition, qui mettent en mission des loubards installés dans les journaux et les réseaux sociaux pour démolir, à coup de calomnies, d’insultes et de mensonges, l’image de certaines autres formations politiques ainsi que leurs responsables.
Vous comprenez que nous qui n’avons ni journaux ni le contrôle des medias de service public, nous nous réjouissons chaque fois que vous avez accepté de véhiculer les idées, les opinions et prises de position de notre parti.
Pour en revenir à la conférence de presse de ce matin, il est nécessaire que vous compreniez que ni ce jour 15 novembre, ni le thème choisi ne sont le fruit du hasard.
Il ne vous échappe pas, que notre pays a décrété ce jour 15 novembre, journée nationale de la paix, depuis 1996.
Animateur d’un parti qui a fait de la paix une de ses préoccupations essentielles, il nous est apparu nécessaire et opportun de mettre à profit cette journée pour vous exposer nos propositions relativement à la Paix, à la Cohésion Sociale et à la Réconciliation Nationale, qui constituent aujourd’hui de sérieux défis pour notre pays.
Pour nous, le RPP, la Paix aujourd’hui en Côte d’Ivoire, se décline essentiellement en trois (3) points:
1- La sécurité
2- Les dispositions pour des élections libres, transparentes et crédibles en 2020
3- La réconciliation nationale
Avant de développer ses trois parties, je voudrais relever un fait qui attire aujourd’hui l’attention de tout observateur honnête.
Ce gouvernement aux affaires depuis 2011, a plusieurs soucis, notamment les problèmes de la gouvernance.
Mais ce dont nous voulons parler aujourd’hui et qui semble primordial et indiscutable : le pouvoir actuel fait preuve de grandes insuffisances dans la gestion des crises.
Il suffit d’ouvrir les yeux pour s’en rendre compte. Les crises à répétitions, dans divers secteurs de la vie nationale, sont légions. Le chef de l’Etat lui-même l’a confirmé lorsqu’il a rencontré il y a quelques jours le Président Henri Konan BEDIE.
Dans un environnement, ou un pays, où l’on est incapable de régler la moindre crise, tous les malentendus grossissent, prennent de l’ampleur et deviennent des soucis d’insécurité et d’affrontements.
I- La sécurité
Aujourd’hui, les feux ou signaux rouges qui traduisent l’insécurité ou l’absence de sécurité, se font voir, presque quotidiennement, par ci par là, sur l’ensemble du territoire, dans divers secteurs et sous diverses formes.
Depuis près d’un an, les ivoiriens sont coutumiers des mutineries avec des militaires tirant partout dans les rues. A cela s’ajoutent plusieurs autres phénomènes sociaux qui génèrent beaucoup de violence.
Face à tout cela, le gouvernement n’a qu’un seul leitmotiv : ça va !
Et pourtant sous nos yeux, à nous tous ;
- Ça tire toujours
- Ça menace
- Ça braque
- Ça brule
- Ça violente
- Ça torture
- Et ça tue.
Aussi il ne serait pas exagéré d’affirmer que nous vivons les pires moments d’insécurité que notre pays ait connus. Et on continue de nous répéter, ça va ! Ça va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Cependant au moment même où nous sommes entrain de vous entretenir, il y a un conflit foncier qui fait rage dans la région de Guiglo, non loin des frontières du Libéria, dans la forêt classée du GOIN-DEBE.
Depuis le début de cette affaire, tous les soirs des communiqués gouvernementaux annoncent l’avènement de règlement définitif.
Et toutes les nuits les violences reprennent de plus belles entre les différentes communautés.
Les conflits fonciers sont devenus si fréquents et réguliers, avec leurs cortèges de violences, qu’on se demande quelque fois s’il y a encore un pilote dans le cockpit.
Malheureusement dans ce domaine les affrontements les plus graves sont aussi les plus absurdes. Ils sont absurdes parce qu’ils relèvent de la responsabilité directe de l’Etat. Il ne nous échappe pas que les conflits fonciers qui engendrent les plus grands nombres de victimes ont lieu dans des forêts classées.
Autrement dit des superficies qui appartiennent à l’Etat. Celui-ci devrait en avoir par conséquent le contrôle et la maitrise.
Aux problèmes du foncier, il ne faut pas perdre de vue ceux qui relèvent de l’exploitation artisanale des mines qui prennent aussi des proportions inquiétantes sur tout le territoire. Et notamment à l’ouest et au nord.
Le foncier et l’exploitation anarchiques des mines présentent des dysfonctionnements graves que personne n’ignore en Côte d’Ivoire.
Et pourtant tout se passe comme des choses ordinaires. Il n’est pas besoin d’être un devin, pour savoir que les prochaines grandes guerres en Côte d’Ivoire naitront indubitablement de ces 2 secteurs.
La sécurité n’est pas une idée philosophique pour faire des débats. C’est du concret c’est du réel.
On est en sécurité où on ne l’est pas.
On est en paix ou on ne l’est pas.
Comme dirait le Premier Ministre Charles Konan BANNY, le calme ce n’est pas la paix.
Aujourd’hui, dans ce pays, qui peut raisonnablement affirmer, avec certitude qu’il est en sécurité ?
Qui peut prendre le pari de dire qu’en sortant le matin de sa résidence, il peut en revenir le soir sans le moindre incident.
J’ai entendu sur les ondes, un général, il me semble que c’est le chef d’Etat-major des armées, dire que notre sécurité était précaire. C’est le moins qu’on puisse dire !
Une des preuves, c’est que tous ceux qui nous gouvernent ou détiennent des postes de responsabilité, ont doublé voir triplé leur cordon ou leur équipe de sécurité.
Le Pape Paul VI, disait déjà en son temps, que le deuxième nom du développement c’est la Paix. Autrement dit, si comme je l’imagine, nous souhaitons tous, le développement de notre pays, ce que le gouvernement actuel appelle émergence, il nous faut ensemble œuvrer pour la paix.
La Paix s’obtient dans une nation, à partir de l’attention que l’on porte à un certain nombre de secteurs et d’activités de la vie nationale.
J’en ai cité tout à l’heure.
Mais parmi les facteurs confligènes sur notre continent, on ne peut pas ne pas mettre en évidence l’organisation des élections.
La Côte d’Ivoire, elle-même, vit encore dans des proportions très fortes les soubresauts de la crise post-électorale de 2010.
II- L’organisation des Elections de 2020
Les élections de 2020 peuvent apparaitre aux yeux de certains comme encore très lointaines. Mais eu égard aux enjeux cruciaux qu’elles représentent, on le voit d’ailleurs par le bouillonnement de la classe politique. Elles sont déjà à nos portes. Les élections de 2020, c’est donc aujourd’hui et dès maintenant qu’il faut se mettre à la tâche.
Nous sommes préoccupés par 3 points essentiels :
- Le cadre électoral,
- Le découpage électoral,
- Le mode du scrutin aux législatives
- Et la sécurisation des élections.
II-1 Le cadre électoral
Nous sommes partisans d’un cadre électoral consensuel à même de faire preuve de transparence et bénéficier de la confiance de tous. Comme le recommande d’ailleurs la Commission Africaine des Droits de l’Homme au gouvernement ivoirien.
À nos yeux, la recomposition de la commission électorale est un impératif vital. Nous sommes d’avis que la CEI soit composée exclusivement des partis politiques et de la société civile. Les représentants du gouvernement, des services institutionnels et administratifs font double emploi avec les partis politiques au pouvoir auprès desquels ils font d’ailleurs office de soutien. Cette présence dénature l’égalité de représentativité et jette le discrédit sur les décisions de la commission.
II-2 Le découpage électoral
Le principe du découpage des circonscriptions électorales est un sujet qui dépasse les frontières et les clivages des partis politiques. La quasi-totalité des formations politiques sont unanimes à reconnaître que l’actuel découpage est injuste et inégalitaire. Le gouvernement doit donc faire preuve de fair-play en réajustant le découpage pour les élections à venir.
II-3 Le mode de scrutin
Le RPP propose pour les élections législatives, comme au municipal, un mode de scrutin proportionnel. Ce scrutin est à notre sens celui qui peut faire en sorte que les élus reflètent équitablement la diversité des opinions des électeurs. La proportionnelle nous apparaît plus juste et plus démocratique, et confère une représentation fidèle du corps électoral.
Lorsque nous prenons l’exemple, avec le mode majoritaire actuel, quand une liste de candidats obtient 52% contre 48% pour la liste adverse, la première liste est déclarée vainqueure dans toute sa composante. Alors que celle ayant eu 48% est vaincue et n’obtient rien. En clair, 48% de la population se sont exprimés pour rien.
Le RPP qui est en faveur d’une véritable démocratie et souhaite que la République soit légitimement au service des « biens communs » estime qu’il est nécessaire que tous les citoyens se sentent concernés par la vie politique et donc que leur vote ne serve pas à rien.
Seul le mode proportionnel permettra d’y répondre. Le Parlement se doit de représenter toute la cité. Et non seulement quelques groupuscules.
Enfin pour couronner tout cela, il faut une sécurisation maximale du scrutin.
II-4 La sécurisation du scrutin
Actuellement une affaire de stock d’armes détenu par un citoyen de Bouaké est pendante devant les tribunaux. Et des personnes bien averties nous apprennent qu’en raison de l’échec du DDR, beaucoup d’armes sont dans la nature.
Cela se traduirait par une dissémination sur l’ensemble du territoire de plusieurs autres caches ou dépôt d’armes.
Il n’est donc pas exclu que les échéances de 2020, soient un bis repetita de 2010.
C’est pourquoi il est souhaitable qu’avant les prochaines élections, un ratissage, à grande échelle, soit mis en œuvre sur l’ensemble du territoire avec des spécialistes très pointus dans la recherche des armements.
III- La réconciliation nationale et la cohésion sociale
Lors de notre 2ème Congrès Ordinaire tenue le 19 août dernier, nous avons clairement exprimé notre engagement pour une réconciliation nationale sincère et vraie.
Cette étape de notre pays est incontournable et ne peut être passée par pertes et profits. C’est pourquoi l’on doit arrêter d’évoquer la réconciliation nationale exclusivement à des fins de marketing et propagandes politiques.
Au cour des travaux de notre Congrès nous avons également proposé le format qui nous semble le plus approprié pour mener à bien cette réconciliation.
Il ne s’agit plus de commissions comme les précédentes fois dont personne d’ailleurs ne sait aucune conclusion des travaux. Notre préférence : c’est une grande Assemblée représentative de tous les Ivoiriens :
- Les partis politiques
- La société civile
- Tous les corps socio-professionnels y compris les forces militaires.
Cette assemblée que nous pourrions appeler les Assises de la Réconciliation Nationale, doit réunir, tous les Ivoiriens y compris naturellement ceux qui sont actuellement en exil et en prison. On sait désormais que la voie judiciaire s’avère incapable de résoudre la crise post-électorale Ivoirienne. Il est de notoriété que de nombreux acteurs, fortement compromis, sont explicitement exonérés par la justice nationale et internationale.
S’il est vrai que la justice doit être égale pour tous, il faut donc rendre au plus vite, à ceux qui sont en prison ou en procès, leur liberté. Il doit être mis fin à cette justice à double vitesse qui accroit le fossé entre les populations.
Concernant le cas spécifique du Président Laurent GBAGBO, on sait désormais, par des révélations récentes publiées dans la presse, et jamais démenties, qu’il s’est retrouvé dans une cellule de la Haye par un jeu de passe-passe sans aucune démarche et base juridiques. C’est à postériori qu’on a tenté de formaliser sa déportation. Les institutions judiciaires qui ont cautionné cet acte, ainsi que la communauté internationale, pour leur crédibilité, doivent en tirer les conséquences.
Il y a aujourd’hui, dans l’évocation de la réconciliation nationale, quelque chose qui relève un peu du paradoxe. En effet selon diverses études, la quasi-totalité des Ivoiriens sont favorables à la Réconciliation Nationale y compris les gouvernants actuels.
Le Président de la République a lui-même annoncé durant la campagne électorale de 2015, qu’il faisait de “la réconciliation nationale“ la priorité de son dernier mandat. Et plusieurs de ses proches reconnaissent ouvertement que le chantier de la Réconciliation Nationale reste entier.
Les recommandations de la CDVR (Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation) sont toujours au stade du secret d’Etat.
La question qu’on peut se poser maintenant est celle-ci : tous les Ivoiriens veulent la réconciliation nationale, et pourtant on l’attend toujours. Qui donc empêche cette réconciliation, contre l’avis de tous les Ivoiriens. La réponse me semble claire comme de l’eau de roche. L’ennemi de la réconciliation nationale c’est l’absence de volonté politique. Or la volonté politique est incarnée par ceux qui exercent le pouvoir. Cela signifie donc qu’il y a au sommet de notre état, une personne ou un groupe de personnes, qui tout en prêchant la réconciliation du bout des lèvres, n’en pensent pas un piètre mot.
C’est le lieu de rappeler que la journée nationale de la paix que l’on célèbre aujourd’hui en Côte d’Ivoire, est aussi l’occasion de magnifier et rendre hommage au Président HOUPHOUET BOIGNY, premier Président et grand bâtisseur de paix.
C’est le lieu également de s’interroger : HOUPHOUET BOIGNY, dont les gouvernants actuels revendiquent l’héritage, s’il vivait et exerçait dans une côte d’Ivoire, comme celle d’aujourd’hui, disloquée politiquement et socialement, se serait-il croisé les bras et contempler les populations et le pays se déchirer, sans organiser une opportunité afin que le peuple se parle. Tous ceux qui connaissent l’homme ne l’imaginent nullement dans cette posture.
L’idéologie politique d’HOUPHOUET BOIGNY est sans équivoque et se résume essentiellement en deux mots :
- Paix
- Dialogue
Et de son vivant il a exprimé sans ambage sa volonté « Si un jour, disait-il lors d’un de ses discours, je devais vous quitter, ce que je voudrais vous laisser comme bien le plus précieux, c’est la Paix ».
Pour lui la Paix et le Dialogue sont intimement liés.
Il définit le dialogue comme un moyen, un instrument pour l’acquisition, le maintien et la sauvegarde de la paix. Autrement dit le Dialogue doit servir de ferment à la Paix.
Près d’un quart de siècle, après sa mort, certes on entend encore quelques fois l’évocation de la paix. Sans doute beaucoup plus pour rappeler sa mémoire, que pour agir. Quant au dialogue en Côte d’Ivoire, repassez plus tard.
- L’homme a-t-il été compris ?
- A-t-il été entendu ?
- A-t-il été écouté ?
Rien n’est moins sûr.
Toujours est-il que notre pays continue de sombrer avec des populations de plus en plus désemparées en quête de paix, de sécurité, et de mieux être.
Pour terminer, je citerai une phrase d’un de mes amis “HOUPHOUET BOIGNY qui s’est voué toute sa vie, corps et âme, pour la paix, se trouve, aujourd’hui, enterré dans un pays de non paix, ou son corps lui-même, n’est certainement pas en paix.“
Je vous remercie !
……………………………………………………………………………
OUATTARA Gnonzié
Conférencier
D’aucuns peuvent nous rétorquer que vous faites votre travail : On peut le leur concéder.
Mais il ne faut pas oublier que nous sommes en Côte d’Ivoire. Dans notre pays l’environnement de la presse n’est pareil à nulle autre part ailleurs. Personne n’ignore que la plupart de nos journaux ont plus ou moins partie liée avec un parti politique ou avec un militant engagé quelque part.
Même les medias gouvernementaux appelés quelques fois medias d’Etat, qui sont en réalité des medias de service public, n’échappent pas souvent à cette règle Ivoiro-ivoirienne.
La résultante de cet imbroglio, c’est que très souvent vous avez des chefs de partis, aussi bien du pouvoir que de l’opposition, qui mettent en mission des loubards installés dans les journaux et les réseaux sociaux pour démolir, à coup de calomnies, d’insultes et de mensonges, l’image de certaines autres formations politiques ainsi que leurs responsables.
Vous comprenez que nous qui n’avons ni journaux ni le contrôle des medias de service public, nous nous réjouissons chaque fois que vous avez accepté de véhiculer les idées, les opinions et prises de position de notre parti.
Pour en revenir à la conférence de presse de ce matin, il est nécessaire que vous compreniez que ni ce jour 15 novembre, ni le thème choisi ne sont le fruit du hasard.
Il ne vous échappe pas, que notre pays a décrété ce jour 15 novembre, journée nationale de la paix, depuis 1996.
Animateur d’un parti qui a fait de la paix une de ses préoccupations essentielles, il nous est apparu nécessaire et opportun de mettre à profit cette journée pour vous exposer nos propositions relativement à la Paix, à la Cohésion Sociale et à la Réconciliation Nationale, qui constituent aujourd’hui de sérieux défis pour notre pays.
Pour nous, le RPP, la Paix aujourd’hui en Côte d’Ivoire, se décline essentiellement en trois (3) points:
1- La sécurité
2- Les dispositions pour des élections libres, transparentes et crédibles en 2020
3- La réconciliation nationale
Avant de développer ses trois parties, je voudrais relever un fait qui attire aujourd’hui l’attention de tout observateur honnête.
Ce gouvernement aux affaires depuis 2011, a plusieurs soucis, notamment les problèmes de la gouvernance.
Mais ce dont nous voulons parler aujourd’hui et qui semble primordial et indiscutable : le pouvoir actuel fait preuve de grandes insuffisances dans la gestion des crises.
Il suffit d’ouvrir les yeux pour s’en rendre compte. Les crises à répétitions, dans divers secteurs de la vie nationale, sont légions. Le chef de l’Etat lui-même l’a confirmé lorsqu’il a rencontré il y a quelques jours le Président Henri Konan BEDIE.
Dans un environnement, ou un pays, où l’on est incapable de régler la moindre crise, tous les malentendus grossissent, prennent de l’ampleur et deviennent des soucis d’insécurité et d’affrontements.
I- La sécurité
Aujourd’hui, les feux ou signaux rouges qui traduisent l’insécurité ou l’absence de sécurité, se font voir, presque quotidiennement, par ci par là, sur l’ensemble du territoire, dans divers secteurs et sous diverses formes.
Depuis près d’un an, les ivoiriens sont coutumiers des mutineries avec des militaires tirant partout dans les rues. A cela s’ajoutent plusieurs autres phénomènes sociaux qui génèrent beaucoup de violence.
Face à tout cela, le gouvernement n’a qu’un seul leitmotiv : ça va !
Et pourtant sous nos yeux, à nous tous ;
- Ça tire toujours
- Ça menace
- Ça braque
- Ça brule
- Ça violente
- Ça torture
- Et ça tue.
Aussi il ne serait pas exagéré d’affirmer que nous vivons les pires moments d’insécurité que notre pays ait connus. Et on continue de nous répéter, ça va ! Ça va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Cependant au moment même où nous sommes entrain de vous entretenir, il y a un conflit foncier qui fait rage dans la région de Guiglo, non loin des frontières du Libéria, dans la forêt classée du GOIN-DEBE.
Depuis le début de cette affaire, tous les soirs des communiqués gouvernementaux annoncent l’avènement de règlement définitif.
Et toutes les nuits les violences reprennent de plus belles entre les différentes communautés.
Les conflits fonciers sont devenus si fréquents et réguliers, avec leurs cortèges de violences, qu’on se demande quelque fois s’il y a encore un pilote dans le cockpit.
Malheureusement dans ce domaine les affrontements les plus graves sont aussi les plus absurdes. Ils sont absurdes parce qu’ils relèvent de la responsabilité directe de l’Etat. Il ne nous échappe pas que les conflits fonciers qui engendrent les plus grands nombres de victimes ont lieu dans des forêts classées.
Autrement dit des superficies qui appartiennent à l’Etat. Celui-ci devrait en avoir par conséquent le contrôle et la maitrise.
Aux problèmes du foncier, il ne faut pas perdre de vue ceux qui relèvent de l’exploitation artisanale des mines qui prennent aussi des proportions inquiétantes sur tout le territoire. Et notamment à l’ouest et au nord.
Le foncier et l’exploitation anarchiques des mines présentent des dysfonctionnements graves que personne n’ignore en Côte d’Ivoire.
Et pourtant tout se passe comme des choses ordinaires. Il n’est pas besoin d’être un devin, pour savoir que les prochaines grandes guerres en Côte d’Ivoire naitront indubitablement de ces 2 secteurs.
La sécurité n’est pas une idée philosophique pour faire des débats. C’est du concret c’est du réel.
On est en sécurité où on ne l’est pas.
On est en paix ou on ne l’est pas.
Comme dirait le Premier Ministre Charles Konan BANNY, le calme ce n’est pas la paix.
Aujourd’hui, dans ce pays, qui peut raisonnablement affirmer, avec certitude qu’il est en sécurité ?
Qui peut prendre le pari de dire qu’en sortant le matin de sa résidence, il peut en revenir le soir sans le moindre incident.
J’ai entendu sur les ondes, un général, il me semble que c’est le chef d’Etat-major des armées, dire que notre sécurité était précaire. C’est le moins qu’on puisse dire !
Une des preuves, c’est que tous ceux qui nous gouvernent ou détiennent des postes de responsabilité, ont doublé voir triplé leur cordon ou leur équipe de sécurité.
Le Pape Paul VI, disait déjà en son temps, que le deuxième nom du développement c’est la Paix. Autrement dit, si comme je l’imagine, nous souhaitons tous, le développement de notre pays, ce que le gouvernement actuel appelle émergence, il nous faut ensemble œuvrer pour la paix.
La Paix s’obtient dans une nation, à partir de l’attention que l’on porte à un certain nombre de secteurs et d’activités de la vie nationale.
J’en ai cité tout à l’heure.
Mais parmi les facteurs confligènes sur notre continent, on ne peut pas ne pas mettre en évidence l’organisation des élections.
La Côte d’Ivoire, elle-même, vit encore dans des proportions très fortes les soubresauts de la crise post-électorale de 2010.
II- L’organisation des Elections de 2020
Les élections de 2020 peuvent apparaitre aux yeux de certains comme encore très lointaines. Mais eu égard aux enjeux cruciaux qu’elles représentent, on le voit d’ailleurs par le bouillonnement de la classe politique. Elles sont déjà à nos portes. Les élections de 2020, c’est donc aujourd’hui et dès maintenant qu’il faut se mettre à la tâche.
Nous sommes préoccupés par 3 points essentiels :
- Le cadre électoral,
- Le découpage électoral,
- Le mode du scrutin aux législatives
- Et la sécurisation des élections.
II-1 Le cadre électoral
Nous sommes partisans d’un cadre électoral consensuel à même de faire preuve de transparence et bénéficier de la confiance de tous. Comme le recommande d’ailleurs la Commission Africaine des Droits de l’Homme au gouvernement ivoirien.
À nos yeux, la recomposition de la commission électorale est un impératif vital. Nous sommes d’avis que la CEI soit composée exclusivement des partis politiques et de la société civile. Les représentants du gouvernement, des services institutionnels et administratifs font double emploi avec les partis politiques au pouvoir auprès desquels ils font d’ailleurs office de soutien. Cette présence dénature l’égalité de représentativité et jette le discrédit sur les décisions de la commission.
II-2 Le découpage électoral
Le principe du découpage des circonscriptions électorales est un sujet qui dépasse les frontières et les clivages des partis politiques. La quasi-totalité des formations politiques sont unanimes à reconnaître que l’actuel découpage est injuste et inégalitaire. Le gouvernement doit donc faire preuve de fair-play en réajustant le découpage pour les élections à venir.
II-3 Le mode de scrutin
Le RPP propose pour les élections législatives, comme au municipal, un mode de scrutin proportionnel. Ce scrutin est à notre sens celui qui peut faire en sorte que les élus reflètent équitablement la diversité des opinions des électeurs. La proportionnelle nous apparaît plus juste et plus démocratique, et confère une représentation fidèle du corps électoral.
Lorsque nous prenons l’exemple, avec le mode majoritaire actuel, quand une liste de candidats obtient 52% contre 48% pour la liste adverse, la première liste est déclarée vainqueure dans toute sa composante. Alors que celle ayant eu 48% est vaincue et n’obtient rien. En clair, 48% de la population se sont exprimés pour rien.
Le RPP qui est en faveur d’une véritable démocratie et souhaite que la République soit légitimement au service des « biens communs » estime qu’il est nécessaire que tous les citoyens se sentent concernés par la vie politique et donc que leur vote ne serve pas à rien.
Seul le mode proportionnel permettra d’y répondre. Le Parlement se doit de représenter toute la cité. Et non seulement quelques groupuscules.
Enfin pour couronner tout cela, il faut une sécurisation maximale du scrutin.
II-4 La sécurisation du scrutin
Actuellement une affaire de stock d’armes détenu par un citoyen de Bouaké est pendante devant les tribunaux. Et des personnes bien averties nous apprennent qu’en raison de l’échec du DDR, beaucoup d’armes sont dans la nature.
Cela se traduirait par une dissémination sur l’ensemble du territoire de plusieurs autres caches ou dépôt d’armes.
Il n’est donc pas exclu que les échéances de 2020, soient un bis repetita de 2010.
C’est pourquoi il est souhaitable qu’avant les prochaines élections, un ratissage, à grande échelle, soit mis en œuvre sur l’ensemble du territoire avec des spécialistes très pointus dans la recherche des armements.
III- La réconciliation nationale et la cohésion sociale
Lors de notre 2ème Congrès Ordinaire tenue le 19 août dernier, nous avons clairement exprimé notre engagement pour une réconciliation nationale sincère et vraie.
Cette étape de notre pays est incontournable et ne peut être passée par pertes et profits. C’est pourquoi l’on doit arrêter d’évoquer la réconciliation nationale exclusivement à des fins de marketing et propagandes politiques.
Au cour des travaux de notre Congrès nous avons également proposé le format qui nous semble le plus approprié pour mener à bien cette réconciliation.
Il ne s’agit plus de commissions comme les précédentes fois dont personne d’ailleurs ne sait aucune conclusion des travaux. Notre préférence : c’est une grande Assemblée représentative de tous les Ivoiriens :
- Les partis politiques
- La société civile
- Tous les corps socio-professionnels y compris les forces militaires.
Cette assemblée que nous pourrions appeler les Assises de la Réconciliation Nationale, doit réunir, tous les Ivoiriens y compris naturellement ceux qui sont actuellement en exil et en prison. On sait désormais que la voie judiciaire s’avère incapable de résoudre la crise post-électorale Ivoirienne. Il est de notoriété que de nombreux acteurs, fortement compromis, sont explicitement exonérés par la justice nationale et internationale.
S’il est vrai que la justice doit être égale pour tous, il faut donc rendre au plus vite, à ceux qui sont en prison ou en procès, leur liberté. Il doit être mis fin à cette justice à double vitesse qui accroit le fossé entre les populations.
Concernant le cas spécifique du Président Laurent GBAGBO, on sait désormais, par des révélations récentes publiées dans la presse, et jamais démenties, qu’il s’est retrouvé dans une cellule de la Haye par un jeu de passe-passe sans aucune démarche et base juridiques. C’est à postériori qu’on a tenté de formaliser sa déportation. Les institutions judiciaires qui ont cautionné cet acte, ainsi que la communauté internationale, pour leur crédibilité, doivent en tirer les conséquences.
Il y a aujourd’hui, dans l’évocation de la réconciliation nationale, quelque chose qui relève un peu du paradoxe. En effet selon diverses études, la quasi-totalité des Ivoiriens sont favorables à la Réconciliation Nationale y compris les gouvernants actuels.
Le Président de la République a lui-même annoncé durant la campagne électorale de 2015, qu’il faisait de “la réconciliation nationale“ la priorité de son dernier mandat. Et plusieurs de ses proches reconnaissent ouvertement que le chantier de la Réconciliation Nationale reste entier.
Les recommandations de la CDVR (Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation) sont toujours au stade du secret d’Etat.
La question qu’on peut se poser maintenant est celle-ci : tous les Ivoiriens veulent la réconciliation nationale, et pourtant on l’attend toujours. Qui donc empêche cette réconciliation, contre l’avis de tous les Ivoiriens. La réponse me semble claire comme de l’eau de roche. L’ennemi de la réconciliation nationale c’est l’absence de volonté politique. Or la volonté politique est incarnée par ceux qui exercent le pouvoir. Cela signifie donc qu’il y a au sommet de notre état, une personne ou un groupe de personnes, qui tout en prêchant la réconciliation du bout des lèvres, n’en pensent pas un piètre mot.
C’est le lieu de rappeler que la journée nationale de la paix que l’on célèbre aujourd’hui en Côte d’Ivoire, est aussi l’occasion de magnifier et rendre hommage au Président HOUPHOUET BOIGNY, premier Président et grand bâtisseur de paix.
C’est le lieu également de s’interroger : HOUPHOUET BOIGNY, dont les gouvernants actuels revendiquent l’héritage, s’il vivait et exerçait dans une côte d’Ivoire, comme celle d’aujourd’hui, disloquée politiquement et socialement, se serait-il croisé les bras et contempler les populations et le pays se déchirer, sans organiser une opportunité afin que le peuple se parle. Tous ceux qui connaissent l’homme ne l’imaginent nullement dans cette posture.
L’idéologie politique d’HOUPHOUET BOIGNY est sans équivoque et se résume essentiellement en deux mots :
- Paix
- Dialogue
Et de son vivant il a exprimé sans ambage sa volonté « Si un jour, disait-il lors d’un de ses discours, je devais vous quitter, ce que je voudrais vous laisser comme bien le plus précieux, c’est la Paix ».
Pour lui la Paix et le Dialogue sont intimement liés.
Il définit le dialogue comme un moyen, un instrument pour l’acquisition, le maintien et la sauvegarde de la paix. Autrement dit le Dialogue doit servir de ferment à la Paix.
Près d’un quart de siècle, après sa mort, certes on entend encore quelques fois l’évocation de la paix. Sans doute beaucoup plus pour rappeler sa mémoire, que pour agir. Quant au dialogue en Côte d’Ivoire, repassez plus tard.
- L’homme a-t-il été compris ?
- A-t-il été entendu ?
- A-t-il été écouté ?
Rien n’est moins sûr.
Toujours est-il que notre pays continue de sombrer avec des populations de plus en plus désemparées en quête de paix, de sécurité, et de mieux être.
Pour terminer, je citerai une phrase d’un de mes amis “HOUPHOUET BOIGNY qui s’est voué toute sa vie, corps et âme, pour la paix, se trouve, aujourd’hui, enterré dans un pays de non paix, ou son corps lui-même, n’est certainement pas en paix.“
Je vous remercie !
……………………………………………………………………………
OUATTARA Gnonzié
Conférencier