Les acquis sont indéniables, mais il reste encore de nombreux défis à relever sur la route de l’émergence. L’échéance 2020 est-elle tenable ?
Deux petites années et nous y sommes. Eh oui, 2020 est si proche… Une date qui rime avec émergence en Côte d’Ivoire. Chaque année qui s’écoule a ses réalités et 2017 a été difficile, de l’avis des observateurs. Grève généralisée dans la fonction publique, soulèvement des hommes en armes, blocage de l’activité économique. L’image du pays est à nouveau ternie. La méfiance s’empare des opérateurs économiques et autres investisseurs, tant nationaux qu’étrangers, là où la confiance avait été complètement rétablie. C’est ce tableau sombre que présentait la Côte d’Ivoire au premier trimestre 2017. Et dire que le feu couve toujours ! Dès lors, l’on se demande si l’émergence tant prônée est bien sur les rails. Écoutons plutôt les bailleurs de fonds : «La Côte d’Ivoire est un “pays pré-émergent”», souligne le FMI, s’appuyant sur les performances économiques, et surtout la croissance du PIB de 9% en moyenne annuelle enregistré depuis 2012. Un taux de croissance envié au niveau de la sous-région.
Pays pré-émergent
Le FMI est clair. L’institution parle de pays «pré-émergent». Il faudra donc poursuivre les efforts afin d’atteindre l’émergence effective. Les piliers doivent rester solides. Mais en la matière, le constat ne milite pas en faveur de l’optimisme. Principal socle du développement, l’agriculture, et singulièrement le cacao, donne un goût amer. L’or brun se porte mal, très mal même. Les cours sur le marché international ont dégringolé. Une chute de 40%. Le prix bord champ au producteur est en baisse, affichant 700 FCFA/kg la campagne de commercialisation 2017-2018, contre 1.100 FCFA la campagne principale précédente. Une situation qui serait due à une surproduction sur le marché mondial, venant surtout de la Côte d’Ivoire et du Ghana, respectivement premier et deuxième producteur mondial. Outre les producteurs, l’État en pâtit aussi amèrement. En effet, la Côte d’Ivoire a été contrainte de revoir son budget 2017 à la baisse, ramené de 6.501 milliards FCFA à 6.447 milliards FCFA, soit une baisse de 9%. Toutefois, le pays peut se consoler avec le transfert, mi-2017, du siège de l’Icco (Organisation internationale du cacao) de Londres à Abidjan, même si cette institution ne vient pas plaider pour faire remonter les cours. Ce n’est pas son rôle.
Le moteur s’assèche
L’émergence a aussi besoin de carburant pour faire tourner son moteur. Mais le pétrole – deuxième produit d’exportation de la Côte d’Ivoire après le cacao – qui doit jouer ce rôle, coule de moins en moins. Tenez ! Sur la période allant du 1er janvier au 30 septembre 2017, la production de pétrole brut s’est établie à 9.448.384 barils, soit 34.609 barils par jour. Elle a enregistré une baisse de 22,42% par rapport aux résultats obtenus à la même période en 2016. Un autre fait marquant qui contrarie les ambitions ivoiriennes, c’est bien le litige maritime qui opposait le Ghana à la Côte d’Ivoire depuis plusieurs années. Ce conflit a connu son dénouement, à l’avantage du Ghana. En effet, le Tribunal maritime international du droit de la mer (TIDM), basé à Hambourg, dans le nord de l’Allemagne, a tranché en septembre 2017 en faveur d'Accra. Les deux voisins ouest-africains se disputaient cette zone située à la limite de leurs frontières maritimes, où se trouve une réserve estimée à environ 2 milliards de barils de pétrole. Or la Côte d’Ivoire s’appuyait sur cette réserve pour projeter sa production à 200.000 barils par jour en 2020, et devenir ainsi un grand pays exportateur d’or noir. Hélas !
La route est bien éclairée
Heureusement qu’il y a encore de la lumière pour éclairer la route menant à l’émergence. La production totale d’électricité à fin septembre 2017 s’établit à 7.354,61 Gwh, dont 82,5% sont issus du thermique et 17,5 % de l’hydraulique. En novembre 2017, le chef de l’État a inauguré le gigantesque barrage hydroélectrique de Soubré, dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Ce barrage de quatre kilomètres de long devrait produire 275 mégawatts d’électricité par an avec ses quatre turbines, qui s’ajouteront au réseau actuel de 2.000 mégawatts. Des barrages, des routes, des ponts, mais aussi bientôt le métro d’Abidjan pour faciliter la circulation des personnes et des biens. Lancés en novembre 2017 par le président ivoirien Alassane Ouattara et son homologue français Emmanuel Macron, les travaux de la ligne 1 du métro d’Abidjan sont financés à 100% par la France à hauteur de 1,4 milliard d’euros. Le premier tronçon de 37,5 kilomètres reliera la commune d’Anyama, au nord à Port-Bouët, dans le sud d’Abidjan, en 50 minutes, s’arrêtant à 20 stations. Il sera opérationnel en 2022.
Repositionnement sur la scène internationale
L’offensive diplomatique est une réussite. En septembre 2017, lors de la 72e assemblée générale de l’ONU, la Côte d’Ivoire a été élue membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2018-2019. Un statut qui va lui permettre de partager avec le monde entier son expérience de pays sorti de conflit, tout en lui conférant une aura internationale. Le pays y siégera ainsi pour la troisième fois de son histoire après 1964-1965 et 1990-1991. Le sommet Union africaine-Union européenne, qui a réuni en novembre plus de 80 chefs d’État africains et européens en terre ivoirienne, s'est aussi révélé un succès diplomatique. Autant d’acquis qui repositionnent la Côte d’Ivoire sur la scène internationale. Et nous ne pouvons passer sous silence la 52e session ordinaire des chefs d’État de la Cedeao, organisée à Abuja, au Nigeria, en décembre 2017, qui a vu la désignation du nouveau président de la Commission de cette structure destinée à coordonner les actions des pays de l’Afrique de l'Ouest, à savoir l’Ivoirien Jean-Claude Brou, ministre de l’Industrie et des Mines.
De l'importance du système éducatif
Des compétences reconnues comme celles du ministre Jean-Claude Brou, la Côte d’Ivoire doit en produire davantage afin de conduire efficacement son émergence et l’inscrire dans la pérennité. La Banque mondiale le dit en d’autres termes dans son rapport sur la situation économique du pays, rendu public en février 2017 à Abidjan. L’Institution financière de Breton Woods indique que les autorités ivoiriennes doivent maintenant relever un autre défi majeur après celui de la croissance économique, invitant l’État à renforcer le capital humain en améliorant le système éducatif et la qualité de la dépense publique allouée à ce secteur stratégique. La Banque mondiale pointe la faible performance des élèves ivoiriens par rapport à la moyenne africaine, a fortiori en comparaison avec les pays émergents. Les défis ont aussi pour noms croissance inclusive, lutte contre le taux de pauvreté, toujours élevé à 47%, etc. Plus que jamais, tous les regards sont rivés vers 2020.
Moayé DIDINE
Deux petites années et nous y sommes. Eh oui, 2020 est si proche… Une date qui rime avec émergence en Côte d’Ivoire. Chaque année qui s’écoule a ses réalités et 2017 a été difficile, de l’avis des observateurs. Grève généralisée dans la fonction publique, soulèvement des hommes en armes, blocage de l’activité économique. L’image du pays est à nouveau ternie. La méfiance s’empare des opérateurs économiques et autres investisseurs, tant nationaux qu’étrangers, là où la confiance avait été complètement rétablie. C’est ce tableau sombre que présentait la Côte d’Ivoire au premier trimestre 2017. Et dire que le feu couve toujours ! Dès lors, l’on se demande si l’émergence tant prônée est bien sur les rails. Écoutons plutôt les bailleurs de fonds : «La Côte d’Ivoire est un “pays pré-émergent”», souligne le FMI, s’appuyant sur les performances économiques, et surtout la croissance du PIB de 9% en moyenne annuelle enregistré depuis 2012. Un taux de croissance envié au niveau de la sous-région.
Pays pré-émergent
Le FMI est clair. L’institution parle de pays «pré-émergent». Il faudra donc poursuivre les efforts afin d’atteindre l’émergence effective. Les piliers doivent rester solides. Mais en la matière, le constat ne milite pas en faveur de l’optimisme. Principal socle du développement, l’agriculture, et singulièrement le cacao, donne un goût amer. L’or brun se porte mal, très mal même. Les cours sur le marché international ont dégringolé. Une chute de 40%. Le prix bord champ au producteur est en baisse, affichant 700 FCFA/kg la campagne de commercialisation 2017-2018, contre 1.100 FCFA la campagne principale précédente. Une situation qui serait due à une surproduction sur le marché mondial, venant surtout de la Côte d’Ivoire et du Ghana, respectivement premier et deuxième producteur mondial. Outre les producteurs, l’État en pâtit aussi amèrement. En effet, la Côte d’Ivoire a été contrainte de revoir son budget 2017 à la baisse, ramené de 6.501 milliards FCFA à 6.447 milliards FCFA, soit une baisse de 9%. Toutefois, le pays peut se consoler avec le transfert, mi-2017, du siège de l’Icco (Organisation internationale du cacao) de Londres à Abidjan, même si cette institution ne vient pas plaider pour faire remonter les cours. Ce n’est pas son rôle.
Le moteur s’assèche
L’émergence a aussi besoin de carburant pour faire tourner son moteur. Mais le pétrole – deuxième produit d’exportation de la Côte d’Ivoire après le cacao – qui doit jouer ce rôle, coule de moins en moins. Tenez ! Sur la période allant du 1er janvier au 30 septembre 2017, la production de pétrole brut s’est établie à 9.448.384 barils, soit 34.609 barils par jour. Elle a enregistré une baisse de 22,42% par rapport aux résultats obtenus à la même période en 2016. Un autre fait marquant qui contrarie les ambitions ivoiriennes, c’est bien le litige maritime qui opposait le Ghana à la Côte d’Ivoire depuis plusieurs années. Ce conflit a connu son dénouement, à l’avantage du Ghana. En effet, le Tribunal maritime international du droit de la mer (TIDM), basé à Hambourg, dans le nord de l’Allemagne, a tranché en septembre 2017 en faveur d'Accra. Les deux voisins ouest-africains se disputaient cette zone située à la limite de leurs frontières maritimes, où se trouve une réserve estimée à environ 2 milliards de barils de pétrole. Or la Côte d’Ivoire s’appuyait sur cette réserve pour projeter sa production à 200.000 barils par jour en 2020, et devenir ainsi un grand pays exportateur d’or noir. Hélas !
La route est bien éclairée
Heureusement qu’il y a encore de la lumière pour éclairer la route menant à l’émergence. La production totale d’électricité à fin septembre 2017 s’établit à 7.354,61 Gwh, dont 82,5% sont issus du thermique et 17,5 % de l’hydraulique. En novembre 2017, le chef de l’État a inauguré le gigantesque barrage hydroélectrique de Soubré, dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Ce barrage de quatre kilomètres de long devrait produire 275 mégawatts d’électricité par an avec ses quatre turbines, qui s’ajouteront au réseau actuel de 2.000 mégawatts. Des barrages, des routes, des ponts, mais aussi bientôt le métro d’Abidjan pour faciliter la circulation des personnes et des biens. Lancés en novembre 2017 par le président ivoirien Alassane Ouattara et son homologue français Emmanuel Macron, les travaux de la ligne 1 du métro d’Abidjan sont financés à 100% par la France à hauteur de 1,4 milliard d’euros. Le premier tronçon de 37,5 kilomètres reliera la commune d’Anyama, au nord à Port-Bouët, dans le sud d’Abidjan, en 50 minutes, s’arrêtant à 20 stations. Il sera opérationnel en 2022.
Repositionnement sur la scène internationale
L’offensive diplomatique est une réussite. En septembre 2017, lors de la 72e assemblée générale de l’ONU, la Côte d’Ivoire a été élue membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2018-2019. Un statut qui va lui permettre de partager avec le monde entier son expérience de pays sorti de conflit, tout en lui conférant une aura internationale. Le pays y siégera ainsi pour la troisième fois de son histoire après 1964-1965 et 1990-1991. Le sommet Union africaine-Union européenne, qui a réuni en novembre plus de 80 chefs d’État africains et européens en terre ivoirienne, s'est aussi révélé un succès diplomatique. Autant d’acquis qui repositionnent la Côte d’Ivoire sur la scène internationale. Et nous ne pouvons passer sous silence la 52e session ordinaire des chefs d’État de la Cedeao, organisée à Abuja, au Nigeria, en décembre 2017, qui a vu la désignation du nouveau président de la Commission de cette structure destinée à coordonner les actions des pays de l’Afrique de l'Ouest, à savoir l’Ivoirien Jean-Claude Brou, ministre de l’Industrie et des Mines.
De l'importance du système éducatif
Des compétences reconnues comme celles du ministre Jean-Claude Brou, la Côte d’Ivoire doit en produire davantage afin de conduire efficacement son émergence et l’inscrire dans la pérennité. La Banque mondiale le dit en d’autres termes dans son rapport sur la situation économique du pays, rendu public en février 2017 à Abidjan. L’Institution financière de Breton Woods indique que les autorités ivoiriennes doivent maintenant relever un autre défi majeur après celui de la croissance économique, invitant l’État à renforcer le capital humain en améliorant le système éducatif et la qualité de la dépense publique allouée à ce secteur stratégique. La Banque mondiale pointe la faible performance des élèves ivoiriens par rapport à la moyenne africaine, a fortiori en comparaison avec les pays émergents. Les défis ont aussi pour noms croissance inclusive, lutte contre le taux de pauvreté, toujours élevé à 47%, etc. Plus que jamais, tous les regards sont rivés vers 2020.
Moayé DIDINE