Docteur Amané Célestin DAGO est Administrateur Principal des services financiers à la Direction Générale des Impôts de Côte d’Ivoire.
Dans son ouvrage « La justice et la répartition fiscale dans l’économie politique de John RAWLS : actualisation d’une préoccupation en Afrique », il propose un changement de paradigme du système de la fiscalité à travers la philosophie politique normative et l’éthique économique appliquée du philosophe américain John Rawls, en introduisant une part de volontariat dans l’accomplissement de l’obligation fiscale, afin de changer le rapport du contribuable à l’Etat.
« La justice et la répartition fiscale dans l’économie politique de John RAWLS : actualisation d’une préoccupation en Afrique ». Tel est le titre de votre ouvrage qui vient de paraître. Pourquoi, avez-vous écrit ce livre alors qu’au commencement vous êtes philosophe ?
Merci pour l’opportunité que vous m’offrez pour présenter mon livre qui vient de paraître en France aux Editions Amalthée depuis le 22 novembre 2017 et qui porte effectivement sur « la justice et la répartition fiscale dans l’économie politique de John Rawls : actualisation d’une préoccupation en Afrique ».
Le livre est disponible sur plusieurs bases de données afin que les libraires et les lecteurs puissent le commander en ligne. Il existe deux bases de données pour les libraires à savoir Electre et Dilicom. Il existe également à la Fnac et à Amazon.
A la question pourquoi avoir écrit ce livre alors qu’au commencement noussommes philosophe.
Il faut rappeler que la thématique de l’ouvrage porte sur la philosophie politique normative et l’éthique économique appliquée.
La philosophie politique normative et l’éthique économique ont pour caractéristique l’utilisation des outils de la science économique, l’utilisation de la psychologie et de la sociologie rationnelle.
Cette philosophie est l’expression de la volonté d’afficher une clarté dans le discours et s’inscrire dans les débats académiques précis, comme ceux concernant la définition de la justice, de l’égalité et de l’équité.
Dans votre ouvrage, vous parlez d’équité fiscale. Est-ce possible quand on a le sentiment que c’est la classe moyenne et souvent les plus démunis qui sont asphyxiés par les impôts ?
Dans notre ouvrage nous parlons d’équité fiscale parce que l’approche philosophique de John Rawls s’inscrit explicitement dans l’héritage historique des théoriciens du contrat social. La seule différence entre lui et les autres, c’est qu’il propose une théorie directement normative des institutions justes. Les règles sociales selon Rawls, devraient être celles que les individus libres et égaux choisissent de se donner.
En effet, une loi ne peut violer cette liberté et égalité sous prétexte qu’elle contribuerait au bien être de la collectivité. La justice comme équité est déterminée par la manière d’arriver à une décision sur la répartition des biens. Ainsi, le non respect de la justice et de l’équité dans la répartition des biens fiscaux crée des dysfonctionnements sur le plan socioéconomique, lesquels dysfonctionnements enlèvent à la fiscalité son caractère d’outil de gestion de politique économique.
En outre, si la fiscalité est utilisée uniquement comme objectif de prélèvement, elle favorise la pression fiscale qui au lieu d’optimiser le rendement de l’impôt, conduit inévitablement au dépérissement de l’assiette fiscale et alourdit le contentieux de l’impôt. C’est pourquoi, en matière fiscale, Rawls milite pour une inégalité fiscale qui permet aux entreprises de payer moins d’impôts à condition que l’activité économique qu’elles génèrent, accroisse les ressources disponibles qui doivent améliorer les programmes économiques et sociaux visant spécifiquement les moins biens lotis ou les plus défavorisés.
Votre idée d’amener le contribuable à payer l’impôt en souriant ne semble t-elle pas utopique ?
La notion du paiement de l’impôt « en souriant » signifie tout simplement que les politiques de choix publics doivent inscrire le citoyen-contribuable au cœur du système fiscal en introduisant une part de volontariat dans l’accomplissement de l’obligation fiscale afin de changer le rapport du contribuable à l’Etat.
Notre ouvrage vu sous cet angle est un appel aux pouvoirs publics pour amener le contribuable par le biais de la sensibilisation et de l’éducation à payer l’impôt de façon spontanée et volontaire. L’acte volontaire s’entend comme la réponse à la justice et à l’équité fiscale dans la redistribution économique et sociale des richesses nationales. Cette nouvelle vision de la fiscalité est d’obédience anglo-saxonne et s’oppose à la conception francophone fondée sur les principes canoniques de Gaston JEZE pour qui, l’impôt est une prestation pécuniaire sans contrepartie directe.
Quel rapport établissez-vous entre la fiscalité et la bonne gouvernance ?
La fiscalité dans un Etat bien ordonné dans l’acception rawlsienne est le fondement de la bonne gouvernance. Le rapport qui existe entre la fiscalité et la bonne gouvernance, c’est le même rapport qui y a entre l’impôt et la philosophie. En effet, de prime abord, l’impôt est censé relever de questions d’argent, des choses « bassement matérielles » alors que la philosophie prend sa source dans les choses de l’esprit et de la noblesse de l’âme humaine. En outre, le fait que toute chose est sujette à réflexion, tous les systèmes politiques, économiques, sociaux et même culturels se fondent sur une approche philosophique de l’existence.
La fiscalité en permettant de prélever les ressources financières des personnes, touche au cœur de leurs intérêts matériels. L’égalité et la justice se « se fiscalisent » donc pour devenir l’égalité devant l’impôt. Ainsi, ceux qui pensent que l’impôt est une atteinte à la liberté de disposer de leurs biens y sont peu réceptifs et les détracteurs de l’impôt se recrutent en grand nombre parmi les libéraux et les ultralibéraux.
Les plus extrémistes parmi eux, le considèrent comme un vol d’Etat, oubliant quelque peu que cette propriété dont ils se prévalent est elle-même considérée par certains comme le fruit d’un vol. Le philosophe PROUHON ne disait-il pas que la propriété c’est le vol ? En clair, c’est l’histoire du voleur volé.
Cependant, ceux qui considèrent que l’impôt est une nécessité pour booster les inégalités économiques et sociales par l’interventionnisme approprié de l’Etat, sont pour la plupart parmi les keynésiens, les sociaux démocrates et les socialistes.
En somme, cet ouvrage a rendu « palpable la jonction entre la philosophie et l’économie ; l’économie sous l’angle de la fiscalité ».
Parlant de la Côte d’Ivoire, les organisations socioprofessionnelles et les entreprises privées ne semblent pas apprécier l’annexe fiscale 2018. Quelle sont vos impressions ?
Le présent ouvrage est une reprise et reformulation de ma thèse de philosophie politique normative et d’éthique économique appliquée intitulé : « La justice et la répartition fiscale dans la philosophie de John RAWLS : Le cas de la Côte d’Ivoire ».
Le système fiscal ivoirien à l’instar des systèmes modernes est basé sur un certain nombre de principes fondamentaux. Il s’agit du principe de la légalité, du principe de l’égalité, du respect des droits et garanties reconnus aux contribuables. Depuis un certain temps, le système s’est amélioré et s’est modernisé mais la mise en œuvre et son application ont entraîné quelques critiques de la part de certains opérateurs économiques et qui participe au jeu démocratique.
S’agissant de l’annexe fiscale, la concertation en Côte d’Ivoire présente trois caractéristiques. Elle est certes très peu formalisée et souvent officieuse, mais il faut préciser ces concertations se déroulent sous l’égide du Cabinet du Ministre chargé du budget et de l’économie et des finances ou de la Direction de la Législation, du Contentieux et de la Documentation après accord du Cabinet.
Cette concertation associe souvent les organisations socioprofessionnelles, la chambre de commerce et d’industrie, les ordres professionnels que sont les experts- comptables.
En résumé, la concertation autour de l’annexe fiscale est fondée sur la décision d’autorité après des consultations, ce qui affaiblit souvent le consentement à l’impôt car l’intervention du législateur dans le cheminement de la norme fiscale n’est pas pleinement satisfaisant parce que la capacité d’initiative du parlement est restreinte pour des raisons techniques.
Ce livre à vous entendre devrait servir de boussole aux décideurs et acteurs du secteur de la fiscalité ?
Comme je le disais tantôt cette publication est le résultat de quatre années réflexion intense sur des questions de la justice sociale. C’est le produit d’une thèse de doctorat unique en philosophie politique normative et en éthique économique appliquée qui a été sanctionnée par la mention très honorable à l’unanimité du jury.
Je pense que s’il existe un champ de la philosophie qui a connu un essor dans les pays anglo-saxons et qui demeure encore peu connu dans les pays francophones, c’est bien la philosophie économique qui n’est pas une épistémologie des sciences économiques mais une approche des problèmes économiques et sociaux.
Cet ouvrage est une invite aux institutions académiques, aux chercheurs, aux étudiants, au monde professionnel, aux opérateurs économiques et aux administrations publiques à repenser l’impôt à partir d’une réflexion sur les cadres normatifs et institutionnels de la fiscalité, les techniques fiscales et les discours de légitimation de l’impôt. C’est enfin une invitation au paiement de l’impôt par le volontariat.
Par R. K.
Dans son ouvrage « La justice et la répartition fiscale dans l’économie politique de John RAWLS : actualisation d’une préoccupation en Afrique », il propose un changement de paradigme du système de la fiscalité à travers la philosophie politique normative et l’éthique économique appliquée du philosophe américain John Rawls, en introduisant une part de volontariat dans l’accomplissement de l’obligation fiscale, afin de changer le rapport du contribuable à l’Etat.
« La justice et la répartition fiscale dans l’économie politique de John RAWLS : actualisation d’une préoccupation en Afrique ». Tel est le titre de votre ouvrage qui vient de paraître. Pourquoi, avez-vous écrit ce livre alors qu’au commencement vous êtes philosophe ?
Merci pour l’opportunité que vous m’offrez pour présenter mon livre qui vient de paraître en France aux Editions Amalthée depuis le 22 novembre 2017 et qui porte effectivement sur « la justice et la répartition fiscale dans l’économie politique de John Rawls : actualisation d’une préoccupation en Afrique ».
Le livre est disponible sur plusieurs bases de données afin que les libraires et les lecteurs puissent le commander en ligne. Il existe deux bases de données pour les libraires à savoir Electre et Dilicom. Il existe également à la Fnac et à Amazon.
A la question pourquoi avoir écrit ce livre alors qu’au commencement noussommes philosophe.
Il faut rappeler que la thématique de l’ouvrage porte sur la philosophie politique normative et l’éthique économique appliquée.
La philosophie politique normative et l’éthique économique ont pour caractéristique l’utilisation des outils de la science économique, l’utilisation de la psychologie et de la sociologie rationnelle.
Cette philosophie est l’expression de la volonté d’afficher une clarté dans le discours et s’inscrire dans les débats académiques précis, comme ceux concernant la définition de la justice, de l’égalité et de l’équité.
Dans votre ouvrage, vous parlez d’équité fiscale. Est-ce possible quand on a le sentiment que c’est la classe moyenne et souvent les plus démunis qui sont asphyxiés par les impôts ?
Dans notre ouvrage nous parlons d’équité fiscale parce que l’approche philosophique de John Rawls s’inscrit explicitement dans l’héritage historique des théoriciens du contrat social. La seule différence entre lui et les autres, c’est qu’il propose une théorie directement normative des institutions justes. Les règles sociales selon Rawls, devraient être celles que les individus libres et égaux choisissent de se donner.
En effet, une loi ne peut violer cette liberté et égalité sous prétexte qu’elle contribuerait au bien être de la collectivité. La justice comme équité est déterminée par la manière d’arriver à une décision sur la répartition des biens. Ainsi, le non respect de la justice et de l’équité dans la répartition des biens fiscaux crée des dysfonctionnements sur le plan socioéconomique, lesquels dysfonctionnements enlèvent à la fiscalité son caractère d’outil de gestion de politique économique.
En outre, si la fiscalité est utilisée uniquement comme objectif de prélèvement, elle favorise la pression fiscale qui au lieu d’optimiser le rendement de l’impôt, conduit inévitablement au dépérissement de l’assiette fiscale et alourdit le contentieux de l’impôt. C’est pourquoi, en matière fiscale, Rawls milite pour une inégalité fiscale qui permet aux entreprises de payer moins d’impôts à condition que l’activité économique qu’elles génèrent, accroisse les ressources disponibles qui doivent améliorer les programmes économiques et sociaux visant spécifiquement les moins biens lotis ou les plus défavorisés.
Votre idée d’amener le contribuable à payer l’impôt en souriant ne semble t-elle pas utopique ?
La notion du paiement de l’impôt « en souriant » signifie tout simplement que les politiques de choix publics doivent inscrire le citoyen-contribuable au cœur du système fiscal en introduisant une part de volontariat dans l’accomplissement de l’obligation fiscale afin de changer le rapport du contribuable à l’Etat.
Notre ouvrage vu sous cet angle est un appel aux pouvoirs publics pour amener le contribuable par le biais de la sensibilisation et de l’éducation à payer l’impôt de façon spontanée et volontaire. L’acte volontaire s’entend comme la réponse à la justice et à l’équité fiscale dans la redistribution économique et sociale des richesses nationales. Cette nouvelle vision de la fiscalité est d’obédience anglo-saxonne et s’oppose à la conception francophone fondée sur les principes canoniques de Gaston JEZE pour qui, l’impôt est une prestation pécuniaire sans contrepartie directe.
Quel rapport établissez-vous entre la fiscalité et la bonne gouvernance ?
La fiscalité dans un Etat bien ordonné dans l’acception rawlsienne est le fondement de la bonne gouvernance. Le rapport qui existe entre la fiscalité et la bonne gouvernance, c’est le même rapport qui y a entre l’impôt et la philosophie. En effet, de prime abord, l’impôt est censé relever de questions d’argent, des choses « bassement matérielles » alors que la philosophie prend sa source dans les choses de l’esprit et de la noblesse de l’âme humaine. En outre, le fait que toute chose est sujette à réflexion, tous les systèmes politiques, économiques, sociaux et même culturels se fondent sur une approche philosophique de l’existence.
La fiscalité en permettant de prélever les ressources financières des personnes, touche au cœur de leurs intérêts matériels. L’égalité et la justice se « se fiscalisent » donc pour devenir l’égalité devant l’impôt. Ainsi, ceux qui pensent que l’impôt est une atteinte à la liberté de disposer de leurs biens y sont peu réceptifs et les détracteurs de l’impôt se recrutent en grand nombre parmi les libéraux et les ultralibéraux.
Les plus extrémistes parmi eux, le considèrent comme un vol d’Etat, oubliant quelque peu que cette propriété dont ils se prévalent est elle-même considérée par certains comme le fruit d’un vol. Le philosophe PROUHON ne disait-il pas que la propriété c’est le vol ? En clair, c’est l’histoire du voleur volé.
Cependant, ceux qui considèrent que l’impôt est une nécessité pour booster les inégalités économiques et sociales par l’interventionnisme approprié de l’Etat, sont pour la plupart parmi les keynésiens, les sociaux démocrates et les socialistes.
En somme, cet ouvrage a rendu « palpable la jonction entre la philosophie et l’économie ; l’économie sous l’angle de la fiscalité ».
Parlant de la Côte d’Ivoire, les organisations socioprofessionnelles et les entreprises privées ne semblent pas apprécier l’annexe fiscale 2018. Quelle sont vos impressions ?
Le présent ouvrage est une reprise et reformulation de ma thèse de philosophie politique normative et d’éthique économique appliquée intitulé : « La justice et la répartition fiscale dans la philosophie de John RAWLS : Le cas de la Côte d’Ivoire ».
Le système fiscal ivoirien à l’instar des systèmes modernes est basé sur un certain nombre de principes fondamentaux. Il s’agit du principe de la légalité, du principe de l’égalité, du respect des droits et garanties reconnus aux contribuables. Depuis un certain temps, le système s’est amélioré et s’est modernisé mais la mise en œuvre et son application ont entraîné quelques critiques de la part de certains opérateurs économiques et qui participe au jeu démocratique.
S’agissant de l’annexe fiscale, la concertation en Côte d’Ivoire présente trois caractéristiques. Elle est certes très peu formalisée et souvent officieuse, mais il faut préciser ces concertations se déroulent sous l’égide du Cabinet du Ministre chargé du budget et de l’économie et des finances ou de la Direction de la Législation, du Contentieux et de la Documentation après accord du Cabinet.
Cette concertation associe souvent les organisations socioprofessionnelles, la chambre de commerce et d’industrie, les ordres professionnels que sont les experts- comptables.
En résumé, la concertation autour de l’annexe fiscale est fondée sur la décision d’autorité après des consultations, ce qui affaiblit souvent le consentement à l’impôt car l’intervention du législateur dans le cheminement de la norme fiscale n’est pas pleinement satisfaisant parce que la capacité d’initiative du parlement est restreinte pour des raisons techniques.
Ce livre à vous entendre devrait servir de boussole aux décideurs et acteurs du secteur de la fiscalité ?
Comme je le disais tantôt cette publication est le résultat de quatre années réflexion intense sur des questions de la justice sociale. C’est le produit d’une thèse de doctorat unique en philosophie politique normative et en éthique économique appliquée qui a été sanctionnée par la mention très honorable à l’unanimité du jury.
Je pense que s’il existe un champ de la philosophie qui a connu un essor dans les pays anglo-saxons et qui demeure encore peu connu dans les pays francophones, c’est bien la philosophie économique qui n’est pas une épistémologie des sciences économiques mais une approche des problèmes économiques et sociaux.
Cet ouvrage est une invite aux institutions académiques, aux chercheurs, aux étudiants, au monde professionnel, aux opérateurs économiques et aux administrations publiques à repenser l’impôt à partir d’une réflexion sur les cadres normatifs et institutionnels de la fiscalité, les techniques fiscales et les discours de légitimation de l’impôt. C’est enfin une invitation au paiement de l’impôt par le volontariat.
Par R. K.